Résolution du Parlement européen du 20 avril 2012 sur la sécurité juridique des investissements européens en dehors de l'Union européenne (2012/2619(RSP))
Le Parlement européen,
– vu l'article 207 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (traité FUE),
– vu sa résolution du 6 avril 2011 sur la future politique européenne en matière d'investissements internationaux(1),
– vu sa résolution du 21 octobre 2010 sur les relations commerciales de l'Union européenne avec l'Amérique latine(2),
– vu sa résolution du 13 décembre 2011 sur les barrières aux échanges et aux investissements(3),
– vu la proposition de règlement de la Commission établissant des dispositions transitoires pour les accords bilatéraux d'investissement conclus entre des États membres et des pays tiers (règlement de protection des droits acquis) (COM(2010)0344),
– vu la communication de la Commission du 7 juillet 2010, intitulée «Vers une politique européenne globale en matière d'investissements internationaux» (COM(2010)0343),
– vu la résolution d'Eurolat du 19 mai 2011 sur les perspectives pour les relations commerciales entre l'Union européenne et l'Amérique latine(4),
– vu la déclaration conjointe de l'OMC du 30 mars 2012 concernant les politiques et les pratiques restrictives de l'Argentine en matière d'importation(5),
– vu les déclarations du G20 à Washington (15 novembre 2008), Londres (2 avril 2009), Pittsburgh (25 septembre 2009), Toronto (26 juin 2010), Séoul (12 novembre 2010) et Cannes (4 novembre 2011), qui contiennent des engagements pour lutter contre le protectionnisme,
– vu les accords relatifs à l'encouragement et à la protection réciproques des investissements, conclus entre l'Argentine, l'Espagne et différents États membres de l'Union européenne,
– vu les négociations visant à conclure un accord d'association interrégional entre l'Union européenne et le Mercosur, et notamment l'accord de libre-échange (ALE),
– vu sa résolution du 5 mai 2010 sur la stratégie de l'UE pour les relations avec l'Amérique latine(6),
– vu l'article 110, paragraphes 2 et 4, de son règlement,
A. considérant que l'article 207 du traité FUE établit que les investissements européens dans les pays tiers constituent un élément fondamental de la politique commerciale commune de l'Union européenne et font, dès lors, partie intégrante de sa politique extérieure; que les investissements étrangers directs (IED) relèvent exclusivement de la compétence de l'Union européenne, conformément à l'article 3, paragraphe 1, point e), et aux articles 206 et 207 du traité FUE;
B. considérant que l'Union a commencé à exercer cette compétence en menant les négociations en cours tendant à conclure des accords d'investissement avec l'Inde, Singapour et le Canada, et en présentant des propositions de mandats de négociation avec le Maroc, la Tunisie, la Jordanie et l'Égypte;
C. considérant que les investissements constitueront le thème central du prochain sommet UE-ALC, lequel se tiendra à Santiago du Chili au mois de janvier 2013;
D. considérant que les investissements de l'Union en Argentine sont protégés, le cas échéant, par des accords d'investissement bilatéraux conclus avec des États membres, et qu'il existe actuellement des accords entre l'Argentine et dix-huit États membres;
E. considérant que le gouvernement de la République argentine a annoncé la transmission au Congrès national d'un projet de loi tendant à valider la nationalisation de 51 % des actions de YPF, une société d'hydrocarbures dont le capital social est détenu en majorité par une entreprise européenne, dont la plupart des titres font précisément l'objet du projet de nationalisation;
F. considérant que l'annonce précitée s'est accompagnée d'une prise de contrôle immédiate du siège social de la société par les autorités fédérales argentines, contraignant l'encadrement légitime et le personnel correspondant à quitter les lieux;
G. considérant qu'au cours des derniers mois, YPF a pâti d'une campagne publique de harcèlement qui, associée à de nombreuses décisions administratives, a provoqué une chute du cours de son action boursière et, par conséquent, un préjudice pour ses actionnaires et les entreprises associées;
H. considérant que, avant cette annonce, le gouvernement espagnol et YPF-Repsol avaient tenté de parvenir à une solution négociée, mais que le gouvernement argentin n'avait pas donné suite;
I. considérant que d'autres entreprises européennes pourraient être affectées par des mesures similaires ou par une ingérence politique des autorités argentines dans le marché libre;
J. considérant que la République argentine, membre de plein droit du Mercosur, négocie actuellement un accord d'association avec l'Union;
K. considérant que, malgré ces négociations, la Commission a relevé, dans ses rapports sur les barrières aux échanges et aux investissements, que l'Argentine avait adopté un certain nombre de mesures protectionnistes qui ont détérioré le climat des affaires en ce qui concerne les investisseurs européens en Argentine;
L. considérant que la Commission a, à maintes reprises, fait part à l'OMC des inquiétudes que soulève la nature des mesures restrictives que le gouvernement argentin applique aux importations, mesures qui touchent un nombre sans cesse croissant de pays membres de l'Organisation mondiale du commerce;
M. considérant que la République argentine bénéficie traditionnellement du système de préférences généralisées (SPG) concédé unilatéralement par l'Union;
N. considérant que l'Argentine, en tant que membre du G20, s'engage lors de chaque sommet de ce forum à combattre le protectionnisme et à maintenir les marchés ouverts aux échanges et aux investissements;
1. déplore la décision prise par le gouvernement argentin, au mépris d'une solution négociée, de procéder à l'expropriation de la majorité des actions d'une entreprise européenne; reste d'avis que cette décision est unilatérale et arbitraire et qu'elle revient à remettre en question tant l'exercice de la liberté d'entreprendre que le principe de la sécurité juridique, entraînant par là même une dégradation de l'environnement proposé aux entreprises européennes en Argentine;
2. constate que cette décision ne concerne qu'une seule entreprise du secteur et seulement une partie de ses actions, ce qui pourrait être considéré comme discriminatoire;
3. s'inquiète vivement de la situation, car il s'agit là d'une non-exécution d'obligations découlant d'accords internationaux; met en garde contre les effets négatifs que de telles mesures peuvent produire, notamment un désinvestissement à l'échelle internationale et des conséquences défavorables pour l'Argentine au sein de la communauté internationale;
4. rappelle que les négociations en cours sur l'accord d'association UE-Mercosur ont pour objectif la mise en place d'un cadre d'intégration économique et de dialogue politique entre les deux blocs afin de permettre aux deux régions d'atteindre le plus haut niveau possible de prospérité et de progrès, et estime que les deux parties doivent s'engager dans les négociations dans un esprit d'ouverture et de confiance mutuelle pour que celles-ci aboutissent; fait également observer que les décisions prises par les autorités argentines peuvent peser lourdement sur le climat de compréhension et d'amitié nécessaire à la conclusion d'un tel accord;
5. déplore que l'Argentine n'ait pas observé ce principe et qu'elle ait mis en place plusieurs mesures restrictives en matière d'échanges et d'investissements, notamment des barrières non tarifaires, qui ont nui aux entreprises européennes et aux échanges internationaux avec l'Argentine;
6. demande à la Commission de réagir à ces restrictions en usant de tous les instruments de règlement des différends disponibles au sein de l'Organisation mondiale du commerce et du G20 afin de coopérer avec d'autres pays confrontés à des barrières discriminatoires similaires aux échanges et aux investissements;
7. invite le président du Conseil européen, le président de la Commission et la haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité à tout mettre en œuvre auprès des autorités argentines pour défendre les intérêts de l'Union et sauvegarder le principe de sécurité juridique qui garantit la présence et les investissements européens dans ce pays sud-américain, en rouvrant la voie du dialogue;
8. demande instamment à la Commission et au Conseil d'étudier et d'adopter, pour la défense des intérêts européens, toute mesure nécessaire afin d'éviter que de telles situations se reproduisent, notamment la suspension partielle éventuelle des préférences tarifaires unilatérales accordées au titre du SPG;
9. rappelle l'amitié profonde qui lie l'Union et la République d'Argentine, avec laquelle l'Union partage des valeurs et des principes communs, et exhorte les autorités argentines à renouer le dialogue et la négociation, dès lors que cette voie est la mieux adaptée pour résoudre les divergences éventuelles entre des partenaires commerciaux et des pays qui entretiennent une amitié historique;
10. se félicite de la déclaration de la haute représentante, Mme Ashton, qui a condamné l'action du gouvernement argentin et l'annulation de la réunion du comité mixte de coopération UE-Argentine; invite instamment le commissaire M. De Gucht et la haute représentante à user de toutes les voies diplomatiques disponibles pour remédier à cette situation avec leurs homologues argentins; invite la Commission et les États membres à collaborer étroitement avec leurs collègues dans les enceintes internationales, telles que le G20 et l'OMC, afin de parvenir à un consensus réprouvant les mesures prises par le gouvernement argentin;
11. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux gouvernements des États membres, ainsi qu'au gouvernement et au parlement de la République argentine et aux membres du Conseil du Mercosur.