Résolution du Parlement européen du 24 mai 2012 sur le retrait éventuel du Venezuela de la Commission interaméricaine des droits de l'homme (2012/2653(RSP))
Le Parlement européen,
– vu ses précédentes résolutions sur le Venezuela, à savoir celle du 24 mai 2007 sur le cas de la chaîne «Radio Caracas TV»(1) , celle du 23 octobre 2008 sur les déchéances des droits politiques(2), celle du 7 mai 2009 sur le cas de Manuel Rosales(3), celle du 11 février 2010 sur le Venezuela(4) et celle du 8 juillet 2010 sur le cas de María Lourdes Afiuni(5),
– vu la déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme de 1948, qui a formalisé l'instauration du système interaméricain de protection des droits de l'homme, la création en 1959, par l'Organisation des États américains (OEA), de la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIADH), dont le Venezuela est partie depuis 1977, et la mise en place officielle de la CIADH en 1979,
– vu l'instauration, en 1979, de la Cour interaméricaine des droits de l'homme, dont le Venezuela est membre depuis 1981,
– vu ses résolutions du 17 juin 2010 sur la politique de l'UE en faveur des défenseurs des droits de l'homme(6) et du 18 avril 2012 sur le rapport annuel sur les droits de l'homme dans le monde et la politique de l'Union européenne en la matière, notamment les implications pour la politique stratégique de l'UE en matière de droits de l'homme(7),
– vu les inquiétudes exprimées le 4 mai 2012 par le porte-parole du haut commissaire des Nations unies pour les droits de l'Homme, Rupert Colville, sur l'éventualité du retrait de Venezuela de la CIADH,
– vu la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948,
– vu l'article 122, paragraphe 5, et l'article 110, paragraphe 4, de son règlement,
A. considérant que l'OEA a mis en place son propre système régional en matière de droits de l'homme, doté d'une Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIADH), qui a vu le jour en 1959, ainsi que d'une Cour interaméricaine des droits de l'homme, qui a été créée en 1979, et dont les jugements reposent sur la Convention américaine des droits de l'homme ou «Pacte de San José», qui est entré en vigueur en 1978, afin de venir compléter et corriger des systèmes juridiques nationaux chancelants;
B. considérant que la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme énonce, au titre des principes fondateurs de l'OEA, les «droits fondamentaux de l'individu»;
C. considérant que 24 des 34 membres de l'OEA ont déjà ratifié la Convention américaine relative aux droits de l'homme;
D. considérant que le Venezuela est partie à la Convention américaine relative aux droits de l'homme et membre de la CIADH, et qu'il relève du ressort de la Cour interaméricaine des droits de l'homme qui est compétente pour interpréter et faire respecter les dispositions de la Convention; que le Venezuela participe aux mécanismes du Conseil des droits de l'homme des Nations unies;
E. considérant que le président Chávez a, le 2 mai 2012, annoncé la mise en place d'une commission nationale chargée d'analyser la possibilité de se retirer de la CIADH; que le ministre vénézuélien des affaires étrangères a, le 3 mai 2012, appelé les autres gouvernements de la région à en faire de même;
F. que, entre 1970 et 2011, quatre décisions de la CIADH ont concerné le Venezuela et que la Cour a statué sur 12 affaires entre 2004 et 2012; que l'OEA a, par l'intermédiaire de la CIADH, mis en garde à plusieurs reprises le Venezuela contre la violation de la liberté d'expression, de la sécurité des personnes et des droits politiques tout en dénonçant le régime d'impunité;
G. considérant que, ces toutes dernières années, le Venezuela a plusieurs fois critiqué la CIADH et la Cour et menacé à diverses reprises de s'en retirer au motif que la CIADH serait partisane et qu'elle appliquerait deux poids et deux mesures; que c'est la première fois que le Venezuela prend des initiatives aussi sérieuses en vue de son retrait; que le Venezuela a, depuis 2020, opposé une fin de non-recevoir à toutes les demandes de la CIADH de se rendre dans le pays;
H. considérant que plusieurs décisions et recommandations de la CIADH ont repris à leur compte le texte de ses résolutions, notamment celle sur la déchéance des droits politiques des chefs de l'opposition et sur les actes de persécution politique telle que la fermeture de RCTV; que, suite à ces recommandations défavorables et à l'absence de leur prise en compte ou de mise en œuvre par les autorités vénézuéliennes, le président Chávez a enclenché le mécanisme devant conduire au retrait de son pays de l'organisme international précité;
I. considérant que le président de la Cour suprême et le procureur général de la République bolivarienne du Venezuela se sont tous les deux rangés derrière la proposition du président Chávez de retirer le Venezuela de la CIADH, position témoignant très clairement de la soumission totale des pouvoirs publics, et notamment des autorités judiciaires, aux décisions politiques prises par le chef de l'État;
J. considérant que la CIADH, une organisation très respectée exerçant une influence positive dans la région, a joué un rôle clé permettant à un grand nombre de victimes de violation des droits de l'homme d'obtenir justice et s'est par ailleurs avérée un acteur incontournable dans la transition démocratique qu'ont connu plusieurs régimes dictatoriaux de la région;
K. considérant que la CIADH, en sa qualité d'organisme autonome regroupant sept membres indépendants agissant à titre personnel sans représenter d'État particulier, saisit la Cour interaméricaine, invite les États membres de l'OEA à adopter, dans des cas graves et urgents, des «mesures conservatoires» pour prévenir tout préjudice irréparable en matière de droits de l'homme, reçoit, évalue et étudie les pétitions individuelles dénonçant une violation des droits de l'homme;
L. considérant que les organisations régionales de défense des droits de l'homme jouent un rôle important dans la promotion et la protection des mécanismes dédiés aux droits de l'homme et qu'elles renforcent les normes universelles et les traités applicables dans ce domaine, comme l'ont reconnu à plusieurs reprises tant l'Assemblée générale des Nations unies et son Conseil des droits de l'homme que les ONG et les défenseurs des droits de l'homme;
M. considérant que, en vertu de l'article 1 de son statut, la Cour interaméricaine est une institution judiciaire autonome, dont l'objectif est d'interpréter et d'appliquer la Convention américaine relative aux droits de l'homme; que ses décisions s'imposent aux signataires de la Convention;
1. s'inquiète que le Venezuela ait annoncé la création d'une commission nationale afin d'évaluer la possibilité d'un retrait de la Commission interaméricaine des droits de l'homme et invite les autorités vénézuéliennes à reconsidérer leur position;
2. craint que le retrait du système interaméricain soit de nature à isoler le Venezuela et à aggraver la situation des droits de l'homme;
3. encourage le gouvernement du Venezuela et tous les autres membres de la région à reconnaître et à appliquer les décisions et les recommandations de la CIADH invitant à coopérer avec les mécanismes régionaux et internationaux en matière de droits de l'homme, et les exhorte à ne prendre aucune mesure qui affaiblirait la protection des droits de l'homme;
4. salue l'ensemble du travail effectué par la CIADH, notamment dans les dossiers concernant la liberté d'expression, les droits des peuples autochtones, la prévention de la torture, les droits sociaux et les droits des femmes, ainsi que l'émergence d'une sensibilisation aux droits de l'homme dans la région, et l'encourage à continuer sur cette voie pour parvenir au respect intégral des droits de l'homme;
5. apporte son soutien aux organisations régionales de défense des droits de l'homme, dès lors qu'elles s'inscrivent dans le cadre du système international des droits de l'homme, et invite les institutions de l'UE à développer l'aide qu'elle apporte globalement à la Cour interaméricaine des droits de l'homme, à la CIADH et à la Convention;
6. invite les pays qui n'ont pas encore adhéré au système interaméricain des droits de l'homme à le faire rapidement et à y participer pleinement, renforçant par là même l'autorité institutionnelle de ce système;
7. demande au gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela de respecter les conventions et les chartes tant internationales que régionales dont le Venezuela est signataire; rappelle que, aux termes de la constitution vénézuélienne, toutes les conventions internationales signées sont contraignantes;
8. regrette les décisions des pouvoirs législatif et judiciaire de cautionner la tentative du président de se retirer de la CIADH, démarche qui met en exergue le non-respect par ce pays du principe de la séparation des pouvoirs ainsi que la soumission absolue du législateur et des juges aux décisions politiques du président;
9. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au Secrétaire général de l'Organisation des États américains (OEA), à l'Assemblée parlementaire Eurolat, ainsi qu'au gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela.