Résolution du Parlement européen du 21 novembre 2012 sur le 28e rapport annuel sur le contrôle de l'application du droit de l'Union européenne (2010) (2011/2275 (INI))
Le Parlement européen,
– vu le 28e rapport annuel sur le contrôle de l'application du droit de l'Union européenne (2010) (COM(2011)0588),
– vu le rapport de la Commission intitulé «Rapport d'évaluation concernant l'initiative »EU Pilot« (COM(2010)0070),
– vu le rapport de la Commission intitulé «Deuxième rapport d'évaluation concernant l'initiative »EU Pilot« (COM(2011)0930),
– vu la communication de la Commission du 5 septembre 2007 intitulée «Pour une Europe des résultats – application du droit communautaire» (COM(2007)0502),
– vu la communication de la Commission du 20 mars 2002 concernant les relations avec le plaignant en matière d'infractions au droit communautaire (COM(2002)0141),
– vu la communication de la Commission du 2 avril 2012 concernant la modernisation de la gestion des relations avec le plaignant en matière d’application du droit de l’Union (COM (2012)0154),
– vu sa résolution du 14 septembre 2011 sur le 27e rapport annuel sur le contrôle de l'application du droit de l'Union européenne (2009)(1),
– vu sa résolution du 25 novembre 2010 sur le 26e rapport annuel sur le contrôle de l'application du droit de l'Union européenne (2008)(2),
– vu les documents de travail des services de la Commission (SEC(2011)0193, SEC(2011)0194 et SEC(2011)1626),
– vu sa résolution du 14 septembre 2011 sur les activités de la commission des pétitions relatives à l'année 2010(3),
– vu l'article 48 et l'article 119, paragraphe 2, de son règlement,
– vu le rapport de la commission des affaires juridiques ainsi que les avis de la commission des affaires constitutionnelles et de la commission des pétitions (A7-0330/2012),
A. considérant que le traité de Lisbonne introduit un certain nombre de nouvelles bases juridiques visant à faciliter la mise en œuvre, l'application et le contrôle du respect du droit de l'Union;
B. considérant que l'article 298 du traité FUE indique que, dans l'accomplissement de leurs missions, les institutions, organes et organismes de l'Union s'appuient sur une administration européenne ouverte, efficace et indépendante;
C. considérant que l’environnement, le marché intérieur et la fiscalité sont les domaines les plus exposés aux infractions et représentent 52 % de l’ensemble des dossiers d’infraction;
1. rappelle que l'article 17 du traité UE assigne à la Commission le rôle fondamental de «gardienne des traités»; fait dans ce contexte observer que le droit, et l'obligation, de la Commission de saisir la Cour si un État membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu des traités(4) est une pierre angulaire de l'ordre juridique de l'Union et que ces compétences s'inscrivent dans la logique d'une Union fondée sur l'état de droit;
2. souligne l'importance fondamentale de l'état de droit, préalable à la légitimité de toute forme de gouvernance démocratique, notamment pour que les citoyens soient pleinement assurés de pouvoir jouir de leurs droits conformément à la loi;
3. approuve l'approche de la réglementation intelligente de la Commission, axée sur l'intégration du contrôle de l'application du droit de l'Union européenne dans le cycle global d'élaboration des politiques, ce que la commission estime être une mesure préventive essentielle;
4. observe que la procédure d'infraction se décompose en deux temps: une phase (d'enquête) administrative et une phase juridictionnelle devant la Cour de justice; estime que le rôle des citoyens en tant que plaignants est essentiel dans la phase administrative lorsqu'il s'agit de garantir le respect du droit de l'Union sur le terrain;
5. se félicite que la Commission dispose de nombreux outils pour veiller à ce que le processus de transposition se déroule sans heurts (listes de contrôle de la transposition, manuels ou notes interprétatives) et encourage la Commission à suivre d'encore plus près la transposition des directives avant la fin du délai de transposition, tout particulièrement dans les États membres moins «disciplinés», pour pouvoir intervenir rapidement;
6. attire l'attention sur l'applicabilité directe des dispositions des directives quand celles-ci sont suffisamment précises et inconditionnelles («effet direct»), conformément à la jurisprudence constante de la Cour de justice;
7. invite la Commission et les États membres à agir conjointement et de façon cohérente pour s'attaquer au problème de la «surréglementation»;
8. fait observer que la Commission a récemment publié une nouvelle communication sur la gestion des relations avec le plaignant en matière d’application du droit de l’Union (COM(2012)0154), dans laquelle elle revoit les conditions auxquelles une plainte est enregistrée, ce qui a une incidence sur la procédure d'infraction dans son ensemble; invite instamment la Commission à délaisser les dispositions juridiques non contraignantes dans le cadre des procédures d'infraction et à proposer en échange un règlement(5) permettant au Parlement d'être pleinement associé, en qualité de colégislateur, à une dimension aussi fondamentale de l'ordre juridique de l'Union;
9. déplore néanmoins le nombre très élevé de dossiers de non-communication (470 dossiers en 2010);
10. déplore le fait que la nouvelle communication précitée ne contienne aucune référence au projet «EU Pilot» qui constitue, selon les termes même de la Commission, «une méthode de travail bien établie»(6) qu'elle utilise pour gérer les plaintes, comme première étape de la procédure d'infraction chaque fois que se profile l'éventualité d'un recours à cette procédure(7); observe que le projet «EU Pilot» n'est même pas mentionné dans la communication, qui ne contient par ailleurs aucune référence aux droits et protections accordés aux plaignants en vertu d'«EU Pilot»; conclut par conséquent que les décisions adoptées par la Commission qui précèdent ou excluent la procédure d'infraction ne répondent pas toujours aux exigences de transparence et de responsabilité et sont laissées à l'entière discrétion de la Commission;
11. demande à la Commission de préciser le statut du projet «EU Pilot» et de définir clairement son cadre ainsi que ses modalités d'application de telle sorte qu'ils soient compréhensibles par les citoyens;
12. relève le nombre d'États membres participant à EU Pilot (18 à la fin de l'année 2010) et le nombre élevé d'affaires clôturées après que la réponse de l'État membres a été jugée recevable (81 % des cas); insiste sur l'importance de la qualité de ces évaluations, tant en termes de validité et de vérification des informations qu'en termes de respect des principes généraux du droit administratif reconnus par la Cour de justice;
13. réaffirme sa position selon laquelle le pouvoir discrétionnaire conféré par les traités à la Commission de mener les procédures d'infraction doit s'exercer dans le respect de l'état de droit, du principe de clarté juridique, des exigences de transparence et d'ouverture et du principe de proportionnalité, et ajoute que rien ne doit, en aucun cas, porter atteinte à l'objectif premier de ce pouvoir, qui est de garantir la bonne application, en temps voulu, du droit de l'Union(8);
14. note le chiffre encourageant selon lequel 88 % des dossiers d'infraction clôturés en 2010 «n'ont pas atteint la Cour de justice, car les États membres ont rectifié les problèmes d'ordre juridique relevés par la Commission avant qu'il n'ait été nécessaire de passer à l'étape suivante dans la procédure d'infraction»; estime, cependant, qu'il est essentiel de continuer à contrôler soigneusement les actions des États membres, étant donné que certaines pétitions mentionnent des problèmes qui persistent, même après la clôture de la procédure (voir, par exemple, les pétitions n° 0808/2006, 1322/2007, 0492/2010, 1060/2010 et 0947/2011);
15. souligne, de manière générale, que des efforts supplémentaires doivent être accomplis pour accroître la transparence et la réciprocité dans la communication entre le Parlement et la Commission; note, par exemple, qu'un meilleur accès aux informations sur les plaintes, les dossiers d'infractions et d'autres mécanismes d'application pourrait être assuré sans compromettre les enquêtes et que l'intérêt public supérieur est sans doute de nature à justifier l'accès à ces informations, notamment dans les cas où des risques pour la santé humaine et des dommages irréversibles à l'environnement peuvent être en jeu;
16. prend acte du fait que pour faire fonctionner l'initiative «EU Pilot», la Commission a créé une «base de données confidentielle en ligne» pour permettre à ses services et aux autorités des États membres de communiquer; attire une nouvelle fois l'attention sur le manque de transparence à l'égard des plaignants dans le projet «EU Pilot» et demande à nouveau à pouvoir consulter la base de données où sont regroupées toutes les plaintes afin d'être en mesure de s'acquitter de sa mission consistant à contrôler dans quelle mesure la Commission exerce son rôle de gardienne des traités;
17. regrette que la résolution du Parlement précitée n'ait pas fait l'objet d'un suivi dans le 27e rapport annuel, notamment en ce qui concerne son appel en faveur de l'adoption d'un code de procédure sous la forme d'un règlement, conformément à l'article 298 du traité FUE, établissant les différents aspects de la procédure d'infraction et de la procédure en amont, y compris les notifications, les délais impératifs, le droit d'être entendu, l'obligation de motivation et le droit de chacun à accéder à son dossier, afin de renforcer les droits des citoyens et de garantir la transparence;
18. appelle donc une nouvelle fois la Commission à proposer un «code de procédure» sous la forme d’un règlement ayant pour nouvelle base juridique l’article 298 du traité FUE;
19. prend, dans ce contexte, acte de la réponse apportée par la Commission à la demande du Parlement relative à un code de procédure, réponse dans laquelle elle exprime ses doutes quant à la possibilité d'adopter un futur règlement basé sur l'article 298 du traité FUE en invoquant en substance le pouvoir d'appréciation conféré par les traités à ses services pour gérer les procédures d'infraction et prendre des mesures garantissant l'application correcte du droit de l'Union; est convaincu que ce code de procédure ne saurait limiter le pouvoir d'appréciation de la Commission et qu'il se bornera à garantir que la Commission, dans l'exercice de son pouvoir, respecte le principe d'une «administration européenne ouverte, efficace et indépendante», énoncé à l'article 298 du traité FUE et à l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne;
20. insiste sur l'importance de la transparence des procédures d'infraction, notamment pour donner la possibilité au Parlement européen de contrôler l'application du droit européen; dans ce contexte, rappelle que, dans l'accord-cadre révisé sur les relations entre le Parlement européen et la Commission, cette dernière s'engage à «livre[r] au Parlement des informations synthétiques concernant toutes les procédures en manquement à compter de la lettre de mise en demeure, y compris, si le Parlement le demande, [...] sur les points faisant l'objet de la procédure en manquement», et espère que cette clause sera appliquée de bonne foi dans la pratique;
21. souligne que la pétition est l'instrument adéquat que les citoyens, les organisations de la société civile et les entreprises peuvent utiliser pour signaler les cas de non-respect de la législation européenne par les autorités des États membres à différents niveaux; invite, à cet égard, la Commission à protéger la transparence des procédures d'infraction en cours en informant les citoyens en temps utile et de manière appropriée des mesures prises en réponse à leur demande;
22. souligne que les citoyens et les organisations de la société civile continuent d'utiliser le mécanisme des pétitions, principalement pour signaler des cas de non-respect du droit de l'Union par les autorités des États membres à différents niveaux, et s'en plaindre; souligne, à cet égard, le rôle essentiel joué par la commission des pétitions en faisant efficacement office d'interface entre les citoyens, le Parlement et la Commission;
23. se félicite qu'une section du 28e rapport annuel soit spécifiquement consacrée aux pétitions, comme le Parlement l'avait demandé, section dans laquelle la Commission présente une ventilation des nouvelles pétitions reçues; accueille favorablement le rapport de la Commission selon lequel «les pétitions adressées au Parlement européen ont engendré des procédures d'infraction» dans un certain nombre de domaines; souligne le fait que, même lorsque les pétitions ne concernent pas des procédures d'infraction, elles fournissent au Parlement et à la Commission des renseignements utiles sur les préoccupations des citoyens;
24. souligne le nombre considérable de pétitions reçues concernant des questions liées à la législation en matière d'environnement, et en particulier les dispositions relatives à la gestion des déchets; rappelle les points soulignés par la présidence de la conférence de la Commission sur la mise en œuvre du droit environnemental de l'Union, qui s'est tenue le 15 juin 2011 et durant laquelle ont été évoquées l'absence fréquente d'évaluations sérieuses de l'impact sur l'environnement, au mépris des consultations publiques, et les nombreuses autres carences constatées dans l'exploitation des systèmes de gestion des déchets;
25. rappelle que le mandat initial de la Charte était de codifier les droits fondamentaux dont jouissent les citoyens de l'Union et que les chefs d'État ou de gouvernement ont déclaré solennellement à plusieurs reprises que la Charte énonce les droits des citoyens de l'Union; invite tous les États membres à réexaminer la nécessité de l'article 51 de la Charte et les encourage à déclarer unilatéralement qu'ils ne restreindront pas, sur leur territoire, les droits des personnes sur la base des dispositions de cet article;
26. souligne que lorsqu'ils adressent une pétition au Parlement européen, les citoyens s'attendent à être protégés par les dispositions de la Charte, quel que soit leur État membre de résidence et que la législation européenne soit ou non appliquée; reste, à cet égard, préoccupé par le fait que les citoyens ont l'impression d'être induits en erreur quant à la portée réelle de l'application de la Charte; considère qu'il est dès lors essentiel d'expliquer correctement le principe de subsidiarité et de préciser le champ de l'application de la Charte du point de vue du Parlement, sur la base de l'article 51 de cette dernière;
27. souligne qu'une grande partie des pétitions relatives aux droits fondamentaux concernent la libre circulation des personnes et que, comme l'indique clairement le rapport de 2010 sur la citoyenneté de l'Union, les droits conférés par la citoyenneté de l'Union en général constituent une condition préalable importante pour permettre aux citoyens de profiter pleinement du marché intérieur; souligne que cette utilisation renforcée du marché intérieur par les citoyens peut libérer le potentiel de croissance considérable de ce dernier et réitère donc, à lumière des défis économiques qui se posent actuellement à l'Europe, sa demande adressée à la Commission et aux États membres de renforcer leurs efforts en vue d'une transposition complète et rapide du droit de l'Union dans ce domaine;
28. souligne, en outre, que les citoyens se sentent également induits en erreur quant à l'applicabilité du droit européen en cas de transposition tardive; appelle l'attention sur la pénible réalité des citoyens qui, ne pouvant se prévaloir d'un texte législatif européen applicable parce qu'il n'a pas encore été transposé par l'État membre en question, se trouvent privés de tout mécanisme de recours;
29. adhère au point de vue du Service juridique du Parlement européen, pour ce qui est de la recevabilité des pétitions, selon lequel les domaines d'activité de l'Union européenne sont plus larges que ses compétences; souligne que cette notion devrait servir de base pour le traitement des pétitions par le Parlement et la Commission;
30. rappelle que les plaintes déposées par les citoyens et les entreprises restent le principal moyen de détecter les infractions au droit européen, et donc de lancer des procédures d'infraction; demande par conséquent l'adoption de prescriptions administratives plus efficaces et juridiquement contraignantes définissant de façon sûre et fiable les relations procédurales entre la Commission et les plaignants avant, pendant et après la procédure d'infraction, en vue, avant tout, de renforcer la position de chaque plaignant;
31. se félicite de la nouvelle disposition prévue à l'article 260 du traité FUE qui permet à la Commission de saisir la Cour de justice en vertu de l'article 258 dudit traité et de lui demander d'imposer des sanctions financières à un État membre qui transpose tardivement une directive;
32. salue l'engagement de la Commission à appliquer, par principe, l'article 260, paragraphe 3, du traité FUE en cas de manquement à une obligation prévue par cette disposition relative à la transposition de directives adoptées conformément à une procédure législative;
33. estime qu'il est essentiel que la Commission fasse usage de cette possibilité, ainsi que de tous les autres moyens à sa disposition pour garantir que les États membres transposent la législation de l'Union en temps utile et de façon appropriée; estime que les États qui sont en retard et qui n'ont pas mis la législation en œuvre dans les délais doivent être identifiés;
34. attire l'attention sur le fait que, depuis la publication de ce rapport, le Parlement européen, le Conseil, la Commission et les États membres ont conclu un accord sur la publication de documents expliquant le lien entre les éléments d'une directive et les parties correspondantes des instruments nationaux de transposition («tableaux de correspondance»); constate que ces trois institutions et les États membres ont convenu d'incorporer dans les directives un considérant qui dispose qu'un tableau de correspondance doit être publié par l'État membre concerné quand, dans un cas donné, cela s'avère nécessaire et proportionné;
35. souligne que les tableaux de correspondance fournissent un outil inestimable à la Commission et au Parlement européen pour contrôler la transposition et l'application correctes de la législation de l'Union par les États membres, le lien entre une directive et les dispositions nationales correspondantes étant souvent très complexe et parfois même impossible à retrouver;
36. demande à la Commission de fournir au Parlement européen des orientations claires en ce qui concerne la création, la prise en considération et l'utilisation des tableaux de correspondance dans le droit communautaire, et de procéder à une évaluation transparente qui soit consacrée dans une large mesure à l'analyse de la mise en œuvre de cette législation dans les États membres;
37. observe que les juridictions nationales jouent un rôle de premier plan dans l'application du droit de l'Union et appuie sans réserve les efforts déployés par l'Union pour développer et coordonner la formation judiciaire proposée aux autorités juridiques, judiciaires et administratives, aux praticiens du droit, ainsi qu'aux agents et aux fonctionnaires des administrations nationales et aux autorités régionales et locales au niveau européen;
38. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la Cour de justice, au Médiateur européen et aux parlements des États membres.
Les articles 258 et 260 du traité FUE confèrent à la Commission le pouvoir d'ouvrir une procédure d'infraction à l'encontre d'un État membre. L'article 258 établit notamment que la Commission émet un avis motivé si elle estime qu'un État membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu des traités.
Dans sa résolution précitée du 25 novembre 2010, le Parlement a affirmé qu'un pouvoir d'appréciation absolu associé à un manque total de transparence était contraire au principe de la Communauté de droit.