Résolution du Parlement européen du 8 octobre 2013 sur la corruption dans les secteurs public et privé: incidences sur les droits de l'homme dans les pays tiers (2013/2074(INI))
Le Parlement européen,
– vu la convention des Nations Unies contre la corruption (CNUCC), ouverte à la signature à Mérida le 9 décembre 2003,
– vu la Charte des Nations Unies,
– vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques,
– vu le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels,
– vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,
– vu la convention de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, ouverte à la signature à Paris le 17 décembre 1997, et les recommandations qui l'accompagnent,
– vu la communication conjointe de la haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 12 décembre 2011, intitulée "Les droits de l'homme et la démocratie au cœur de l'action extérieure de l'UE – Vers une approche plus efficace" (COM(2011)0886),
– vu le cadre stratégique de l'Union en matière de droits de l'homme et de démocratie, et le plan d'action de l'Union en faveur des droits de l'homme et de la démocratie, tel qu'il a été adopté lors de la 3179e session du Conseil "Affaires étrangères" du 25 juin 2012,
– vu la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen du 8 mai 2001, intitulée "Le rôle de l'Union européenne dans la promotion des droits de l'homme et de la démocratisation dans les pays tiers" (COM(2001)0252),
– vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 25 octobre 2011, intitulée "Responsabilité sociale des entreprises: une nouvelle stratégie de l'UE pour la période 2011-2014" (COM(2011)0681),
– vu le recueil de documents du Conseil concernant la prise en compte des droits de l'homme et de la question de l'égalité entre les femmes et les hommes dans la politique européenne de sécurité et de défense(1), et notamment le document du Conseil intitulé "Normes générales de comportement pour les opérations relevant de la PESD" (doc.08373/3/2005),
– vu la déclaration du Millénaire des Nations Unies du 8 septembre 2000,
– vu le plan d'action mondial intitulé "Tenir les promesses: unis pour atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement", adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies le 10 octobre 2010,
– vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 27 février 2013, intitulée "Une vie décente pour tous: éradiquer la pauvreté et offrir au monde un avenir durable" (COM(2013)0092),
– vu le rapport de la Banque européenne d'investissement (BEI) intitulée "La politique mise en place pour éviter et décourager tout acte de corruption, fraude, collusion, coercition, blanchiment d'argent et financement du terrorisme dans les activités de la Banque européenne d'investissement ("politique anti-fraude de la BEI"), adopté en 2008,
– vu les principes et procédures de mise en application (PPMA) de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) entrés en vigueur en mars 2009,
– vu les principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme: mise en œuvre du cadre de référence "Protéger, respecter et réparer" des Nations Unies, (HR/PUB/11/04),
– vu sa résolution du 7 juillet 2011 sur les politiques extérieures de l'Union européenne en faveur de la démocratisation(2),
– vu sa résolution du 11 décembre 2012 sur une stratégie pour la liberté numérique dans la politique étrangère de l'Union(3),
– vu les orientations de l'Union européenne concernant les défenseurs des droits de l'homme adoptées lors de la 2914e session du Conseil "Affaires générales" du 8 décembre 2008,
– vu le "document de Montreux sur les obligations juridiques pertinentes et les bonnes pratiques pour les États en ce qui concerne les opérations des entreprises militaires et de sécurité privées pendant les conflits armés", adopté à Montreux le 17 septembre 2008,
– vu la convention pénale du Conseil de l'Europe sur la corruption, ouverte à la signature le 27 janvier 1999, la convention civile du Conseil de l'Europe sur la corruption ouverte à la signature le 4 novembre 1999, et les résolutions (98) 7 et (99) 5, adoptées par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe respectivement le 5 mai 1998 et le 1er mai 1999, portant création du groupe des États contre la corruption (GRECO),
– vu la déclaration de Jakarta relative aux principes applicables aux agences anticorruption, adoptée les 26 et 27 novembre 2012,
– vu les principes de Paris applicables aux institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l'homme(4),
– vu les principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales(5),
– vu la "déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale" de l'Organisation internationale du travail (OIT)(6),
– vu l'initiative du Pacte mondial des Nations Unies(7),
– vu le Code de conduite international des entreprises de sécurité privées,
– vu le traité sur le commerce des armes, adopté lors de la conférence finale des Nations Unies pour un traité sur le commerce des armes qui s'est tenue à New York du 18 au 28 mars 2013(8),
– vu l'article 48 de son règlement,
– vu le rapport de la commission des affaires étrangères et l'avis de la commission du développement (A7-0250/2013),
A. considérant que la corruption peut être définie comme l'abus de pouvoir à des fins privées, individuelles ou collectives, directes ou indirectes, et que les actes de corruption comprennent, entre autres, les crimes de corruption, de détournement, de trafic d'influence, d'abus de fonctions et d'enrichissement illicite tels que définis par la CNUCC; considérant que la fraude, l'extorsion, le chantage, l'abus de pouvoirs discrétionnaires, le favoritisme, le népotisme, le clientélisme et le financement illégal de partis politiques sont étroitement liés à la corruption; considérant que la corruption peut être liée au crime organisé en tant qu'activité soumise à une direction collégiale parallèle aux pouvoirs publics, en particulier là où les autorités ne parviennent pas à assurer le respect de la loi;
B. considérant que la corruption perpétue et aggrave l'inégalité, l'injustice et la discrimination en ce qui concerne l'égalité de jouissance des droits de l'homme, qu'il s'agisse de droits civils, politiques, économiques, sociaux ou culturels; considérant que la corruption peut avoir des conséquences négatives pour l'environnement et touche disproportionnément les groupes sociaux les plus démunis et les plus marginalisés, à savoir qu'elle les empêche d'accéder équitablement à la participation politique, aux services publics, à la justice, à la sécurité, à la terre, à l'emploi, à l'éducation, à la santé et au logement, et que la corruption entrave tout particulièrement les progrès en matière de lutte contre les discriminations, d'égalité entre les femmes et les hommes, et d'autonomie des femmes en limitant leurs capacités à se prévaloir de leurs droits;
C. considérant que la corruption peut nuire au développement économique des États en faisant parfois obstacle au commerce et à l'investissement;
D. considérant que la lutte contre la corruption fait partie du principe de bonne gouvernance, tel que confirmé et défini à l'article 9, paragraphe 3, et à l'article 97 de l'accord de Cotonou;
E. considérant que les actes de corruption et les violations des droits de l'homme impliquent généralement l'abus de pouvoir, le manque de responsabilité et l'institutionnalisation de différentes formes de discrimination; considérant que la corruption est toujours plus fréquente lorsque l'application des droits de l'homme est insuffisante ou fait défaut et que la corruption compromet souvent l'efficacité des institutions et entités qui servent normalement de freins et de contrepoids et ont pour but de veiller au respect des principes démocratiques et des droits de l'homme, telles que les parlements, les autorités répressives, les systèmes judiciaire et juridique ainsi que la société civile;
F. considérant que la corruption est en général profondément ancrée dans la mentalité des sociétés dans lesquelles elle est répandue et que tous les efforts pour la combattre devraient être concentrés d'abord et avant tout sur le système éducatif, en ciblant la population dès le plus jeune âge;
G. considérant que les États ne prennent parfois aucune mesure pour prévenir ou sanctionner la corruption dans les secteurs public et privé, en violation des obligations internationales qui leur incombent en vertu du pacte international relatif aux droits civils et politiques, du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ainsi que des autres instruments internationaux et régionaux pertinents relatifs aux droits de l'homme;
H. considérant que la corruption fausse le volume et la composition des dépenses publiques et nuit gravement à la capacité de l'État à exploiter au maximum les ressources dont il dispose afin d'assurer le plein exercice des droits économiques, sociaux et culturels, et considérant que la corruption détourne des fonds importants au détriment de l'investissement dans l'économie, ce qui entrave la reprise dans les pays en difficulté économique, y compris les États membres de l'Union européenne;
I. considérant que la corruption de personnes à haute responsabilité peut entraîner une grave insécurité et une instabilité dans les États concernés mettant en péril l'État lui-même;
J. considérant que, selon la Banque mondiale, la corruption représente 5 % du PIB mondial (2,6 billions USD) dont plus d'un billion USD est versé chaque année en pots-de-vin; considérant qu'elle majore de 10 % le coût total de l'activité des entreprises dans le monde et de 25 % celui des marchés publics dans les pays en développement(9);
K. considérant que la Banque mondiale estime que chaque année, 20 à 40 milliards USD, soit entre 20 et 40 % de l'aide publique au développement, sont détournés des budgets publics dans les pays en développement et dissimulés à l'étranger par des organisations pratiquant la corruption à haut niveau(10);
L. considérant qu'entre 2000 et 2009, les pays en développement ont perdu 8,44 billions USD en raison de flux financiers illicites, soit un montant dix fois supérieur à l'aide étrangère reçue durant cette période; considérant qu'au cours de chacune des dix dernières années, les pays en développement ont perdu 585,9 milliards USD en raison de flux illicites; considérant que l'argent détourné chaque année par des organisations pratiquant la corruption suffirait à couvrir 80 fois le montant nécessaire pour nourrir les populations souffrant de la faim dans le monde, tandis que les pots-de-vin et les vols font augmenter de 40 % le coût total des projets visant à fournir de l'eau potable et des infrastructures sanitaires au niveau mondial(11);
M. considérant que la corruption, en menaçant la consolidation de la démocratie et le respect des droits de l'homme, reste un des premiers motifs et catalyseurs de conflits, de violations généralisées du droit international humanitaire et d'impunité dans les pays en développement, et considérant que la pérennisation de la corruption et de l'enrichissement illicite à l'échelon des décideurs a conduit à l'accaparement et à la perpétuation du pouvoir ainsi qu'à la création de nouvelles milices et à la propagation de la violence;
N. considérant que la corruption dans le secteur judiciaire enfreint le principe de non‑discrimination, l'accès à la justice ainsi que le droit à un procès équitable et à un recours effectif, qui jouent un rôle déterminant dans l'application de tous les autres droits de l'homme, et considérant que la corruption fausse gravement l'indépendance, la compétence et l'impartialité du pouvoir judiciaire et de l'administration publique, et encourage la méfiance envers les institutions publiques, ce qui compromet l'état de droit et donne lieu à des violences;
O. considérant que la fourniture des services publics permet aux États de s'acquitter de leurs obligations internationales relatives aux droits de l'homme, en assurant l'approvisionnement en eau et en nourriture, l'accès à la santé, à l'éducation et au logement, la sécurité et l'ordre en tant qu'éléments du développement humain, et considérant que la corruption dans les marchés publics se développe en l'absence d'ouverture, de transparence, d'information, de concurrence, d'incitations, de règles et de règlements clairs qui fassent l'objet d'une application stricte, ainsi qu'en l'absence de mécanismes de contrôle et de sanction indépendants;
P. considérant que la corruption généralisée et le manque de transparence, d'accès à l'information et de participation non discriminatoire à la prise de décision empêchent les pouvoirs publics et les représentants politiques de rendre des comptes à leurs citoyens afin de s'assurer que les recettes provenant de l'exploitation des ressources et du marché sont utilisées pour garantir leurs droits de l'homme; considérant qu'il appartient aux pouvoirs publics de tout mettre en œuvre pour lutter contre la corruption dans les entreprises tant publiques que privées;
Q. considérant que les défenseurs des droits de l'homme, les médias, les organisations de la société civile, les syndicats et les journalistes d'investigation jouent un rôle crucial dans la lutte contre la corruption en examinant les budgets publics, en surveillant les activités du gouvernement et des grandes entreprises, en particulier les multinationales, ainsi que le financement des partis politiques, en offrant des compétences et de l'expertise en matière de renforcement des capacités et en exigeant la transparence et l'obligation de rendre compte; considérant que les journalistes dénonçant la corruption et la criminalité organisée sont de plus en plus visés et harcelés par les groupes de la criminalité organisée, les "pouvoirs parallèles" et les autorités publiques, notamment dans les pays en développement;
R. considérant qu'une presse et des médias libres et indépendants, en ligne ou non, sont essentiels pour garantir la transparence et le contrôle nécessaires afin de lutter contre la corruption, en servant de tribune permettant de mettre au jour des actes de corruption et en donnant aux citoyens et à la société la possibilité d'accéder à l'information;
S. considérant que des données et des administrations ouvertes fournissent aux citoyens les moyens d'agir en leur permettant d'accéder aux informations ayant trait aux budgets et aux dépenses des pouvoirs publics;
T. considérant que les dénonciateurs d'abus sont essentiels pour révéler la corruption, la fraude, la mauvaise administration et les violations des droits de l'homme, en dépit du risque élevé pour leur personne, et considérant que l'absence de protection contre les représailles, les contrôles de l'information, les lois antidiffamation et anticalomnie et les procédures d'enquête inadéquates sur les allégations des dénonciateurs d'abus sont autant d'éléments susceptibles de dissuader ces derniers, et qu'ils compromettent souvent leur sécurité ainsi que celle de leur famille; considérant que l'Union a un devoir de les protéger notamment en utilisant au mieux ses instruments de coopération et, en particulier, l'Instrument européen pour la démocratie et les droits de l'homme (IEDDH);
U. considérant que les situations d'urgence et l'apport d'aide offrent des possibilités de corruption en raison de la nature des activités et de la complexité des actions et des acteurs engagés, et considérant que ces "possibilités" incluent la corruption, l'obstruction, l'extorsion à l'encontre du personnel des organismes d'aide, les abus dudit personnel, la fraude, les faux en écritures comptables, le détournement de l'aide reçue et l'exploitation des plus démunis, et alimentent le sentiment répandu de désespoir vis-à-vis des institutions publiques quelles qu'elles soient; considérant que le détournement de l'aide humanitaire est un grave manquement au droit international humanitaire,
V. considérant que 25 % de l'ensemble des enquêtes ouvertes par l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) concernent l'aide extérieure de l'Union aux pays tiers, et que 17,5 millions EUR ont été recouvrés à la suite de ces enquêtes(12);
W. considérant que l'aide de l'Union européenne aux pays en développement pourrait être détournée sans un système de freins et de contrepoids appropriés dans les pays bénéficiaires et sans un contrôle indépendant et complet du système d'intégrité qui accompagne l'utilisation de fonds;
X. considérant que les banques publiques européennes, à savoir la Banque européenne d'investissement (BEI) ou les banques dont la plupart des actionnaires sont des États membres de l'Union (BERD), sont prétendument impliquées dans des scandales de corruption dans le cadre de leurs opérations en dehors de l'Union européenne;
Y. considérant que les donateurs et les institutions financières internationales, telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, devraient promouvoir une véritable réforme de la gouvernance dans les pays débiteurs et contribuer à la lutte effective contre la corruption en évaluant de manière critique et en traitant les risques avérés de corruption et de dégradation des droits de l'homme associés à de nombreuses mesures imposées dans le contexte des programmes d'ajustement structurel, telles que la privatisation des entreprises et des ressources publiques;
Z. considérant que la traite des êtres humains repose largement sur des réseaux de corruption complexes qui transcendent toutes les branches du gouvernement, de l'administration publique, de l'application de la loi et du secteur privé dans les pays d'origine, de transit et de destination des victimes, et considérant que la corruption affaiblit l'action de ceux qui luttent contre la traite, en raison de la corruption de la police et du personnel judiciaire et de la corruption qui touche les procédures d'arrestation et de poursuite des trafiquants ainsi que la fourniture de l'aide juridique aux victimes de la traite et la protection des témoins;
AA. considérant que la corruption et les abus des forces armées, du secteur de la défense, des autorités répressives et des forces de maintien de la paix entraînent de graves risques pour la vie, l'intégrité physique, la protection ainsi que la liberté et les droits des citoyens dans les pays en développement, et considérant que le secteur de la défense et les marchés publics de la défense continuent d'être caractérisés par une corruption inacceptable et sont particulièrement protégés par le secret pour cause de sécurité nationale; considérant qu'il convient de surveiller étroitement les marchés publics d'équipement de sécurité;
AB. considérant que le recours à des entreprises militaires et de sécurité privées par les acteurs tant publics que privés a augmenté de façon exponentielle au cours des vingt dernières années, et considérant qu'en raison de la nature de leurs activités, ces entreprises sont particulièrement vulnérables à la corruption et ont été accusées de graves violations des droits de l'homme, alors qu'elles sont essentiellement actives dans un secteur non soumis à une réglementation stricte, où elles ne doivent pas rendre compte au public, contrairement à ce qui est généralement exigé des forces armées;
AC. considérant que le degré de mise en œuvre, d'utilisation et d'efficacité des mécanismes d'entraide judiciaire et de recouvrement d'avoirs au titre des chapitres IV et V de la CNUCC reste faible chez les États parties à la CNUCC, et considérant que les États parties doivent encore pleinement satisfaire aux obligations qui leur incombent en vertu du chapitre IV ("Coopération internationale") et du chapitre V ("Recouvrement d'avoirs") de la CNUCC en ce qui concerne la coopération internationale et, plus particulièrement, doivent encore répondre de manière suffisante à leurs obligations d'entraide judiciaire en vertu de l'article 46 de la CNUCC;
AD. considérant que l'opacité et la régulation insuffisante du commerce mondial d'armes conventionnelles et de munitions alimentent les conflits, la corruption, la pauvreté, les violations des droits de l'homme et l'impunité;
AE. considérant que la grande corruption dans les pays en développement se produit surtout avec la complicité et même l'assistance de certains hommes d'affaires, avocats, institutions financières et fonctionnaires des pays développés, y compris les États membres de l'Union européenne, et considérant que, au mépris de la réglementation de lutte contre le blanchiment de capitaux à l'échelle de l'Union et au niveau international, ces institutions et sociétés ont mis en place les canaux permettant de blanchir le produit de la corruption dans les pays développés et en développement, de créer des structures impénétrables et de dissimuler des avoirs dans des "territoires opaques";
AF. considérant qu'une stratégie axée sur les droits de l'homme dans les politiques de lutte contre la corruption renforce la sensibilisation générale au fait que, outre les fonds publics, la corruption touche aussi les droits et les possibilités des citoyens; considérant que l'association étroite des mouvements internationaux de défense des droits de l'homme et de lutte contre la corruption sensibilisera le public et l'incitera à exiger ouverture, obligation de rendre compte et justice, et considérant que lier les actes de corruption aux violations des droits de l'homme crée des nouvelles possibilités d'action, en particulier lorsque la corruption peut être combattue au moyen des mécanismes nationaux, régionaux et internationaux existants de contrôle du respect des droits de l'homme;
Cohérence entre les politiques internes et les politiques externes
1. estime que l'Union européenne ne peut devenir un acteur crédible et influent de la lutte contre la corruption que si elle répond de manière appropriée aux problèmes de la criminalité organisée, de la corruption et du blanchiment de capitaux à l'intérieur de ses propres frontières; salue, à cet égard, le "rapport anticorruption de l'UE", qui sera publié par la Commission; espère que le recensement par la Commission des domaines vulnérables à la corruption dans les États membres aidera à renforcer les efforts de lutte contre ce phénomène, à faciliter l'échange des meilleures pratiques, à répertorier les tendances européennes ainsi qu'à stimuler l'apprentissage par les pairs et un plus grand respect des engagements européens et internationaux; invite la Commission à présenter des initiatives politiques de l'Union relatives à la lutte contre la corruption, comme un plan d'action de l'Union contre la corruption;
2. salue, à cet égard, la renégociation de la directive sur la fiscalité de l'épargne destinée à mettre effectivement fin au secret bancaire; estime que le renforcement de la réglementation et de la transparence des registres des entreprises et des registres des fiducies dans tous les États membres de l'Union européenne est une condition préalable pour lutter contre la corruption, à la fois dans l'Union et dans les pays tiers; estime que la réglementation européenne devrait imposer une obligation d'enregistrer toutes les structures juridiques et les données concernant la propriété bénéficiaire, et que ces données devraient être publiées en ligne, marquées par voie électronique et dans un format consultable afin d'être disponibles gratuitement;
3. est d'avis que l'Union européenne devrait suivre l'exemple des États-Unis, qui ont adopté la loi Sergueï Magnitski en 2012, et introduire une législation similaire au niveau de l'Union, en tant que cadre emblématique et opérationnel établissant le lien entre la corruption et les violations des droits de l'homme; invite dès lors le Conseil à adopter une décision établissant une liste européenne commune des fonctionnaires impliqués dans la mort de Sergueï Magnitski, la dissimulation judiciaire ultérieure et harcèlement continu et constant de sa famille; ajoute que cette décision du Conseil devrait imposer des sanctions ciblées à ces fonctionnaires, comme une interdiction de visa à l'échelle européenne et le gel de tous leurs avoirs financiers éventuels et de ceux de leurs proches immédiats à l'intérieur de l'Union européenne; invite la Commission à élaborer un plan d'action en vue de créer un mécanisme recensant, d'une part, les fonctionnaires de pays tiers (notamment des policiers, procureurs et juges) impliqués dans des violations graves des droits de l'homme et dans des "manipulations" judiciaires contre les dénonciateurs d'abus, les journalistes dénonçant la corruption et les militants des droits de l'homme dans les pays tiers et imposant, d'autre part, des sanctions ciblées similaires à leur encontre; souligne que les critères d'inscription sur la liste ainsi créée devraient reposer sur des sources bien documentées, convergentes et indépendantes, et sur des preuves convaincantes, ainsi que prévoir des mécanismes de recours pour les personnes visées;
Responsabilisation et transparence de l'aide extérieure et des budgets publics
4. soutient pleinement l'engagement de l'Union européenne d'incorporer et d'intégrer dans ses politiques de développement le concept de l'appropriation démocratique, à savoir la participation pleine et effective des citoyens à la conception, à la mise en œuvre et au suivi des stratégies et politiques de développement des donateurs et des gouvernements partenaires; est d'avis que cette politique favorise la participation des bénéficiaires de programmes et contribue dès lors à un contrôle et à une responsabilisation accrus dans la lutte contre la corruption; incite la Commission et les États membres à appliquer le principe de conditionnalité aux normes internationales en matière de corruption dans leurs programmes d'aide au développement et d'introduire une clause anti-corruption dans les contrats de passation de marchés comme le recommande l'OCDE; demande que la Commission continue de favoriser une transparence élevée de l'aide dans des formats lisibles par machine et d'utiliser une norme commune afin d'assurer la comparabilité avec les autres donateurs, et aussi, plus particulièrement, selon les besoins des pays bénéficiaires;
5. souligne qu'afin de garantir que les mécanismes de financement mixte améliorent l'efficacité du financement du développement, il est nécessaire de revoir la gouvernance de ces instruments, aux fins d'une plus grande transparence des critères de sélection des projets et d'une responsabilisation accrue vis-à-vis de la société dans son ensemble; rappelle que l'établissement d'un nombre crucial d'exigences minimales pour la sélection, le contrôle et l'évaluation des projets pourrait faciliter la comparabilité et constituer une base cohérente d'informations sur la performance des opérations; fait observer que les effets sur l'avancée et le déroulement des projets devraient être systématiquement communiqués afin de justifier l'utilisation des ressources octroyées par les mécanismes de financement mixte, non seulement aux donateurs et aux institutions financières européennes concernées, mais aussi au grand public;
6. estime que la Commission devrait imposer l'intégrité la plus stricte dans les procédures de passation de marchés concernant l'exécution de projets financés par l'Union européenne, notamment en favorisant une meilleure accessibilité aux appels d'offres pour les organisations locales; souligne qu'une stratégie axée sur les droits de l'homme dans les marchés publics bénéficie de la participation d'un plus large éventail d'acteurs, notamment ceux qui sont concernés par la procédure d'appel d'offres (comme les associations de propriétaires terriens ainsi que les groupes défavorisés); considère qu'une telle stratégie encourage également les autorités à donner aux groupes défavorisés les moyens de participer aux procédures de passation de marchés et à élargir les critères d'évaluation des entreprises au cours de ces procédures; rappelle que le suivi des résultats des projets en coopération avec la société civile et la responsabilisation des autorités locales sont essentiels pour déterminer si les fonds européens sont utilisés de manière appropriée; prie instamment la Commission de ne pas attribuer de projets aux contractants dont les propriétaires effectifs ne sont pas connus ou qui présentent une structure d'entreprise qui leur permet de pratiquer facilement des prix de transfert;
7. prie instamment l'Union européenne d'accroître la transparence en soutenant la création d'un système mondial destiné au suivi des promesses d'aide, afin que les pays donateurs tiennent leurs engagements en la matière et assument la responsabilité des projets, institutions ou groupes qu'ils soutiennent;
8. rappelle en outre la nécessité de prévenir les techniques de corruption telles que le gonflement des coûts du projet, les paiements pour des projets et des travailleurs fictifs, l'utilisation inappropriée et corrompue de compensations économiques et/ou industrielles, le vol pur et simple de fonds publics, le gonflement des frais de déplacement et les pots-de-vin, entre autres, dans la mise en œuvre des projets financés par l'Union européenne; insiste dès lors sur la nécessité de surveiller l'ensemble de la chaîne de financement de l'Union, notamment l'élaboration des politiques, la réglementation, la planification, la budgétisation, le financement, les transferts fiscaux, la gestion et le développement des programmes, les appels d'offres et les marchés publics, la construction, l'exploitation et l'entretien ainsi que le paiement des services;
9. propose à la Commission de faire connaître les mécanismes d'alerte de l'OLAF sur l'abus de fonds de l'Union par des participants aux appels d'offres publics et des bénéficiaires de l'aide de l'Union, et d'émettre des lignes directrices sur le traitement des informations fournies par les dénonciateurs d'abus dans les pays tiers, en permettant de manière appropriée le suivi, la réaction et la protection contre les représailles, en accordant une attention particulière à la situation des populations les plus vulnérables, et notamment des femmes, dans de nombreux pays en développement, car celles-ci sont particulièrement susceptibles d'être la cible d'actes de corruption et de coopérer pour les dénoncer, mais aussi d'être plus vulnérables et stigmatisées en cas de coopération;
10. souligne que l'Union européenne doit mettre l'accent sur l'importance de la mise en œuvre du droit à la participation et du droit d'accès aux informations et aux mécanismes de responsabilisation publique comme les données ouvertes en tant que principes fondamentaux de la démocratie dans toutes les instances de dialogue avec les pays tiers, notamment dans les relations bilatérales et au plus haut niveau; souligne que la liberté de la presse et des médias, en ligne ou non, est essentielle à cet égard; propose que les projets de financement de l'Union dans les pays tiers soutiennent l'application de ces principes, en particulier dans les pays qui traversent un processus de démocratisation, en veillant à l'intégration à ce processus des questions d'égalité entre les hommes et les femmes ainsi que des acteurs de la société civile, et notamment les défenseurs des droits de l'homme, les organisations syndicales, les femmes et les groupes de population très vulnérables, et en contribuant à l'élaboration de lois sur la protection efficace des dénonciateurs d'abus;
11. note, à cet égard, que l'Union doit donner l'exemple; insiste pour que l'Union européenne et ses États membres s'engagent activement dans les initiatives internationales destinées à renforcer la transparence budgétaire, comme le partenariat pour un gouvernement ouvert, l'initiative sur le budget ouvert et l'initiative internationale pour la transparence de l'aide, de manière à favoriser un tel engagement des pays partenaires comme des impératifs des normes internationales relatives aux droits de l'homme;
12. appelle la Commission à proposer d'élargir la définition des défenseurs des droits de l'homme dans les orientations de l'Union les concernant afin d'y inclure les militants anticorruption, les journalistes d'investigation et, notamment, les dénonciateurs d'abus;
13. souligne que l'Union européenne, en tant que donateur mondial de premier plan, devrait continuer et approfondir les cas récents de mise en rapport de l'apport de l'aide extérieure de l'Union avec des réformes budgétaires destinées à renforcer la transparence et l'accès aux données et aux processus participatifs ainsi que les cas récents d'harmonisation des principes directeurs à cet égard avec d'autres donateurs; est d'avis que l'Union européenne devrait établir des données de référence et des critères clairs et publics, selon un système reposant sur des incitations pour que les gouvernements bénéficiaires ouvrent leurs procédures budgétaires et intègrent la transparence, la participation du public et des composantes de surveillance dans leurs efforts, par la formation ou l'assistance technique; prie instamment l'Union européenne de promouvoir et de soutenir le développement d'un environnement favorable pour les organes de contrôle dans les pays en développement (y compris les parlements, les cours des comptes, les organisations de la société civile et les médias) afin de leur permettre de s'acquitter de leurs fonctions essentielles et donc de lutter contre la corruption;
14. souligne par ailleurs que l'Union européenne devrait recourir au cadre des "partenariats avancés" avec des pays tiers afin de faire réellement pression sur les régimes souffrant d'une corruption endémique pour qu'ils adoptent des réformes destinées à faire appliquer les principes susmentionnés; considère que le dialogue, la pression et la coopération politiques de l'Union en vue d'opérer les réformes nécessaires devraient être visibles et transparents, et comporter des mécanismes de contrôle appropriés et élaborés; estime que l'Union doit condamner publiquement la promulgation de lois qui restreignent la liberté des médias et les activités de la société civile en tant que pierres angulaires de la responsabilisation et doit élaborer des stratégies pour adapter les relations avec ces pays afin de favoriser les réformes d'une manière visible; souligne la nécessité d'insérer dans les accords avec les pays tiers des clauses clairement définies et respectées sur les droits de l'homme, qui permettraient de suspendre tout accord de partenariat en cas de graves violations des droits de l'homme;
15. soutient le renforcement de la transparence du processus décisionnel pour ce qui est de l'investissement des fonds publics de l'Union, à savoir dans des projets de la BEI et de la BERD qui pourraient avoir une incidence négative sur les droits de l'homme; prie instamment la BEI et la BERD de consolider leurs politiques en matière de lutte contre la fraude et la corruption afin de garantir la pleine transparence des investissements effectués en dehors de l'Union européenne; rappelle que la BEI et la BERD doivent affirmer leur volonté d'éviter les investissements risqués, en particulier par des intermédiaires financiers, adopter une approche fondée sur les risques et améliorer les évaluations de l'incidence des projets qu'elles soutiennent sur les droits de l'homme, en plus de réaliser une vérification préalable solide du respect des droits de l'homme et de l'intégrité de toutes les opérations de leurs clients; estime qu'il convient d'accorder une attention particulière à la participation du public ainsi qu'à la consultation libre, préalable et informée des communautés concernées durant toutes les phases de la planification, de la mise en place, du contrôle et de l'évaluation des projets financés; prie instamment les États membres et la Commission européenne d'user de leur influence en tant que membres exclusifs de la BEI et actionnaires principaux de la BERD pour encourager une réforme importante de ces institutions afin de permettre un plus grand contrôle démocratique de leurs décisions ainsi que de leur obligation de rendre des comptes;
16. considère que les institutions financières internationales, comme le Fonds monétaire international et le Groupe de la Banque mondiale, devraient évaluer les risques de corruption liés aux mesures proposées aux pays débiteurs dans le cadre des programmes d'ajustement structurel, ainsi que leurs incidences sur les droits de l'homme; considère que les programmes d'ajustement structurel devraient comporter des réformes visant à améliorer la gouvernance et la transparence; insiste sur le fait que des systèmes de surveillance adaptés, indépendants et bénéficiant de ressources suffisantes devraient permettre d'assurer le suivi de la mise en œuvre des programmes, au moyen d'inspections et d'audits fréquents; ajoute qu'une attention particulière devrait être accordée à l'accaparement de terres, aux expropriations forcées, aux marchés publics de la défense, aux budgets séparés de la défense et au financement d'activités militaires et paramilitaires dans les pays débiteurs; demande aux États membres d'user de leur influence en tant que membres du FMI et de la Banque mondiale pour renforcer les mécanismes de transparence et de participation lors des négociations de programmes d'ajustement structurel et pour consolider le contrôle démocratique de leurs décisions et de leurs obligations de rendre des comptes;
17. invite les institutions financières bilatérales et multilatérales, notamment le Groupe de la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, les banques régionales de développement, les agences de crédit à l'exportation et les banques du secteur privé, à exiger que les entreprises extractives et les gouvernements se conforment aux exigences de l'initiative "Publiez ce que vous payez" et/ou aux normes ITIE sur la transparence des paiements en tant que condition préalable à toutes leurs activités de soutien de projets;
18. salue le plan d'action anticorruption adopté lors du sommet du G20 à Séoul et estime que l'impulsion donnée devrait être soutenue afin de garantir un effort coordonné au niveau international en vue de lutter contre la corruption dans les domaines clés;
Corruption et politiques de développement
19. souligne que les populations les plus pauvres des pays en développement, qui dépendent fortement des services publics, subissent de manière disproportionnée les effets de la petite corruption, y compris de la "corruption discrète" lorsque des agents publics ne fournissent pas les services ou aides pour lesquels ils reçoivent une rémunération du gouvernement (enseignants absents dans des écoles publiques ou médecins absents dans des établissements de soins primaires);
20. souligne que la corruption fait obstacle à l'investissement étranger direct (IED) et décourage les opérateurs extérieurs de coopérer avec les pays en développement;
21. estime que la lutte contre la corruption, y compris contre les paradis fiscaux, l'évasion fiscale et les fuites illicites de capitaux, s'inscrit dans le cadre d'efforts plus larges visant à promouvoir la bonne gouvernance, laquelle est une des priorités clés en vue d'accroître l'efficacité de la politique de développement de l'Union dans le programme 2011 pour le changement (COM(2011)0637); insiste sur la nécessité d'appliquer pleinement et sans délai la convention des Nations Unies contre la corruption;
22. fait observer que tous les efforts déployés pour lutter contre la corruption devraient être accompagnés d'un soutien aux programmes destinés à empêcher la corruption par des campagnes d'éducation et de sensibilisation;
23. rappelle les engagements pris dans le cadre du partenariat de Busan pour une coopération efficace au service du développement et appelle l'Union européenne et ses États membres à tenir ces engagements afin d'intensifier les efforts communs visant à lutter contre la corruption et les flux illicites de capitaux;
24. estime qu'afin de combattre et d'éliminer la corruption, il est capital d'assurer la cohérence des politiques de développement; insiste également sur la nécessité d'accroître l'aide que l'Union apporte dans les domaines de la gouvernance fiscale et des actions de lutte contre la fraude fiscale, dans le cadre de l'instrument de financement de la coopération au développement et du Fonds européen de développement (FED);
Améliorer la compétence des États membres
25. demande aux États membres de modifier leur droit pénal, le cas échéant, afin d'établir leur compétence sur les personnes de toute nationalité se trouvant sur leur territoire qui ont commis des actes de corruption ou de détournement de fonds publics, indépendamment du lieu où le crime a été commis, dès lors que le produit de ces activités criminelles se trouve dans l'État membre en question ou y a été blanchi, ou que la personne concernée a un "lien étroit" avec l'État membre en question, notamment de par sa citoyenneté, sa résidence ou sa propriété effective d'une entreprise qui est basée dans cet État membre ou qui y détient des filiales;
26. fait néanmoins observer que les États membres devraient faire preuve d'une grande prudence dans leur jugement au moment de fournir des informations à des pays tiers sur des personnes accusées de corruption, de détournement de fonds ou d'évasion fiscale, afin de ne pas impliquer injustement des défenseurs des droits de l'homme, comme ce fut le cas pour Ales Bialiatski;
27. estime que les lois antidiffamation et anticalomnie peuvent dissuader la dénonciation de la corruption dans les pays tiers; demande instamment à tous les États membres, par conséquent, de donner l'exemple et de dépénaliser la diffamation et la calomnie dans leurs systèmes juridiques, à tout le moins pour ce qui est des allégations de criminalité organisée, de corruption et de blanchiment de capitaux dans les États membres et à l'étranger;
28. prie instamment les États membres d'adopter, conformément aux recommandations de la Convention des Nations Unies contre la corruption, des mesures entre autres législatives afin de qualifier d'infraction pénale l'enrichissement illicite intentionnel, c'est-à-dire l'augmentation substantielle des biens d'un agent public ou de toute autre personne que celui-ci ne peut justifier au regard de ses revenus;
Renforcement des capacités des institutions anticorruption
29. se félicite de la déclaration de Jakarta relative aux principes applicables aux agences anticorruption de novembre 2012; encourage l'Union européenne et les États membres à aller plus loin et à créer une dynamique au niveau international sur la nécessité de remédier au manque d'efficacité dans la lutte contre la corruption des institutions anticorruption créées dans de nombreux pays en développement, essentiellement en raison de leur structure institutionnelle, du manque d'indépendance fonctionnelle vis-à-vis du pouvoir exécutif, du manque de soutien politique, de leur financement, de leurs règles de sélection et de nomination des fonctionnaires ainsi que de leurs pouvoirs d'exécution;
30. invite l'Union européenne et les États membres à entreprendre l'élaboration de normes internationales sur l'indépendance et l'efficacité des autorités anticorruption, lesquelles normes, rédigées de manière intergouvernementale dans l'optique d'une adoption définitive par l'Assemblée générale des Nations Unies, seraient équivalentes aux principes de Paris applicables aux institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l'homme et auraient la même portée; souligne que ces principes devraient être utilisés comme des critères de responsabilisation dans le cadre de bilans par les pairs;
31. appelle la Commission à intensifier la coopération actuelle avec d'autres donateurs et l'Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle des finances publiques pour renforcer les capacités des institutions supérieures de contrôle dans les pays destinataires de l'aide, dans le but d'appliquer les normes internationales relatives aux institutions supérieures de contrôle dans les pays en développement;
32. prie instamment l'Union européenne et ses États membres d'encourager et de soutenir la création d'une commission internationale, de lutte contre la corruption établie par un traité international ou par un protocole annexe à la CNUCC, afin de mettre en place un organisme international d'enquêteurs criminels qui seraient dotés de pouvoirs équivalents à ceux des autorités de répression et de poursuite pénale nationales, qui enquêteraient sur les crimes de corruption dans les territoires nationaux des États signataires et qui seraient en mesure de poursuivre et d'inculper les personnes concernées également devant les instances pénales nationales;
33. invite les États membres de l'Union européenne à soutenir la création d'un poste de rapporteur spécial des Nations Unies sur la criminalité financière, la corruption et les droits de l'homme, qui serait couvert par un mandat exhaustif, comprenant notamment un plan axé sur des objectifs et une évaluation périodique des mesures anticorruption prises par les États; invite les États membres de l'Union européenne ayant signé mais non ratifié la Convention pénale sur la corruption, fruit du travail du Conseil de l'Europe et ouverte à la signature le 27 janvier 1999, à la ratifier au plus vite;
Responsabilité des entreprises
34. rappelle l'existence d'un guide basé sur la Convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales qui permet aux entreprises de prendre des mesures efficaces de contrôle interne, ainsi que de déontologie et de conformité aux fins de prévention et de détection de la corruption transnationale;
35. demande à toutes les entreprises de l'Union européenne d'assumer leur responsabilité d'entreprise et de respecter les droits de l'homme conformément aux principes directeurs des Nations Unies; se félicite de la volonté de la Commission d'élaborer des orientations sur les droits de l'homme à l'intention des petites et moyennes entreprises; invite les États membres de l'Union à élaborer leurs propres plans nationaux pour la mise en œuvre des principes directeurs des Nations Unies et à insister sur la nécessité pour les pays partenaires de se conformer aussi à des normes de responsabilité sociale des entreprises internationalement reconnues, comme les principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales et la déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale de l'OIT;
36. appelle à l'élaboration de normes plus efficaces en matière de transparence et de responsabilisation pour les entreprises européennes dans le domaine des technologies concernant l'exportation de technologies susceptibles d'être utilisées pour violer les droits de l'homme, faciliter la corruption ou aller à l'encontre des intérêts de l'Union en matière de sécurité;
37. note que la plupart des initiatives visant à améliorer les pratiques des entreprises dans les pays tiers, en particulier dans les zones de conflit, comme le Pacte mondial des Nations Unies et les principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme, n'établissent pas un terrain d'entente commun et la bonne application de ces principes, mais reposent sur la volonté des entreprises de s'y conformer; demande à l'Union européenne d'être le fer de lance des efforts internationaux pour l'établissement de ces normes réglementaires, à tout le moins dans les territoires relevant de sa compétence, en mettant l'accent sur la responsabilité des administrateurs d'entreprises transnationales et sur les mécanismes de recours pour les victimes;
38. prie instamment la Commission de proposer une législation exigeant que les entreprises de l'Union veillent à ce que leurs achats ne profitent pas aux auteurs d'actes de corruption et de violations graves des droits de l'homme ainsi qu'aux acteurs de conflits, notamment en procédant à des contrôles et des audits de leur chaîne d'approvisionnement et en en publiant les conclusions; estime que l'obligation de vérification approfondie pour les entreprises de l'Union, en conformité avec les principes directeurs de l'OCDE, permettrait de faire progresser les entreprises européennes et de rendre plus cohérentes les politiques européennes de développement et de défense des droits de l'homme, en particulier dans les régions touchées par un conflit;
39. rappelle la nécessité pour l'Union et ses États membres de prendre des mesures adaptées, y compris en vertu du droit pénal, pour contrôler et éventuellement sanctionner les entreprises situées sur leur territoire qui sont impliquées dans des actes de corruption dans les pays tiers; demande à la Commission de dresser une liste publique des entreprises qui ont été déclarées coupables de pratiques de corruption ou dont les responsables sont inculpés pour pratiques de corruption dans les États membres ou dans des pays tiers; est d'avis que cette liste devrait interdire à ces entreprises de participer aux procédures de passation de marchés publics ou de bénéficier de fonds européens dans les États membres de l'Union ou les pays tiers en cas de condamnation, et jusqu'à une décision définitive d'exonération rendue par un juge; souligne que cette "liste noire" peut être efficace pour dissuader les entreprises de s'engager dans des activités de corruption et représente une mesure adéquate pour les inciter à améliorer et à renforcer leurs procédures internes de garantie de leur intégrité;
40. se félicite des accords conclus entre le Parlement européen et le Conseil exigeant que les entreprises de l'industrie extractive et d'exploitation des forêts primaires déclarent les sommes versées aux gouvernements, par pays et par projet; prie instamment les gouvernements de tous les pays partenaires d'exiger la déclaration équivalente des sommes versées par les entreprises transnationales inscrites ou cotées sur les marchés financiers relevant de leur compétence; prie instamment l'Union européenne d'encourager cette norme de déclaration dans le cadre de ses relations avec les pays partenaires; est d'avis que la Commission, lors de la prochaine révision de la législation en question, devrait envisager d'élargir le champ d'application des déclarations pays par pays afin d'inclure les entreprises transnationales de tous les secteurs et de permettre la communication d'un plus grand nombre d'informations, comme celles sur les ventes, les avoirs, le personnel, les profits et les taxes;
Opérations de maintien de la paix et de la stabilité
41. souligne que la corruption alimente souvent la criminalité et contribue aux conflits et à la fragilité des États; estime que la lutte contre la corruption devrait être une plus grande priorité dans les efforts déployés par l'Union européenne en matière de prévention des conflits et dans ses initiatives visant à faire face aux situations de fragilité;
42. souligne le rôle essentiel de normes d'intégrité élevées parmi les forces de maintien de la paix des Nations Unies et de l'Union africaine, notamment dans le cadre de la Facilité de soutien à la paix pour l'Afrique; soutient les appels à réformer le système des mesures d'intégrité des Nations Unies, à savoir la nécessité de consolider toutes les enquêtes relatives à des abus commis par des fonctionnaires – y compris les enquêtes sur le terrain – au sein d'une unité de contrôle interne; invite dès lors les Nations Unies à prendre des mesures pour faire en sorte que les victimes des forces de maintien de la paix aient un droit de recours et pour améliorer les mécanismes de dénonciation et la politique de protection des dénonciateurs d'abus;
43. souligne la nécessité de développer et de mettre à jour les normes générales de comportement et le code de conduite pour les missions relevant de la PSDC de l'Union européenne, afin de refléter adéquatement les efforts de lutte contre la corruption tant dans les missions que dans les zones couvertes par celles-ci; invite l'Union européenne et ses États membres à prendre des mesures pour faire en sorte que les victimes du personnel européen dans le cadre des missions de maintien de la paix et de l'état de droit aient un droit de recours effectif; prie instamment le Conseil de mettre en place des mécanismes de dénonciation sûrs et adéquats ainsi qu'une politique efficace de protection des dénonciateurs d'abus; souligne que ces mécanismes doivent intégrer la perspective de l'égalité entre les femmes et les hommes;
44. salue les initiatives telles que le document de Montreux et le code de conduite international des prestataires privés de services de sécurité; se félicite du soutien récent de l'Union européenne au document de Montreux et du nombre élevé et croissant d'États membres de l'Union qui l'ont approuvé; souligne, cependant, qu'il est nécessaire de mieux faire respecter les principes établis; invite tous les États membres de l'Union à développer davantage leur législation et leur réglementation nationales conformément aux normes énoncées dans le document de Montreux et leur recommande, ainsi qu'à l'Union, de conclure des marchés uniquement avec des entreprises militaires et de sécurité privées qui respectent les principes de ces initiatives; invite l'Union et ses États membres à soutenir la création du mécanisme de surveillance dudit code de conduite international, en tant qu'organe de contrôle capable de gérer les plaintes et d'émettre des sanctions dissuasives (y compris la modification des contrats nécessitant des contraintes supplémentaires, la délivrance d'avertissements officiels, l'imposition de pénalités financières et la suppression temporaire ou définitive des entreprises militaires et de sécurité privées du système du code de conduite international) afin de garantir le respect des engagements au titre du code de conduite international et, en dernière analyse, de responsabiliser les entreprises militaires et de sécurité privées;
45. demande que l'Union européenne et ses États membres appuient la création d'un cadre international réglementant les activités des entreprises militaires et de sécurité privées, établissant des conditions égales afin que les pays d'accueil soient habilités à réglementer les entreprises militaires et de sécurité privées et que les États contractants puissent utiliser leurs compétences pour protéger les droits de l'homme et prévenir la corruption; souligne qu'un tel cadre doit prévoir des sanctions dissuadant les violations, la responsabilité des auteurs de violations et l'accès effectif aux voies de recours pour les victimes, en plus d'un système d'autorisation et de surveillance obligeant toutes les entreprises militaires et de sécurité privées à se soumettre à des audits indépendants et à faire participer l'ensemble de leur personnel à des formations obligatoires aux droits de l'homme;
Coopération et assistance internationales
46. recommande aux États membres d'améliorer la mise en œuvre des dispositions des chapitres IV (Coopération internationale) et V (Recouvrement d'avoirs) de la CNUCC, en particulier de renforcer l'efficacité de l'entraide judiciaire demandée par les pays tiers, notamment en interprétant la législation nationale de manière à faciliter l'assistance requise et en dissociant la confiscation de la condamnation dans l'État demandeur aux fins de l'entraide judiciaire et en octroyant à leurs systèmes judiciaires les moyens humains et financiers leur permettant de traiter correctement et rapidement les dossiers; prie instamment l'Union européenne d'accorder la priorité à cette question d'une grande importance dans les pays tiers en voie de démocratisation, notamment en éliminant les obstacles juridiques et le manque de volonté à coopérer des centres financiers de l'Union, qui maintiennent fréquemment un régime d'entraide judiciaire peu réactif et inefficace;
47. est d'avis que la clause standard sur la sauvegarde des droits de l'homme introduite dans tous les accords conclus avec des pays tiers devrait également inclure un engagement vis-à-vis de la protection et de la promotion de la bonne gouvernance;
48. encourage la Commission à proposer, dans le cadre de la prochaine révision de l'accord de Cotonou, le respect de la bonne gouvernance en tant qu'élément essentiel de l'accord et à étendre la portée de la définition de la corruption, afin de pouvoir sanctionner les violations de la clause relative à la bonne gouvernance dans tous les cas de circonstances graves et pas uniquement lorsqu'elles sont liées à des politiques et des programmes économiques et sectoriels dans lesquels l'Union est un partenaire important sur le plan de l'appui financier;
49. salue la décision des groupes de travail UE-Égypte et UE-Tunisie d'établir la version finale d'une feuille de route pour la restitution des avoirs illicitement acquis qui demeurent gelés dans plusieurs pays tiers; prie instamment l'Union européenne et ses États membres de souscrire sans réserve aux dispositions internationales actuelles qui régissent la restitution des avoirs, telles que le chapitre V de la CNUCC, le plan d'action de restitution des avoirs élaboré dans le contexte du partenariat de Deauville du G8 avec les pays arabes en transition, et le nouveau cadre législatif produit par le Conseil le 26 novembre 2012; estime que les dispositions relatives à la restitution des avoirs appuieront les efforts déployés par les pays pour remédier aux pires effets de la corruption et prie instamment l'Union européenne et ses États membres de prendre des mesures importantes destinées à faciliter la restitution des avoirs qui ont été détournés par les anciens régimes et volés aux populations des pays du Printemps arabe; souligne l'importance d'une stratégie axée sur les droits de l'homme concernant le traitement de la restitution des avoirs et de la dette publique par les États issus de régimes où la corruption est endémique; soutient les initiatives concernant le contrôle de la dette publique extérieure et intérieure afin de détecter des cas de corruption et leur incidence sur les droits de l'homme; appelle les États membres à soutenir les initiatives en matière de contrôle de la dette;
50. appelle l'Union et les États membres à apporter une aide juridique et technique aux pays en développement qui souhaitent récupérer les biens mal acquis (ou les avoirs accumulés illégitimement par les dictatures) détenus sur le territoire de l'Union européenne;
51. fait observer que la corruption dans le commerce des armes représente une grande partie de la corruption existant dans les transactions internationales; salue le traité sur le commerce des armes (TCA) adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies le 2 avril 2013, qui fixe des normes contraignantes communes et des critères d'analyse des transferts d'armes internationaux; se félicite de l'engagement des États membres à signer le traité sur le commerce des armes dans les meilleurs délais et les appelle à jouer également un rôle de premier plan dans les efforts des Nations Unies aux fins de la ratification et de la mise en œuvre rapides du traité sur le commerce des armes par tous les États membres des Nations Unies; encourage l'Union à garantir une surveillance accrue des exportations de fabricants d'armes européens et à lutter contre l'opacité dans le secteur du commerce des armes, en particulier pour ce qui est du recours aux intermédiaires et des compensations économiques ou industrielles, conformément à la position commune 2008/944/PESC du Conseil du 8 décembre 2008 définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipements militaires;
o o o
52. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission ainsi qu'au Service européen pour l'action extérieure, aux gouvernements et aux parlements des États membres de l'Union européenne, des pays candidats et des pays associés, au Conseil de l'Europe, à l'Union africaine, au Fonds monétaire international, à la Banque mondiale, à la Banque européenne d'investissement, à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement et aux Nations Unies.