Résolution du Parlement européen du 8 octobre 2013 sur le généricide: les femmes manquantes? (2012/2273(INI))
Le Parlement européen,
– vu l'article 3 du traité sur l'Union européenne (traité UE), qui met l'accent sur des valeurs communes aux États membres, comme le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les hommes et les femmes, et vu l'article 8 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (traité FUE), qui établit le principe de l'intégration de la dimension de genre en disposant que pour toutes ses actions, l'Union cherche à éliminer les inégalités, et à promouvoir l'égalité, entre les hommes et les femmes,
– vu l'article 19 du traité FUE, qui fait référence à la lutte contre toute discrimination fondée sur le sexe,
– vu l'article 23 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,
– vu la convention des Nations unies du 18 décembre 1979 sur l'élimination de toutes les formes de discriminations à l'égard des femmes (CEDAW),
– vu la déclaration et le programme d'action de Pékin adoptés par la quatrième conférence mondiale sur les femmes le 15 septembre 1995, et ses résolutions du 18 mai 2000(1), du 10 mars 2005 (Pékin+10)(2) et du 25 février 2010 (Pékin+15)(3),
– vu les objectifs du millénaire pour le développement (OMD), adoptés lors du sommet du millénaire des Nations unies en septembre 2000, et en particulier l'OMD "promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes", qui est une condition pour vaincre la pauvreté, la faim et la maladie et pour parvenir à l'égalité à tous les niveaux de l'enseignement et sur tous les lieux de travail, à l'égalité dans la maîtrise des ressources et à la représentation égale dans la vie publique et politique,
– vu le pacte européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes (2011-2020) adopté par le Conseil européen en mars 2011,
– vu le consensus européen pour le développement,
– vu la convention européenne des droits de l'homme et la biomédecine,
– vu les lignes directrices de l'Union européenne concernant la promotion du droit humanitaire international (DHI), la peine de mort, la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, les défenseurs des droits de l'homme, les dialogues avec les pays tiers sur les droits de l'homme, la promotion et la protection des droits de l'enfant, les violences contre les femmes et la lutte contre toutes les discriminations à leur encontre,
– vu les conclusions du Conseil du 2 décembre 1998 établissant que l'évaluation annuelle de la mise en œuvre du programme d'action de Pékin se fondera sur des indicateurs quantitatifs et qualitatifs et sur des indices de référence,
– vu les conclusions du Conseil des 2 et 3 juin 2005 invitant les États membres et la Commission à renforcer les mécanismes institutionnels de promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes et à se donner un cadre pour évaluer la mise en œuvre du programme d'action de Pékin en vue de permettre un suivi plus cohérent et systématique des progrès accomplis,
– vu les conclusions du Conseil, des 5 et 6 décembre 2007, sur le bilan de la mise en œuvre par les États membres et les institutions de l'Union du programme d'action de Pékin, ainsi que le rapport présenté par la présidence portugaise qui y était annexé, qui comprenait des indicateurs sur les femmes et la pauvreté,
– vu la "stratégie pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2010-2015", présentée par la Commission le 21 septembre 2010, et le document de travail des services de la Commission qui l'accompagne, sur les actions destinées à la mise en œuvre de la stratégie,
– vu le document de travail des services de la Commission sur le plan d'action pour l'égalité entre les hommes et les femmes et l'émancipation des femmes dans le développement (2010-2015),
– vu la déclaration commune adoptée le 4 février 2005 par les ministres de l'Union européenne chargés de l'égalité entre les femmes et les hommes dans le cadre du bilan 10 ans après l'adoption du programme d'action de Pékin, par laquelle ils ont notamment réaffirmé leur soutien et leur engagement résolus en faveur d'une mise en œuvre pleine et effective de la déclaration et du programme d'action de Pékin,
– vu les conclusions adoptées, le 15 mars 2013, par la 57e session de la Commission sur le statut des femmes des Nations Unies, qui reconnaissent pour la première fois spécifiquement, dans un texte international, le phénomène d'assassinats liés au sexe ou "féminicides",
– vu la déclaration inter-agences de 2011 sur la prévention du choix du sexe basé sur des préjugés liés au genre, présentée par le Haut commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (UNHCHR), le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA), le Fonds international des Nations unies pour le secours à l'enfance (UNICEF), l'ONU Femmes et l'Organisation mondiale de la santé (OMS),
– vu la déclaration et le programme d'action de la conférence internationale du Caire de 1994 sur la population et le développement (CIPD), les principales mesures pour la poursuite de son application et la résolution 65/234 de l'Assemblée générale des Nations unies, adoptée en décembre 2010, sur la suite donnée à la conférence internationale sur la population et le développement au-delà de 2014,
– vu sa résolution du 13 mars 2008 sur l'égalité des genres et l'autonomisation des femmes dans la coopération au développement(4), et notamment son paragraphe 37,
– vu sa résolution du 16 décembre 2010 sur le rapport annuel 2009 sur les droits de l'homme dans le monde et la politique de l'Union européenne en la matière(5), en particulier son paragraphe 76, qui insiste sur la nécessité d'éliminer toutes les formes de discrimination et de violence à l'égard des femmes, adultes et mineures, y compris l'avortement sélectif selon le sexe,
– vu sa résolution du 13 décembre 2012 sur le rapport annuel 2011 sur les droits de l'homme et la démocratie dans le monde et la politique de l'Union européenne en la matière(6),
– vu sa résolution du 11 octobre 2007 sur les meurtres de femmes (féminicides) au Mexique et en Amérique centrale et le rôle de l'Union européenne dans la lutte contre ce phénomène(7),
– vu l'article 48 de son règlement,
– vu le rapport de la commission des droits de la femme et de l'égalité des genres et l'avis de la commission du développement (A7-0245/2013),
A. considérant que le généricide est un terme neutre faisant référence au massacre de masse systématique, délibéré et sélectif selon le genre de personnes appartenant à un sexe donné, et qu'il s'agit d'un problème croissant et pourtant sous-déclaré dans différents pays alors qu'il a des conséquences létales; que le présent rapport étudie en particulier les causes, les tendances actuelles, les conséquences et les moyens de lutter contre les pratiques qui visent à choisir le sexe sur la base de préjugés liés au genre et qui peuvent ce faisant prendre également la forme d'infanticides et d'actes de violence (d'autres termes, notamment celui de féminicide qui a fait l'objet d'un rapport spécial du Parlement(8), sont également utilisés pour désigner la forme extrême de discrimination et de violence à l'égard des femmes que constitue l'assassinat des femmes et des jeunes filles);
B. considérant qu'en dépit de la législation récente contre les pratiques de sélection selon le sexe, les filles font l'objet, de façon disproportionnée, d'une discrimination sexuelle implacable, qui va souvent jusqu'à frapper les fœtus identifiés comme féminins, lesquels font l'objet d'avortements, sont abandonnés ou assassinés, au seul motif que ce sont des fœtus féminins;
C. considérant que l'on estime qu'en 1990 déjà, plus de cent millions de femmes étaient démographiquement "absentes" de la population mondiale pour cause de généricide(9); que selon des estimations récentes, ce chiffre a augmenté pour frôler les deux cents millions de femmes "absentes" de la population mondiale(10);
D. considérant que le généricide est un problème global auquel l'Asie et l'Europe ne sont pas les seules à être confrontées, mais qui touche également l'Amérique du Nord, l'Afrique et l'Amérique latine; que le généricide est commis partout où des femmes enceintes, de leur propre initiative ou sous la pression d'autrui, décident de ne pas donner naissance à une petite fille parce que les filles sont considérées comme un fardeau pour la société;
E. considérant qu'en Asie et plus particulièrement en Chine, en Inde et au Vietnam, les rapports de masculinité sont particulièrement distordus; qu'en 2012, on comptait 113 naissances masculines pour 100 filles en Chine, contre 112 naissances masculines pour 100 filles en Inde et au Vietnam(11);
F. considérant qu'en Europe, il existe une distorsion particulière des rapports de masculinité dans certains pays étant donné qu'en 2012, en Albanie, en Arménie, en Azerbaïdjan et en Géorgie, on comptait 112 naissances masculines pour 100 filles(12);
G. considérant que la pratique du généricide est souvent très profondément ancrée dans les cultures où la préférence pour les garçons est patente et où sévissent inégalités des genres, discriminations persistantes et stéréotypes à l'encontre des filles, ainsi que, dans certains pays, des politiques coercitives appliquées par le gouvernement;
H. considérant que les perceptions de la préférence pour les garçons sont profondément ancrées et font partie de traditions anciennes ayant leur importance dans des questions liées notamment à l'héritage, au soutien et à la sécurité économiques que les parents attendent de leurs fils, ainsi qu'à la transmission du patronyme et à la perpétuation de la lignée, sans oublier que les parents souhaitent s'épargner le coût traditionnellement élevé d'une dot pour les filles afin d'éviter des difficultés financières;
I. considérant que des systèmes de sécurité sociale, les régimes et les formules d'assurance inadéquats pour les familles peuvent, à tort, susciter une préférence pour les garçons et conduire à des pratiques de sélection selon le sexe;
J. considérant que les pratiques de sélection selon le sexe perturbent l'équilibre des sexes dans les sociétés, sont à l'origine de l'asymétrie des rapports de masculinité des populations et ont des conséquences économiques et sociales; que l'absence d'équilibre entre les sexes, et, partant, une proportion d'hommes trop élevée, nuit à la stabilité sociale à long terme, ce qui entraîne une augmentation généralisée du taux de criminalité tout en favorisant la frustration, la violence, le trafic d'êtres humains, l'esclavage sexuel, l'exploitation, la prostitution et le viol;
K. considérant qu'une culture patriarcale de la préférence persistante pour les garçons non seulement perpétue les stéréotypes, les déficits démocratiques et les inégalités entre les hommes et les femmes, mais constitue également une discrimination à l'égard des femmes qui les empêche de bénéficier pleinement d'un traitement égal et de chances égales dans tous les domaines de l'existence;
L. considérant que l'on peut déduire de l'existence de pratiques de sélection selon le sexe, de taux plus élevés de mortalité parmi les très petites filles et de taux plus faibles d'inscription des filles à l'école par rapport aux garçons que la culture de la préférence pour les garçons prévaut dans certaines sociétés; qu'il est important d'étudier et de vérifier si de tels phénomènes s'accompagnent d'autres déficits démocratiques au détriment des petites filles, comme la détérioration de leur accès à l'alimentation, aux services de santé, à l'éducation, aux équipements sanitaires, à l'eau potable, aux soins médicaux et à l'aide sociale, afin de trouver des moyens efficaces de les combattre;
M. considérant que les déficits démographiques féminins dans de nombreux pays ne peuvent être réglés en l'absence de données statistiques fiables en matière de contrôle des naissances et des décès;
N. considérant que l'autonomisation des femmes contribuera aux évolutions comportementales et sociétales nécessaires pour éradiquer à long terme des pratiques de sélection fondée sur le sexe;
O. considérant que l'éradication des pratiques de sélection fondée sur le sexe est un processus complexe, pour lequel il faut recourir à un éventail d'approches et de méthodes interconnectées, y compris une formation spécialisée dispensée au personnel médical en matière de conseils et de prévention concernant les pratiques de sélection selon le sexe, tant dans toute l'Union que dans le monde;
P. considérant que les mesures de promotion et les mesures politiques, ainsi que les bonnes pratiques, comme la campagne de sensibilisation à la valeur des filles baptisée "Care for Girls" en Chine et le programme "Balika Samriddhi Yojana" en Inde, en offrant des incitations financières en faveur de l'éducation des filles dans les familles pauvres, sont essentielles si l'on veut changer les comportements à l'égard des filles et des femmes;
Q. considérant que l'exemple du succès de la Corée du Sud est remarquable, sachant que le pays a inversé un rapport de masculinité particulièrement distordu de 114 naissances masculines pour 100 filles en 1994, contre 107 garçons pour 100 filles en 2010(13);
1. souligne que le généricide demeure un crime et une grave violation des droits de l'homme qui exige que des moyens adéquats soient mis en place afin de traiter et d'éradiquer toutes les causes fondamentales à l'origine de la culture patriarcale;
2. insiste sur l'obligation de tous les États et gouvernements de promouvoir et de protéger les droits de l'homme et d'empêcher les discriminations, ce qui constitue le socle fondamental pour toute action visant à éliminer tous les types de violences faites aux femmes;
3. invite les gouvernements à élaborer et à appliquer des mesures qui promeuvent un changement profond des mentalités et des attitudes à l'égard des femmes, pour ainsi combattre les croyances et les comportements néfastes qui perpétuent la violence à l'égard des femmes;
4. invite les gouvernements à caractériser spécifiquement le féminicide ou le généricide comme étant un crime et, ainsi, à élaborer et à appliquer des mesures législatives pour que les cas de féminicide soient l'objet d'une enquête, que les agresseurs soient traduits en justice et que les survivantes se voient garantir un accès facile aux services de santé et de soutien à long terme;
5. souligne que, aux termes de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique ainsi qu'aux termes de la déclaration et du programme d'action de Pékin, toute pression familiale ou sociale sur les femmes afin de les conduire à un avortement sélectif constitue une forme de violence physique et psychologique;
6. rappelle que l'éradication des pratiques de sélection selon le sexe est un processus complexe, qui exige une série d'approches et de méthodes interconnectées, allant de l'étude des causes profondes et des facteurs culturels et socio-économiques caractéristiques des pays où une préférence existe pour les garçons à la défense des droits et de la condition des filles et des femmes, ainsi qu'à l'introduction de lois et de règlements; estime, plus généralement, que la seule manière durable de prévenir une nouvelle progression des pratiques se sélection selon le sexe consiste à promouvoir l'égalité de valeur des deux sexes dans chaque société;
7. insiste sur la nécessité, et fait appel à la Commission à cette fin, de promouvoir une recherche et un examen scientifiques approfondis concernant les causes principales des pratiques de sélection selon le sexe, afin d'encourager la recherche dans le domaine des coutumes et traditions nationales susceptibles de conduire à une sélection selon le sexe, ainsi que dans le domaine des conséquences sociétales à long terme de la sélection selon le sexe;
8. préconise une analyse détaillée des raisons économiques et financières sous-jacentes qui contribuent aux pratiques de sélection selon le sexe; appelle, par ailleurs, les gouvernements à s'attaquer résolument aux charges qui sont imposées aux familles et qui peuvent concourir au phénomène de surmasculinité;
9. souligne combien il est important d'élaborer une législation contre la sélection selon le sexe, laquelle devrait prévoir des mesures de protection sociale pour les femmes, un meilleur suivi de l'application de la législation existante et une orientation plus marquée vers les causes culturelles et socioéconomiques du phénomène, afin de traiter la question dans une optique durable et globale, qui préserve l'égalité entre les hommes et les femmes tout en encourageant la participation active de la société civile;
10. invite les gouvernements à mettre un terme aux déficits démocratiques et législatifs, à lutter contre les obstacles persistants qui sont autant de discriminations à l'encontre des petites filles, à veiller aux droits à l'héritage pour les femmes ainsi qu'au respect de la législation nationale garantissant l'égalité des femmes par rapport aux hommes devant la loi dans tous les domaines de l'existence, et à faire en sorte que les femmes, qu'elles soient adultes ou mineures, gagnent leur autonomie sur les plans économique, politique et de l'éducation;
11. invite la Commission à soutenir et à encourager tous types d'initiatives destinées à accroître la sensibilisation concernant la discrimination fondée sur le genre, y compris le généricide, ainsi qu'à trouver des moyens appropriés permettant de le combattre, en offrant des conseils, une assistance, des politiques et des financements appropriés au titre de ses relations extérieures, de l'aide humanitaire et de la prise en compte de la dimension de genre;
12. souligne que l'incapacité à renforcer l'autonomie des femmes et des filles ainsi que l'absence d'efforts pour modifier les normes et les structures sociales ont de graves implications sur les plans juridique et éthique ainsi que du point de vue de la santé et des droits de l'homme, et peuvent être lourds de conséquences, à long terme, pour les sociétés concernées;
13. souligne que, d'après plusieurs études, le déséquilibre entre les hommes et les femmes risque de conduire à une recrudescence de la traite des êtres humains à des fins de mariage et d'exploitation sexuelle, à une montée de la violence à l'encontre des femmes ainsi qu'à une augmentation des mariages d'enfants, des mariages précoces et forcés, du VIH/sida et d'autres maladies sexuellement transmissibles (MST); souligne que cette forme de déséquilibre représente donc une menace pour la stabilité et la sécurité de la société, et demande par conséquent que les répercussions possibles de cette surmasculinité croissante sur la santé, l'économie et la sécurité fassent l'objet d'études approfondies;
14. encourage les réformes à cette fin, le suivi continu et la mise en œuvre efficace de la législation en matière d'égalité des genres et de non-discrimination, en particulier dans les pays à faibles et moyens revenus et dans les pays en transition;
15. invite la Commission à travailler de façon intensive afin de lutter contre le choix du sexe basé sur des préjugés liés au genre, non pas en imposant des restrictions à l'accès aux services et aux techniques en matière de santé reproductive mais en promouvant leur utilisation responsable, à introduire et à renforcer les lignes directrices, à offrir une formation spécialisée au personnel médical en matière de conseils et de prévention concernant les pratiques de sélection selon le sexe - exception faite des rares cas justifiés par des maladies génétiques liées à l'un des deux sexes -, et à empêcher l'utilisation et la promotion de technologies à des fins de sélection selon le sexe ou dans un but lucratif;
16. souligne que la législation visant à gérer ou limiter le choix du sexe doit protéger le droit des femmes à avoir accès, sans l'autorisation du conjoint, à des services et techniques de santé sexuelle et génésique légitimes; insiste sur la nécessité d'appliquer efficacement cette législation et de veiller à ce que des sanctions appropriées s'appliquent aux personnes qui ne respectent pas la loi;
17. exhorte les gouvernements et le milieu médical à coopérer étroitement et demande l'élaboration de lignes directrices plus strictes en ce qui concerne l'autorégulation des cliniques et des hôpitaux, afin d'empêcher activement l'exercice de la sélection selon le sexe à des fins lucratives;
18. demande à la Commission et aux États membres de dresser une liste des cliniques qui pratiquent l'avortement sélectif en Europe, de fournir des statistiques en la matière et d'élaborer un recueil de meilleures pratiques pour empêcher ces avortements;
19. reconnaît que garantir et promouvoir les droits des femmes et des filles, en leur offrant des chances égales, en particulier dans les domaines de l'éducation et de l'emploi, est crucial pour combattre le sexisme et assurer la construction d'une société où le principe d'égalité entre les hommes et les femmes est une réalité; insiste sur le fait que l'amélioration des niveaux d'instruction, des possibilités d'emploi et des services de santé intégrés, dont les services de soins spécialisés dans la sexualité et la reproduction et s'adressant à la population féminine, joue un rôle primordial et vital dans les actions visant à éliminer les pratiques de sélection selon le sexe – de l'avortement à l'infanticide –, ainsi que dans les efforts déployés pour parvenir une croissance économique globale dans les pays en développement et pour réduire la pauvreté; souligne que l'autonomisation des femmes et la participation des hommes sont des éléments déterminants en vue de lutter contre les inégalités entre hommes et femmes, et de favoriser les changements de comportement et les mutations sociales nécessaires pour abolir à long terme les pratiques de sélection selon le sexe;
20. invite par conséquent la Commission à œuvrer à la promotion d'un environnement éducatif et social dans lequel les deux sexes sont respectés et traités de la même façon, et voient l'un comme l'autre leurs capacités et leur potentiel reconnus, sans stéréotypes ni discrimination, en renforçant l'intégration de la dimension de genre, l'égalité des chances et un partenariat d'égal à égal;
21. prie la Commission et presse instamment les organisations internationales concernées d'encourager les programmes éducatifs qui permettent aux femmes de s'émanciper en leur offrant la possibilité de développer leur estime de soi, d'acquérir des connaissances, de prendre des décisions et des responsabilités quant à leur propre existence, leur santé et leur emploi, leur permettant ainsi de connaître l'indépendance financière;
22. invite la Commission, le SEAE et les gouvernements des États tiers à élaborer des campagnes d'information qui promeuvent le principe d'égalité entre les hommes et les femmes et qui veillent à sensibiliser les populations sur le respect mutuel des droits fondamentaux de chacune des personnes du couple, surtout en matière de droit de propriété, d'emploi, de soins de santé appropriés, de justice et d'éducation;
23. rappelle les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et souligne que l'accès à l'éducation et aux soins de santé, y compris à la santé sexuelle et génésique et aux droits en la matière, fait partie des droits de l'homme élémentaires; insiste sur la nécessité d'évoquer spécialement et spécifiquement les questions du généricide et de la sélection selon le sexe dans le cadre des dialogues et des rapports concernant les OMD ainsi qu'au sein des autres enceintes internationales de partage des expériences;
24. souligne que la faculté des femmes à exercer leurs droits passe indéniablement par leur aptitude à prendre des décisions individuellement et indépendamment de leur conjoint, et qu'il est dès lors essentiel d'assurer aux femmes l'accès à l'éducation, au travail et aux soins de santé, ainsi qu'un accès direct à la contraception et à un compte bancaire sans l'autorisation ou le consentement d'autrui;
25. invite les gouvernements des pays partenaires à réduire les coûts des traitements médicaux prodigués aux enfants, notamment aux filles, qui meurent parfois après avoir reçu des soins inadaptés ou insuffisants;
26. invite les gouvernements à améliorer l'accès des femmes aux soins de santé, notamment prénatale et maternelle, à l'éducation, à l'agriculture, au crédit et aux micro-prêts, aux possibilités économiques et à la propriété;
27. demande que l'accent soit placé tout particulièrement sur la création de conditions propices à l'esprit mutuel dans les pays en développement, notamment à la création de caisses de retraite, afin de réduire la charge économique qui pèse sur les familles et les particuliers, ce qui permettrait de réduire leur dépendance et leur préférence vis-à-vis des enfants mâles;
28. relève que les pratiques de sélection selon le sexe perdurent même dans des régions prospères dont les populations sont alphabétisées;
29. encourage le développement de mécanismes de soutien pour les femmes et les familles qui permettent de fournir des informations et des conseils aux femmes quant aux dangers et aux séquelles des pratiques de sélection selon le sexe, et de conseiller les femmes qui subissent des pressions pour avorter en cas de fœtus féminin, et de les soutenir;
30. encourage la société civile et les agences gouvernementales à entreprendre des actions conjointes afin d'œuvrer à la promotion de l'information et de la sensibilisation du public concernant les conséquences néfastes des pratiques de sélection selon le sexe pour la mère;
31. invite la Commission à apporter un soutien technique et financier en faveur d'activités novatrices et de programmes éducatifs visant à alimenter le débat et à favoriser la compréhension du fait que les filles ont la même valeur que les garçons, en utilisant à cette fin tous les médias et les réseaux sociaux disponibles, en ciblant les jeunes gens, les dirigeants spirituels et religieux, les enseignants, les chefs de communauté et les autres personnalités influentes, dans le but de modifier les perceptions culturelles en matière d'égalité des genres d'une société donnée et de souligner la nécessité de comportements non discriminatoires;
32. invite l'Union européenne à incorporer un élément important relatif à l'égalité entre les hommes et les femmes ainsi qu'à mettre l'accent sur l'autonomisation des femmes dans l'ensemble de ses partenariats et dialogues avec les pays en développement, comme le préconise le consensus européen sur le développement; estime, par ailleurs, qu'il y a lieu d'intégrer à tous les niveaux de l'appui budgétaire la perspective d'égalité entre les hommes et les femmes, notamment en encourageant le dialogue avec des associations de femmes dans les pays en développement et en instaurant des indicateurs ventilés par sexe;
33. invite les autorités des pays concernés à améliorer le suivi et la collecte de données statistiques concernant les rapports de masculinité et à agir pour régler tout déséquilibre éventuel; appelle, à cet égard, à une coopération plus étroite entre l'Union européenne, les agences des Nations unies ainsi que les autres partenaires internationaux et gouvernements partenaires;
34. invite la Commission et tous les acteurs concernés à prendre toutes mesures législatives ou autres qui s'imposent pour veiller à ce que les avortements forcés et les actes chirurgicaux sélectifs visant à interrompre une grossesse sans avoir préalablement obtenu le consentement éclairé des femmes concernées ni s'être assuré qu'elles avaient compris la procédure soient passibles de sanctions pénales;
35. invite les gouvernements et tous les acteurs concernés à veiller à ce que la législation concernant la sélection selon le sexe soit effectivement respectée et à adopter les sanctions qui s'imposent contre les contrevenants;
36. invite la Commission à intensifier sa coopération avec d'autres organisations et organismes internationaux, tels que les Nations unies, l'OMS, l'Unicef, le HCDH, le FNUAP et ONU Femmes, afin de lutter contre les pratiques de sélection selon le sexe et de s'attaquer à leurs causes essentielles dans tous les pays, et de travailler en réseau avec les gouvernements, les parlements, les différentes parties prenantes, les médias, les organisations non gouvernementales, les organisations de femmes et les autres structures de proximité, afin de renforcer la sensibilisation aux généricides et aux moyens de les empêcher;
37. invite la Commission et le SEAE à coopérer avec les organisations internationales susmentionnées afin de lutter contre les pratiques de sélection en fonction du sexe et de s'attaquer à leurs causes essentielles dans tous les pays, et à travailler en réseau avec les gouvernements, les parlements, les différentes parties prenantes, les médias, les organisations non gouvernementales, les organisations de femmes et les autres structures de proximité, afin de renforcer la sensibilisation aux généricides et aux moyens de les empêcher;
38. invite la Commission et le SEAE à faire du généricide, lors des négociations concernant l'aide humanitaire, un des problèmes que les pays tiers concernés doivent résoudre en priorité en leur demandant de s'engager à éradiquer cette pratique sans plus attendre, de renforcer les mesures de sensibilisation et d'encourager les actions de prévention en la matière;
39. demande à l'Union et à ses pays partenaires d'améliorer, à la faveur de la coopération au développement, le contrôle et la collecte de données sur la proportion des sexes à la naissance et d'agir rapidement pour corriger les éventuels déséquilibres; souligne que des clauses relatives aux droits de l'homme, et notamment à la discrimination fondée sur le genre, doivent également figurer dans les accords internationaux de commerce et de coopération;
40. invite l'Union européenne à adopter une approche qui donne la priorité aux droits en prenant en compte tous les droits fondamentaux et qui se concentre tout particulièrement sur l'autonomisation des femmes ainsi que sur la promotion et le respect plein et entier des droits des femmes et des filles, droits sexuels et génésiques et égalité des genres compris, en tant que condition préalable à la lutte contre le généricide, question essentielle dans l'agenda de la politique de développement de l'Union après 2015;
41. affirme que, lors de l'application des clauses spécifiques relatives à l'interdiction de la coercition ou de la contrainte en matière de santé sexuelle et reproductive, adoptées lors de la Conférence internationale du Caire sur la population et le développement, ainsi que des instruments internationaux contraignants relatifs aux droits de l'homme, de l'acquis communautaire de l'Union et des compétences de celle-ci dans ces domaines, l'Union ne devrait apporter son assistance à aucune autorité, aucune organisation ou aucun programme qui incite, contribue ou participe à la gestion de toute action impliquant ce type de violations des droits de l'homme, telles que l'avortement forcé, la stérilisation forcée des femmes ou des hommes, la détermination du sexe du fœtus entraînant le choix prénatal du sexe d'un enfant ou un infanticide;
42. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission ainsi qu'aux gouvernements des États membres.
Le 11 octobre 2007, le Parlement européen a adopté une résolution sur les meurtres de femmes (féminicides) au Mexique et en Amérique centrale et sur le rôle de l'Union européenne dans la lutte contre ce phénomène. En décembre 2010, le Parlement a, dans son dernier rapport annuel sur les droits de l'homme, rappelé qu'il condamnait le féminicide. Le féminicide est également évoqué dans les lignes directrices de l'UE sur les violences contre les femmes, adoptées par le Conseil en décembre 2008. À cet égard, la présidence de l'UE a publié, en avril 2009, une déclaration se félicitant de l'ouverture d'un procès par la Cour interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) et la haute représentante de l'Union, Catherine Ashton, a publié en juin 2010, au nom de l'UE, une déclaration où elle exprime l'inquiétude que lui inspirent les féminicides commis en Amérique latine, condamne "toute forme de violence liée au sexe, ainsi que les féminicides, qui sont des crimes monstrueux", et se félicite de l'arrêt rendu par la CIDH.
Amartya Sen, More Than 100 Million Women Are Missing, The New York Review of Books, Vol. 37, No. 20, (20 décembre 1990), consultable à l'adresse suivante: http://www.nybooks.com/articles/3408.
Fiche thématique des Nations unies: Journée internationale de la femme 2007, consultable à l'adresse suivante: http://www.un.org/events/women/iwd/2007/factsfigures.shtml.
Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA), Report of the International Workshop on Skewed Sex Ratios at Birth: Addressing the Issue and the Way Forward, octobre 2011.