Résolution du Parlement européen du 14 janvier 2014 sur la marque régionale: vers de meilleures pratiques dans les économies rurales (2013/2098(INI))
Le Parlement européen,
– vu les articles 174 et suivants du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui établissent l'objectif de cohésion économique, sociale et territoriale et définissent les instruments financiers structurels pour y parvenir,
– vu l'article 39 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui établit les objectifs de la politique agricole commune,
– vu le règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et abrogeant le règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil(1),
– vu le règlement (UE) n° 1303/2013 du Parlement européen et du Conseil portant dispositions communes relatives au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen, au Fonds de cohésion, au Fonds européen agricole pour le développement rural et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, portant dispositions générales applicables au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen, au Fonds de cohésion et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche et abrogeant le règlement (CE) n° 1083/2006 du Conseil(2),
– vu l'article 48 de son règlement,
– vu le rapport de la commission de l'agriculture et du développement rural et les avis de la commission des transports et du tourisme et de la commission du développement régional (A7-0456/2013),
A. considérant que la notion de développement territorial a gagné en importance ces dernières années, notamment par l'inclusion d'une référence plus explicite dans le traité de Lisbonne;
B. considérant que la politique européenne pour le développement rural, qui constitue le second pilier de la PAC, a été officiellement reconnue dans le contexte de la réforme de l'Agenda 2000; considérant que cette réforme a donné à la politique de développement rural un statut allant au-delà de celui de la politique sociale et structurelle en tant que complément de la politique des marchés agricoles;
C. considérant que le futur règlement-cadre de la politique régionale invite les États membres à adopter une conception et une programmation intégrées, permettant plus de cohérence entre les programmes pluriannuels du Fonds européen de développement régional, du Fonds social européen, du Fonds de cohésion ainsi que du Feader (et du Fonds européen pour la pêche) et ceci grâce à un cadre stratégique commun, qui évite les doublons en matière de financements et d'initiatives, poursuivant les objectifs de la stratégie Europe 2020, et établi dans un contrat de partenariat rédigé par les États membres en coopération avec les partenaires économiques et sociaux et les représentants de la société civile; considérant par conséquent que les mesures et initiatives en faveur du développement des territoires, notamment ruraux, doivent s'insérer dans une approche globale et transsectorielle;
D. considérant que la frontière entre l'urbain et le rural est de plus en plus diffuse et que l'agriculture péri-urbaine se développe; considérant qu'il importe que la politique régionale, en complément de la politique de développement rural, soit aussi tournée vers les territoires ruraux, afin d'y accompagner des projets innovants et structurants;
E. considérant que les outils de développement rural mis à la disposition des États membres dans le règlement pour le développement rural en vigueur ouvrent des possibilités de développement multiples à ces mêmes États membres et à leurs régions, et que ces facultés sont insuffisamment exploitées par les programmes actuels de développement rural en raison des ressources budgétaires insuffisantes;
F. considérant que le règlement pour la période de programmation 2014-2020 du développement rural va élargir les mesures offertes aux États membres notamment en ce qui concerne les mesures de soutien à une production d'aliments de qualité, la mesure de coopération entre les acteurs territoriaux en vue de valoriser l'ensemble des ressources sous formes de biens et de services de qualité, le renforcement des organisations de producteurs, ainsi que les mesures sur l'innovation et la diversification économique dans les territoires ruraux;
G. considérant que la meilleure intégration des producteurs primaires dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire par l'intermédiaire de systèmes d'assurance de la qualité, de la promotion des ventes sur les marchés locaux et de courts canaux d'approvisionnement a été définie comme une priorité pour le développement rural 2014‑2020;
H. considérant que, dans le contexte du développement rural, l'approche LEADER résume au mieux le concept de la coopération entre sujets de diverses natures, en maintenant quoi qu'il en soit le caractère central de l'activité agricole, et que les sujets participants peuvent partager un projet de filière territoriale afin de souligner les particularités et les bonnes pratiques d'une zone homogène déterminée;
I. considérant que le choix des modalités et du type de soutien à mettre en œuvre dans les programmes de développement rural devrait être laissé à la discrétion des États membres ou de leurs régions, s'ils optent pour une programmation régionale; considérant que les États membres se trouvent dans la position optimale pour déterminer si l'accent placé sur ces programmes est approprié au niveau national ou régional;
J. considérant que des méthodes peuvent être utilisées pour mobiliser et impliquer à travers des approches communes tous les acteurs publics et privés quels que soient leurs niveaux d'intervention en vue de coopérations multiples et de valorisations de l'ensemble des potentiels propres à chaque territoire autour d'un projet partagé, une attention particulière devant être apportée, en particulier dans ce cas, à l'importance des associations de développement local, ainsi que des associations et coopératives de producteurs, qui peuvent être des partenaires privilégiés dans l'accès aux marchés locaux, régionaux, nationaux et internationaux;
K. considérant que des programmes de développement rural efficaces et globaux peuvent avoir une incidence positive concrète sur les taux d'emploi et sur la compétitivité des entreprises en milieu rural et dès lors réduire les risques de chômage ou de grande misère dans les campagnes en raison de revenus ruraux peu élevés;
L. considérant que les marques d'excellence territoriales peuvent contribuer à renforcer et développer les économies territoriales, en particulier dans les zones les plus fragiles, dans les régions de montagne et les régions ultrapériphériques, en coordonnant des ensembles de biens (alimentaires et non alimentaires) et de services de qualité indissolublement liés les uns aux autres, foncièrement ancrés dans les spécificités de chaque territoire et notamment leur patrimoine (historique, culturel, géographique etc.); considérant que réunis entre eux au sein de paniers, ces biens et services sont non substituables, et sont créateurs de rentes territoriales offrant de nouvelles opportunités économiques sur les marchés de proximité et internationaux ou à travers la promotion des régions en tant que destinations touristiques; considérant que ces marques territoriales visent aussi à identifier les territoires qui se sont bien organisés pour créer des solidarités et des synergies entre leurs acteurs afin de valoriser durablement leurs ressources et dynamiser leur économie, gage indispensable à la viabilité des campagnes et à un développement équilibré entre les zones rurales et urbaines; considérant qu'elles ne doivent pas être confondues avec les signes de qualité accolés aux produits alimentaires (les appellations d'origine protégée (AOP), les indications géographiques protégées (IGP) et les spécialités traditionnelles garanties (STG)) et avec lesquels il n'existe aucune incompatibilité mais bien au contraire une totale complémentarité; considérant qu'elles doivent participer à leur promotion aussi bien dans l'Union qu'en dehors de ses frontières, et contribuer à améliorer la compétitivité des économies rurales tout en offrant de nouvelles possibilités d'emploi;
M. considérant que les appellations d'origine protégée (AOP) et les indications géographiques protégées (IGP) sont un système efficace qui participe largement au développement rural et territorial par la création et la distribution de valeur ajoutée, par l'action collective des producteurs et de l'ensemble des acteurs concernés et par la promotion du territoire en question qu'elles permettent sur les marchés locaux, régionaux et internationaux; considérant par conséquent que les marques régionales ne doivent en aucun cas remplacer ni porter atteinte de quelle manière que ce soit au système des AOP-IGP;
N. considérant que la promotion et le soutien des synergies entre les secteurs primaire et tertiaire au niveau local et régional peuvent garantir le développement durable des secteurs agricole et touristique dans l'Union;
O. considérant qu'il convient de créer et d'instaurer un instrument de marketing efficace afin d'augmenter la compétitivité des produits régionaux, de promouvoir les producteurs locaux et de concourir à la construction d'une image régionale, et pas uniquement dans le domaine de l'agriculture;
1. salue l'approche intégrée pour un développement territorial prévue dans le règlement sur le cadre stratégique commun des fonds européens; note le besoin de coordination et de cohérence entre les différents fonds européens pour un développement territorial harmonieux durable et équilibré;
2. note que le développement territorial figure explicitement dans les objectifs de la PAC en complément des deux autres objectifs que sont la sécurité alimentaire et la gestion durable des ressources naturelles et la lutte contre le réchauffement climatique;
3. souligne le rôle multifonctionnel des zones rurales qui ne se limite pas au développement de l'agriculture, mais est également associé à d'autres activités économiques et sociales, en se fondant sur la constitution de capacités locales en termes de compétences, de connaissances et d'investissements pour révéler et utiliser les avantages locaux et les facteurs et les ressources inexploités ou précieux;
4. salue le concept de "développement local mené par les acteurs locaux" et demande aux États membres de mettre en œuvre ce concept et de lever les éventuels blocages entre les ministères et autres unités administratives impliqués dans la gestion de cette approche novatrice; souligne que les procédures administratives ne devraient pas être fastidieuses, ni engendrer de coûts supplémentaires pour les autorités compétentes au sein des États membres;
5. invite les États membres et leurs administrations régionales à promouvoir des gouvernances participatives et plus dynamiques permettant de réaliser des projets communs de développement territoriaux pouvant porter sur l'ensemble des secteurs économiques dont celui du tourisme et au sein de l'agriculture sur des filières alimentaires et non alimentaires, à l'exemple de projets de filières territorialisées (circuits courts, filières alimentaires, abattoirs de proximité, projet de méthanisation de biomasse agricole, chimie verte, agro-matériaux etc.), en mettant l'accent sur les microentreprises et les nouvelles entreprises, en s'appuyant sur un processus de reconnaissance d'identité de chaque territoire ancrée et reliée à son patrimoine; note que ces formes de gouvernance reposent sur des partenariats complexes entre les acteurs et structures qu'il s'agit de fédérer, autour du concept de marque d'excellence territoriale, et invite dès lors les États membres à créer une plateforme afin de partager les meilleures pratiques, en utilisant notamment le cadre des instruments fournis par l'approche LEADER des programmes de développement rural;
6. affirme que l'amélioration de la coordination des acteurs locaux peut contribuer à stimuler les économies locales essentiellement dans les régions les plus fragiles, y compris les régions montagneuses, et dans les plus éloignées, comme les régions ultrapériphériques; souligne que les territoires pourraient tirer profit d'une meilleure organisation en vue d'en révéler tout le potentiel de ressources (ressources latentes comprises), dans l'intérêt de tous les acteurs placés dans des relations d'interdépendance et de solidarité (qu'ils soient agricoles, artisanaux, touristiques, patrimoniaux, dont organisations de producteurs, associations, chambres de commerce); note que ces convergences stratégiques d'acteurs ont pour vocation de capter des ressources en reprenant et en allant au-delà des seules logiques sectorielle ou de filière pour se positionner sur des logiques territoriales autorisant de nouvelles rentes de qualité territoriale à partir d'ensembles de biens et de services complémentaires et correspondant aux spécificités de chaque territoire; précise à ce titre que cette gouvernance territoriale appuie fermement la création, le développement et le renforcement de la promotion des produits agricoles et alimentaires placés sous les régimes de qualité existants, fondés sur la défense de la propriété intellectuelle, et en même temps que la promotion de services de qualité (qui ne bénéficie pas de reconnaissance européenne officielle), la promotion des denrées agricoles et des services se renforçant mutuellement, tous les acteurs assurant par des comportements solidaires la promotion de tous les biens et services de leur propre territoire de vie;
7. estime que, bien que la marque de qualité territoriale prétende favoriser un processus de valorisation du territoire axé sur des produits et services en se fondant sur des aspects tels que l'identité et la responsabilité sociale, qui soit intégrateur et qui complète et crée des synergies entre les labels de qualité existants liés à l'origine des produits agroalimentaires, elle va plus loin en étant par nature transversale et applicable à tous les produits, biens et services du territoire et au modèle de gestion de ses entreprises, de ses entités et de ses acteurs locaux;
8. souligne qu'il importe de promouvoir des formes d'association entre différentes régions ainsi qu'un partenariat intersectoriel pour pouvoir faire face à la concurrence; reconnaît le rôle des organismes représentatifs présents à l'échelle régionale, nationale et européenne, tels que les associations, qui s'attachent à faire connaître les marques régionales ainsi qu'à améliorer et à renforcer la notoriété croissante de leur région; demande qu'une plus grande attention soit accordée aux initiatives liées aux marques régionales, qui pourraient relever à la fois de la coopération territoriale européenne et des initiatives de financement européennes, et tenir lieu d'instruments d'investissement en faveur d'une compétitivité régionale dynamique à long terme;
9. considère que la marque de qualité régionale doit contribuer à promouvoir l'image de l'Europe comme une destination touristique de haute qualité, en s'appuyant sur les différentes composantes du tourisme régional, telles que l'agrotourisme, le tourisme rural, l'éco-tourisme et le tourisme gastronomique, ainsi que le patrimoine industriel, historique, naturel et culturel, y compris les pistes cyclables, en combinaison avec les transports publics; souligne qu'il n'existe pas de marque européenne pour le secteur des services qui soit liée au territoire et qui permette au consommateur de reconnaître un produit touristique de qualité; recommande à cet égard de contribuer au lancement de dynamiques de qualité dans le secteur du tourisme, en particulier dans le tourisme rural et les petites entreprises; considère que cette marque peut concourir à la création d'une solution de remplacement aux secteurs traditionnels tels que l'agriculture et l'élevage; estime que toute marque de qualité liée à un territoire spécifique doit répondre à un cahier des charges garantissant la qualité et qu'elle doit être établie dans le respect et sur la base des marques existantes, telles que les dénominations des produits alimentaires, pour éviter toute confusion avec les produits agricoles disposant d'un label de qualité établi par l'Union européenne;
10. estime que des initiatives telles que les destinations européennes d'excellence (le réseau EDEN) stimulent la compétitivité, favorisent l'émergence d'un tourisme durable et de qualité dans une région, grâce au potentiel des microentreprises et des petites entreprises, et contribuent au développement local, à la mise en place de partenariats et à la diversification des acteurs impliqués dans la formation de la marque de qualité régionale; invite la Commission à inclure les différentes formes de tourisme liées aux activités rurales dans des actions et programmes connexes tels qu'EDEN, Calypso, etc.; relève qu'il est nécessaire de soutenir les activités touristiques rurales par l'intermédiaire d'actions et de programmes ciblés;
11. recommande à la Commission et aux États membres de veiller à ce que les prochains programmes de développement rural prévoient des mesures et des moyens appropriés pour faciliter une bonne gouvernance et des formes durables de gouvernance territoriales en mobilisant et en renforçant les mesures basées sur des fonctionnements collectifs: mesures de coopération (y compris sur des systèmes de production durable), d'animation, d'échanges, de réseaux, d'innovation, de formation, de groupements de producteurs, de promotion, d'information et d'investissement prévues dans les nouveaux règlements sur le développement rural; invite les Groupes d'Action Locale (GAL) au titre du programme LEADER + à fournir l'appui nécessaire pour mettre en place des réseaux de coopération liant les producteurs locaux et régionaux, les fournisseurs de services et des institutions culturelles telles que les universités, bibliothèques et centres de recherche, afin de permettre que les aspects culturels et historiques des territoires soient pris en compte dans des marques régionales servant à tisser des liens durables entre la formation, de recherche et la production, créant ainsi des emplois durables;
12. précise que ces projets doivent être multisectoriels mais conserver le caractère central des activités agricoles, et que ces projets sont évalués par l'autorité de gestion compétente des plans de développement;
13. invite la Commission à soutenir les États membres dans leurs efforts pour reconnaître et promouvoir de nouvelles formes de coopération des territoires ruraux, autour de la marque d'excellence territoriale, à l'aide des outils contenus dans la réforme de la PAC comme l'initiative communautaire LEADER, les outils d'assistance technique et de mise en réseau, le Partenariat européen d'innovation (PEI), le réseau européen pour le développement rural, ainsi qu'avec tout autre outil et moyens qui s'avéreraient nécessaires, ces nouvelles formes de coopération territoriale européenne étant fondées sur une évaluation objective des synergies territoriales, en tenant notamment compte de l'inclusion des dimensions sociale, économique et environnementale, la durabilité, la diversité des acteurs économiques (tourisme compris) et sociaux porteurs de l'identité territoriale et l'ensemble des biens et services spécifiques pouvant être élaborés sur chaque territoire , pour maintenir et créer de la valeur ajoutée;
14. considère qu'au sein de ces nouvelles formes de coopération territoriale les États membres doivent pouvoir utiliser au plan national ou régional toutes les mesures de développement rural qui se rattachent à une politique de qualité des produits alimentaires, afin de développer en particulier les ventes sur les marchés locaux et les chaînes courtes d'approvisionnement, ainsi que d'améliorer durablement et mieux connaître les méthodes de production, en respectant pleinement la législation européenne, sans affecter ni diluer, ni dénaturer la réglementation actuelle sur les régimes de qualité de l'Union reposant sur les appellations d'origine protégée (AOP), les indications géographiques protégées (IGP) et les spécialités traditionnelles garanties (STG); estime que dans le domaine agroalimentaire la marque d'excellence territoriale doit se limiter à promouvoir les systèmes de qualité AOP-IGP-STG lorsqu'ils existent ou à soutenir leur création lorsqu'ils n'existent pas; demande à la Commission face à la prolifération tout azimut de marques et de certifications régionales et la multiplicité d'étiquetage possible en Europe sur les denrées alimentaires, d'en dresser un relevé, afin d'éviter les éventuels effets négatifs sur les régimes de qualité; remarque que le concept de marque régionale doit être défini de manière claire et s'inspirer de l'expérience positive des marques de qualité qui existent déjà (AOP, AOC, IGP), en définissant des stratégies coordonnées pour éviter les duplications et les chevauchements et une approche commune partagée, fondée sur un cadre à définir au niveau européen;
15. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission.