Accord de partenariat volontaire UE-Indonésie en matière d'application des réglementations forestières, de gouvernance et du commerce de produits du bois avec l'Union
Résolution du Parlement européen du 27 février 2014 sur la conclusion de l'accord de partenariat volontaire entre l'Union européenne et la République d'Indonésie sur l'application des réglementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux de produits du bois vers l'Union européenne (2013/2990(RSP))
Le Parlement européen,
– vu le projet de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord de partenariat volontaire entre l'Union européenne et la République d'Indonésie sur l'application des réglementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux de produits du bois vers l'Union européenne(1),
– vu l'accord de partenariat volontaire entre l'Union européenne et la République d'Indonésie sur l'application des réglementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux de produits du bois vers l'Union européenne(2),
– vu la demande d'approbation présentée par le Conseil conformément à l'article 207, paragraphe 3, premier alinéa, à l'article 207, paragraphe 4, premier alinéa, à l'article 218, paragraphe 6, deuxième alinéa, point a) v), et à l'article 218, paragraphe 7, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (C7-0344/2013),
– vu la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (adoptée par l'Assemblée générale dans sa résolution 61/295 du 13 septembre 2007)(3),
– vu le règlement (UE) n° 995/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 établissant les obligations des opérateurs qui mettent du bois et des produits dérivés sur le marché(4),
– vu le rapport de la Banque mondiale du 14 mars 2012 intitulé "La justice pour les forêts: renforcer la lutte des systèmes de justice pénale contre les exploitations forestières illégales"(5),
– vu le rapport de l'organisation Human Rights Watch du 16 juillet 2013 sur "Le côté obscur de la croissance verte: répercussions de la faible gouvernance dans le secteur des exploitations forestières en Indonésie sur les droits de l'homme"(6),
– vu l'accord-cadre global de partenariat et de coopération signé le 9 novembre 2009 entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la République d'Indonésie, d'autre part,
– vu l'article 110, paragraphe 2, de son règlement,
A. considérant que, le 30 septembre 2013, le gouvernement indonésien et l'Union européenne ont signé un accord de partenariat volontaire (APV) sur l'application des réglementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux de produits du bois vers l'Union européenne (FLEGT), confirmant ainsi leur volonté commune de s'assurer que le bois importé dans l'Union est cultivé, abattu et transporté légalement;
B. considérant que les APV sont destinés à mettre un terme à l'exploitation illégale des forêts, à améliorer la gestion forestière et à parvenir, à terme, à une exploitation durable des forêts, ainsi qu'à soutenir les efforts entrepris à l'échelle mondiale pour endiguer la déforestation et la dégradation des forêts;
C. considérant que les APV sont destinés à favoriser les changements systémiques dans le secteur de l'exploitation forestière en récompensant les efforts des opérateurs respectueux de la législation, qui acquièrent du bois auprès de fournisseurs licites et fiables, et en les protégeant contre la concurrence déloyale;
D. considérant que l'Indonésie est la troisième région au monde après l'Amazonie et le bassin du Congo en ce qui concerne la superficie occupée par la forêt tropicale humide, mais que ce pays est aussi un important émetteur de gaz à effet de serre en raison principalement de la conversion de sa forêt tropicale humide et des tourbières à forte teneur en CO2 en terres autrement exploitées, par exemple pour la production d'huile de palme et de papier;
E. considérant que l'Indonésie a perdu au moins 1 240 000 hectares de forêts entre 2009 et 2011;
F. considérant que seuls 10 % en valeur des exportations indonésiennes de bois et de produits du bois sont actuellement destinés au marché européen, tandis que le reste est principalement exporté vers les pays asiatiques, ce qui fait de l'APV un instrument de référence essentiel pour l'ensemble de la filière indonésienne du bois;
G. considérant que, selon Interpol et une étude de la Banque mondiale de 2012, le secteur forestier en Indonésie présente des risques élevés de blanchiment d'argent et d'évasion fiscale;
H. considérant que, selon l'organisation Human Rights Watch, la corruption, l'évasion fiscale et le blanchiment d'argent dans le secteur forestier ont coûté au pays pas moins de 7 milliards de dollars américains entre 2007 et 2011; considérant que le vice‑président de la commission indonésienne pour l'éradication de la corruption a décrit le secteur forestier comme "une source de corruption illimitée"(7); considérant que l'Indonésie a toutefois accompli d'importants progrès ces dernières années en ce qui concerne la poursuite en justice des délits financiers, comme l'atteste la condamnation pour évasion fiscale prononcée par la Cour suprême en décembre 2012 à l'encontre du producteur d'huile de palme Asian Agri Group;
I. considérant que les deux parties doivent conclure un accord sur le système indonésien de garantie de la légalité du bois (Sistem Verifikasi Legalitas Kayu – SVLK) afin que le bois et les produits du bois indonésiens visés par l'APV bénéficient d'une autorisation FLEGT lorsqu'ils intègrent le marché européen, leur provenance étant alors automatiquement considérée comme licite au titre du règlement de l'Union dans le domaine du bois(8);
J. considérant que le SVLK indonésien fait actuellement l'objet d'une révision dans le but d'assurer sa conformité avec les exigences définies par l'APV;
K. considérant qu'au titre du règlement (CE) nº 2173/2005 du Conseil concernant la mise en place d'un régime d'autorisation FLEGT relatif aux importations de bois dans la Communauté européenne(9), la Commission est habilitée à adopter des exigences détaillées pour l'octroi de l'autorisation FLEGT et à modifier la liste des pays partenaires et des autorités chargées de la délivrance des licences désignées par ces pays figurant à l'annexe I du règlement,
L. considérant que la Cour constitutionnelle indonésienne a statué, le 6 mai 2013, que les forêts où vivent les peuples autochtones ne pouvaient être classées comme des forêts domaniales, et qu'elle a ainsi ouvert la voie à une reconnaissance plus large des droits des peuples autochtones de l'archipel;
1. salue les efforts considérables entrepris volontairement par l'Indonésie pour combattre l'exploitation illégale des forêts et le commerce illicite qui y est associé en développant son SVLK avec la participation des différentes parties intéressées, et se félicite notamment des importantes avancées réalisées au cours des derniers mois; reste néanmoins préoccupé par certains problèmes; rappelle qu'afin de pouvoir délivrer officiellement des autorisations FLEGT, le fonctionnement du SVLK doit tendre vers l'accomplissement des objectifs de l'APV;
2. se félicite des résultats des négociations relatives à l'accord de partenariat volontaire entre l'Union européenne et la République d'Indonésie sur l'application des réglementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux de produits du bois vers l'Union européenne; réaffirme son soutien à la conclusion de l'APV et sa volonté d'accompagner son application afin de contribuer à sa réussite;
3. relève qu'à ce jour, la majorité des sources de bois concernées du pays n'ont pas été certifiées par le SVLK et que du bois non certifié pénètre encore en grands volumes dans la chaîne d'approvisionnement;
4. souligne qu'il est essentiel d'élargir le champ d'application du SVLK, y compris celui des procédures de contrôle, à toutes les zones de production de bois et à toutes les étapes de la chaîne d'approvisionnement, et de veiller à ce que le bois légal vérifié et le bois non vérifié soient séparés afin que ce dernier ne pénètre pas les chaînes d'approvisionnement du SVLK;
5. considère que la question de la conversion forestière constitue un problème persistant du système indonésien de gestion de l'affectation des sols; déplore qu'à l'heure actuelle, le SVLK n'effectue aucun contrôle de la procédure d'octroi des permis de conversion forestière aux entreprises, notamment en ce qui concerne le respect par ces dernières de l'obligation d'évaluer les incidences de leurs activités sur l'environnement ainsi que des restrictions imposées dans le cadre de la procédure d'octroi des permis de conversion forestière;
6. relève que le SVLK, sous sa forme actuelle, aboutit même à la certification de la légalité de certaines exploitations du bois pour lesquelles les plaintes des peuples autochtones et des communautés locales relatives à leurs droits fonciers n'ont pas fait l'objet d'une décision et/ou, le cas échéant, d'une indemnisation adéquate; demande à la Commission d'enjoindre au gouvernement indonésien de veiller à ce que soient dûment pris en compte, dans le cadre de la vérification de la légalité, le respect des droits des communautés traditionnelles relatifs aux forêts, l'obtention du consentement préalable, libre et éclairé des peuples autochtones et des communautés locales et le versement d'une indemnisation, le cas échéant, pour la perte de leur accès à des terres forestières, et que soit attribuée aux instances de vérification la tâche d'évaluer si les entreprises ont bien respecté les droits fonciers des communautés locales et si l'attribution des terres a été officiellement rendue publique;
7. encourage le gouvernement indonésien à veiller à ce que le processus de certification ne soit pas discriminatoire envers les petites et moyennes entreprises;
8. invite la Commission à insister auprès du gouvernement indonésien pour que celui-ci garantisse:
–
que toutes les sources de bois et l'ensemble de leurs chaînes de surveillance soient contrôlées, et notamment que le droit initial des entreprises d'exploitation forestière à abattre les arbres soit attesté;
–
que le bois et les produits dérivés certifiés soient séparés du bois et des produits dérivés non certifiés;
–
que la conversion des forêts naturelles soit réduite autant que possible et que la légalité du bois issu des zones de conversion soit contrôlée, notamment en ce qui concerne la réalisation d'une évaluation des incidences sur l'environnement ainsi que le respect de ses dispositions régissant l'exploitation des sols qui font l'objet d'une concession;
9. demande au gouvernement indonésien, pour renforcer la crédibilité du pays en matière d'octroi de l'autorisation FLEGT, d'accompagner la vérification de la légalité effectuée au titre du SVLK de mesures fermes visant à lutter contre les délits financiers liés au secteur forestier, tels que le blanchiment d'argent et la fraude fiscale;
10. invite le gouvernement indonésien à donner suite à la décision qu'il a prise dernièrement de faire appliquer la législation fiscale et d'exiger des entreprises qui exportent du bois qu'elles présentent les documents attestant le respect scrupuleux de la législation fiscale indonésienne ainsi que de la loi indonésienne de 2010 sur le blanchiment d'argent;
11. salue l'initiative de la "carte unique" mise en place par le gouvernement indonésien pour élargir l'accès du public à des données et à des cartes actualisées et transparentes, sans lesquelles la bonne gestion des forêts en Indonésie serait mise en péril en raison des interprétations divergentes et multiples de la législation ainsi que des litiges avec les communautés locales et autochtones; souligne que les contrôleurs indépendants des forêts devraient avoir accès à ces informations de base afin de remplir leurs fonctions de manière crédible, et que les plans des concessions, les plans de récolte et les informations sur les permis délivrés devraient être accessibles au public; demande au gouvernement indonésien d'accélérer la concrétisation de l'initiative de la "carte unique" et d'en publier une première version, incluant les informations relatives à la délivrance de licences d'exploitation des forêts et aux plaintes concernant l'affectation des sols;
12. invite la Commission, dans le cadre de sa participation au comité conjoint de mise en œuvre, à veiller à ce que des efforts soient entrepris en vue de réduire sensiblement le risque de fraude et de corruption, notamment grâce à la préparation d'un plan de contrôle de la fraude fondé sur les risques;
13. reconnaît que la vérification de la légalité du bois repose presque entièrement sur les résultats des auditeurs et des contrôleurs indépendants; salue le rôle officiel que joue le SVLK vis-à-vis du contrôle indépendant par la société civile; note cependant que les ressources humaines et financières mobilisées pour l'action des réseaux de contrôleurs indépendants restent très limitées;
14. invite la Commission à enjoindre au gouvernement indonésien de garantir que les contrôleurs et les instances de vérification, ainsi que les contrôleurs indépendants des forêts, reçoivent des formations et un financement adéquats leur permettant d'assurer une surveillance régulière sur le terrain et d'effectuer des contrôles et des vérifications ponctuels;
15. salue les efforts entrepris par le gouvernement indonésien pour renforcer le rôle de la police forestière compétente; relève toutefois que le ministère indonésien des forêts doit encore améliorer son programme de contrôle, d'inventaire et de suivi des cas d'exploitation illégale des forêts; souligne qu'il est capital de signaler aux autorités répressives les entreprises pour lesquelles une activité d'exploitation illégale est constatée;
16. demande à la Commission d'exhorter le gouvernement indonésien à faire en sorte que les infractions à la législation en vigueur signalées par les contrôleurs indépendants soient traitées comme il se doit et que les autorités compétentes prennent des mesures de répression effectives et dissuasives en cas de détection d'infractions à la législation;
17. insiste sur le fait que le contrôle indépendant et le respect des droits des populations autochtones et des communautés locales sont des facteurs primordiaux de la crédibilité du SVLK; souligne, dès lors, qu'il est essentiel de maintenir cet engagement, de renforcer la transparence vis-à-vis des autres parties concernées de la société civile, de veiller à ce que les contrôles indépendants par la société civile se déroulent sans violence, menaces ou exactions, et que les auteurs éventuels de tels méfaits soient sévèrement punis;
18. invite la Commission à insister auprès du gouvernement indonésien pour que celui-ci garantisse:
–
que la participation des parties prenantes à l'application et au fonctionnement du SVLK se poursuive et s'intensifie;
–
que les contrôles indépendants par la société civile se déroulent sans violence, menaces ou exactions et que les auteurs éventuels de tels méfaits soient sévèrement punis;
–
que l'obtention du consentement préalable, libre et éclairé des populations autochtones et des communautés locales soit une condition non négociable de l'octroi de toute autorisation FLEGT et que, le cas échéant, ces populations et communautés reçoivent une juste indemnité en compensation de la perte de leur accès à des zones forestières essentielles pour leur subsistance;
–
que les critères de contrôle du SVLK ne soient pas figés, mais fassent l'objet d'une révision périodique par les parties indonésiennes concernées afin que le système soit sans cesse amélioré;
19. demande à la Commission de veiller à ce que la décision du 6 mai 2013 de la Cour constitutionnelle indonésienne soit dûment prise en compte dans la révision du SVLK;
20. demande à la Commission d'aider le gouvernement indonésien à produire les efforts attendus de sa part et de veiller à ce que les conditions soient équitables au niveau régional en accédant à la requête du gouvernement indonésien de convier le Sarawak aux négociations relatives à un APV UE-Malaisie;
21. est conscient du fait que certaines demandes incluses dans la présente résolution vont au-delà des critères établis à l'annexe VIII de l'APV en ce qui concerne l'approbation du système d'octroi des licences; invite la Commission à s'assurer que des avancées soient réalisées dans l'accomplissement de ces demandes supplémentaires, que le Parlement juge essentielles, ainsi qu'à lui faire rapport sur les progrès accomplis avant d'approuver le régime d'octroi des licences;
22. prie la Commission de lui faire régulièrement rapport sur les avancées réalisées dans la mise en œuvre de l'APV, notamment sur la manière dont les problèmes susmentionnés sont et seront adéquatement résolus;
23. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission ainsi qu'au gouvernement et au parlement de la République d'Indonésie.
Human Rights Watch, The dark side of green growth: Human rights impacts of weak governance in Indonesia’s forestry sector, 2013, http://www.hrw.org/sites/default/files/reports/indonesia0713webwcover_1.pdf