Résolution du Parlement européen du 27 novembre 2014 sur la Serbie: l'affaire Vojislav Šešelj, accusé de crimes de guerre (2014/2970(RSP))
Le Parlement européen,
– vu ses résolutions précédentes sur la Serbie,
– vu l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République de Serbie, d'autre part, entré en vigueur le 1er septembre 2013,
– vu le rapport de suivi 2014 de la Commission sur la Serbie du 8 octobre 2014 (SWD(2014)0302),
– vu le statut du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex‑Yougoslavie depuis 1991 (TPIY),
– vu l'article 65 du règlement de procédure et de preuve du TPIY;
– vu l'article 135, paragraphe 5, et l'article 123, paragraphe 4, de son règlement,
A. considérant que Vojislav Šešelj, président du Parti radical serbe, est poursuivi devant le TPIY pour persécution pour des motifs politiques, raciaux et religieux, déportation, actes inhumains (déplacement forcé de populations) (crimes contre l'humanité), ainsi que pour meurtre, torture, traitements cruels, destruction arbitraire de villages, graves dégradations non justifiées par des impératifs militaires, destruction et dégradation volontaire d'institutions religieuses et éducatives et pillage de biens publics et privés (violation des lois et coutumes de la guerre) en Croatie, en Bosnie‑Herzégovine et dans certaines parties de la Voïvodine (Serbie) entre 1991 et 1993;
B. considérant que le TPIY a été créé en 1993 par les Nations unies afin de juger les responsables présumés des crimes de guerre commis dans les années 1990, et de poser ainsi les jalons de la résolution des conflits et du développement de la région postérieurement aux conflits;
C. considérant que, le 6 novembre 2014, la Chambre de première instance a ordonné d'office la mise en liberté provisoire de Vojislav Šešelj, après plus de onze ans d'emprisonnement et alors que son procès est toujours en cours, pour des raisons humanitaires liées à la dégradation de son état de santé, sous réserve i) qu'il s'abstienne d'influencer les témoins ou les victimes et ii) qu'il comparaisse devant la Chambre aussitôt qu'elle l'ordonne; considérant que Vojislav Šešelj a adopté, dès le début du procès, une attitude hostile envers le TPIY, interrompant, ralentissant et retardant de manière répétée les procédures devant la Cour, et qu'il a été condamné pour outrage au Tribunal à trois reprises pour intimidation de témoins;
D. considérant qu'après son retour en Serbie, Vojislav Šešelj a tenu plusieurs discours publics à Belgrade, dans lesquels il a affirmé avec force qu'il ne se présenterait pas de son propre chef devant le Tribunal lorsque celui‑ci l'exigerait, annonçant ainsi son intention d'enfreindre une des deux conditions de sa mise en liberté;
E. considérant que, dans ses déclarations publiques, l'accusé a appelé de ses vœux à maintes reprises la création d'une "grande Serbie", revendiquant publiquement le territoire de pays voisins et notamment de la Croatie, État membre de l'Union, et incitant son public à la haine envers les populations non Serbes; considérant que, dans un communiqué de presse, il a félicité les tchetniks serbes pour la "libération" de Vukovar, à l'occasion du 23e anniversaire de la prise de cette ville croate par les forces paramilitaires serbes et l'armée yougoslave en 1991, lors de laquelle des atrocités ont été commises, violant ainsi la condition de ne pas influencer les victimes; considérant que des membres serbes de l'organisation pacifique "Women in Black" se sont réunis à Belgrade afin d'honorer la mémoire des victimes du siège par une représentation intitulée "We will never forget the crimes of Vukovar" (Nous n'oublierons jamais les crimes de Vukovar);
1. condamne fermement la rhétorique belliciste de Vojislav Šešelj, ses discours d'incitation à la haine et aux revendications territoriales, ainsi que ses tentatives de détourner la Serbie de son avenir européen; déplore les provocations auxquelles il se livre en public et la rhétorique guerrière qu'il emploie depuis sa libération provisoire, qui ont rouvert les blessures psychologiques infligées aux victimes pendant la guerre et ravivé le souvenir des atrocités commises au début des années 1990; souligne que les déclarations récentes de l'accusé pourraient remettre en question les progrès réalisés en matière de coopération régionale et de réconciliation, réduisant à néant les efforts consentis ces dernières années;
2. rappelle aux autorités serbes leurs obligations dans le cadre de la coopération avec le TPIY et celles de la Serbie en tant que pays candidat à l'entrée dans l'Union; s'inquiète du fait que l'absence de véritable réaction politique et juridique de la part des autorités serbes quant au comportement de Vojislav Šešelj entame la confiance des victimes dans les procédures judiciaires; incite les autorités serbes et les acteurs démocratiques à condamner toute manifestation publique d'incitation à la haine ou de rhétorique belliciste, ainsi qu'à encourager la protection des droits des minorités et des droits culturels; demande aux autorités serbes de déterminer si l'accusé a enfreint la législation serbe, ainsi que de renforcer et d'appliquer pleinement la législation interdisant l'incitation à la haine, la discrimination et l'incitation à la violence; apporte son soutien à tous les partis politiques, ONG et particuliers qui combattent l'incitation à la haine en Serbie;
3. invite le TPIY et son bureau du procureur, étant donné ces circonstances nouvelles, à prendre les mesures nécessaires afin de procéder au réexamen des conditions de la mise en liberté provisoire; observe que la coexistence de pratiques divergentes de la part du Tribunal concernant la mise en liberté provisoire ne contribuerait pas à la réalisation des objectifs du TPIY; encourage celui‑ci à agir avec détermination afin de rétablir la confiance dont il jouissait, qui a été affaiblie par les déclarations publiques effroyables et inadmissibles de Vojislav Šešelj, notamment en prenant toutes les mesures nécessaires pour accélérer la conclusion de l'ensemble des procédures de première et de deuxième instance en cours; rappelle que la poursuite en justice des auteurs de crimes de guerre est une condition préalable à un processus de réconciliation véritable et durable;
4. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des États membres, à la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au président, au gouvernement et à l'Assemblée nationale de Serbie, ainsi qu'au Conseil de sécurité des Nations unies et au président du TPIY.