Résolution du Parlement européen du 21 mai 2015 sur le Zimbabwe, l'affaire du défenseur des droits de l'homme, Itai Dzamara (2015/2710(RSP))
Le Parlement européen,
– vu ses précédentes résolutions concernant le Zimbabwe, notamment celle du 7 février 2013(1),
– vu les déclarations de l'Union faites au niveau local les 11 mars et 9 avril 2015 sur la disparition forcée d'Itai Dzamara,
– vu la déclaration du 19 février 2014 de la vice-présidente de la Commission et haute représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au nom de l'Union européenne, sur le réexamen des relations entre l'Union et le Zimbabwe,
– vu la décision 2014/98/PESC du Conseil du 17 février 2014(2) et la décision 2015/277/PESC du Conseil du 19 février 2015 modifiant la décision 2011/101/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre du Zimbabwe(3),
– vu la déclaration du porte-parole du Haut-Commissariat aux droits de l'homme du 18 janvier 2013 sur les récentes attaques perpétrées à l'encontre de défenseurs des droits de l'homme à l'approche des élections,
– vu l'accord politique global signé en 2008 par les trois principaux partis politiques, à savoir le ZANU-PF, le MDC-T et le MDC;
– vu les conclusions du Conseil de l'Union européenne du 23 juillet 2012 sur le Zimbabwe et la décision d'exécution 2012/124/PESC du Conseil du 27 février 2012 concernant des mesures restrictives à l'encontre du Zimbabwe(4),
– vu la charte africaine des droits de l'homme et des peuples du 27 juin 1981, que le Zimbabwe a ratifiée,
– vu la constitution du Zimbabwe,
– vu l'accord de Cotonou,
– vu l'article 135, paragraphe 5, et l'article 123, paragraphe 4, de son règlement,
A. considérant que le 9 mars 2015, Itai Dzamara, un important militant des droits de l'homme zimbabwéen, dirigeant du mouvement Occupy Africa Unity Square et opposant au président Mugabe, aurait été enlevé par cinq hommes armés non identifiés dans la banlieue de Harare; considérant qu'à ce jour, personne ne sait où il se trouve et que sa sécurité et la protection de ses droits suscitent de fortes inquiétudes;
B. considérant que dans les mois qui ont précédé sa disparition forcée, Itai Dzamara a organisé plusieurs manifestations pacifiques contre la situation politique et économique au Zimbabwe, qui ne fait qu'empirer; considérant que deux jours avant sa disparition forcée, Itai Dzamara a prononcé un discours lors d'un rassemblement politique du parti d'opposition Mouvement pour un changement démocratique – Tsvangirai (MDC-T), dans lequel il appelait à des manifestations géantes contre la situation en détérioration dans le pays sur le plan de la répression et de l'économie, demandait la démission du président Mugabe et réclamait une réforme du système électoral;
C. considérant qu'à ce jour, le gouvernement n'a communiqué aucune information au sujet de la disparition d'Itai Dzamara, ce qui amène l'opinion publique à soupçonner que l'État pourrait être impliqué; considérant que le parti au pouvoir, le ZANU-PF, dément sa disparition forcée et affirme qu'il s'agit d'une mise en scène par les partis d'opposition;
D. considérant qu'un arrêt de la Haute Cour du 13 mars 2015 enjoignait aux autorités zimbabwéennes d'entamer des recherches pour retrouver Itai Dzamara et de la tenir informée toutes les deux semaines jusqu'à l'aboutissement des recherches; considérant que l'injonction de la Haute Cour a été ignorée par les autorités responsables de son application et que le gouvernement ne s'y est pas encore conformé;
E. considérant qu'Itai Dzamara avait déjà fait l'objet de plusieurs attaques de partisans du parti au pouvoir et d'agents de police en uniforme; considérant qu'en novembre 2014, une vingtaine d'agents en uniforme ont menotté Itai Dzamara et l'ont battu jusqu'à ce qu'il perde connaissance, et qu'ils ont également agressé son avocat, Kennedy Masiye;
F. considérant que 11 personnes ont été arrêtées à Harare le 27 avril 2015 après avoir participé à un défilé en soutien à Itai Dzamara; considérant qu'ils ont été détenus pendant six heures;
G. considérant qu'après sa disparition forcée, son épouse, Sheffra Dzamara, a adressé une requête à la Haute Cour d'Harare pour qu'elle force la police et les services de renseignement à rechercher son mari; considérant que pendant l'audience, la police et les services de renseignement ont affirmé ne pas savoir où se trouvait Itai Dzamara; considérant que Sheffra Dzamara a déclaré au début du mois d'avril qu'elle était surveillée constamment par des hommes non identifiés et qu'elle se sentait en danger;
H. considérant que la situation au Zimbabwe sur le plan des droits de l'homme et de la démocratie ne fait qu'empirer, et que des actes de harcèlement et des violations des droits de l'homme à l'encontre de défenseurs de ces droits, de journalistes et de membres de la société civile au Zimbabwe sont sans cesse signalés;
I. considérant que la police abuse fréquemment des lois en vigueur, telles que la loi sur l'ordre et la sécurité publics ou la loi sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée, dans le but d'interdire des assemblées et rassemblements publics légaux;
J. considérant que les libertés de réunion, d'association et d'expression sont des composantes essentielles de toute démocratie;
K. considérant qu'en février 2015, l'Union européenne a repris ses versements d'aide au Zimbabwe, sous la forme d'un programme indicatif national d'un montant de 234 millions d'euros visant à aider le Zimbabwe à être plus démocratique et plus prospère, tandis que le Conseil européen a décidé de maintenir certaines des sanctions contre le Zimbabwe; considérant que seuls le président Robert Mugabe, son épouse et une entreprise dans le domaine de la défense continuent de faire l'objet d'un gel des avoirs et d'une interdiction de pénétrer sur le territoire de l'Union européenne; considérant qu'en outre, l'embargo sur les armes de l'Union est toujours en vigueur;
L. considérant que le 16 mars 2013, une nouvelle constitution a été adoptée par référendum, dans le but affiché d'assainir la vie politique, mais qu'en pratique, les progrès sont lents et la situation en matière de droits de l'homme reste fragile;
1. condamne fermement la disparition forcée du défenseur des droits de l'homme Itai Dzamara et demande sa libération immédiate et inconditionnelle;
2. exhorte le gouvernement du Zimbabwe à prendre toutes les mesures nécessaires pour retrouver Itai Dzamara et traduire tous les responsables de sa disparition en justice; prie le gouvernement de se conformer pleinement à l'ordonnance de la Haute Cour lui enjoignant de rechercher Itai Dzamara;
3. demande aux autorités zimbabwéennes d'assurer la sécurité de son épouse et de sa famille, de ses collègues et de ses partisans;
4. se dit très préoccupé par les rapports des organisations de défense des droits de l'homme faisant part d'une augmentation des actes de violence politique et de harcèlement de l'opposition, ainsi que par les fortes restrictions et les graves actes d'intimidation dont sont victimes les défenseurs des droits de l'homme, souvent battus par la police et arrêtés sous de fausses accusations; déplore que, depuis les dernières élections et l'adoption de la nouvelle constitution en 2013, peu de progrès aient été réalisés sur le plan de l'état de droit et en particulier de la réforme du cadre relatif aux droits de l'homme;
5. prie instamment les autorités zimbabwéennes d'enquêter sur les allégations d'usage excessif de la force et autres violations des droits de l'homme par la police et les fonctionnaires, et de les faire répondre de leurs actes;
6. rappelle que le gouvernement zimbabwéen a pour responsabilité générale de protéger tous ses citoyens; engage les autorités du Zimbabwe à appliquer les dispositions de la déclaration universelle des droits de l'homme, de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples et des instruments régionaux dans le domaine des droits de l'homme ratifiés par le pays;
7. rappelle que le Zimbabwe s'est engagé, dans l'accord politique global, à veiller à ce que sa législation comme ses procédures et ses pratiques soient conformes au droit international des droits de l'homme et aux principes internationaux en la matière, dont font partie les libertés de réunion, d'association et d'expression;
8. prend acte de l'établissement de la commission des droits de l'homme du Zimbabwe, mais s'inquiète de ce qu'elle n'ait été dotée d'aucune capacité réelle pour agir de façon indépendante et atteindre ses objectifs eu égard aux questions urgentes auxquelles le pays est confronté en matière de droits de l'homme;
9. appelle donc à une action concertée de la communauté internationale, en particulier de la Communauté de développement de l'Afrique australe; estime que cette organisation régionale a un rôle important à jouer en tant que garante de l'accord politique global, en insistant notamment sur la mise en œuvre de l'accord et en particulier de son article 13, pour garantir que la police et les autres forces de sécurité agissent indépendamment de toute influence partisane;
10. exhorte le gouvernement du Zimbabwe et le président Mugabe à remplir leurs obligations internationales et à appliquer les dispositions des traités internationaux que le pays a signés et qui garantissent le respect de l'état de droit et la pleine jouissance des droits civils et politiques;
11. demande à l'Union européenne d'approfondir le dialogue politique sur les droits de l'homme en vertu de l'article 8 de l'accord de Cotonou, et notamment d'encourager le gouvernement à abroger ou à modifier de façon appropriée la loi sur l'ordre et la sécurité publics et la loi sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée afin de mettre fin à leur abus;
12. déplore l'absence d'une clause relative aux droits de l'homme ferme et ayant force exécutoire dans l'accord intérimaire de partenariat économique conclu avec quatre États d'Afrique orientale et australe, dont le Zimbabwe;
13. prend acte de la levée des sanctions décidée par l'Union européenne et se dit favorable aux mesures ciblées qui restent pour le moment en vigueur contre le président et son épouse ainsi qu'à l'embargo sur les armes, qui constituent une réponse à la situation au Zimbabwe sur le plan de la politique et des droits de l'homme;
14. est d'avis qu'il est essentiel de promouvoir la démocratie ainsi que de protéger les droits de l'homme et l'état de droit pour que le Zimbabwe puisse devenir un pays libre et prospère;
15. encourage la délégation de l'Union à Harare à continuer d'offrir son assistance au Zimbabwe dans le but d'améliorer la situation des droits de l'homme dans le pays; souligne que l'Union doit veiller à ce que les fonds versés au Zimbabwe à des fins de développement servent réellement les besoins de la population, notamment en passant par les organisations de la société civile, et que les réformes politiques et économiques qu'ils financent soient mises en œuvre;
16. charge son Président de transmettre la présente résolution à la vice-présidente de la Commission et haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au service européen pour l'action extérieure, au gouvernement et au parlement du Zimbabwe, aux gouvernements des pays de la Communauté de développement de l'Afrique australe, à la commission de l'Union africaine, au Parlement panafricain, à l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE et au Secrétaire général du Commonwealth.