Résolution du Parlement européen du 10 juin 2015 sur la situation en Hongrie (2015/2700(RSP))
Le Parlement européen,
– vu le préambule du traité sur l'Union européenne (ci-après le "traité UE"), et notamment ses deuxième et quatrième à septième considérants,
– vu notamment l'article 2, l'article 3, paragraphe 3, deuxième alinéa, et les articles 6 et 7 du traité UE, ainsi que les articles du traité UE et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (traité FUE) ayant trait au respect, à la promotion et à la protection des droits fondamentaux dans l'Union européenne,
– vu la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 7 décembre 2000, proclamée le 12 décembre 2007 à Strasbourg et entrée en vigueur avec le traité de Lisbonne en décembre 2009,
– vu les articles 1, 2 et 19 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,
– vu le protocole n° 13 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du Conseil de l'Europe, relatif à l’abolition de la peine de mort en toutes circonstances,
– vu la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, les conventions, recommandations, résolutions et rapports de l'Assemblée parlementaire, du Comité des ministres, du commissaire aux droits de l'homme et de la commission de Venise du Conseil de l'Europe,
– vu sa résolution du 3 juillet 2013 sur la situation en matière de droits fondamentaux: normes et pratiques en Hongrie (conformément à la résolution du Parlement européen du 16 février 2012)(1),
– vu sa résolution du 27 février 2014 sur la situation des droits fondamentaux dans l'Union européenne (2012)(2),
– vu la communication de la Commission du 11 mars 2014: Un nouveau cadre de l'UE pour renforcer l'état de droit (COM(2014)0158),
– vu le rapport du 16 décembre 2014 du commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe faisant suite à sa visite en Hongrie du 1er au 4 juillet 2014,
– vu les conclusions du Conseil de l'Union européenne et des États membres réunis au sein du Conseil du 16 décembre 2014 sur le respect de l'état de droit,
– vu l'audition sur la situation des droits de l'homme en Hongrie organisée le 22 janvier 2015 par la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures,
– vu les déclarations du Conseil et de la Commission présentées le 11 février 2015 au Parlement européen lors du débat en plénière sur un cadre de l'Union européenne pour la démocratie, l'état de droit et les droits fondamentaux,
– vu l'échange de vues organisé le 7 mai 2015 par la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures dans la foulée de la décision de la Conférence des présidents du 30 avril 2015 sur les effets possibles qu'aurait la décision d'un État membre de rétablir la peine de mort, notamment sur ses droits et sur son statut de membre de l'Union européenne,
– vu les déclarations du Conseil et de la Commission présentées le 19 mai 2015 au Parlement européen lors du débat en plénière sur la situation en Hongrie,
– vu l'article 123, paragraphes 2 et 4, de son règlement,
A. considérant que l'Union européenne est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'état de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités, et que ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes (article 2 du traité UE);
B. considérant que la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne interdit toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle;
C. considérant que l'abolition de la peine de mort est une condition préalable à l'adhésion à l'Union européenne, que celle-ci maintient une forte position de principe contre la peine de mort, et que son abolition constitue un objectif fondamental de sa politique en matière de droits de l'homme;
D. considérant que le droit d'asile est garanti dans le respect des règles de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés et conformément au traité UE et au traité FUE;
E. considérant que la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne des droits de l'homme font partie intégrante de la constitution hongroise; considérant que les derniers événements en Hongrie ont toutefois suscité des inquiétudes sur la situation dans le pays;
F. considérant que, le 28 avril 2015, à la suite des derniers événements en Hongrie, le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, a réclamé un débat public sur la peine de mort; considérant que, le 30 avril 2015, le Président du Parlement européen, Martin Schulz, a publié un communiqué de presse dans lequel il déclare que Viktor Orbán l'a assuré que le gouvernement hongrois n'avait pas l'intention de prendre quelque mesure que ce soit pour rétablir la peine de mort et qu'il s'engageait à respecter et à honorer l'ensemble des traités et de la législation de l'Union européenne; considérant que Viktor Orbán a toutefois de nouveau tenu des propos similaires le 1er mai 2015 au cours d'un entretien à la radio publique nationale, ajoutant que la décision de rétablir la peine de mort devrait relever de la compétence exclusive des États membres, contrairement à ce que prévoient les dispositions des traités de l'Union;
G. considérant qu'en mai 2015, le gouvernement hongrois a lancé une consultation publique sur l'immigration, comme il l'avait déjà fait à plusieurs reprises par le passé sur d'autres sujets; considérant que la consultation publique peut être un instrument important et précieux pour aider les gouvernements à élaborer des politiques bénéficiant du soutien de la population; considérant que les questions posées suscitent des interrogations au sujet de leur nature orientée et rhétorique et qu'elles établissent un lien direct entre les phénomènes migratoires et les problèmes de sécurité;
H. considérant que pendant l'échange de vue qui a eu lieu à la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, la majorité des groupes politiques ont estimé que le rétablissement de la peine de mort et les questions posées dans la consultation publique étaient inacceptables;
I. considérant que, dans sa déclaration présentée le 19 mai 2015 au Parlement européen lors du débat en plénière sur la situation en Hongrie, la présidence du Conseil de l'Union européenne a déclaré que le Conseil n'avait pas abordé la situation en Hongrie et n'avait donc pas adopté de position officielle sur la question;
J. considérant que les efforts déployés pour remédier à la situation actuelle en Hongrie ne devraient pas avoir pour objectif de stigmatiser un État membre ou un gouvernement en particulier, mais bien de remplir l'obligation collective pour toutes les institutions de l'Union, en particulier la Commission, en sa qualité de gardienne des traités, de veiller à l'application et au respect des traités et de la charte dans l'ensemble de l'Union et dans tous les États membres;
1. insiste sur le fait que la peine de mort est incompatible avec les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, d'état de droit et de respect des droits de l'homme sur lesquelles l'Union est fondée, et que tout État membre qui rétablirait la peine capitale agirait donc en violation des traités et de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne; réaffirme avec la plus grande fermeté que l'abolition de la peine de mort constitue une étape majeure du développement des droits fondamentaux en Europe;
2. rappelle qu'une violation grave par un État membre des valeurs visées à l'article 2 du traité UE déclencherait la procédure prévue à l'article 7;
3. condamne les déclarations répétées du Premier ministre hongrois Viktor Orbán visant à susciter un débat sur le rétablissement éventuel de la peine de mort en Hongrie et par là même à institutionnaliser et à alimenter un concept qui est en violation des valeurs sur lesquelles l'Union est fondée; relève dès lors la déclaration faite par Viktor Orbán affirmant que la peine capitale ne sera pas rétablie en Hongrie, et souligne la responsabilité qui incombe à un Premier ministre, en tant que chef de gouvernement, de promouvoir les valeurs de l'Union et de montrer l'exemple à suivre;
4. relève que les États membres ont le droit souverain d'organiser des consultations nationales; rappelle toutefois que les consultations devraient refléter la volonté des gouvernements de diriger de manière responsable dans l'optique de garantir des solutions politiques démocratiques et le respect des valeurs fondamentales de l'Union;
5. dénonce la consultation publique sur l'immigration et la campagne d'affichage sur le sujet lancées par le gouvernement hongrois à l'échelle nationale, et souligne que le contenu et la formulation de la consultation lancée en Hongrie sur l'immigration et le terrorisme sont extrêmement trompeurs, tendancieux et partiaux et qu'ils établissent un lien direct et tendancieux entre les phénomènes migratoires et les problèmes de sécurité; souligne que les personnes répondant au questionnaire en ligne doivent fournir des données à caractère personnel et donc afficher leurs opinions politiques, en violation des règles en matière de protection des données; demande par conséquent que cette consultation soit supprimée;
6. déplore le fait que cette consultation jette l'opprobre sur les institutions de l'Union et leurs politiques, en méconnaissant la responsabilité des États membres dans ces domaines; rappelle que ces derniers sont pleinement associés au processus législatif de l'Union;
7. invite tous les États membres à participer de manière constructive au débat actuel sur l'agenda européen en matière de migration, qui a des répercussions à la fois sur les politiques intérieures et extérieures de l'Union et sur ses politiques de développement;
8. estime que tous les États membres doivent respecter intégralement le droit de l'Union dans leurs pratiques législatives et administratives, et que tout texte législatif, y compris le droit primaire de tout État membre ou pays candidat à l'adhésion, doit correspondre et être conforme aux valeurs fondamentales européennes, à savoir les principes démocratiques, l'état de droit et les droits fondamentaux;
9. déplore l'absence de réaction du Conseil face aux derniers événements en Hongrie et dénonce le manque de détermination des États membres pour garantir le respect de l'état de droit, tel que le prévoyaient les conclusions du Conseil de l'Union européenne du 16 décembre 2014; prie le Conseil de l'Union européenne et le Conseil européen d'organiser un débat et d'adopter des conclusions sur la situation en Hongrie;
10. relève que les événements récents ont suscité des inquiétudes au sujet des principes de l'état de droit, de la démocratie et des droits fondamentaux en Hongrie au cours de l'année écoulée, qui, au total, pourraient constituer l'émergence d'une menace systémique pour l'état de droit dans cet État membre;
11. prie instamment la Commission d'activer la première phase du cadre de l'Union pour renforcer l'état de droit et dès lors d'enclencher immédiatement un processus de surveillance approfondie de la situation en matière de démocratie, d'état de droit et de droits fondamentaux en Hongrie, évaluant une possible violation systémique grave des valeurs sur lesquelles l'Union est fondée, conformément à l'article 2 du traité UE, y compris l'effet combiné d'une série de mesures aggravant la situation en matière de démocratie, d'état de droit et de droits fondamentaux, et évaluant l'émergence d'une menace systémique pour l'état de droit dans cet État membre qui pourrait donner lieu à un risque évident de violation grave au sens de l'article 7 du traité UE; demande à la Commission de rendre compte de la situation au Parlement et au Conseil pour le mois de septembre 2015;
12. invite la Commission à présenter une proposition sur la création d'un mécanisme de l'Union pour la démocratie, l'état de droit et les droits fondamentaux, se fondant sur des indicateurs communs et objectifs, afin d'assurer le respect et l'application de la charte et des traités signés par tous les États membres, et à mener une évaluation annuelle impartiale de la situation des droits fondamentaux, de la démocratie et de l'état de droit dans tous les États membres, en les traitant de manière indifférenciée et sur un pied d'égalité, - en prévoyant également une évaluation par l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne -, qui serait assortie de mécanismes contraignants et correctifs visant à combler les lacunes existantes et à permettre une réponse automatique et progressive aux violations de l'état de droit et des droits fondamentaux au niveau des États membres; charge sa commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures d'apporter sa contribution à la genèse et à l'élaboration de cette proposition sous la forme d'un rapport d'initiative législative devant être adopté d'ici à la fin de l'année;
13. charge son Président de transmettre la présente résolution à la Commission, au Conseil, au président, au gouvernement et au parlement de la Hongrie, aux gouvernements et aux parlements des États membres et des pays candidats, à l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne, au Conseil de l'Europe et à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.