Résolution du Parlement européen du 10 juin 2015 sur le rapport de 2014 sur les progrès accomplis par la Turquie (2014/2953(RSP))
Le Parlement européen,
– vu le rapport de la Commission de 2014 sur les progrès accomplis par la Turquie (SWD(2014)0307),
– vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social et au Comité des régions du 8 octobre 2014, intitulée "Stratégie d'élargissement et principaux défis 2014-15" (COM(2014)0700),
– vu ses précédentes résolutions, en particulier celles du 10 février 2010 sur le rapport de 2009 sur les progrès accomplis par la Turquie(1), du 9 mars 2011 sur le rapport de 2010 sur les progrès accomplis par la Turquie(2), du 29 mars 2012 sur le rapport de 2011 sur les progrès accomplis par la Turquie(3), du 18 avril 2013 sur le rapport de 2012 sur les progrès accomplis par la Turquie(4), du 13 juin 2013 sur la situation en Turquie(5), du 12 mars 2014 sur le rapport de 2013 sur les progrès accomplis par la Turquie(6), du 13 novembre 2014 sur les tensions dans la zone économique exclusive de la République de Chypre à la suite de mesures prises par la Turquie(7) et du 15 janvier 2015 sur la liberté d'expression en Turquie(8),
– vu sa résolution du 15 avril 2015 sur le centenaire du génocide arménien(9),
– vu le cadre de négociation avec la Turquie du 3 octobre 2005,
– vu la décision 2008/157/CE du Conseil du 18 février 2008 relative aux principes, aux priorités et aux conditions du partenariat pour l'adhésion de la République de Turquie(10) ("le partenariat d'adhésion"), et les décisions antérieures du Conseil de 2001, 2003 et 2006 sur le partenariat d'adhésion,
– vu les conclusions du Conseil du 14 décembre 2010, du 5 décembre 2011, du 11 décembre 2012, du 25 juin 2013, du 24 octobre 2014 et du 16 décembre 2014,
– vu l'article 46 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui dispose que les hautes parties contractantes s'engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties,
– vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,
– vu le rapport de la Banque mondiale du 28 mars 2014 sur l'évaluation de l'union douanière entre l'Union européenne et la Turquie,
– vu le rapport de la Commission sur les progrès accomplis par la Turquie dans la mise en œuvre des exigences de la feuille de route sur la libéralisation du régime des visas (COM(2014)0646),
– vu les travaux de Kati Piri en tant que rapporteure permanente de la commission des affaires étrangères sur la Turquie,
– vu l'article 123, paragraphe 2, de son règlement,
A. considérant que le 3 octobre 2005, ont été ouvertes des négociations d'adhésion avec la Turquie, point de départ d'un processus long et à l'issue incertaine, qui repose sur des conditions justes et strictes ainsi que sur un engagement à mener des réformes;
B. considérant que l'Union européenne reste attachée à la poursuite de l'élargissement, qu'elle considère comme un moyen essentiel de promouvoir la paix, la démocratie, la sécurité et la prospérité en Europe; que chaque pays candidat sera évalué à l'aune de ses qualités et que, sur cette base, la Commission ne prévoit pas de nouvelle adhésion à l'Union européenne au cours de la présente législature;
C. considérant que la Turquie s'est engagée à respecter les critères de Copenhague, à mettre en place des réformes appropriées et efficaces, à entretenir des relations de bon voisinage et à s'aligner progressivement sur l'Union européenne; que ces efforts devraient être considérés comme une possibilité, pour le pays, de renforcer ses institutions et de poursuivre sa démocratisation et sa modernisation;
D. considérant que, selon le classement de la liberté de la presse et des médias de Freedom House, la Turquie est désormais considérée comme un pays n'étant pas doté d'une presse libre et doté d'une liberté seulement partielle de l'internet;
E. considérant qu'en 2014, l'association Reporters sans frontières a désigné la Turquie comme l'un des pays où les journalistes subissent le plus de menaces et d'attaques physiques;
F. considérant que l'Union européenne devrait rester la référence pour les réformes en Turquie;
G. considérant que toute adhésion à l'Union européenne reste subordonnée au respect intégral des critères de Copenhague, ainsi qu'à la capacité d'intégration de l'Union, conformément aux conclusions du Conseil européen de décembre 2006;
H. considérant que l'état de droit dans le processus de négociation, en particulier la séparation des pouvoirs, la lutte contre la corruption et la criminalité organisée, la liberté d'association et le droit de manifester pacifiquement, la liberté d'expression et des médias, les droits de la femme, la liberté de religion, les droits des personnes appartenant à des minorités (nationales) et la lutte contre les discriminations à l'encontre des groupes vulnérables, tels que les Roms, les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués (LGBTI), revêt une importance capitale;
I. considérant que dans sa communication intitulée "Stratégie d'élargissement et principaux défis 2014-15", la Commission a conclu que la Turquie est un partenaire stratégique pour l'Union européenne, du point de vue économique et en matière de sécurité énergétique, et que la coopération dans le domaine de la politique étrangère est cruciale; que, dans cette même communication, la Commission exprime ses inquiétudes concernant la protection des droits fondamentaux, l'indépendance du système judiciaire, l'état de droit ainsi que le droit de réunion et la liberté d'expression;
J. considérant que, pour la neuvième année consécutive, la Turquie n'a toujours pas mis en œuvre les dispositions prévues dans l'accord d'association CE-Turquie et dans son protocole additionnel; que ce refus continue d'avoir de profondes répercussions négatives sur les négociations;
K. considérant qu'afin de renforcer la stabilité et de promouvoir des relations de bon voisinage, la Turquie doit intensifier ses efforts pour apporter une solution aux problèmes bilatéraux en suspens, y compris les obligations légales non résolues et les différends relatifs aux frontières terrestres et maritimes et à l'espace aérien avec ses voisins immédiats, conformément aux dispositions de la Charte des Nations unies et du droit international;
L. considérant que les autorités turques n'ont pas accepté la réouverture du séminaire orthodoxe sur l'île de Heybeliada;
État des lieux des relations entre l'Union européenne et la Turquie
1. salue le rapport de la Commission sur les progrès accomplis par la Turquie et adhère à la conclusion, à savoir que la Turquie est un partenaire stratégique clé pour l'Union européenne et que des négociations actives et crédibles constituent un cadre approprié pour exploiter tout le potentiel des relations entre l'Union européenne et la Turquie; souligne que le processus de réforme mené dans le cadre des négociations avec l'Union européenne pourrait présenter pour la Turquie une occasion unique de développer un système robuste, démocratique et pluraliste, doté d'institutions fortes, qui bénéfice à l'ensemble des citoyens de la Turquie, et de nouer des relations plus étroites avec l'Union; demande à la Commission de procéder à une nouvelle évaluation de la façon dont les négociations ont été menées jusqu'à présent et dont les relations et la coopération entre l'Union et la Turquie pourraient être améliorées et intensifiées;
2. souligne qu'une relation qui soit efficace et opérationnelle, et soit fondée sur le dialogue, une coopération plus étroite, un engagement réciproque et les négociations entre l'Union et la Turquie – compte tenu de leur proximité géographique, des liens historiques qui les unissent, de l'importante communauté turque vivant dans l'Union ainsi que des liens économiques étroits et des intérêts stratégiques communs – est dans l'intérêt des deux parties; demande à la Turquie de mettre le processus de réforme au cœur de ses priorités nationales; est d'avis que l'Union devrait saisir cette opportunité pour devenir le principal vecteur de la poursuite du processus de démocratisation en Turquie par la promotion des valeurs universelles et des normes réglementaires européennes, en guise de référence du processus de réforme, et par le soutien apporté à la Turquie dans la mise en place d'institutions démocratiques robustes et d'une législation efficace, fondée sur le respect des libertés fondamentales, des droits de l'homme et de l'état de droit, soucieuse de la représentation et de la défense des intérêts de toutes les couches de la société turque;
3. encourage le gouvernement turc à accélérer le rythme des négociations et l'invite instamment à s'engager sans équivoque à respecter les valeurs et les principes démocratiques, qui sont au cœur des valeurs de l'Union européenne; encourage la nouvelle Commission dans ses efforts visant à renforcer son engagement vis-à-vis de la Turquie en fonction des intérêts et enjeux communs; prend acte de l'ouverture des négociations sur le chapitre 22 (politique régionale) en novembre 2013;
4. se félicite de l'élection du parlement le plus inclusif et le plus représentatif de l'histoire moderne de la Turquie, lequel reflète la diversité du pays; salue la résilience de la démocratie turque et l'esprit démocratique de ses citoyens, comme l'ont prouvé le taux de participation très élevé et la participation impressionnante de volontaires de la société civile le jour du scrutin; invite tous les partis politiques à œuvrer à la mise en place d'un gouvernement stable et inclusif dans le but de relancer le processus de démocratisation de la Turquie et de dialogue sur les réformes avec l'Union européenne;
5. souligne qu'il est important de consacrer davantage d'efforts aux contacts interpersonnels afin d'instaurer un environnement favorable à la coopération entre la Turquie et l'Union européenne; souligne, par conséquent, que dans l'intérêt d'un renforcement des liens entre l'Union et la Turquie, des progrès concrets devraient être accomplis en ce qui concerne la libéralisation du régime des visas, sur la base du respect des exigences énoncées dans la feuille de route en vue d'un régime d'exemption de visa avec la Turquie; souligne qu'au cours de la période de transition, l'Union devrait permettre aux hommes et femmes d'affaires d'obtenir plus facilement un visa, et que les programmes d'échanges pour étudiants et chercheurs ainsi que les possibilités offertes à la société civile devraient faire l'objet d'une promotion active; estime que la multiplication des possibilités d'accès à l'Union apporterait un soutien plus appuyé au processus de réforme en Turquie;
État de droit et démocratie
6. observe que la Turquie a poursuivi les réformes des années précédentes; salue à cet égard les modifications apportées au cadre juridique relatif aux partis politiques et aux campagnes électorales, lequel autorise désormais l'utilisation de langues autres que le turc, a légalisé la coprésidence de parti et a assoupli les règles régissant la fondation de partis politiques à l'échelon local; rappelle l'importance d'abaisser le seuil électoral de 10 %, ce qui permettrait à toutes les composantes de la société turque de jouer un rôle politique;
7. insiste sur le fait qu'une nouvelle constitution fondée sur des dispositions visant à promouvoir une société pluraliste, inclusive et tolérante irait dans le sens du processus de réforme et permettrait un meilleur ancrage des libertés fondamentales et de l'état de droit; se félicite des travaux de la commission constitutionnelle de conciliation, qui est parvenue à un consensus sur 60 amendements constitutionnels avant d'être dissoute; demande une fois encore la poursuite des réformes constitutionnelles et souligne qu'une nouvelle constitution devrait reposer sur un large consensus partagé par l'ensemble de la classe politique et de la société; encourage la Turquie à consulter la Commission de Venise dans le cadre du processus de réforme constitutionnelle;
8. se félicite de la nouvelle stratégie élaborée par le gouvernement turc visant à adresser l'ensemble des nouvelles dispositions législatives au ministère des affaires européennes, afin de renforcer le rôle de coordination du ministère et de rendre le projet de législation plus conforme aux normes de l'Union; recommande à cet égard, dans la mesure du possible, que d'étroites consultations soient menées avec la Commission de Venise et qu'un dialogue plus approfondi soit conduit avec la Commission européenne sur les projets de loi et l'application de la législation actuelle, afin de garantir la compatibilité avec l'acquis de l'Union;
9. insiste sur l'importance que revêt la consultation de la société civile dans le cadre du processus législatif; recommande, par conséquent, que des mécanismes structurés de consultation de la société civile soient mis en place dans le cadre du processus législatif et de l'élaboration des politiques ainsi que du processus de mise en œuvre de la nouvelle législation; salue le dynamisme de la société civile turque; insiste sur l'urgence qu'il y a à mener des réformes cohérentes afin de mieux garantir la liberté d'association et d'expression, grâce auxquelles des organisations de la société civile puissent conduire leurs activités sans restrictions et leur financement puisse en être amélioré;
10. appuie et encourage sans réserve les efforts déployés par le gouvernement turc et par toutes les autres parties prenantes afin de parvenir à une conclusion globale et durable au processus de paix avec la communauté kurde à l'aune des négociations avec le PKK, qui figure sur la liste des organisations terroristes de l'Union européenne, et à un processus d'intégration socio-économique et politique de la communauté kurde; soutient sans réserve l'annonce, par le parti démocratique du peuple (HDP), d'un congrès extraordinaire du PKK pour déposer les armes et ériger la promotion de la démocratie en méthode; encourage vivement le gouvernement à continuer de donner la priorité, tout en les renforçant, aux droits politiques, sociaux, culturels ainsi qu'à l'égalité de traitement des citoyens d'origine kurde; salue la loi visant à consolider les bases du processus de règlement adoptée par la Grande Assemblée nationale de Turquie le 11 juin 2014, qui comprend des mesures d'éradication du terrorisme, de renforcement de l'inclusion sociale, de réintégration des personnes qui quittent le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et déposent les armes, ainsi que des mesures de préparation de l'opinion publique au retour d'anciens combattants; estime que le succès de la résolution de la question kurde est un élément primordial et constituerait une importante contribution positive à la démocratie, à la paix, à la stabilité et à la protection des droits de l'homme en Turquie; encourage donc tous les partis politiques à soutenir ce processus, demande à la Commission d'apporter une aide technique et d'affecter les ressources disponibles au titre de l'instrument de pré-adhésion notamment à des programmes d'intégration socio-économique et d'éducation dans le sud-est de la Turquie de sorte à consolider le processus de résolution de la question kurde; observe que les négociations sur le chapitre 22 (politique régionale) pourraient aider la Turquie à élaborer un programme efficace pour la cohésion dans le sud-est du pays;
11. déplore la décision prise par la Direction turque des eaux de poursuivre les travaux du barrage d'Ilisu, qui aura des conséquences sociales, environnementales et politiques dévastatrices; rappelle que cette région est habitée principalement par des Kurdes et que la construction de ce barrage aura de graves conséquences pour la population et la culture kurdes;
12. est préoccupé par l'indice de perception de la corruption de 2014 publié par Transparency International le 3 décembre 2014, qui souligne que, l'année passée, la perception de la corruption a nettement augmenté en Turquie, pays figurant désormais à la soixante-quatrième place dans l'index; regrette profondément la manière dont le gouvernement et le Parlement turcs ont réagi aux allégations de corruption, y compris à l'encontre d'anciens membres du gouvernement, formulées en décembre 2013 ainsi que le fait qu'il n'y ait pas eu de suivi de ces très sérieuses enquêtes dans des affaires de corruption; se déclare préoccupé par les poursuites pénales engagées à l'encontre des journalistes d'investigation ayant assuré la couverture des affaires de corruption; appelle de ses vœux une enquête indépendante et transparente sur les accusations formulées en décembre 2013; insiste sur la nécessité d'une plus grande volonté politique d'élaborer un cadre juridique approprié pour lutter contre la corruption, laquelle non seulement érode le fonctionnement démocratique des institutions et la confiance des citoyens dans la démocratie, mais peut aussi nuire au développement économique et rendre le climat peu favorable aux investissements;
13. se déclare préoccupé par les récentes modifications apportées à la loi sur le Haut Conseil des juges et procureurs et par les nombreux réaffectations et licenciements, opérés par la suite, de juges et de procureurs ainsi que par les arrestations, licenciements et réaffectations d'officiers de police, qui ont soulevé des inquiétudes sérieuses et justifiées quant à l'indépendance, à l'impartialité et à l'efficacité de l'appareil judiciaire, à la séparation des pouvoirs et au respect du principe de l'état de droit, qui constituent les principaux critères politiques de Copenhague; est préoccupé par les fréquentes modifications apportées aux lois de première importance sans consultation appropriée des parties concernées; salue l'abrogation de l'article 10 de la loi anti-terroriste; est cependant préoccupé par le fait que des définitions très larges rendent le champ d'application de la loi antiterroriste toujours excessif et permettent, à titre exceptionnel, des interprétations particulièrement larges; rappelle la nécessité de réformer l'article 314 du code pénal, de sorte que seuls les membres d'organisations terroristes ou armées ou les personnes participant à leurs activités puissent être poursuivis; demande l'élaboration d'une stratégie de réforme de la justice qui respecte les normes de l'Union qu'il convient de suivre, en collaboration avec toutes les parties prenantes; se félicite de la première étape devant mener à la réduction de la durée maximale de la détention préventive de dix à cinq ans, mais insiste avec force sur le fait que cette réduction doit aller plus loin pour éviter que la détention provisoire ne se mue en une condamnation de fait; insiste sur l'importance de la création de tribunaux d'appel régionaux et de l'adoption de toutes les mesures pertinentes afin de garantir la régularité des procédures; encourage la Turquie à poursuivre la réforme du système judiciaire et à assurer à tous les enfants un accès équitable et efficace à la justice;
14. juge très préoccupante la loi 6532 entrée en vigueur le 26 avril 2014, qui étend considérablement les pouvoirs de l'agence nationale de renseignement, affaiblissant la liberté des médias, la liberté d'expression et le droit d'accès aux informations des personnes concernées, ce qui met, en pratique, le personnel de l'agence à l'abri des poursuites judiciaires et viole le droit à la vie privée, en donnant à l'agence la possibilité d'obtenir des données privées sans qu'une décision de justice préalable ne soit nécessaire; estime que ces dispositions violent les obligations de la Turquie en vertu du droit international humanitaire et de sa propre législation nationale;
15. se félicite de plusieurs décisions importantes prises par la Cour constitutionnelle turque visant à protéger l'état de droit et les droits fondamentaux, tels que la liberté d'expression, décisions qui illustrent la capacité d'adaptation de l'appareil constitutionnel; observe en outre que les arrêts de la Cour constitutionnelle ont mis en exergue les problèmes qui ont émaillé les enquêtes puis les procès dans les affaires Ergenekon et Balyoz; se félicite que la Cour constitutionnelle continue à accepter des recours individuels; juge préoccupantes les modifications apportées au code pénal, en particulier l'utilisation de l'expression "raisonnablement suspect", qui ouvre la porte à des attaques arbitraires à l'encontre des opposants; observe que ces modifications ont été adoptées sans que la Commission n'ait été consultée, contrairement à ce qui avait été convenu lors des négociations;
16. se déclare gravement préoccupé par le haut degré de polarisation politique en Turquie; rappelle que le pluralisme devrait être au cœur de tout régime démocratique; demande dès lors instamment la promotion du dialogue à travers l'ensemble de la classe politique turque; souligne que, en ce qui concerne les processus de réforme à long terme, l'élaboration d'une nouvelle constitution et les discussions en vue d'un règlement de la question kurde, un tel dialogue s'avère indispensable; invite le parti au pouvoir et l'opposition à mettre tout en œuvre pour coopérer et parvenir à un consensus et à intégrer activement la société civile au processus décisionnel;
Respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales
17. salue l'adoption en mars 2014 du plan d'action sur la prévention des violations de la Convention européenne des droits de l'homme, qui constitue une étape importante vers l'alignement du cadre et des pratiques juridiques de la Turquie sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), et escompte que le gouvernement prendra de nouvelles mesures pour appliquer ses recommandations; souligne que la Turquie étant membre du Conseil de l'Europe, elle doit s'engager à appliquer des normes politiques et juridiques élevées, et demande à la Turquie d'engager pleinement le dialogue avec le Conseil de l'Europe et la Commission de Venise sur son processus de réforme; rappelle que les progrès des négociations dépendent du respect de l'État de droit et des droits fondamentaux;
18. observe avec inquiétude que la plupart des enquêtes sur les événements qui se sont déroulés au parc Gezi en mai et juin 2013 et sur les allégations de recours disproportionné à la force et les violences policières ne sont toujours pas terminées, et que l'identification des auteurs présumés n'a guère progressé; souligne que, à la suite de plaintes reçues concernant le recours à la force par les policiers pendant les manifestations du parc Gezi, le Médiateur a publié un rapport concluant que le recours à la force avait été disproportionné; demande aux autorités turques de dédommager toutes les victimes qui protestaient sans violence et celles qui ne comptaient pas dans les rangs des manifestants mais se trouvaient seulement sur place par hasard; demande que soient menées à bien des enquêtes fructueuses et impartiales sur toutes les allégations de mauvais traitement par des représentants de l'État et que les responsables soient traduits en justice; souligne que l'adoption ultérieure de règles claires sur le recours à la force et sur le rôle de la police, dans le respect des normes internationales, s'avère nécessaire; demande instamment la levée des restrictions imposées à la liberté de réunion pacifique et souligne que d'autres dispositions législatives, telles que la législation antiterroriste, ne devraient pas être utilisées pour empêcher que des personnes exercent leur droit à manifester pacifiquement, et que les manifestations pacifiques ne devraient pas constituer un motif d'arrestation; demande au gouvernement turc de parvenir à un juste équilibre des pouvoirs qui soit objectif et transparent eu égard aux organes chargés de faire respecter la loi; recommande aux autorités turques de mettre sur pied un mécanisme indépendant et efficace de traitement des plaintes contre la police; exprime sa vive préoccupation face à l'ensembles de mesures de sécurité intérieure allant à l'encontre du principe de contrôle juridictionnel des activités policières et à son champ d'application excessif;
19. insiste sur la nécessité de réviser la législation sur l'institution nationale turque chargée des droits de l'homme de manière à en faire un organisme indépendant qui soit suffisamment doté, responsable devant les citoyens et constitué de groupes de la société civile; prend acte des recommandations formulées dans le rapport du Médiateur, dont l'exigence d'un recours graduel et proportionné à la force par la police, uniquement en dernier recours et sous contrôle; souligne l'importance de renforcer le droit d'initiative du Médiateur et les moyens dont il dispose pour mener des contrôles sur place, et de garantir que ses décisions soient suivies d'effets;
20. félicite la Turquie pour l'épanouissement de sa société civile rom; espère que les nouvelles organisations roms bénéficieront d'un soutien et de temps pour pouvoir prendre part utilement à l'initiative de coopération en vue d'élaborer et de mettre en œuvre des mesures aux niveaux local et national; recommande au gouvernement d'associer les projets de logement existants à des aspects sociaux et à long terme, comme les soins de santé et l'éducation; salue les plans d'actions généraux visant à lutter contre la discrimination, qui devraient permettre aux Roms de bénéficier d'un meilleur accès au marché du travail;
21. prie instamment le gouvernement de faire de la garantie de la liberté de la presse une priorité et de fournir le cadre juridique approprié pour garantir le pluralisme politique conformément aux normes internationales; condamne les efforts déployés par le gouvernement turc pour interdire l'accès aux médias sociaux et aux sites internet ou pour procéder à sa fermeture sans présenter d'ordonnance d'un tribunal, son approche restrictive de la liberté d'expression ainsi que les pressions qu'il a exercées sur les médias et les journalistes, lesquelles se traduisent souvent par des intimidations, des licenciements ou des arrestations de journalistes ainsi qu'une autocensure généralisée; souligne que les violations de la liberté d'expression ont connu une recrudescence après le scandale de corruption de décembre 2013; estime qu'il est nécessaire qu'un cadre juridique soit mis en place afin de permettre une totale transparence en ce qui concerne la propriété de groupes de médias; réaffirme l'engagement de l'Union envers la liberté d'expression sous toutes ses formes et demande à la délégation de l'Union européenne auprès de la Turquie de continuer à assurer le suivi des procès de journalistes et de défenseurs des droits de l'homme;
22. condamne les récentes descentes de police et la détention de plusieurs journalistes et de représentants des médias le 14 décembre 2014; rappelle qu'une presse libre et pluraliste constitue le principe essentiel de toute démocratie, tout comme le respect du droit et l'indépendance de la justice; souligne par conséquent la nécessité, dans tous les cas, i) de communiquer de manière transparente toutes les informations relatives aux allégations retenues contre les défendeurs, ii) d'accorder à ces derniers un accès sans restriction aux éléments de preuve à charge et aux droits à la défense, et iii) de garantir un traitement approprié des affaires de manière à vérifier la véracité des accusations sans délai et hors de tout doute raisonnable; demande aux autorités turques de réexaminer et de résoudre ces affaires au plus vite et d'adhérer aux normes internationales en matière de régularité des procédures, dans les cas où elles insistent sur la poursuite des procédures;
23. affirme que les récentes mesures prises par le gouvernement turc contre la liberté de la presse et la pluralité des opinions sont incompatibles avec les droits fondamentaux de l'Union européenne, et qu'elles sont contraires à l'esprit du processus de négociation;
24. estime que, conformément à l'engagement pris par l'Union en faveur de l'état de droit et des valeurs fondamentales, il convient de mener d'urgence en Turquie des réformes au sein de l'appareil judiciaire, dans les domaines des droits fondamentaux et de la justice ainsi que de la liberté et de la sécurité; considère par ailleurs que le respect des critères d'ouverture officiels pour les chapitres 23 (appareil judiciaire et droits fondamentaux) et 24 (justice, liberté et sécurité) constitue une étape importante en vue d'encourager de réelles réformes et de garantir que le processus de réforme en Turquie soit modelé sur la base des valeurs et des normes de l'Union; demande à nouveau au Conseil d'engager, dès que les critères établis auront été remplis, des négociations sur l’appareil judiciaire et les droits fondamentaux ainsi que sur la justice, la liberté et la sécurité; invite, à cet effet, la Turquie à coopérer aussi étroitement que possible; demande à la Commission de promouvoir sans délai le dialogue et la coopération avec la Turquie dans les domaines relevant des chapitres 23 et 24 afin que les réformes nécessaires soient comprises de part et d'autre;
25. salue la décision en vertu de laquelle les réformes relatives à l'état de droit et aux droits fondamentaux, aux affaires intérieures et à la société civile recevront davantage de fonds au titre de l'instrument de pré-adhésion II pour la période 2014-2020; souligne que la promotion de l'état de droit, de la démocratie et des libertés fondamentales constituent des principes fondamentaux de l'aide de pré-adhésion; rappelle les conclusions du Conseil de décembre 2014, selon lesquelles sera instaurée une cohérence renforcée entre l'aide financière et les progrès d'ensemble réalisés dans la mise en œuvre de la stratégie de préadhésion, notamment le respect total de l'état de droit et des libertés fondamentales; invite, en outre, la Commission à suivre de près la mise en œuvre de l'IAP II dans tous les pays candidats, et à consacrer les ressources disponibles dans le cadre de l'instrument pour la démocratie et les droits de l'homme (IEDDH) au soutien de la liberté d'expression, y compris la liberté des médias, le pluralisme des médias, la liberté de réunion et d'association, les droits syndicaux et la liberté de pensée;
26. prend acte du fait que la Turquie a contribué à l'entrée en vigueur, au 1er août 2014, de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (convention d'Istanbul); se déclare néanmoins préoccupé par le nombre d'actes de violence contre les femmes, qui reste élevé, et la non-application de la législation nationale en matière de prévention de la violence contre les femmes; demande aux autorités turques de mettre à la disposition des femmes et des mineurs victimes de violences suffisamment de refuges pour leur protection; recommande au gouvernement de promouvoir l'égalité des sexes dans le domaine politique, économique, social, culturel, civil ou tout autre domaine; invite le gouvernement turc, en coopération avec la société civile et les associations professionnelles, à faciliter les activités d'entreprise des femmes et à réduire les obstacles à l'accès des femmes à l'activité économique, et prie instamment le gouvernement turc de se fixer, à cet égard, un objectif ambitieux en matière d'accès des femmes à l'emploi; fait observer que la Turquie figurait à la 125e place des 142 pays repris dans le rapport du Forum économique mondial sur les inégalités entre les sexes à travers le monde (Global Gender Gap report) en 2014; regrette profondément les remarques formulées par certains fonctionnaires et représentants du gouvernement sur le rôle des femmes dans la société turque et insiste sur le fait qu'il importe de lutter contre les stéréotypes et les préjugés à l'égard des femmes dans la société;
27. insiste sur l'importance de poursuivre les réformes dans le domaine de la liberté de pensée, de conscience et de religion, en permettant aux communautés religieuses d'obtenir la personnalité juridique, en éliminant toutes les restrictions à la formation, à la nomination, au séjour régulier et à la succession du clergé, et en garantissant la mise en œuvre adéquate de l'ensemble des décisions et arrêts de la CEDH et recommandations de la Commission de Venise; souligne à cet égard la nécessité de promouvoir le dialogue avec la communauté alévie et de reconnaître comme il se doit les cemevi comme lieux de culte ainsi que d'autoriser la réouverture du séminaire orthodoxe grec de Halki, de lever tous les obstacles à son bon fonctionnement et d'autoriser l'usage officiel du titre ecclésiastique de patriarche œcuménique; demande aux autorités turques compétentes de résoudre toutes les questions en suspens relatives à la restitution de terres appartenant au monastère Mor Gabriel ainsi que d'autres litiges territoriaux avec l'église syriaque; rappelle l'importance d'une mise en œuvre adéquate des recommandations de la Commission de Venise sur ImBros et Tenedos en matière de protection des droits liés à la propriété et à l'éducation; insiste sur la nécessité de respecter pleinement, conformément aux valeurs de l'Union, le droit à des styles de vie différents, tant laïques que basés sur la foi, et de préserver la séparation entre l'État et la religion; souligne qu'il importe de protéger les droits des minorités; déplore le fait qu'après l'abrogation de la loi précédente il y a deux ans et en raison du vide juridique existant dans ce domaine, il ne soit pas possible pour les organisations caritatives non musulmanes d'élire leurs organes dirigeants;
28. insiste sur la nécessité de reconnaître le droit à l'objection de conscience au service militaire obligatoire;
29. demande à la Turquie de prendre des mesures fortes pour protéger les droits de la communauté LGBTI et estime que la création d'un organisme ad hoc chargé de la lutte contre les discriminations, les discours de haine, le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme et l'intolérance renforcerait les droits individuels en Turquie; demande à la Turquie d'adopter une législation globale contre la discrimination, dont l'interdiction de la discrimination et des discours de haine en fonction de l'origine ethnique, de la religion, de l'orientation sexuelle, du genre et de l'identité de genre et d'inclure l'interdiction de ce type de discrimination dans une nouvelle constitution; se déclare préoccupé par les agressions fréquentes à l'encontre des personnes transsexuelles et le manque de protection offerte aux personnes LGBTI contre les actes de violence; déplore vivement le fait que les crimes de haine à l'encontre des personnes LGBTI demeurent souvent impunis ou que les agresseurs voient leur peine réduite en raison d'une "provocation injustifiée" de la victime; demande à nouveau au gouvernement turc d'ordonner aux forces armées du pays de ne plus considérer l'homosexualité et la transsexualité comme une "maladie psychologique";
30. déplore les nombreux décès survenus lors des catastrophes minières de Soma et d'Ermenek; salue la ratification par la Turquie de la convention de l'Organisation internationale du travail (OIT) sur la sécurité et la santé dans les mines et demande son application à bref délai; souligne l'importance de régler les questions de santé et de sécurité au travail dans tous les secteurs et demande instamment aux autorités turques d'assurer une plus grande transparence dans le suivi des accidents mortels sur le lieu de travail; estime que la liberté syndicale, le dialogue social et la participation des partenaires sociaux sont essentiels pour le développement d'une société prospère et pluraliste, et souligne l'importance de poursuivre les progrès dans les domaines de la politique sociale et de l'emploi en se fondant sur une application appropriée et en temps utile des conventions de l'OIT; prend acte des lacunes législatives dans le droit du travail et le droit des syndicats; souligne que le droit de s'organiser, le droit d'engager des négociations collectives ainsi que le droit de grève des salariés du secteur privé et des fonctionnaires devront respecter l'acquis de l'Union et les normes internationales; exhorte le gouvernement turc à préparer une feuille de route pour améliorer la législation et la mettre en conformité avec les normes de l'OIT; souligne l'importance de voir la Turquie remplir les critères d'ouverture en matière de politique sociale et d'emploi; demande à la Commission de fournir à la Turquie une aide technique suffisante en matière de réformes de l'emploi et de promouvoir les normes de l'Union;
31. invite la Turquie à réglementer les conditions de travail en vigueur, notamment en ce qui concerne les travailleurs intérimaires, aujourd'hui confrontés à un environnement de travail inadéquat, à un manque de sécurité au travail et à des difficultés à adhérer à un syndicat; note que l'industrie minière et le secteur de la construction sont les secteurs les plus dangereux en Turquie et demande que des enquêtes transparentes soient menées sur les accidents du travail ayant entraîné la mort;
32. demande au gouvernement turc d'interrompre son projet de construction d'une centrale nucléaire à Akkuyu; souligne que le site prévu se trouve dans une région à forte activité sismique, ce qui représente un risque important non seulement pour la Turquie, mais bien pour l'ensemble du bassin méditerranéen; demande par conséquent au gouvernement turc de ratifier la convention d'Espoo, laquelle engage les parties à notifier et à se consulter sur tous projets majeurs à l'étude susceptibles d'avoir un impact transfrontière préjudiciable important sur l'environnement; demande à cette fin au gouvernement turc d'associer – ou, à défaut, de consulter – les gouvernements des pays voisins, tels que Chypre et la Grèce, lors de toute phase ultérieure du projet de centrale à Akkuyu;
Intérêts et défis communs
33. insiste sur les avantages substantiels de l'union douanière entre l'Union et la Turquie; rappelle que, depuis le début de l'union douanière en 1996, la valeur des échanges bilatéraux entre la Turquie et l'Union a plus que quadruplé, les investissements étrangers directs d'Europe vers la Turquie ont suivi la même tendance et les entreprises des deux parties ont bénéficié d'une meilleure intégration; souligne cependant à cet égard que tout renforcement des effets positifs générés par l'union douanière est intimement lié au respect des règles et des prescriptions de celle-ci et se déclare par conséquent extrêmement préoccupé par les problèmes de plus en plus nombreux rencontrés par les entreprises européennes dans leurs échanges commerciaux avec la Turquie; souligne la récente évaluation de l'union douanière par la Banque mondiale, qui rappelle la nécessité de mener plusieurs réformes afin de préserver un environnement qui soit, à l'avenir également, propice à une étroite coopération économique; souligne en particulier la nécessité i) d'élargir le champ de l'union douanière aux produits agricoles, aux services et aux marchés publics, ii) de créer les conditions favorables à une augmentation prolongée des échanges, dont l'assouplissement des conditions de délivrance des visas aux voyageurs d'affaires et iii) de poursuivre activement les discussions entre l'Union et la Turquie sur les retombées en Turquie des accords de libre-échange signés par l'Union avec des pays tiers;
34. estime qu'un dialogue politique entre la Turquie et l'Union devrait s'accompagner d'un dialogue économique de haut niveau régulier et structuré sur des questions d'intérêt mutuel, dont les relations commerciales avec des pays tiers; insiste à cet égard sur l'interaction entre le bon fonctionnement de l'état de droit et le développement économique; croit en l'importance du développement et du renforcement du cadre économique, institutionnelle et juridique de la Turquie dans le domaine de la politique économique et monétaire, en ayant particulièrement égard à l'indépendance de la Banque centrale, et estime que cela pourrait contribuer à l'alignement de la Turquie sur l'acquis; relève que le respect suffisant, par la Turquie, des normes de l'Union en matière de marchés publics, de concurrence ainsi que d'emploi et de politique sociale renforcerait largement la coopération économique;
35. réaffirme son soutien à l'accord de réadmission conclu avec l'Union, lequel est entré en vigueur le 1er octobre 2014 ; encourage la Commission à continuer de suivre les progrès accomplis par la Turquie dans la mise en œuvre des exigences de la feuille de route sur la libéralisation du régime des visas; salue les efforts réels accomplis afin de remplir les critères définis par cette feuille de route; rappelle que le dialogue sur la libéralisation du régime des visas est un processus basé sur le mérite, et que la Turquie devrait respecter toutes les exigences définies dans la feuille de route sur la libéralisation du régime des visas, plus particulièrement la mise en œuvre intégrale et effective de toutes les dispositions de l'accord de réadmission; rappelle l'obligation faite à la Turquie de mettre en oeuvre pleinement et effectivement l'accord de réadmission et la libéralisation du régime des visas à l'égard de tous les États membres, y compris l'accès non discriminatoire et sans visa au territoire turc par les citoyens de tous les États membres de l'Union; invite la Turquie à mettre pleinement et efficacement en œuvre les accords de réadmission bilatéraux existants; rappelle que la Turquie est l'un des principaux pays de transit pour les flux migratoires irréguliers vers l'Union et demande l'amélioration de la coopération transfrontalière de la Turquie avec les États membres voisins de l'Union dans ce domaine; salue l'entrée en vigueur de la loi sur les étrangers et la protection internationale ainsi que la création de la direction générale de la gestion des migrations en avril 2014, étapes importantes vers le respect des normes de l'Union sur la protection des migrants en situation régulière ou irrégulière; observe que la coopération entre la Turquie et tous les États membres de l'Union, notamment en vue d'améliorer la gestion des frontières communes avec tous les États membres de l'Union, doit être renforcée; souligne la nécessité pour la Turquie de renforcer davantage la sécurité de ses frontières afin de lutter contre l'immigration irrégulière vers les pays de l'Union;
36. rappelle l'importance stratégique de la Turquie pour la sécurité énergétique de l'Union et considère la Turquie comme un partenaire important dans le secteur énergétique; fait valoir que les trois projets de corridor gazier sud approuvés fin 2013 accroîtront la sécurité de l'approvisionnement de gaz en Turquie et élargiront l'accès à l'Union comme principal marché de l'énergie; estime que dans un contexte de concurrence de plus en plus forte sur les marchés de l'énergie et eu égard à la nécessité de diversifier les sources d'énergie et les voies d'approvisionnement, la Turquie, dotée d'un énorme potentiel d'énergies renouvelables, pourrait contribuer de manière importante à la sécurité énergétique de l'Union et réaliser les ambitions de cette dernière en matière de diversification énergétique dans le respect de la législation internationale; s'inquiète du resserrement de la coopération énergétique entre la Turquie et la Russie et estime, par conséquent, que l'Union devrait accélérer les négociations sur le thème de l'énergie;
37. rappelle la position stratégique de la Turquie en tant que partenaire de l'Union et membre de l'OTAN, et donc son rôle crucial sur la scène géopolitique, ainsi que son importance dans le cadre d'une stratégie globale pour la sécurité et la stabilité dans ses voisinages oriental et méridional, en particulier la Syrie et l'Iraq; attire l'attention sur le fait que la tournure très grave que prennent les événements dans la région et les attentats perpétrés sur le sol européen rendent essentiels un approfondissement du dialogue et de la coopération avec l'Union sur les questions de politique étrangère dans le cadre du dialogue politique entre l'Union européenne et la Turquie; invite la Turquie à jouer un rôle actif dans la coalition internationale contre les groupes terroristes tels que l'EIIL, et à faire usage de toutes les ressources dont elle dispose à cet effet; demande à la Turquie de renforcer les mesures visant à empêcher que les "combattants étrangers", les fonds ou les équipements ne parviennent à l'EIIL et à d'autres groupes extrémistes via son territoire; insiste sur la nécessité de poursuivre, tout en le renforçant, le dialogue régulier avec la Turquie dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, ainsi que d'étudier la possibilité de réalisation d'actions concrètes dans le cadre de mesures conjointes de lutte contre le terrorisme sous toutes ses formes; demande à la Turquie d'assurer un contrôle efficace des frontières tout en continuant à fournir l'aide nécessaire par des moyens relevant de l'aide humanitaire aux réfugiés en provenance de Syrie, et d'assurer la sécurité des victimes de la guerre civile en Syrie; insiste sur l'importance d'une intensification du dialogue et des consultations de haut niveau entre l'Union et la Turquie sur les questions de politique étrangère et de sécurité afin que nos politiques soient complémentaires et que la Turquie mette progressivement sa politique étrangère en conformité avec celle de l'Union européenne;
38. est d'avis que le ministre turc des affaires étrangères devrait être invité à assister aux réunions du Conseil "Affaires étrangères" dès que cela s’avère pertinent; estime qu'un cadre pour un dialogue structuré, une coopération et une coordination dans le domaine de la politique étrangère, de sécurité et de défense est nécessaire;
39. regrette que la menace de casus belli lancée par la Grande Assemblée nationale de Turquie à l'encontre de la Grèce n'ait pas encore été retirée, en dépit d'une certaine expérience en matière de dialogue et de coopération entre la Grèce et la Turquie;
40. félicite la Turquie pour l'assistance qu'elle n'a eu de cesse d'apporter à quelque 1,6 millions de réfugiés provenant d'Iraq et de Syrie, et pour avoir ouvert sa frontière à des fins humanitaires; salue la directive sur la protection temporaire adoptée en octobre 2014, qui accorde aux réfugiés un statut juridique et leur permet d'obtenir une carte d'identité et d'accéder au marché du travail; demande à l'Union de continuer à financer l'aide humanitaire apportée aux réfugiés syriens et iraquiens en Turquie; fait valoir que les camps de réfugiés ont atteint leur capacité maximale et que le fait de devoir trouver un logement fait peser une énorme pression sur la vie des réfugiés ainsi que sur les ressources dont ils disposent; estime que l'Union devrait aider activement le gouvernement turc à définir des programmes d'assistance à long terme des réfugiés et à favoriser l'accès à l'éducation, aux soins de santé et à l'emploi déclaré; demande à la Commission d'accroître les ressources disponibles au titre de l'instrument d'aide de pré-adhésion (IAP II) et de l'instrument contribuant à la stabilité et à la paix afin de fournir une assistance suffisante aux communautés locales confrontées à un afflux de réfugiés; demande également aux États membres de prévoir des lieux de réinstallations pour les réfugiés les plus vulnérables, dans l'esprit d'un véritable partage des responsabilités;
41. invite la Turquie, avec le soutien technique et financier de ses partenaires, à assurer l'accès à l'éduction du nombre croissant d'enfants syriens vivant sur son territoire;
Développer des relations de bon voisinage
42. demande instamment au gouvernement turc de mettre un terme aux violations répétées de l'espace aérien grec et des eaux territoriales grecques, ainsi qu'aux vols effectués par des avions militaires turcs au-dessus des îles grecques;
43. demande au gouvernement turc de signer et de ratifier sans délai la convention de l'ONU sur le droit de la mer (UNCLOS), qui a été signée et ratifiée par l'Union européenne et par ses 28 États membres, et souligne le droit légal de la République de Chypre de conclure des accords bilatéraux relatifs à sa zone économique exclusive; demande une fois encore à la Turquie de respecter les droits souverains de tous les États membres, y compris pour l'exploration et l'exploitation des ressources naturelles sur les territoires lorsque ces droits sont conformes à l'acquis communautaire et au droit international; demande à la Turquie de s'abstenir de toute mesure préjudiciable aux relations de bon voisinage et à un climat propice au règlement pacifique des différends bilatéraux;
44. déplore que la Turquie refuse de remplir l'obligation d'appliquer à l'égard de l'ensemble des États membres le protocole additionnel à l'accord d'association de manière intégrale et non discriminatoire; rappelle que ce refus continue d'avoir des répercussions profondes sur les négociations;
45. réitère son ferme soutien à la réunification de Chypre, sur la base d'un règlement juste, global et viable pour les deux communautés, négocié sous les auspices du Secrétaire général des Nations unies et conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies et aux valeurs et principes sur lesquels est fondée l'Union, d'une fédération bicommunautaire et bizonale, dotée d'une souveraineté unique, d'une personnalité juridique internationale unique et d'une citoyenneté unique assortie d'une égalité politique entre les deux communautés et d'une égalité des chances pour tous ses citoyens; se félicite de l'annonce faite par Espen Barth Eide, envoyé spécial des Nations unies, selon laquelle les dirigeants des deux communautés devraient reprendre les négociations sous les auspices du Secrétaire général des Nations unies dans les meilleurs délais, et exprime son ferme soutien aux efforts déployés par le conseiller spécial des Nations unies sur Chypre en vue d'instaurer les conditions nécessaires à la reprise des pourparlers; formule l'espoir de voir le message de réunification et de réconciliation du dirigeant chypriote turc récemment élu ouvrir la voie à de nouvelles possibilités dans le contexte du processus de négociation; demande à la Turquie et à toutes les parties concernées de soutenir activement les négociations sur la réunification et de prendre les mesures nécessaires en vue de la normalisation des relations avec Chypre; demande à la Turquie d'engager le retrait de ses troupes de Chypre et de transférer la zone bouclée de Famagouste aux Nations unies, conformément à la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies 550 (1984); demande dans le même temps à la République de Chypre d'ouvrir le port de Famagouste sous surveillance douanière de l'Union européenne afin d'instaurer un climat propice à l'issue favorable des négociations en cours qui visent à la réunification de l'île, et de permettre aux Chypriotes turcs de réaliser des échanges commerciaux avec l'Union d'une manière légale qui soit acceptable pour tous;
46. rappelle les arrêts en la matière de la Cour européenne des droits de l'homme et demande au gouvernement turc d'arrêter immédiatement de porter atteinte aux droits de l'homme des citoyens chypriotes et d’arrêter de leur retirer la jouissance et l’exercice de leurs droits de propriété, de leurs droits en matière de religion et de leurs autres droits fondamentaux découlant de l'ordre constitutionnel de la République de Chypre et de l'acquis communautaire ainsi que des valeurs et principes fondamentaux de l'Union;
47. déplore la politique d'installations de la Turquie et demande à la Turquie d'éviter toute nouvelle installation de citoyens turcs dans les zones occupées de Chypre qui viole la Convention de Genève et les principes du droit international; exhorte la Turquie à mettre un terme à toutes les actions qui modifient l'équilibre démographique de l'île et entravent ainsi une solution future;
48. demande à la Turquie d'autoriser sans réserve le Comité des personnes disparues à consulter les archives qui présentent un intérêt et à pénétrer dans les zones militaires concernées pour y réaliser des exhumations, et de fournir toutes les informations pertinentes permettant de localiser les dépouilles déplacées; demande qu'une attention particulière soit accordée aux travaux dudit Comité;
49. exhorte la Turquie et l'Arménie à normaliser leurs relations en ratifiant, sans conditions préalables, les protocoles sur l'établissement de relations diplomatiques, en ouvrant la frontière et en s'efforçant d'améliorer leurs relations eu égard notamment à la coopération transfrontalière et à l'intégration économique; se félicite de la poursuite du dialogue entre la Turquie et l'Arménie;
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50. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la vice-présidente de la Commission / haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au secrétaire général du Conseil de l'Europe, au président de la Cour européenne des droits de l'homme, aux gouvernements et aux parlements des États membres, ainsi qu'au gouvernement et au parlement de la République de Turquie.