Résolution du Parlement européen du 11 novembre 2015 sur l'aviation (2015/2933(RSP))
Le Parlement européen,
– vu sa résolution du 25 avril 2007(1) sur la création d'un espace aérien européen commun,
– vu la directive 2009/12/CE du 11 mars 2009 sur les redevances aéroportuaires,
– vu sa résolution du 7 juin 2011 sur les accords aériens internationaux dans le cadre du traité de Lisbonne(2),
– vu sa résolution du 2 juillet 2013 sur la politique extérieure de l'Union européenne dans le domaine de l'aviation – Anticiper les défis à venir(3),
– vu la position qu'il a adoptée en première lecture le 12 mars 2014 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la mise en œuvre du ciel unique européen (refonte)(4),
– vu la position qu'il a adoptée en première lecture le 12 mars 2014 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 216/2008 dans le domaine des aérodromes, de la gestion du trafic aérien et des services de navigation aérienne(5),
– vu sa résolution du 29 octobre 2015 sur l'attribution, par la Conférence mondiale des radiocommunications, qui se tiendra à Genève du 2 au 27 novembre 2015 (CMR-15), des bandes de fréquences nécessaires pour soutenir le développement futur d'une technologie satellitaire permettant la mise en place de systèmes de suivi des vols à l'échelle mondiale(6),
– vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (traité FUE), et notamment son article 90, son article 100, paragraphe 2, et son article 218,
– vu la future proposition législative de la Commission sur le paquet "Aviation",
– vu l'article 123, paragraphes 2 et 4, de son règlement,
A. considérant qu'en 2012, le secteur européen du transport aérien représentait 2,6 millions d'emplois directs en Europe et contribuait au PIB de l'Union à hauteur de plus de 2,4 %;
B. considérant que 849,4 millions de personnes ont emprunté les transports aériens dans l'Union en 2014, soit une hausse de 4,4 % par rapport à 2013 et de 16,9 % par rapport à 2009;
C. considérant que plus de 20 000 suppressions de postes ont eu lieu ou ont été prévues par les compagnies aériennes européennes depuis 2012;
D. considérant que les compagnies aériennes européennes exercent leurs activités dans un environnement en rapide évolution et de plus en plus concurrentiel que ce soit sur le marché intérieur ou sur les marchés extérieurs;
E. considérant que l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), l'Union européenne et ses États membres doivent améliorer diverses réglementations juridiques et financières, concernant notamment le système d'échange de quotas d'émission de l'Union (SEQE), l'extension des droits des passagers, les taxes et redevances nationales, la réduction du bruit dans les aéroports et la réduction des horaires de fonctionnement;
F. considérant que le transport aérien joue un rôle dans le changement climatique car il représente quelque 13 % des émissions de CO2 du secteur des transports de l'Union et qu'il est responsable d'autres émissions telles que les NOx;
G. considérant que la Commission compte publier, avant la fin de 2015, un paquet "Aviation" qui aura pour objectif de recenser les difficultés auxquelles est confronté le secteur de l'aviation de l'Union et d'y remédier;
Améliorer la compétitivité du secteur de l'aviation
1. estime que le paquet "Aviation" devrait donner l'impulsion indispensable pour un secteur aérien européen plus pérenne et plus compétitif, renforcer les compagnies aériennes, les aéroports et l'industrie aéronautique en Europe, garantir des conditions de concurrence équitables sur le marché mondial et définir une stratégie à long terme pour le secteur européen de l'aviation;
2. invite la Commission, lorsqu'elle élaborera le paquet "Aviation", à prendre en compte et à reprendre les grands éléments des positions du Parlement en première lecture sur le ciel unique européen (SES2+) et sur l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) ainsi que de sa résolution du 2 juillet 2013 sur la politique extérieure de l'Union européenne dans le domaine de l'aviation;
3. souligne que l'industrie aéronautique apporte une contribution considérable à la croissance et à l'emploi dans l'Union et qu'elle est intimement liée à la compétitivité dans le secteur de l'aviation en Europe (avec, par exemple, une balance positive à l'exportation, des technologies plus propres pour les appareils européens, le déploiement du système européen de nouvelle génération pour la gestion du trafic aérien [SESAR], le ciel unique européen, la mise en place d'une chaîne de maintenance), ce qui génère un chiffre d'affaires d'environ 100 milliards d'euros par an et emploie directement quelque 500 000 personnes; demande par conséquent des mesures volontaristes pour soutenir et développer l'industrie aéronautique;
4. souligne que l'innovation est indispensable à la compétitivité du secteur européen de l'aviation; recommande, par conséquent, que la Commission prenne en compte et soutienne l'innovation dans le domaine de la gestion du trafic aérien (contrôle automatisé du trafic aérien [ATC], itinéraires libres), des systèmes d'aéronefs télépilotés (RPAS), des solutions alternatives en matière de carburant, de la conception des aéronefs et des moteurs (pour une plus grande efficacité et une réduction du bruit), de la sûreté aéroportuaire (solutions sécurisées sans contact, contrôle unique de sûreté), de la numérisation et des solutions multimodales (services informatisés d'assistance en escale); recommande en outre qu'elle appuie des solutions de protection de l'environnement à l'échelle mondiale, telles qu'un mécanisme de marché mondial visant à réduire les émissions de CO2 du transport aérien international, qu'elle aligne les dispositifs régionaux, tels que les systèmes d'échanges de quotas d'émission du transport aérien (SEQE) dans le but de les fusionner pour en faire un système mondial et qu'elle soutienne l'écologisation des aéroports et de nouveaux modèles économiques (tels que la New Distribution Capability [NDC] de l'Association du transport aérien international [IATA], la réservation de vols sans correspondance automatique ou la billetterie intégrée);
5. invite la Commission à commencer, dans la limite de ses compétences, à supprimer les charges qui pèsent sur les compagnies aériennes européennes au niveau national et de l'Union, de sorte à renforcer la compétitivité du secteur européen du transport aérien;
6. met l'accent sur la perte de compétitivité des compagnies aériennes et des aéroports de l'Union par rapport aux transporteurs et aux aéroports subventionnés de pays tiers; préconise, dans ce contexte, une politique volontariste visant à garantir des conditions identiques pour tous en matière de propriété, et encourage fermement les États membres à améliorer leurs infrastructures nationales pour permettre à leurs compagnies aériennes de faire face à la concurrence dans des conditions plus favorables;
7. déplore que le règlement (CE) n° 868/2004 concernant la protection contre les subventions et les pratiques tarifaires déloyales dans le secteur du transport aérien se soit avéré inadéquat et inefficace du point de vue de sa portée; demande à la Commission de publier une analyse des causes de sa non-application d'ici novembre 2015 au plus tard; invite la Commission à réviser le règlement (CE) n° 868/2004 afin d'assurer des conditions de concurrence équitables dans les relations extérieures de l'Union dans le domaine de l'aviation ainsi que de renforcer la position concurrentielle du secteur européen de l'aviation, de prévenir plus efficacement la concurrence déloyale, de garantir la réciprocité et d'éliminer les pratiques déloyales, notamment les subventions et les aides d'État accordées par certains pays tiers aux compagnies aériennes, lesquelles faussent le marché; souligne qu'il convient de se fixer pour objectif l'amélioration de la stratégie politique au niveau européen afin de résoudre rapidement ce conflit, en s'appuyant principalement sur l'application d'une "clause de concurrence loyale" transparente; demande également à la Commission de se pencher sur le concept de "contrôle efficace" des compagnies aériennes;
8. relève que les aéroports européens font face à une forte pression concurrentielle, du fait des compagnies aériennes comme des aéroports concurrents; presse donc la Commission de tenir compte de cette évolution dans la mise en œuvre de la directive sur les redevances aéroportuaires et de faire bénéficier toutes les parties prenantes et les passagers des retombées positives;
9. réclame des efforts supplémentaires au sein du Conseil pour l'approbation de la proposition de règlement sur les créneaux horaires afin d'améliorer les performances des aéroports et de veiller au bon fonctionnement du transport aérien en Europe, eu égard au fait que le trafic devrait doubler d'ici 2030;
10. souligne l'importance des petits aéroports régionaux de l'Union pour la connectivité régionale; presse la Commission et les États membres de présenter un plan stratégique européen à long terme visant à répondre aux enjeux et perspectives auxquels font face les aéroports régionaux dans le cadre de l'Union, et notamment les règles relatives aux aides d'État pour les infrastructures de transport, car le rôle qu'ils jouent dans la cohésion de ses régions doit être encouragé et devenir l'un des piliers de la stratégie de l'Union en faveur de la croissance et de l'emploi;
Dimension internationale
11. souligne que la négociation d'accords globaux dans le domaine de l'aviation avec les principaux partenaires commerciaux de l'Union devrait constituer un objectif stratégique, et qu'il convient d'engager de telles négociations ou de les accélérer; prie instamment la Commission d'obtenir, dans les meilleurs délais, un mandat étendu des États membres, en donnant la priorité aux pays du Conseil de coopération du Golfe, en vue de garantir des conditions de concurrence équitables pour les compagnies aériennes et les aéroports européens, d'assurer la réciprocité et d'introduire une clause de concurrence équitable; insiste sur le fait que, pour rendre ces accords aériens globaux efficaces dans la pratique, il y a lieu d'inclure une clause de sauvegarde définissant une infraction et les conséquences juridiques d'une violation;
12. relève que le secteur du transport aérien n'est pas réglementé à l'échelon mondial et n'entre pas dans le périmètre de l'OMC; insiste sur l'importance des règles convenues au niveau mondial dans le cadre de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) en vue de réduire les émissions et l'incidence climatique de l'aviation; reconnaît que l'OACI s'engage en faveur de l'élaboration d'un mécanisme de marché mondial;
13. invite la Commission et les États membres à accélérer la mise en œuvre du ciel unique européen en adoptant le paquet SES2+, car l'actuelle fragmentation de l'espace aérien européen pèse lourdement sur les compagnies aériennes européennes;
14. compte que le paquet "Aviation" abordera et assurera la pleine intégration des aéroports dans le réseau de transport européen; rappelle qu'il convient de veiller à la cohérence du paquet "Aviation" avec la législation actuelle et future sur les droits des passagers tout en pressant le Conseil de prendre position, car les passagers comme les compagnies aériennes demandent davantage de clarté dans la réglementation;
Agenda social dans le secteur de l'aviation
15. souligne que certaines conditions de travail dans le secteur de l'aviation peuvent avoir des conséquences pour la sécurité des vols; recommande que la DG MOVE et la DG EMPL collaborent et que le paquet "Aviation" contienne des dispositions sociales et prévoie les garde-fous nécessaires, comme convenu lors de la conférence de haut niveau intitulée "Un agenda social pour les transports" organisée le 4 juin 2015 par la Commission;
16. préconise de renforcer et d'harmoniser la chaîne de sécurité aérienne et, pour cela, d'attirer et de retenir une main-d'œuvre compétente et bien formée;
17. souligne que le secteur de l'aviation est reconnu comme un secteur en pleine croissance qui a su attirer et former des professionnels motivés et hautement qualifiés et que pour pouvoir disposer d'une telle main-d'œuvre à l'avenir, il y a lieu de préserver les dispositions réglementaires actuelles de l'Union en matière d'emploi et de conditions de travail, de normes et de pratiques, notamment en matière de négociations collectives;
18. recommande de définir précisément le concept de "lieu principal d'activité commerciale" de sorte à ce qu'un État membre n'accorde de licence d'exploitation que si le volume d'activité de transport aérien qu'y réalise une compagnie est substantiel et, dans le contexte de la coordination des systèmes de sécurité sociale et des législations du travail, d'harmoniser la définition du concept de "base d'affectation" conformément aux règlements (UE) n° 83/2014 et (UE) n° 465/2012; souligne qu'il faut réduire la période transitoire et clarifier la situation du personnel navigant qui a plusieurs bases d'affectation;
19. relève les difficultés de mise en œuvre de la directive relative au travail intérimaire (directive 2008/104/CE) et préconise que la Commission examine son application actuelle dans le secteur avant de décider, sur cette base, comment remédier à ces difficultés;
20. se dit préoccupé par la recrudescence de pratiques commerciales problématiques sur le plan social telles que les "pavillons de complaisance" et différentes formes d'emploi atypique comme le faux travail indépendant, la pratique du "pay-to-fly", qui contraint des pilotes à payer pour voler, ou encore les contrats "zéro heure", qui peuvent avoir des conséquences éventuelles pour la sécurité; est d’avis que les normes sociales doivent être respectées dans toutes les activités de l’aviation;
Assurer un niveau élevé de sécurité dans l'espace aérien de l'Union
21. réclame que le programme SESAR soit pleinement mis en œuvre, ce qui nécessite une étroite coopération et l'engagement financier de la Commission, des prestataires de services de navigation aérienne, des transporteurs aériens et des aéroports; demande donc d'adopter une approche systémique globale pour tous les domaines relatifs à l'aviation qui couvre toutes les phases de vol, y compris les opérations au sol, et d'accorder plus de poids à l'AESA dans l'environnement SES-SESAR d'un dispositif UE-EASA régissant la sécurité, la sûreté, l'environnement et les performances; demande à la Commission de garantir l'exécution du budget initial du mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE), lequel avait été modifié par la création du Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS);
22. salue l'intention d'accorder davantage de responsabilités à l'AESA et demande donc que le règlement qui l'institue (règlement (CE) n° 216/2008) soit modifié en vue d'assurer la mise en place d'un système global de gestion de la sécurité et de confier à l'Agence les aspects relatifs à la sécurité du dispositif de sûreté de l'Union ainsi que du transport spatial commercial et des aéronefs télépilotés; demande à la Commission d'accorder à l'AESA le statut d'autorité unique de l'aviation en Europe, eu égard à la large palette de responsabilités qui doivent être attribuées par le législateur;
23. invite la Commission à préserver une large représentation grâce aux huit sièges qui représentent les États membres de l'Union au Conseil de l'OACI, à renforcer au plus vite le rôle de l'AESA sur la scène internationale et à veiller à ce que celle-ci soit officiellement reconnue au sein de l'OACI pour permettre à l'Union de parler d'une seule voix et garantir ainsi un niveau de sécurité plus élevé aux citoyens de l'Union dans le monde entier, tout en protégeant la compétitivité et les exportations de l'industrie européenne de l'aviation;
24. demande à la Commission de lever les obstacles réglementaires à la surveillance du trafic aérien par satellite afin de permettre la mise en place de services susceptibles de sauver la vie de citoyens de l'Union et invite l'Union internationale des télécommunications à procéder aux attributions de fréquences nécessaires, compte tenu du fait que l'OACI estime que le système de surveillance dépendante automatique en mode diffusion (ADS-B) est la seule technologie qui permette de suivre un appareil en vol, notamment à des fins de gestion du trafic aérien, en dehors des zones densément peuplées où d'autres dispositifs terrestres de gestion du trafic atteignent leurs limites; souligne que, lors de la mise en œuvre du système ADS-B, il est essentiel de tenir compte des besoins de l'ensemble des usagers de l'espace aérien et de garantir l'interopérabilité des différentes technologies de manière à éviter les défaillances de sûreté et de sécurité; souligne que ce système permettrait aux pouvoirs publics, aux prestataires de services de navigation aérienne et aux compagnies aériennes d'Europe et d'ailleurs d'accroître l'efficacité et les capacités en matière de gestion du trafic, et de réduire ainsi les émissions dues à l'aviation, ainsi que d'améliorer sensiblement la sécurité aérienne tout en enrichissant d'un système supplémentaire le dispositif actuel de surveillance de l'espace aérien européen;
25. invite la Commission, dans le prolongement de l'évaluation des risques réalisée dans le cadre du rapport du groupe de travail de l'AESA, à prendre des mesures pour améliorer l'évaluation médicale des pilotes ainsi que les procédures de sûreté, d'accès et de sortie relatives aux portes des cockpits;
26. préconise, pour le transport de passagers et de fret, une démarche de "sûreté fondée sur les risques" plutôt que sur les mesures actuelles de réaction et demande, dans le domaine sensible qu'est la sûreté aérienne, une démarche juste et équilibrée qui réponde aux besoins et aux attentes des États membres, d'une part, et limite le mécontentement des passagers dans les aéroports, d'autre part, tout en renforçant le système de l'Aviation Security Service (AVSEC) et du Stakeholder Advisory Group on Aviation Security (SAGAS); demande donc instamment à la Commission, compte tenu des expériences concluantes menées dans d'autres régions, d'étudier la faisabilité de la mise en place d'un système de contrôle préalable à l'entrée sur le territoire européen;
27. invite les autorités budgétaires à assurer à l'AESA un budget compétitif tenant compte de ces nouvelles responsabilités afin que les avionneurs et les compagnies aériennes de l'Union disposent d'outils souples et efficaces pour faire face à la concurrence mondiale, tout en relevant que le budget de l'AESA est financé à 70 % par les entreprises;
28. constate qu'une série de dossiers législatifs sur l'aviation sont en attente d'examen au Conseil et demande donc à la Commission de trouver une solution pour débloquer la situation actuelle;
29. invite la Commission à examiner les aspects ci-dessus dans le contexte de la proposition législative sur le paquet "Aviation" qu'elle doit présenter d'ici fin 2015;
o o o
30. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission.