Résolution du Parlement européen du 21 janvier 2016 sur la Corée du Nord (2016/2521(RSP))
Le Parlement européen,
– vu ses résolutions antérieures sur la Corée du Nord,
– vu la déclaration de la vice-présidente de la Commission et haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, du 6 janvier 2016, sur l'essai nucléaire qui aurait été effectué en République populaire démocratique de Corée,
– vu la déclaration du Secrétaire général de l'Organisation des Nations unies du 6 janvier 2016 sur l'essai nucléaire annoncé par la République populaire démocratique de Corée,
– vu les résolutions 1718 (2006), 1874(2009), 2087(2013) and 2094(2013) du Conseil de sécurité de l'ONU qui interdisent expressément à la Corée du Nord de procéder à des essais nucléaires,
– vu la résolution sur la situation des droits de l'homme en République démocratique de Corée, que l'Assemblée générale des Nations unies a adoptée le 17 décembre 2015,
– vu le rapport de l'ONU intitulé "Democratic People’s Republic of Korea 2015: Needs and Priorities" ("République populaire démocratique de Corée 2015: besoins et priorités") publié en avril 2015,
– vu la résolution du Conseil des droits de l'homme de l'ONU du 27 mars 2015 sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée,
– vu le rapport de la commission d'enquête sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée du 7 février 2014,
– vu la déclaration universelle des droits de l'homme, le pacte international relatif aux droits civils et politiques, le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la convention relative aux droits de l'enfant ainsi que la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, auxquels la République populaire démocratique de Corée est partie,
– vu la convention de 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
– vu l'article 135, paragraphe 5, et l'article 123, paragraphe 4, de son règlement,
A. considérant que le Conseil de l'Union européenne et le Conseil de sécurité de l'ONU ont condamné ce que la République populaire démocratique de Corée (RPDC) soutient être un "essai réussi de bombe à hydrogène", effectué le 6 janvier 2016 en violation manifeste des obligations qui lui incombent en vertu des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU;
B. considérant que la prolifération des armes atomiques, chimiques et biologiques, ainsi que de leurs vecteurs, représente une menace pour la paix et la sécurité internationales; que la République populaire démocratique de Corée s'est retirée du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires en 2003, qu'elle effectue des essais nucléaires depuis 2006 et qu'elle a officiellement déclaré en 2009 avoir mis au point une arme nucléaire, ce qui signifie que le développement de ses capacités nucléaires constitue désormais une menace nettement plus sérieuse; que la poursuite, en dehors de toute légalité, de son programme nucléaire et de son programme de missiles balistiques constitue une grave atteinte au régime international de non-prolifération nucléaire et risque d'exacerber les tensions régionales;
C. considérant que ce pays, avec son économie militarisée, est loin d'atteindre son objectif déclaré, à savoir devenir une nation forte et prospère, et qu'il a au contraire isolé et appauvri de plus en plus sa population par sa course aux armes de destruction massive et à leurs vecteurs,
D. considérant que l'Union européenne soutient fermement l'idée d'une péninsule coréenne exempte de nucléaire et qu'elle estime qu'une reprise des pourparlers à six est essentielle à la paix, à la sécurité et à la stabilité dans la région;
E. considérant que la République populaire démocratique de Corée, en donnant la priorité à ses investissements militaires, peut être accusée de négligence criminelle face aux besoins élémentaires de sa population, étant donné que près de 70 % des 24,6 millions d'habitants du pays sont en situation d'insécurité alimentaire, et que près de 30 % des enfants de moins de 5 ans sont gravement sous-alimentés;
F. considérant que la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée est extrêmement problématique depuis de nombreuses années; que le régime nord-coréen ne coopère pratiquement pas avec les Nations unies et qu'il a rejeté toutes les résolutions du Conseil des droits de l'homme de l'ONU et de l'Assemblée générale des Nations unies sur les droits de l'homme en Corée du Nord; qu'il n'a pas collaboré avec le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l'homme dans le pays et qu'il a refusé toute assistance du haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme dans le cadre des procédures spéciales;
G. considérant qu'à la suite de la résolution du Conseil des droits de l'homme de l'ONU (CDH) du 27 mars 2015, une réunion a été organisée entre des diplomates nord-coréens et Marzuki Darusman, rapporteur spécial du CDH sur les droits de l'homme en Corée du Nord;
H. considérant que l'Union européenne défend et promeut les droits de l'homme et la démocratie dans le monde; que le dialogue sur les droits de l'homme entre l'Union européenne et la République populaire démocratique de Corée a été suspendu par celle-ci en 2013; que l'Union et la RPDC ont pris part à une session de dialogue politique en juin 2015;
I. considérant que la commission d'enquête des Nations unies, chargé d'examiner les "violations graves, systématiques et généralisées des droits de l'homme" en Corée du Nord, a publié un rapport le 7 février 2014; qu'elle a conclu, dans son rapport, que les violations des droits de l'homme par Pyongyang ne trouvent aucun équivalent dans le monde actuel et qu'elle a constaté la négation quasi complète des libertés de pensée, de conscience et de religion ainsi que des droits à la liberté d'opinion, d'expression, d'information et d'association; qu'elle a constaté à plusieurs reprises que ces violations des droits de l'homme constituaient des crimes contre l'humanité; que la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée a empiré depuis 2014;
J. considérant que le gouvernement de la République populaire démocratique de Corée n'autorise pas l'opposition politique, la tenue d'élections libres et régulières, la liberté des médias, la liberté religieuse, la liberté d'association, la négociation collective et la liberté de circulation;
K. considérant que la République populaire démocratique de Corée dispose d'un système de sécurité très étendu et structuré, qui surveille étroitement la vie de pratiquement chaque citoyen et empêche l'exercice de toute liberté fondamentale dans le pays;
L. considérant que les pouvoirs publices de la République populaire démocratique de Corée recourent systématiquement aux exécutions extrajudiciaires, aux détentions arbitraires et aux disparitions, y compris sous la forme d'enlèvements de ressortissants étrangers, et détiennent actuellement plus de 100 000 personnes dans des établissements pénitentiaires et des camps de "rééducation";
M. considérant que les habitants de la République populaire démocratique de Corée ont connu des décennies de sous-développement, caractérisées par le faible niveau des soins de santé et de hauts niveaux de malnutrition maternelle et infantile, dans un contexte d'isolement politique et économique, de catastrophes naturelles à répétition et d'augmentation des prix des denrées alimentaires et du carburant sur les marchés internationaux; que la RPDC viole le droit à l'alimentation de ses habitants;
1. condamne vigoureusement le quatrième essai nucléaire du 6 janvier 2016, qui constitue une provocation aussi inutile que dangereuse, une violation des résolutions en la matière du Conseil de sécurité de l'ONU et une grave menace pour la paix et la stabilité dans la péninsule coréenne et l'Asie du Nord-Est; souhaite que la communauté internationale arrête des sanctions sérieuses et effectives après le dernier essai nucléaire en date;
2. demande instamment à la République populaire démocratique de Corée de s'abstenir de nouvelles actions de provocation en abandonnant ses programmes dans les domaines du nucléaire et des missiles balistiques de façon complète, vérifiable et irréversible, de mettre fin à toutes ses activités connexes et de respecter sur-le-champ l'ensemble de ses obligations internationales, dont les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU et du Conseil des gouverneurs de l'AEIA et les autres normes internationales applicables en matière de désarmement et de non-prolifération; invite la République populaire démocratique de Corée à signer et à ratifier sans retard le traité d'interdiction complète des essais nucléaires et à honorer les engagements qu'elle a pris en vertu de la déclaration commune du 19 septembre 2005 publiée à l'issue des pourparlers à six;
3. affirme son souhait d'une solution diplomatique et politique à la question nucléaire nord-coréenne; réaffirme son soutien aux pourparlers à six et demande leur reprise; prie instamment toutes les parties prenantes aux pourparlers à six de redoubler d'efforts; demande à la République populaire démocratique de Corée de renouer un dialogue constructif avec la communauté internationale, notamment avec les participants aux pourparlers à six, afin d'œuvrer à l'instauration d'une paix et d'une sécurité durables dans une péninsule coréenne dénucléarisée, y voyant le meilleur moyen de garantir un avenir plus prospère et plus stable à la RPDC;
4. est convaincu qu'il est temps pour la communauté internationale de prendre des mesures concrètes pour mettre fin à l'impunité des auteurs des faits dénoncés; réclame que les principaux responsables des crimes contre l'humanité perpétrés en République populaire démocratique de Corée rendent des comptes, soient traduits devant la Cour pénale internationale et fassent l'objet de sanctions ciblées;
5. attire l'attention sur le fait que les violations décrites dans le rapport de la commission d'enquête, dont bon nombre constituent des crimes contre l'humanité, se commettent depuis bien trop longtemps sous le regard impassible de la communauté internationale;
6. exhorte le gouvernement de la République populaire démocratique de Corée à mettre en œuvre immédiatement les recommandations de la commission d'enquête;
7. invite le gouvernement de la République populaire de Chine à jouer de son influence croissante et à peser de tout son poids politique et économique sur la République populaire démocratique de Corée pour que la situation ne s'envenime pas davantage; demande à la République populaire de Chine de prendre toutes les mesures qui s'imposent, en collaboration avec la communauté internationale, afin de rétablir la paix et la stabilité dans la péninsule coréenne; constate que la République populaire de Chine a donné son adhésion à la résolution 2094 (2013) du Conseil de sécurité de l'ONU; relève la réaction unanime des membres du Conseil de sécurité face à l'essai nucléaire réalisé dernièrement par la République populaire démocratique de Corée;
8. prie instamment le gouvernement chinois, conformément aux obligations qui lui incombent en tant que partie à la convention des Nations unies relative au statut des réfugiés, de ne pas priver les réfugiés nord-coréens franchissant la frontière pour entrer sur le territoire de la Chine de leur droit de demander l'asile et de ne pas les renvoyer par la force en Corée du Nord, mais de protéger leurs droits de l'homme fondamentaux; demande que l'Union européenne exerce des pressions diplomatiques à cet effet; demande une nouvelle fois à tous les pays qui accueillent des réfugiés nord-coréens de respecter la convention de Genève de 1951 et son protocole de 1967 en n'en renvoyant aucun en République populaire démocratique de Corée;
9. salue la résolution de l'Assemblée générale des Nations unies sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée adoptée le 17 décembre 2015, avec l'adhésion de tous les États membres de l'Union européenne; demande que l'Union européenne et ses États membres ne relâchent pas leur effort face à la gravité de la situation des droits de l'homme en RPDC;
10. invite Federica Mogherini, vice-présidente de la Commission et haute représentante de l'Union, à s'appuyer sur les compétences expertes de la République de Corée pour élaborer la stratégie de l'Union vis-à-vis de la RPDC; lui demande de continuer à suivre l'évolution de la situation et de lui en rendre compte afin que la question des droits de l'homme en RPDC reste au cœur des préoccupations politiques de l'Union; estime que l'Union européenne peut jouer un rôle utile en menant un dialogue critique avec le gouvernement de la RPDC;
11. est vivement préoccupé par la dégradation persistante de la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée; invite le gouvernement de la République populaire démocratique de Corée à remplir les obligations qui lui incombent en vertu des instruments en matière de droits de l'homme auxquels le pays a adhéré et à veiller à ce que les organisations humanitaires, les observateurs indépendants des droits de l'homme et le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée aient accès au pays et bénéficient de la coopération nécessaire;
12. demande au gouvernement de la République populaire démocratique de Corée de mettre immédiatement un terme à sa stratégie systématique d'étouffement des droits de l'homme dont elle use politiquement pour dominer et surveiller sa population;
13. condamne vigoureusement l'utilisation systématique, à grande échelle, de la peine de mort en République populaire démocratique de Corée; demande au gouvernement de la RPDC de déclarer un moratoire sur toutes les exécutions, ce dans l'objectif d'abolir la peine de mort dans un avenir proche; demande à la République populaire démocratique de Corée de mettre fin aux exécutions extrajudiciaires et aux disparitions forcées, de libérer les prisonniers politiques et de permettre à ses ressortissants de se déplacer librement, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays; demande à la République populaire démocratique de Corée d'autoriser la liberté d'expression et la liberté de la presse, tant pour les médias nationaux qu'internationaux, ainsi de permettre à ses citoyens d'accéder à l'internet sans aucune censure;
14. invite instamment le gouvernement de la République populaire démocratique de Corée à mettre fin à son programme de travail forcé, subventionné par l'État, qui a permis à des pays étrangers de faire travailler des dizaines de milliers d'ouvriers nord-coréens dans des conditions illicites, essentiellement dans l'industrie minière, l'exploitation forestière, le textile et les chantiers de construction, et au régime d'engranger des devises fortes qui lui sont utiles pour se maintenir; attire l'attention sur le fait qu'en pareille situation, le devoir de protéger les droits des travailleurs incombe également aux pays d'accueil, qui doivent veiller au respect des règles applicables en matière de droits de l'homme et du travailleur;
15. condamne les importantes restrictions appliquées aux libertés de pensée, de conscience, de religion et de conviction, d'opinion et d'expression, de réunion pacifique et d'association, ainsi que les discriminations opérées en vertu du songbun, système, institué par l'État, qui catégorise l'individu selon sa classe sociale et sa naissance et englobe notamment les opinions politiques et la religion;
16. fait part de sa vive inquiétude devant la gravité de la situation alimentaire à laquelle le pays doit faire face, et devant son incidence sur les droits économiques, sociaux et culturels de la population; invite la Commission à maintenir les programmes d'aide humanitaire et les modes de communication existants avec la République populaire démocratique de Corée et à assurer l'acheminement sûr de l'aide aux catégories de population visées; demande aux autorités de la RPDC d'assurer l'accès de tous les habitants à l'aide alimentaire et humanitaire en fonction des besoins, conformément aux principes humanitaires;
17. invite instamment les autorités de la République populaire démocratique de Corée à régler sans tarder le problème des enlèvements systématiques, à communiquer toutes les informations sur les ressortissants de pays tiers, en particulier du Japon et de la République de Corée, qui auraient été enlevés par des agents des pouvoirs publics nord-coréens au cours des dernières décennies, et à assurer le retour immédiat dans leurs pays d'origine des personnes enlevées encore détenues;
18. exhorte la République populaire démocratique de Corée à entretenir des rapports constructifs avec ses interlocuteurs internationaux afin de favoriser l'amélioration concrète de la situation des droits de l'homme sur le terrain, notamment grâce à des dialogues, à des visites officielles et à l'approfondissement des relations interpersonnelles;
19. charge son Président de transmettre la présente résolution à la vice-présidente de la Commission et haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au représentant spécial de l'Union européenne pour les droits de l'homme, au gouvernement et au parlement de la République populaire démocratique de Corée, au gouvernement et au parlement de la République de Corée, au gouvernement et au parlement de la République populaire de Chine, au gouvernement et au parlement des États-Unis d'Amérique, au gouvernement et au parlement de la Fédération de Russie, au gouvernement et au parlement du Japon, au rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée et au secrétaire général de l'Organisation des Nations unies.