Résolution du Parlement européen du 6 juillet 2016 sur la décision du Japon de reprendre la chasse à la baleine au cours de la saison 2015-2016 (2016/2600(RSP))
Le Parlement européen,
– vu l'accord de la Commission baleinière internationale fixant un quota zéro de captures pour la chasse à la baleine à des fins commerciales (ci-après le "moratoire"), entré en vigueur en 1986,
– vu la résolution 2014/5 adoptée par la Commission baleinière internationale lors de sa 65e réunion, en septembre 2014,
– vu les objectifs d'Aichi pour la biodiversité, adoptés dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique,
– vu la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages(1) (ci-après la "directive "Habitats""),
– vu sa résolution du 19 février 2009 sur une action communautaire dans le domaine de la chasse à la baleine(2),
– vu l'arrêt rendu, le 31 mars 2014, par la Cour internationale de justice (CIJ) dans l'affaire concernant la chasse à la baleine dans l'Antarctique (Australie c. Japon; Nouvelle‑Zélande (intervenant)),
– vu la démarche signée par l'Union européenne en décembre 2015 concernant la reprise par le Japon de la chasse à la baleine dans l'océan Antarctique dans le cadre d'un nouveau programme de recherche scientifique sur les baleines (Newrep-A),
– vu l'article 128, paragraphe 5, et l'article 123, paragraphe 4, de son règlement,
A. considérant que la Commission baleinière internationale (CBI) a décrété, en 1982, un moratoire international sur la chasse à la baleine à des fins commerciales, qui est toujours en vigueur, pour protéger les stocks de l'extinction et permettre leur reconstitution; que la convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine comprend des dispositions spéciales qui autorisent la chasse d'un nombre réduit de spécimens à des fins strictement scientifiques, en vertu de "permis spéciaux de chasse à la baleine";
B. considérant que, malgré le moratoire, plusieurs pays continuent de pratiquer la chasse à la baleine à des fins commerciales; que, depuis l'introduction du moratoire, le nombre de baleines chassées sous le couvert de permis spéciaux pour des motifs prétendument scientifiques a en réalité augmenté; que le Japon se livre à la chasse à la baleine sous le couvert de permis spéciaux depuis des dizaines d'années;
C. considérant que le Japon, au mépris de l'interdiction internationale entrée en vigueur en 1986, poursuit ses activités de chasse à la baleine et a mis ainsi à mort plus de 20 000 baleines(3) entre cette date et 2014;
D. considérant que la chasse à la baleine inflige d'atroces souffrances aux animaux capturés et menace l'état de conservation des populations de baleines dans leur ensemble;
E. considérant que toutes les espèces de grandes baleines figurent à l'annexe I de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES);
F. considérant que, dans son arrêt rendu le 31 mars 2014, la CIJ a sommé le Japon de cesser ses activités annuelles de chasse à la baleine menées dans le cadre de son programme JARPA II, au motif qu'elles ne présentaient aucun intérêt scientifique et que les permis délivrés n'ont pas servi à la recherche scientifique, contrairement à ce qu'affirmait le Japon;
G. considérant que les permis scientifiques permettent la vente ou le don de chair de baleine, tandis qu'il est possible de répondre aux besoins scientifiques en employant d'autres pratiques, tout à fait inoffensives; que l'échantillonnage ADN et la surveillance à distance permettent aux scientifiques de recueillir des informations sur les baleines et de prélever des échantillons sans avoir à mettre à mort ces animaux;
H. considérant que le Japon a déposé, en octobre 2015, une déclaration auprès des Nations unies reconnaissant la juridiction de la CIJ, mais avec une exception pour tout différend résultant de, concernant ou étant lié à la recherche sur les ressources biologiques de la mer ou la conservation, la gestion ou l'exploitation de celles-ci, écartant ainsi toute éventuelle contestation qui serait introduite à l'avenir auprès de la CIJ concernant son programme de chasse à la baleine en vertu de permis spéciaux;
I. considérant que l'Agence japonaise de la pêche a informé, en novembre 2015, la CBI qu'elle reprendrait la chasse à la baleine dans le cadre d'un nouveau programme de recherche scientifique sur les baleines (Newrep-A);
J. considérant que le Japon se livre, depuis de nombreuses années, au commerce de viande de baleine et de produits dérivés de cet animal, alors même que celui-ci figure à l'annexe I de la CITES;
K. considérant que le comité scientifique de la CBI, qui a examiné et passé en revue le programme Newrep-A, a conclu que le plan de recherches ne démontrait pas la nécessité de procéder à des prélèvements létaux pour atteindre les objectifs déclarés;
L. considérant qu'il importe avant tout de protéger la biodiversité, ce qui inclut la conservation des espèces; que la directive "Habitats", qui définit la position de la Communauté eu égard aux baleines (et aux dauphins), ne permet pas la reprise de la chasse commerciale effectuée dans des stocks baleiniers situés dans les eaux de l'Union;
M. considérant que l'Union et ses États membres ont critiqué le Japon pour la reprise de ses activités de chasse à la baleine et pour le manque de considération que le pays témoigne à l'égard du raisonnement et des conclusions de l'arrêt rendu par la CIJ en 2014; que l'Union et ses États membres se sont associés, en 2015, à la démarche entreprise par la Nouvelle‑Zélande à l'égard du gouvernement japonais;
N. considérant que le Japon est un partenaire stratégique de l'Union et que la relation bilatérale se fonde sur des valeurs communes, notamment le profond respect envers un multilatéralisme efficace et un ordre international fondé sur des règles;
O. considérant que des négociations relatives à un accord de partenariat stratégique et à un accord de libre‑échange sont actuellement en cours entre l'Union européenne et le Japon;
1. invite instamment le Japon à cesser ses activités de chasse à la baleine et à se conformer aux conclusions de la CBI;
2. soutient résolument le maintien du moratoire international sur la chasse à la baleine à des fins commerciales et l'interdiction du commerce international des produits dérivés de cet animal; invite instamment à mettre fin à la pratique injustifiée de la "chasse scientifique à la baleine" et encourage la désignation de zones marines et océaniques étendues comme sanctuaires où toute chasse à la baleine est interdite pour une durée indéterminée;
3. s'inquiète fortement du fait que la décision du Japon de reprendre la chasse à la baleine dans le cadre du nouveau programme Newrep-A ait permis la mise à mort de 333 petits rorquals, dont 200 femelles gravides, dans l'océan Antarctique au cours de la saison 2015‑2016, et du fait que le Japon envisage de chasser un total de près de 4 000 baleines sur une période de douze ans;
4. déplore qu'en reprenant la chasse à la baleine, le Japon contrevienne clairement à l'arrêt rendu par la CIJ; considère que les activités de chasse du Japon constituent, dès lors, une violation des règles de la CBI et du droit international et nuisent à la protection de la biodiversité et des écosystèmes marins; souligne que la véritable recherche scientifique ne nécessite pas d'abattage régulier et à grande échelle de baleines;
5. salue le fait que l'Union se soit associée à la démarche en vue de communiquer ses graves inquiétudes au Japon; demande à la Commission, au Service européen pour l'action extérieure (SEAE) et au Conseil d'inviter instamment le Japon à honorer ses engagements internationaux en matière de protection des mammifères marins;
6. déplore que le Japon ne soit toujours pas revenu sur sa décision, en dépit de la démarche diplomatique et de protestations internationales de grande ampleur; exhorte l'Union et ses États membres à veiller avec le plus grand soin à résoudre cette question par le dialogue politique et par l'intermédiaire de la CBI;
7. demande à la Commission, au SEAE et aux États membres d'entamer et de poursuivre le dialogue avec le Japon, par des voies bilatérales et multilatérales, sur la question de la chasse prétendument scientifique à la baleine, en vue d'abolir cette pratique;
8. approuve la résolution 2014/5 de la CBI, selon laquelle aucun nouveau permis de chasse à la baleine ne doit être délivré sans examen international préalable, notamment du comité scientifique de la CBI; invite instamment la CBI à intégrer l'arrêt de la CIJ dans ses pratiques de travail et à adapter ses règles en conséquence; souligne la nécessité de prendre, dans les plus brefs délais, toutes les mesures nécessaires pour renforcer la CBI à cet égard et demande aux États membres d'encourager vivement la CBI à prendre les décisions qui s'imposent lors de sa prochaine réunion, qui se tiendra en octobre;
9. demande instamment au Conseil et à la Commission d'adopter, lors de la mise à jour, après la 66e réunion de la CBI, qui se tiendra en octobre 2016, de la position commune de l'Union sur la chasse à la baleine, une approche au moins aussi prudente que celle reflétée dans la position commune actuelle (décision du Conseil établissant la position à adopter au nom de l'Union européenne, en ce qui concerne les matières relevant de sa compétence, lors des trois prochaines réunions de la Commission baleinière internationale – 2011/0221(NLE));
10. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des États membres ainsi qu'au gouvernement et au parlement du Japon.