Résolution du Parlement européen du 6 octobre 2016 sur les normes internationales d'information financière: IFRS 9 (2016/2898(RSP))
Le Parlement européen,
– vu le règlement (CE) nº 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil du 19 juillet 2002 sur l'application des normes comptables internationales(1),
– vu le projet définitif de règlement de la Commission (UE) .../... modifiant le règlement (CE) nº 1126/2008 portant adoption de certaines normes comptables internationales conformément au règlement (CE) nº 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil, en ce qui concerne la norme internationale d’information financière IFRS 9
– vu la norme internationale d’information financière IFRS 9, sur les instruments financiers, que le Conseil des normes comptables internationales (IASB) a publiée le 24 juillet 2014, vu l’avis favorable du Groupe consultatif pour l’information financière en Europe (EFRAG) sur la norme IFRS 9(2), vu l’évaluation de l’EFRAG sur l’IFRS 9 eu égard au principe de l’«image fidèle» («true and fair view principle») et vu les lettres de la Banque centrale européenne (BCE) et de l’Autorité bancaire européenne (ABE) sur l’adoption de l’IFRS 9,
– vu les modifications de la norme IFRS 4 que l’IASB a publiées le 12 septembre 2016 sous le titre «Applying IFRS 9 “Financial Instruments” with IFRS 4 “Insurance Contracts”»,
– vu le rapport de Philippe Maystadt daté d'octobre 2013 intitulé "Should IFRS standards be more European?",
– vu la déclaration des dirigeants du G20 du 2 avril 2009,
– vu le rapport du groupe de haut niveau sur la supervision financière au sein de l'Union européenne, présidé par Jacques de Larosière, du 25 février 2009,
– vu sa résolution du 7 juin 2016 sur l'évaluation des normes comptables internationales et les activités de l'International Financial Reporting Standards Foundation (Fondation IFRS), de l’EFRAG et du Conseil de supervision de l'intérêt public (PIOB)(3),
– vu la lettre du 8 janvier 2016 que sa commission des affaires économiques et monétaires a adressée à la présidence du comité européen du risque systémique (CERS) pour lui demander une analyse des conséquences de l’introduction de la norme IFRS 9 sur la stabilité financière, et la réponse du CERS du 29 février 2016,
– vu la lettre du 16 juin 2016 que sa commission des affaires économiques et monétaires a adressée au commissaire chargé de la stabilité financière, des services financiers et de l’union des marchés des capitaux relative à l’adoption de la norme IFRS 9, et la réponse du commissaire du 15 juillet 2016,
– vu les études de sa commission des affaires économiques et monétaires sur l’IFRS 9 (‘IFRS Endorsement Criteria in Relation to IFRS 9’, ‘The Significance of IFRS 9 for Financial Stability and Supervisory Rules’, ‘Impairments of Greek Government Bonds under IAS 39 and IFRS 9: A Case Study’ et ‘Expected-Loss-Based Accounting for the Impairment of Financial Instruments: the FASB and IASB IFRS 9 Approaches’),
– vu la question à la Commission sur les normes internationales d’information financière: norme IFRS 9 (O-000115/2016 – B8-0721/2016),
– vu la proposition de résolution de la commission des affaires économiques et monétaires,
– vu l'article 128, paragraphe 5, et l'article 123, paragraphe 2, de son règlement,
A. considérant que la crise financière mondiale a eu pour effet d’inscrire le rôle que jouent les normes internationales d’information financière dans la stabilité financière et la croissance, en particulier les règles relatives à la comptabilisation des pertes encourues par le système bancaire, dans les programmes de travail du G20 et de l’Union européenne; considérant que le G20 et le rapport De Larosière ont mis en évidence des problèmes majeurs concernant les normes comptables en amont de la crise, comme la procyclicité créée par le principe de l'évaluation au prix du marché et la comptabilisation des pertes et des bénéfices, le fait que l'on ait sous-estimé l'accumulation des risques pendant la reprise conjoncturelle et l'absence d'une méthode commune et transparente d'évaluation des actifs non liquides et des actifs dépréciés;
B. considérant que l’IASB a publié la norme IFRS 9 sur les instruments financiers pour réagir à certains aspects de la crise financière et à ses répercussions sur le secteur bancaire; que la norme IFRS 9 entrera en vigueur le 1er janvier 2018 et remplacera la norme IAS 39;
C. considérant que l'EFRAG a émis un avis positif sur la norme IFRS 9, assorti de plusieurs observations concernant l'utilisation de la "juste valeur" en période de tension sur le marché, l'absence de base conceptuelle concernant l'approche du provisionnement des pertes attendues sur douze mois, et les dispositions non satisfaisantes relatives à l'investissement à long terme; considérant qu'en raison de l'existence de dates d'effet différentes pour l’IFRS 9 et pour la future norme IFRS 17 en matière d'assurances, l'EFRAG a émis une réserve dans son avis quant à l'applicabilité de la norme au secteur des assurances;
D. considérant que l’absence d’une analyse d’impact quantitative attise la controverse et les discussions sur les effets de la comptabilité en juste valeur sur l’investissement à long terme;
E. considérant que la comptabilisation des plus-values non réalisées au titre de la comptabilité en juste valeur pourrait être considérée comme une violation de la directive sur le maintien du capital et de la directive comptable; que la Commission a entrepris une comparaison des pratiques des États membres relatives à la distribution des dividendes;
F. considérant que le principe de prudence doit être le principe directeur de toute norme comptable;
G. considérant que la nouvelle norme semble au moins aussi complexe, si pas davantage, que la norme IAS 39 qu’elle remplace; que l’objectif initial était de réduire cette complexité;
H. considérant que la prochaine norme IFRS 17 sur les assurances, qui remplace la norme IFRS 4, devrait entrer en vigueur après 2020; que le manque d’harmonisation entre les dates de prise d’effet des normes IFRS 9 et IFRS 17 a suscité des inquiétudes; que l’IASB a publié les dernières modifications de l’IFRS 4 en septembre 2016 et a proposé deux solutions: l’approche dite de la superposition et une exemption temporaire pour les entités comptables;
I. considérant que la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement a organisé une audition publique sur la norme IFRS 9, qu’elle a commandé quatre études à ce sujet et qu’elle a organisé les activités de contrôle en son sein avec celles de son équipe permanente IFRS;
1. constate que la norme IFRS 9 sur les instruments financiers est une des principales réactions de l’IASB à la crise financière; relève que les démarches visant à la mettre en œuvre ont déjà été entamées;
2. reconnaît que la norme IFRS 9 améliorer la norme IAS 39 en ce l’évolution d’un modèle fondé sur les « pertes encourues » vers un modèle de dépréciation fondé sur les « pertes attendues » résout le problème de l’insuffisance et de l’inefficacité de la procédure de comptabilisation des pertes sur prêts; relève cependant que l’IFRS 9 induit beaucoup de subjectivité dans ce processus; souligne qu’à cet égard, les vérificateurs affichent de profondes divergences d’opinions et ne donnent que peu d’orientations concrètes; demande par conséquent aux autorités européennes de surveillance d’élaborer de telles orientations, en coopération avec la Commission et l’EFRAG, afin d’empêcher tout abus du pouvoir discrétionnaire des entités de gestion;
3. sans faire objection au règlement de la Commission modifiant le règlement (CE) nº 1126/2008 portant adoption de certaines normes comptables internationales conformément au règlement (CE) nº 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil, en ce qui concerne la norme internationale d’information financière IFRS 9, rappelle les demandes que le Parlement a formulée à ce sujet dans sa résolution précitée du 7 juin 2016;
4. rappelle que l’approche fondée sur une meilleure réglementation nécessite une analyse d’impact; constate qu’aucune analyse d’impact quantitative n’a été réalisée pour l’IFRS 9, en raison notamment du manque de données fiables; souligne la nécessité de mieux comprendre les effets de cette norme sur le secteur bancaire, sur le secteur de l’assurance et sur les marchés financiers en général, mais également sur le secteur financier dans son ensemble; rappelle par conséquent la demande qu’il a adressée à l’IASB et à l’EFRAG afin que ces organes renforcent leurs capacité d’analyse financière, en particulier en macroéconomie;
5. réitère la demande que sa commission des affaires économiques et monétaires a adressée au CERS, afin que celui-ci analyse les conséquences qu’aura la norme IFRS 9 sur la stabilité financière; rappelle que le CERS a promis de répondre à cette demande dans le courant de 2017; se félicite de la création, par le CERS, d’une nouvelle task force sur l’IFRS 9; rappelle les recommandations du rapport Maystadt quant à l’extension du critère de l’intérêt général, à savoir que les normes comptables ne devraient ni compromettre la stabilité financière dans l’Union ni entraver le développement économique de celle-ci;
6. note qu’il est important de comprendre toutes les interactions de la norme IFRS 9 avec les autres prescriptions réglementaires; salue l’évaluation des conséquences de l’IFRS 9 sur les banques de l’Union, entreprise par l’ABE afin de mieux comprendre les effets de cette norme sur les fonds propres réglementaires, ses interactions avec d’autres obligations prudentielles et la manière dont les établissements bancaires et financiers se préparent à sa mise en œuvre; constate que les banques qui utilisent l’approche standardisée seront probablement les plus affectées par la réduction de leurs fonds propres de base de catégorie 1; demande par conséquent à la Commission de proposer des démarches appropriées dans le cadre prudentiel avant la fin 2017, par exemple l’ajout, dans le règlement sur les exigences de fonds propres, d’un régime transitoire et progressif afin d’atténuer les conséquences du nouveau modèle de dépréciation, d’une durée de trois ans ou jusqu’à la mise en place d’une solution internationale efficace, et afin d’éviter un choc soudain sur le ratios de fonds propres des banques et sur leurs capacités de prêt;
7. relève qu’il existe un décalage entre la date d’entrée en vigueur de la norme IFRS 9 et celle de la future norme sur les contrats d’assurance (IFRS 17); constate que les modifications que l’IASB a publiées concernant l’IFRS 4 tentent de répondre à cette inquiétude, notamment quant au recours à l’approche de l’exemption temporaire; demande à la Commission de trouver une solution satisfaisante à ce problème, avec l’aide de l’EFRAG, afin de garantir des conditions de concurrence équitables dans l’Union;
8. souligne l’importance de l’investissement à long terme pour la croissance économique; s’inquiète du fait que le traitement comptable de certains instruments financiers détenus directement ou indirectement sous la forme d’investissements à long terme, notamment des fonds propres, ne contrecarre l’objectif qui consiste à encourager ce type d’investissements; demande à la Commission de veiller à ce que la norme IFRS 9 soit au service de la stratégie de l’Union en faveur de l’investissement à long terme et réduise la procyclicité et les mesures qui incitent à une prise de risques excessive; invite la Commission à présenter une évaluation en décembre 2017 au plus tard;
9. se félicite de ce que la Commission a pris l’initiative de comparer les pratiques des États membres relatives à la distribution des dividendes; lui demande de veiller à ce que la norme IFRS 9 soit conforme à la directive sur le maintien du capital et à la directive comptable, et de coopérer avec l’IASB et avec les organismes de normalisation des États membres et des pays tiers chaque fois que ce sera nécessaire, afin de s’assurer de leur soutien en faveur des modifications qu’elle proposera ou, à défaut, afin de prévoir des modifications appropriées à travers le droit de l’Union;
10. demande à la Commission, aux autorités européennes de surveillance, à la BCE, au CERS et à l’EFRAG de suivre de près le déploiement de la norme IFRS 9 dans l’Union, de préparer une évaluation des incidences ex post pour juin 2019 au plus tard, de présenter cette évaluation au Parlement européen et de se conformer à ses préconisations;
11. invite l’IASB à réaliser une analyse des effets de la norme IFRS 9 après sa mise en œuvre, afin d’en cerner les effets indésirables, notamment sur les investissements à long terme;
12. charge son Président de transmettre la présente résolution à la Commission.