Résolution du Parlement européen du 4 juillet 2017 sur les sociétés de sécurité privées (2016/2238(INI))
Le Parlement européen,
– vu le document de Montreux sur les obligations juridiques internationales pertinentes et les bonnes pratiques pour les États en ce qui concerne les opérations des entreprises militaires et de sécurité privées pendant les conflits armés,
– vu les résolutions 15/26, 22/33, 28/7 et 30/6 du Conseil des droits de l’homme des Nations unies,
– vu le groupe de travail des Nations unies sur l’utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l’homme et d’empêcher l’exercice du droit des peuples, créé en juillet 2005
– vu les rapports du groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée visant à examiner la possibilité d’élaborer un cadre réglementaire international sur la réglementation, le suivi et la surveillance des activités des entreprises militaires et de sécurité privées,
– vu le manuel opérationnel des Nations unies relatifs à l’utilisation de services armés fournis par des sociétés de sécurité privées, lequel a récemment été étendu aux services non armés,
– vu le code de conduite des Nations unies pour les responsables de l’application des lois,
– vu le projet d’une éventuelle convention relative aux entreprises militaires et de sécurité privées sur lequel doit se prononcer le Conseil des droits de l’homme,
– vu le code de conduite international des entreprises de sécurité privées (ICoC) établi par l’Association du code de conduite international, lequel est un mécanisme d’autorégulation établissant des normes appliquées par les entreprises du secteur sur une base volontaire,
– vu le code de conduite de l’International Stability Operations Association (Association pour les opérations de stabilisation internationale), un mécanisme d’autorégulation du secteur,
– vu le code de conduite et d’éthique pour le secteur de la sécurité privée de la Confédération européenne des services de sécurité et d’UNI Europa,
– vu le système de management des opérations de sécurité privées ISO 18788, qui définit les paramètres de gestion des sociétés de sécurité privées,
– vu la recommandation du Conseil du 13 juin 2002 relative à la coopération entre les autorités nationales des États membres compétentes pour le secteur de la sécurité privée,
– vu la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE(1),
– vu la directive 2009/81/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés de travaux, de fournitures et de services par des pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices dans les domaines de la défense et de la sécurité, et modifiant les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE(2),
– vu le concept de soutien logistique de l’Union européenne pour les opérations militaires menées par l’Union et le concept de soutien de la part des contractants pour les opérations militaires menées par l’Union européenne,
– vu les recommandations PRIV-WAR relatives à l’élaboration de politiques à l’échelle de l’Union concernant les entreprises militaires et de sécurité privées ainsi que leurs services,
– vu sa résolution du 8 octobre 2013 sur la corruption dans les secteurs public et privé: incidences sur les droits de l’homme et les pays tiers(3) et sa résolution du 6 février 2013 sur la responsabilité sociale des entreprises: promouvoir les intérêts de la société et ouvrir la voie à une reprise durable et inclusive(4),
– vu les nombreux risques, enjeux et menaces auxquels l’Union doit faire face à l’intérieur et hors de ses frontières,
– vu les recommandations intérimaires de mai 2012 de l’Organisation maritime internationale concernant le personnel de sécurité armé à bord de navires,
– vu l’article 52 de son règlement,
– vu le rapport de la commission des affaires étrangères (A8-0191/2017),
A. considérant que la sécurité et la défense sont des biens publics gérés par les pouvoirs publics sur la base des critères d’efficience et d’efficacité, de l’obligation de rendre des comptes et de l’état de droit, qui ne dépendent pas uniquement des ressources financières, mais également des connaissances; considérant que dans certains domaines, les pouvoirs publics peuvent manquer des moyens et des compétences nécessaires;
B. considérant que la sécurité et la défense devraient être assurées en premier lieu par les pouvoirs publics;
C. considérant que les sondages Eurobaromètre montrent que les citoyens européens souhaitent que l’Union européenne soit plus active en matière de sécurité et de défense;
D. considérant que plus de 1,5 million de prestataires de services de sécurité travaillaient dans quelque 40 000 sociétés de sécurité privées en Europe en 2013; que ces chiffres ne cessent d’augmenter; que cette même année, le chiffre d’affaires de ces sociétés a atteint près de 35 milliards d’euros; que la valeur totale du secteur de la sécurité privée, qui compte quelque 100 000 entreprises et emploie 3,5 millions de personnes, a été évaluée à 200 milliards d’euros en 2016;
E. considérant qu’au cours des dernières décennies, les pouvoirs publics comme les organismes militaires et civils nationaux ont eu de plus en plus recours, que ce soit pour la prestation de services à l’échelle nationale ou pour le soutien des opérations déployées à l’étranger, à des sociétés de sécurité privées (terme qui, aux fins de la présente résolution, inclura également les entreprises militaires privées);
F. considérant que l’éventail de services proposés par les sociétés de sécurité privées est très large, allant des services logistiques au soutien concret au combat en passant par la fourniture de technologie militaire et la participation à la reconstruction après un conflit; que les sociétés de sécurité privées fournissent également des services cruciaux dans les États membres, tels que la gestion de prisons ou la surveillance d’infrastructures; qu’il est fait appel à des sociétés de sécurité privées pour des missions à la fois civiles et militaires relevant de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), afin de protéger les délégations de l’Union, de construire des camps, de dispenser des formations, d’assurer des transports aériens et de soutenir des activités d’aide humanitaire;
G. considérant que, dans le contexte de l’Union, les pratiques en matière de recours à des sociétés de sécurité privées, les procédures de recrutement et la qualité des dispositifs réglementaires varient largement d’un État membre à un autre, bon nombre d’entre eux y ayant recours afin de soutenir leurs contingents lors d’opérations multilatérales;
H. considérant que l’externalisation des activités militaires, auparavant partie intégrante des activités des forces armées, s’explique, entre autres, par la volonté de fournir des services plus économiques et de compenser un manque de moyens au sein de forces armées de plus en plus réduites dans un contexte où le nombre de missions multilatérales à l’étranger ne cesse pourtant d’augmenter, qui découle de la réticence des responsables politiques à engager les ressources financières nécessaires; que le recours à cette disposition doit demeurer exceptionnel; qu’il convient de remédier à l’insuffisance de moyens; que les sociétés de sécurité privées peuvent également fournir, de façon complémentaire et souvent dans un court délai, des moyens dont sont totalement dépourvues les forces armées nationales; que les sociétés de sécurité privées ont en outre être sollicitées pour des raisons de convenance politique afin de pallier les restrictions concernant l’utilisation des troupes, notamment pour contourner l’hostilité de l’opinion publique à l’égard de l’engagement des forces armées; que le recours à des sociétés de sécurité privées comme instruments de politique étrangère doit faire l’objet d’un contrôle parlementaire effectif;
I. considérant que les sociétés de sécurité privées ont été accusées d’être impliquées dans plusieurs violations des droits de l’homme et incidents mortels; que ces incidents varient selon le moment et le pays où ils surviennent et peuvent aller jusqu’à des violations graves des droits de l’homme et du droit humanitaire international, telles que des crimes de guerre; que certains de ces incidents ont fait l’objet de poursuites; que cette situation, conjuguée à l’opacité dont font preuve ces sociétés, a nui aux efforts de la communauté internationale menés dans les pays concernés et a mis au jour des lacunes considérables dans les structures de responsabilisation du fait, par exemple, de la superposition de nombreuses strates de filiales ou de sous-traitants dans plusieurs pays, en particulier au niveau local, empêchant, dans certains cas, de garantir la sécurité de la population civile dans les pays d’accueil;
J. considérant que l’Union et ses États membres devraient tendre à éviter ces situations à l’avenir et s’abstenir de sous-traiter des opérations militaires nécessitant l’usage de la force et d’armement ainsi que la participation à des hostilités et à tout autre engagement dans des combats ou zones de combat en dehors des cas de légitime défense; que les opérations et les activités sous-traitées à des sociétés de sécurité privées dans des zones de conflit devraient se limiter à un appui logistique et à la protection d’installations, et que ces sociétés ne devraient pas être effectivement présentes dans les zones de combats; que le fait de recourir à des sociétés de sécurité privées ne saurait en aucun cas remplacer le personnel des forces armées nationales; que lors de la mise en œuvre des politiques de défense, veiller à ce que les forces armées des États membres disposent des ressources, des outils, des capacités, des connaissances et des moyens nécessaires pour mener à bien leurs missions devrait être considéré comme une priorité absolue;
K. considérant que pour que les États bénéficient des avantages offerts par les sociétés de sécurité privées, et afin de garantir qu’elles puissent être tenues responsables, il convient d’établir, à l’échelle internationale, un cadre juridique contenant des mécanismes de réglementation et de contrôle contraignants, pour réglementer le recours à leurs services et permettre un contrôle adéquat de leurs activités; que les sociétés de sécurité privées appartiennent à un secteur qui est par nature fortement transnational et étroitement lié à des acteurs gouvernementaux et intergouvernementaux, et qui, en tant que tel, doit s’accompagner d’une vision globale de la réglementation; que ce secteur est actuellement réglementé par un ensemble de règles incohérentes qui varient considérablement d’un État membre à l’autre; que l’hétérogénéité des législations nationales et des dispositifs d’autorégulation adoptés par certaines sociétés de sécurité privées n’a qu’un effet dissuasif limité quant à la prévention d’abus, puisque ceux-ci ne prévoient pas de sanctions, et ont une incidence sensible sur la façon dont ces sociétés de sécurité privées opèrent dans le cadre d’interventions multilatérales et les régions en proie à des conflits;
L. considérant les sociétés de sécurité privées, les entreprises militaires privées et les services qu’elles fournissent ne font pas l’objet d’une définition convenue; considérant que selon la définition inscrite dans le projet de convention préparé par le groupe de travail des Nations unies sur l’utilisation des mercenaires, une société de sécurité privée peut être définie comme une personne morale fournissant, contre rémunération, des services militaires et/ou de sécurité assurés par des personnes physiques et/ou morales; que les services militaires dans le présent contexte peuvent être définis comme des services spécialisés relatifs à des actions militaires comprenant la planification stratégique, les renseignements, la recherche, la reconnaissance terrestre, maritime ou aérienne, les opérations aériennes de tout type, avec ou sans équipage, la surveillance et le renseignement satellite, toute sorte de transfert de connaissances à l’aide d’applications militaires, l’aide matérielle et technique aux forces armées et toute autre activité y afférente; que les services de sécurité peuvent être définis comme la garde et la protection armées de bâtiments, d’installations, de propriétés et d’individus, toute sorte de transfert de connaissances à l’aide d’applications en matière de sécurité et de police, et l’élaboration et l’application de mesures de sécurité informatives et d’autres activités y afférentes;
M. considérant que le document de Montreux est le premier document notable définissant l’application de la législation internationale aux sociétés de sécurité privées; que le code de conduite international des entreprises de sécurité privées (ICoC) définit les normes du secteur et se révèle de plus en plus comme un outil permettant de veiller au respect des normes fondamentales communes au sein d’un secteur d’envergure mondiale; que l’Association du Code de conduite international des entreprises de sécurité privées (ICoCA) a pour but de promouvoir, diriger et superviser la mise en œuvre de l’ICoC et d’encourager la fourniture responsable de services de sécurité ainsi que le respect des droits de l’homme et du droit national et international; que l’adhésion à l’ICoCA se fait sur une démarche volontaire et payante, et les tarifs élevés d’adhésion ne permettent pas à toutes les sociétés de sécurité privée d’y accéder;
N. considérant que de nombreuses enceintes internationales ont entrepris de réglementer les sociétés de sécurité privées, notamment le Forum du document de Montreux, au sein duquel l’Union européenne a été sélectionnée dans le groupe des amis de la présidence, le groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée visant à examiner la possibilité d’élaborer un cadre réglementaire international sur la réglementation, le suivi et la surveillance des activités des entreprises militaires et de sécurité privées, ainsi que l’Association du code de conduite international;
O. considérant que l’Union européenne et 23 États membres ont adhéré au document de Montreux et que l’Union européenne est membre du groupe de travail sur l’Association du code de conduite international; que l’Union européenne contribue, dans le cadre du Conseil des droits de l’homme, à l’éventuelle élaboration d’un cadre réglementaire international; que l’Union joue un rôle déterminant dans l’action en faveur d’un contrôle national et régional sur la prestation et l’exportation de divers services militaires et services de sécurité;
P. considérant que l’Union européenne ne dispose pas d’un cadre réglementaire propre, en dépit du grand nombre de sociétés de sécurité privées d’origine européenne et/ou intervenant dans le cadre des missions et opérations de PSDC ou des délégations de l’Union; que les cadres normatifs existants sont quasiment exclusivement issus du modèle américain, mis en place lors du conflit irakien, et au profit de sociétés militaires assurant des missions de combat; que ces références ne correspondent ni au format ni aux missions des sociétés de sécurité privée européennes;
Q. considérant qu’il est essentiel de privilégier l’établissement de règles claires pour l’interaction, la coopération et l’assistance entre les autorités répressives et les sociétés de sécurité privées;
R. considérant que les sociétés de sécurité privées pourraient jouer un rôle plus important dans la lutte contre la piraterie et dans le renforcement de la sécurité maritime, les missions des unités cynophiles, la cyberdéfense, la recherche et le développement d’outils de sécurité, les missions de surveillance hybrides et les formations, en coopération avec les autorités publiques ainsi que sous leur supervision; que le recours à des sociétés de sécurité privées utilisant des armes a engendré des problématiques spécifiques pour le secteur maritime et a provoqué de nombreux incidents qui se sont soldés par la perte de vies humaines et des conflits diplomatiques;
Faire appel aux sociétés de sécurité privées pour appuyer les forces militaires à l’étranger
1. constate que les sociétés de sécurité privées jouent un rôle complémentaire important dans le soutien aux organismes militaires et civils nationaux en comblant le manque de moyens découlant de la demande croissante de forces à l’étranger, tout en offrant aussi parfois, si les circonstances le permettent, des moyens d’intervention; souligne que, dans certains cas exceptionnels, les sociétés de sécurité privées comblent le manque de moyens auquel les États membres devraient toutefois prioritairement s’efforcer de faire face en recourant aux forces armées ou aux forces de police nationales; souligne que les sociétés de sécurité privées sont utilisées comme instrument de mise en œuvre de la politique étrangère dans ces pays;
2. souligne qu’il est nécessaire que les sociétés de sécurité privées, lorsqu’elles opèrent dans les pays d’accueil, en particulier ceux où les différences culturelles et religieuses sont sensibles, soient respectueuses des coutumes et habitudes locales afin de ne pas nuire à l’efficacité de leur mission et s’aliéner la population locale;
3. observe que, par rapport aux troupes nationales, les sociétés de sécurité privées, notamment celles qui sont établies dans les pays d’accueil, peuvent apporter de précieuses connaissances du terrain et, bien souvent, donner lieu à des économies, même s’il convient de veiller à ne pas compromettre la qualité des activités; souligne toutefois que le recours à des services fournis par les sociétés de sécurité locales dans les pays fragiles et les régions particulièrement exposées aux crises peuvent avoir des conséquences négatives pour les objectifs de l’Union en matière de politique étrangère si un tel recours renforce certains acteurs armés locaux susceptibles de devenir parties au conflit; note l’importance d’établir une distinction claire sur le plan juridique entre les opérations des sociétés de sécurité privées et les activités d’acteurs privés qui sont directement employés à des fins militaires;
4. souligne qu’aucune activité nécessitant l’usage de la force et/ou la participation active à des hostilités ne devrait être sous-traitée à des sociétés de sécurité privées, sauf à des fins de légitime défense, et qu'on ne saurait, en aucune circonstance, autoriser des sociétés de sécurité privées à participer ou à procéder à des interrogatoires; souligne que, dans le domaine de la sécurité et de la défense de l’Union, la priorité est de renforcer les armées nationales, que les sociétés de sécurité privées ne peuvent que compléter sans aucune autorité sur les décisions stratégiques; souligne que toute participation de sociétés de sécurité privées à des opérations militaires doit se justifier, poursuivre des objectifs clairs vérifiables au moyen d’indicateurs concrets, disposer d’un budget exhaustif détaillé ainsi que d’une date de début et de fin précise, et respecter un code éthique strict; signale que le travail des forces armées et des forces de sécurité à l’étranger est essentiel pour le maintien de la paix et la prévention des conflits, ainsi que pour la reconstruction sociale et la réconciliation nationale ultérieure;
5. souligne que le principe de rentabilité du recours aux sociétés de sécurité privées a des retombées positives essentiellement à court terme, en particulier si l’on ne tient pas compte de divers facteurs socio-économiques, et qu’il convient donc de ne pas en faire le principal critère dans la gestion de question de sécurité; rappelle que les mécanismes de responsabilité et de contrôle sont déterminants pour garantir la légitimité des sociétés de sécurité privées ainsi que la réalisation des avantages potentiels liés à leur intervention;
6. souligne l’importance du contrôle parlementaire sur le recours des États membres aux sociétés de sécurité privées;
Le recours de l’Union européenne aux sociétés de sécurité privées
7. note que l’Union européenne a recours à des sociétés de sécurité privées à l’étranger afin de protéger ses délégations et ses employés, et de soutenir les missions civiles et militaires de la PSDC; relève que le recours à ces sociétés a donc une incidence directe sur la réputation de l’Union et sa perception par des parties tierces, ce qui en fait des vecteurs importants de l’image que donne l’Union au niveau local et influence le niveau de confiance envers l’Union; demande que la Commission et le Conseil donnent une vue d’ensemble de où, quand et pourquoi les sociétés de sécurité privées ont été appelées à appuyer des missions de l’Union; estime qu’il ne serait pas illogique que dans ses appels d’offres concernant la sécurité de ses délégations, l’Union européenne privilégie le recours à des sociétés de sécurités privées effectivement basées en Europe et obéissant à la réglementation européenne et soumise à des impositions européennes;
8. souligne toutefois que, notamment dans les environnements exposés à un risque de conflit, le recours à des sociétés de sécurité privées pour certaines tâches peut nuire à l’Union, notamment du point de vue de sa légitimité, en l’associant accidentellement aux acteurs armés dans une zone de conflit – ce qui a des répercussions négatives dans le cas d’incidents armés – ou en risquant de compromettre les efforts de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR) ou encore la réforme du secteur de la sécurité (RSS) par le renforcement, par inadvertance, des acteurs locaux; note en particulier les risques que pose une sous-traitance échappant à tout contrôle, en particulier à des sociétés de sécurité privées locales;
9. met l’accent sur les divers problèmes juridiques et politiques graves associés à la pratique courante de la sous-traitance dans le domaine des services militaires et des services de sécurité, en particulier des services fournis par des sous-traitants locaux dans des pays tiers; estime que les États membres, le SEAE et la Commission devraient s’accorder pour suivre le modèle de l’OTAN et ne sous-traiter qu’à des sociétés de sécurité privées qui ont leur siège dans des États membres de l’Union;
10. recommande néanmoins que la Commission propose, pour la location, l’utilisation et la gestion des services de contractants de nature militaire et de sécurité, des orientations communes sur le recrutement de sociétés de sécurité privées qui exposent clairement les exigences auxquelles doivent répondre les sociétés de sécurité privées afin d’accéder aux contrats de l’Union, l’objectif étant de remplacer les stratégies hétérogènes actuelles; invite instamment la Commission et le SEAE à utiliser les mêmes orientations pour la location, l’utilisation et la gestion des services de contractants de nature militaire et de sécurité dans toutes les actions, missions et opérations extérieures et pour les délégations de l’Union dans tous les pays et toutes les régions ainsi que pour tous les services d’une version révisée de la liste commune des équipements militaires de l’Union européenne; relève que ces orientations devraient à la fois se fonder sur les meilleures pratiques internationales relatives au comportement et à la gestion des sociétés de sécurité privées, notamment le document de Montreux et l’ICoC, et tenir compte de la nécessité de faire preuve d’une grande prudence lors de la sélection des sociétés de sécurité privées dans un contexte complexe d’après-crise; prie instamment la Commission et le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) de ne recourir qu’aux sociétés certifiées par l’ICoC, comme cela se pratique aux Nations unies, pour lesquelles la certification par l’ICoC est requise; attire l’attention sur l’approche des autorités américaines, qui prévoient des normes et exigences détaillées dans chaque contrat et invite l’Union à suivre cet exemple; souligne que les contrats avec les sociétés de sécurité privées devraient comprendre, entre autres, des clauses sur la possession de licences et d’autorisations, le personnel et les registres de propriété, la formation, l’obtention et l’utilisation légales d’armes, et l’organisation interne;
11. appelle de ses vœux la présence d’un contrôleur de la sécurité de l’Union d’une société de sécurité de l’Union sur les sites financés par l’Union européenne et des délégations de l’Union pour y garantir la qualité des services de sécurité, habiliter et former le personnel engagé sur place, établir et maintenir de bonnes relations avec les forces de sécurité locales, fournir des évaluations des risques et jouer le rôle de premier point de contact pour les questions liées à la sécurité de la délégation;
12. recommande que la Commission établisse une liste ouverte des contractants qui respectent les normes de l’Union, sur des points tels que le casier judiciaire, la capacité financière et économique, la possession de licences et d’autorisations, et l’habilitation de sécurité du personnel; relève que les normes dans l’ensemble de l’Union en ce qui concerne les sociétés de sécurité privées varient considérablement et estime que les États membres devraient s’efforcer de parvenir à des normes similaires; estime que cette liste devrait être actualisée à intervalles ne dépassant pas deux ans;
13. souligne que, lorsque l’Union européenne s’appuie sur des sociétés de sécurité privées dans les pays tiers avec lesquels elle a conclu un accord sur le statut des forces, de tels accords doivent toujours comprendre les sociétés de sécurité privées employées et, en particulier, préciser que ces entreprises seront tenues de rendre des comptes en vertu de la législation de l’Union;
14. souligne que le concept de l’Union pour le soutien aux contractants devrait être renforcé et rendu contraignant pour les États membres et les institutions de l’Union; estime qu’il doit en particulier inclure des normes plus strictes dans les contrats, s’inspirant par exemple des normes américaines, et qu’il devrait également exiger qu’aucune société sécurité privée locale ne soit employée ni appelée à travailler en tant que sous-traitant dans les zones de conflits; souligne que les sociétés de sécurité privée devraient avoir la possibilité de recruter des agents locaux mais seulement individuellement et directement afin de garantir l’efficacité de la procédure d’habilitation et d’empêcher la création d’industries locales de sécurité dans les zones de conflit;
La réglementation des sociétés de sécurité privées
15. recommande que la Commission européenne rédige un Livre vert dans le but d’associer l’ensemble des parties prenantes des secteurs de sécurité privé et public lors d’une vaste consultation et d’un examen général des procédures visant à recenser plus efficacement les avantages d’une collaboration directe et à établir un ensemble fondamental de règles d’engagement et de bonnes pratiques; propose la création de normes de qualité propres au secteur à l’échelle de l’Union; recommande, dès lors, que la définition des sociétés de sécurité privées soit clarifiée avant l’introduction d’une régulation efficace de leurs activités, à défaut de quoi des lacunes législatives peuvent survenir;
16. estime que, dans un premier temps, l’Union devrait définir les services militaires et de sécurité de manière précise; invite instamment, à cet égard, le Conseil à ajouter sans plus attendre les services militaires et de sécurité fournis par des sociétés de sécurité privées à la liste commune des équipements militaires de l’Union européenne;
17. demande instamment à la Commission d’élaborer un modèle réglementaire efficace qui:
–
contribuera à harmoniser, au moyen d’une directive, les différences juridiques entre les États membres;
–
réévaluera, et donc redéfinira, les stratégies actuelles de collaboration entre les secteurs public et privé;
–
répertoriera les sociétés à destination unique ou multiple;
–
contextualisera la nature et le rôle précis des sociétés militaires et de sécurité privées;
–
fixera des normes élevées pour les prestataires de services de sécurité privés opérant au sein de l’Union et à l’étranger, notamment des niveaux appropriés de sécurité concernant la sélection du personnel et une rémunération équitable;
–
assurera le signalement des irrégularités et illégalités qui seraient le fait de sociétés de sécurité privées et permettra de les tenir pour responsables de violations commises, y compris les violations des droits de l’homme, dans le cadre de leurs activités;
–
intégrera une perspective maritime spécifique, qui tienne compte du rôle de l’Organisation maritime internationale (OMI);
18. note que les nouveaux cadres réglementaires internationaux, comme le document de Montreux, l’ICoC et d’autres initiatives réglementaires dans le cadre des Nations unies, constituent un progrès évident par rapport au manque de règles significatives qui prévalait encore il y a seulement dix ans;
19. se félicite également des efforts entrepris par de nombreux États membres de l’Union, dans le respect des bonnes pratiques mises en avant dans le document de Montreux, afin d’instituer une réglementation nationale performante sur les sociétés de sécurité privées;
20. remarque toutefois que l’absence de rapports systématiques sur le recours aux sociétés de sécurité privées par les institutions de l’Union et les gouvernements des États membres freine l’évaluation des performances de ces sociétés; encourage les États membres et les institutions de l’Union à fournir d’une manière plus systématique et plus transparente ces informations afin de permettre à leurs autorités budgétaires respectives et à des auditeurs indépendants d’évaluer correctement le recours aux sociétés de sécurité privées; recommande que les parlements et les ONG soient activement associés aux processus d’évaluation nécessaires qui sont cruciaux pour la réglementation et la surveillance de ce secteur;
21. recommande à la Commission et au Conseil de mettre en place un cadre juridique imposant à la législation nationale de contrôler l’exportation des services militaires et de sécurité, et de consigner, dans le rapport annuel de l’Union sur les exportations d’armements, les licences d’exportation de services de sécurité délivrées par les États membres, afin de renforcer la transparence et la responsabilité publiques;
22. souligne que la nature transnationale des sociétés de sécurité privées et, particulièrement, de leurs activités dans des régions du monde frappées par des crises, peut parfois donner lieu à des vides juridictionnels, notamment là où les structures juridiques locales sont faibles, et qu’il est dans ce contexte difficile d’obliger ces sociétés et leurs employés à rendre compte de leurs actes; note que, souvent, la réglementation nationale des sociétés de sécurité privées ne s’applique pas en dehors du territoire; insiste sur le fait que les sociétés de sécurité privées doivent toujours être régies par le droit et faire l’objet d’un contrôle efficace tant par l’État d’accueil que par l’État contractant; remarque qu’il existe bien souvent un vide juridique dans le cas de litiges ou d’incidents impliquant des sociétés de sécurité privée et des agents de l’Union européenne, qui peuvent survenir dans des zones à risque; recommande en ce sens l’établissement de règles claires et homogènes à destination des institutions européennes qui ont recours aux sociétés de sécurité privée pour assurer la protection du personnel de l’Union, qui précisent clairement les responsabilités engagées afin qu’il n’y ait aucune lacune en matière de protection ni d’impunité et tiennent compte du cadre juridique de l’État d’accueil; prie aussi instamment le SEAE, la Commission et les États membres de faire uniquement appel à des sociétés de sécurité privées établies dans l’Union, en respectant l’obligation d’exécuter les services directement, sans recours à des sous-contractants locaux dans des pays tiers souvent fragiles;
23. prie toutefois instamment l’Union européenne et ses États membres de mettre à profit le statut que leur confère le Forum du document de Montreux afin d’insister sur la nécessité d’évaluer régulièrement le suivi des recommandations du document de Montreux pour l’application des bonnes pratiques par ses participants; exhorte les États membres qui n’ont pas encore adhéré au document de Montreux à le faire dans les meilleurs délais; encourage les États membres à s’engager dans l’échange de bonnes pratiques;
24. prie l’Union européenne et ses États membres de faire pression en faveur d’un instrument international juridiquement contraignant plus ambitieux que le document de Montreux, en réglementant les activités des sociétés de sécurité privées, en établissant des règles du jeu équitables afin de garantir que les pays d’accueil ont le pouvoir de réglementer les sociétés de sécurité privées et en veillant à ce que les États contractants soient en mesure d’user de leur pouvoir pour protéger les droits de l’homme et empêcher la corruption; souligne qu’un tel cadre doit prévoir des sanctions dissuadant les violations, la responsabilité des auteurs de violations et l’accès effectif aux voies de recours pour les victimes, en plus d’un système d’autorisation et de surveillance obligeant toutes les sociétés de sécurité privées à se soumettre à des audits indépendants et à inscrire leur personnel à des formations obligatoires aux droits de l’homme;
25. exhorte la Vice-présidente de la Commission/Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, les États membres, le SEAE et la Commission à apporter un soutien sans faille à la création d’une telle convention internationale visant à établir un régime juridique international destiné à réglementer les services pertinents fournis par les sociétés de sécurité privées;
26. se félicite des efforts déployés par l’Organisation maritime internationale (OMI) dans le but de fournir des orientations pour l’utilisation d’équipes de sécurité armées privées; encourage la Commission et les États membres à continuer d’œuvrer avec l’OMI en faveur de l’application de ces orientations à l’échelle mondiale;
27. souligne que l’un des moyens les plus efficaces pour influencer les sociétés de sécurité privées passe par les décisions en matière de passation de marchés publics; met toutefois en avant l’importance de conditionner l’adjudication de contrats aux sociétés de sécurité privées à l’adoption de meilleures pratiques, comme la transparence, et à leur participation à l’ICoC, que certains États membres appliquent déjà; note cependant qu’il convient de renforcer le mécanisme de respect de l’ICoC et d’en garantir la totale indépendance afin qu’il constitue une mesure d’incitation crédible à la mise en conformité; note que, des États membres de l’Union, seuls la Suède et le Royaume-Uni ont adhéré à l’ICoC et estime que l’Union devrait faire en sorte que les autres États membres commencent par y souscrire;
28. note que les sociétés de sécurité privées devraient disposer d’une assurance de responsabilité civile qui rendrait le marché de la sécurité plus stable et plus fiable et qui regrouperait également les sociétés de sécurité privées plus petites et de taille moyenne;
29. insiste sur le fait que l’attribution de contrats à des sociétés de sécurité privées devrait prendre en considération, tout en étant évalués sur cette base, l’expérience des sociétés de sécurité privées ainsi que la période pendant laquelle elles ont opéré dans des environnements hostiles plutôt que le chiffre d’affaires d’un contrat similaire;
30. attire l’attention sur le fait que les sociétés de sécurité privées, en plus d’offrir des services de sécurité, mènent également des activités de renseignement qui, en raison de leurs implications éventuelles, nécessitent un niveau efficace de réglementation et de contrôle;
31. remarque la forte influence dont jouissent l’Union et les États membres dans le secteur mondial de la sécurité en raison du nombre considérable d’acteurs importants ayant établi leur siège au sein de l’Union; met donc particulièrement l’accent sur la prochaine révision de la liste commune des équipements militaires de l’Union, qui doit être l’occasion d’inclure certains services fournis par les sociétés de sécurité privées, de sorte que celles-ci soient soumises aux réglementations en matière d’exportation et tenues d’appliquer les normes de base dans leurs activités à l’étranger;
o o o
32. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil européen, au Conseil, à la Commission, à la vice-présidente de la Commission et haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, ainsi qu’aux parlements nationaux des États membres.