Résolution du Parlement européen du 15 mars 2018 sur la situation aux Maldives (2018/2630(RSP))
Le Parlement européen,
– vu ses résolutions antérieures sur la situation aux Maldives, notamment celles du 16 septembre 2004(1), du 30 avril 2015(2), du 17 décembre 2015(3) et du 5 octobre 2017(4),
– vu la déclaration de la porte-parole du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) du 2 février 2018 sur la décision de la Cour suprême des Maldives du 1er février 2018(5) et celle du 6 février 2018 sur la situation aux Maldives(6),
– vu la déclaration locale commune du 30 janvier 2018 de la délégation de l’Union européenne en accord avec les chefs de mission de l’Union européenne en poste à Colombo et accrédités auprès des Maldives sur la nouvelle arrestation du député Faris Maumoon(7),
– vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel les Maldives sont partie,
– vu le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, auquel les Maldives sont partie,
– vu les orientations de l’Union européenne concernant la peine de mort,
– vu la mission officielle aux Maldives de la délégation du Parlement européen pour les relations avec les pays d’Asie du Sud, qui s’est déroulée du 29 au 31 octobre 2017,
– vu la déclaration du 7 février 2018 de Zeid Ra’ad Al Hussein, haut commissaire des Nations unies aux droits de l’homme,
– vu la déclaration du 6 février 2018 du bureau de la délégation du Parlement européen pour les relations avec les pays d’Asie du Sud sur la situation aux Maldives,
– vu les conclusions du Conseil «Affaires étrangères» relatives aux Maldives, telles qu’adoptées par le Conseil lors de sa 3598e réunion, le 26 février 2018,
– vu la déclaration universelle des droits de l’homme,
– vu la réunion du 28 septembre 2017 lors de laquelle le Secrétaire général des Nations unies a rencontré Mohamed Asim, ministre des affaires étrangères de la République des Maldives, et exprimé ses préoccupations face à la situation politique dans le pays,
– vu la déclaration du 7 mars 2018 de l’Union internationale des avocats, qui a exprimé ses vives préoccupations concernant l’état de droit et le niveau d’indépendance du pouvoir judiciaire aux Maldives,
– vu l’article 135, paragraphe 5, et l’article 123, paragraphe 4, de son règlement intérieur,
A. considérant que la tenue de premières élections démocratiques en 2008 et l’adoption d’une nouvelle constitution avaient fait naître de grands espoirs quant à la capacité des Maldives à dépasser des décennies de régime autoritaire et à prendre le chemin d’un système démocratique, mais que les évolutions récentes menacent fortement la réalisation de cette perspective;
B. considérant que des membres de partis de l’opposition, des journalistes indépendants et des défenseurs des droits de l’homme signalent une augmentation des menaces et des agressions de la part des autorités, de la police et de groupes extrémistes; que la forte politisation du pouvoir judiciaire aux Maldives, qui, au fil des ans, a abusé de ses prérogatives et favorisé le parti au pouvoir au détriment des membres de l’opposition, suscite des inquiétudes; que de plus en plus d’éléments démontrent que les poursuites pénales engagées contre des opposants politiques à Abdulla Yameen Abdul Gayoom, président des Maldives, répondraient à des motivations politiques; que Maumoon Abdul Gayoom, ancien président des Maldives, a été arrêté en février 2018;
C. considérant que le premier tour des élections présidentielles doit se tenir en septembre 2018; que le Président a invité la communauté internationale à observer le processus électoral;
D. considérant que le 1er février 2018, une décision de la Cour suprême des Maldives a annulé les procédures pénales ouvertes contre des personnalités politiques de premier plan et reconnu que les procès à leur encontre n’avaient pas été équitables; que le jugement ordonnait la libération immédiate de neuf personnes, dont huit personnalités politiques d’opposition de premier plan, Mohamed Nasheed étant en exil, ainsi que le rétablissement dans leurs fonctions de douze députés au Parlement qui avaient été suspendus; que le gouvernement continuera de détenir la majorité au Parlement tant que les douze députés resteront privés de leur siège;
E. considérant que le 5 février 2018, à la suite de la décision de la Cour suprême, le Président Yameen a déclaré l’état d’urgence pour 15 jours; qu’avec cette déclaration, un grand nombre de droits de l’homme et de libertés fondamentales consacrés dans la constitution ont été suspendus, notamment le droit de réunion pacifique et la liberté de ne pas être arrêté et détenu illégalement;
F. considérant que deux juges de la Cour suprême, dont son président, ont été arrêtés, ce qui a conduit les juges restants à annuler le jugement du 1er février; qu’au parfait mépris de l’indépendance de la justice, des membres du corps judiciaire et des opposants politiques ont été détenus arbitrairement;
G. considérant qu’en dépit des manifestations pacifiques qui ont rassemblé des centaines de citoyens, le Parlement a, le 20 février 2018 prolongé l’état d’urgence de 30 jours supplémentaires, ce que le procureur général des Maldives a jugé anticonstitutionnel, mais qui a été entériné par la Cour suprême; que le vote au Parlement sur la prolongation de l’état d’urgence a été imposé sans que le quorum ne soit atteint;
H. considérant que le Conseil «Affaires étrangères» suit avec préoccupation la récente détérioration de la situation aux Maldives et a invité tous les acteurs du pays, en particulier les forces de l’ordre, à faire preuve de retenue; considérant qu’une déclaration commune a été publiée lors de la 37e session du Conseil des droits de l’homme, le 8 mars 2018, au nom de 40 pays, dont l’ensemble des États membres de l’Union, qui appelle le gouvernement des Maldives à restaurer les droits constitutionnels et l’indépendance des tribunaux, plaide pour le fonctionnement en bonne et due forme du Parlement et invite instamment le gouvernement à libérer les détenus politiques et leurs familles;
I. considérant qu’aux Maldives, militants de la société civile et défenseurs des droits de l’homme continuent de subir des menaces et des entreprises d’intimidations de la part d’extrémistes, ainsi que le harcèlement judiciaire des autorités, comme cela a été le cas pour Shahindha Ismail, directrice exécutive de l’ONG Réseau pour la démocratie aux Maldives, qui a été prise pour cible dans des articles de presse, a reçu des menaces de mort et a fait l’objet d’une enquête policière en raison de son engagement contre le fondamentalisme religieux et la radicalisation;
J. considérant que le Président Yameen a déclaré à plusieurs reprises son intention de reprendre la pratique des exécutions d’État, ce qui mettrait fin à un moratoire de soixante ans; que la législation des Maldives, en violation du droit international, autorise la condamnation à mort différée de mineurs dont l’exécution a lieu lorsque le mineur atteint l’âge de 18 ans; que dans au moins trois cas, en l’occurrence ceux de Hussein Humaam Ahmed, Ahmed Murrath et Mohamed Nabeel, la Cour suprême des Maldives a confirmé la peine de mort pour des personnes condamnées à la suite de procès qui n’avaient pas respecté les normes reconnues au niveau international pour définir un procès comme équitable et que ces personnes sont désormais sous la menace imminente d’une exécution;
K. considérant que, depuis quelques années, les Maldives se tournent vers une version radicale de l’islam; que la progression du militantisme islamiste radical ainsi que le nombre de jeunes radicalisés, hommes comme femmes, qui auraient rejoint le groupe État islamique, sont également source d’inquiétudes;
L. considérant que la Fédération internationale des journalistes, Reporters sans frontières et le Comité pour la protection des journalistes ont publié le 15 février 2018 une déclaration commune où ils expriment leur vive préoccupation face aux restrictions de la liberté des médias et de la presse et aux menaces qui pèsent sur elle aux Maldives; que le 4 février 2018, Abdul Raheem Abdullah, président adjoint du Parti progressiste des Maldives, le parti au pouvoir, a appelé les forces de sécurité à fermer immédiatement Raajje TV, qu’il accusait de donner du temps d’antenne à des dirigeants de l’opposition;
M. considérant que l’Union européenne entretient de longue date des relations avec les Maldives, notamment dans des domaines comme la lutte contre le changement climatique, et que des centaines de milliers de touristes européens se rendent aux Maldives chaque année;
1. se déclare profondément préoccupé par la situation aux Maldives en matière politique et en matière de droits de l’homme qui, déjà grave, se détériore, sous la férule de plus en plus autoritaire de le Président Yameen et de son gouvernement; prend acte avec satisfaction des conclusions du Conseil du 26 février 2018 relatives aux Maldives;
2. demande au gouvernement des Maldives de lever immédiatement l’état d’urgence, de respecter les institutions et leurs prérogatives telles qu’énoncées dans la constitution, ainsi que de respecter les droits fondamentaux de tous, notamment le droit à la liberté d’expression et de réunion, ainsi que l’état de droit; se déclare de plus en plus préoccupé par les mesures récemment prises par le gouvernement, qui érodent et sapent la démocratie, et vont à l’encontre tant de la constitution des Maldives que des obligations internationales du pays en matière de droits de l’homme; condamne les actes d’intimidation et les menaces que les journalistes, les blogueurs et les défenseurs des droits de l’homme aux Maldives continuent de subir; exhorte les autorités des Maldives à garantir la sécurité de tous les militants de la société civile, défenseurs des droits de l’homme et professionnels des médias dans leur pays, de leur permettre d’accomplir leur travail en toute sécurité et sans entrave, d’enquêter sur les menaces dont ils sont la cible et de poursuivre les auteurs de celles-ci; déplore la répression dont sont victimes les opposants politiques aux Maldives et demande au gouvernement d’abandonner toutes les charges à l’encontre de toutes les personnes détenues pour des motifs politiques et de les libérer immédiatement et sans conditions;
3. salue la décision de la Cour suprême des Maldives du 1er février 2018 d’annuler les procédures pénales ouvertes contre des personnalités politiques de premier plan et de rétablir dans leurs fonctions douze députés au Parlement; demande aux autorités des Maldives de respecter ce jugement;
4. condamne fermement toute ingérence dans les travaux de la Cour suprême des Maldives et les arrestations des juges; demande la libération immédiate et sans conditions de ces derniers; s’inquiète du recul de plus en plus marqué du principe de séparation des pouvoirs exécutifs, judiciaires et autre aux Maldives; demande aux autorités compétentes de prendre des mesures immédiates pour restaurer et faire respecter les principes consacrés dans la constitution du pays;
5. réitère sa demande au gouvernement de garantir la pleine indépendance et l’impartialité du système judiciaire et de garantir le droit de tous les citoyens à une justice équitable et transparente, libre de toute influence politique; condamne l’ingérence dans les travaux de la Cour suprême et les mesures prises à l’encontre du corps judiciaire et des juges; demande au gouvernement de garantir que les avocats puissent assumer toutes leurs fonctions professionnelles sans devoir craindre les intimidations, les obstacles, le harcèlement ou une ingérence indue;
6. réitère sa demande au gouvernement des Maldives d’engager un dialogue ouvert avec les dirigeants de tous les partis politiques; rappelle que c’est un tel dialogue qui montrera la voie vers des élections crédibles, transparentes et ouvertes; estime que l’Union devrait continuer à s’engager dans le soutien aux efforts de facilitation de ce dialogue menés par les Nations unies;
7. invite les acteurs régionaux à collaborer avec les pays de l’Union pour contribuer à la stabilité politique et démocratique des Maldives;
8. est convaincu que le seul moyen de remédier à la détérioration de la démocratie, des droits de l’homme et des libertés dans le pays est de passer par un véritable dialogue associant tous les partis politiques et d’autres personnalités de la société civile; est en outre convaincu qu’en guise de première mesure en vue de la réconciliation, le gouvernement doit libérer toutes les personnalités politiques de l’opposition actuellement détenues;
9. rappelle la ferme opposition de l’Union européenne à la peine de mort, dans tous les cas et sans exception; condamne vivement l’annonce de la réintroduction de la peine de mort aux Maldives et exhorte le gouvernement et le Parlement des Maldives à respecter le moratoire sur la peine de mort qui est en vigueur depuis plus de soixante ans; demande l’abolition universelle de la peine de mort et demande au gouvernement de lever toutes les inculpations pouvant entraîner la peine capitale à l’encontre de mineurs et d’interdire l’exécution de délinquants mineurs;
10. s’insurge contre le fait qu’aux Maldives la pratique d’un autre culte que le culte musulman puisse faire l’objet de lourdes sanctions; redoute que la loi pour l’unité religieuse soit utilisée dans le but de limiter la liberté d’expression aux Maldives;
11. se déclare préoccupé par les conséquences possibles de la situation actuelle pour la sécurité des résidents étrangers et des personnes qui se rendent dans le pays; invite la VP/HR, la délégation de l’Union aux Maldives et les délégations des États membres à élaborer leurs conseils aux voyageurs à cet égard en étroite coordination;
12. demande la libération immédiate et sans conditions de toutes les personnes détenues arbitrairement, qui sont, pour beaucoup d’entre elles, des journalistes et des manifestants pacifiques; condamne systématiquement et en toute circonstance le recours à la force par les autorités; demande aux autorités des Maldives, en particulier répressives, de faire preuve de retenue; demande aux autorités d’enquêter sur toutes les personnes soupçonnées d’avoir commis les infractions constatées et de les traduire en justice;
13. invite l’Union européenne à faire pleinement usage de tous les instruments dont elle dispose pour encourager au respect des droits de l’homme et des principes démocratiques aux Maldives, y compris, le cas échéant, la suspension de son aide financière au pays dans l’attente du rétablissement de l’état de droit et du respect des principes démocratiques; invite le Conseil à prendre des mesures et des sanctions ciblées à l’encontre de ceux qui sapent les droits de l’homme dans le pays, ainsi qu’à geler les avoirs détenus à l’étranger par certains membres du gouvernement des Maldives et leurs principaux partisans dans la communauté économique maldivienne, et à prononcer à leur encontre des interdictions de voyager;
14. demande au gouvernement des Maldives de mener une réforme en profondeur du système judiciaire, d’instituer l’impartialité de la commission des services judiciaires, de rétablir l’indépendance du procureur général et de respecter la bonne marche de la justice et le droit à un procès équitable, impartial et indépendant;
15. rappelle que, en vertu de la constitution, des élections doivent se tenir en 2018; insiste sur le fait qu’il convient de prendre des mesures immédiates pour garantir que ces élections seront transparentes et crédibles, qu’un choix réel sera offert aux électeurs et que les partis pourront mener campagne librement;
16. charge son Président de transmettre la présente résolution à la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au Secrétaire général des Nations unies et au gouvernement des Maldives.