Résolution du Parlement européen du 12 septembre 2018 sur les systèmes d’armes autonomes (2018/2752(RSP))
Le Parlement européen,
– vu le titre V, article 21, et en particulier le titre V, article 21, paragraphe 2, point c), du traité sur l’Union européenne,
– vu la clause de Martens incluse dans le premier protocole additionnel de 1977 aux conventions de Genève,
– vu la partie IV du programme de désarmement de 2018 des Nations unies «Assurer notre avenir commun»,
– vu son étude du 3 mai 2013 intitulée «The Human rights implications of the usage of drones and unmanned robots in warfare» (Implications en matière de droits de l’homme de l’utilisation de drones et de robots autonomes en temps de guerre),
– vu ses diverses positions, recommandations et résolutions demandant l’interdiction internationale des systèmes d’armes létales autonomes, notamment sa recommandation au Conseil du 5 juillet 2018 relative à la 73e session de l’Assemblée générale des Nations unies(1), le mandat, adopté en séance plénière le 13 mars 2018, destiné à ouvrir des négociations en vue de l’adoption d’un règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense, sa résolution du 13 décembre 2017 sur le rapport annuel de 2016 sur les droits de l’homme et la démocratie dans le monde et sur la politique de l’Union européenne en la matière(2), sa recommandation du 7 juillet 2016 à l’intention du Conseil sur la 71e session de l’Assemblée générale des Nations unies(3) et sa résolution du 27 février 2014 sur l’utilisation de drones armés(4),
– vu le rapport annuel de M. Christof Heyns, rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, en date du 9 avril 2013 (A/HRC/23/47),
– vu les déclarations de l’Union européenne au groupe d’experts gouvernementaux des États parties à la convention sur certaines armes classiques, réuni du 13 au 17 novembre 2017, du 9 au 13 avril 2018 et du 27 au 31 août 2018 à Genève, sur les systèmes d’armes létales autonomes (SALA),
– vu les contributions de plusieurs États, dont certains États membres de l’Union, préalablement aux réunions de 2017 et 2018 du groupe d’experts gouvernementaux,
– vu l’avis du Comité économique et social européen du 31 mai 2017 qui préconise une approche de l’intelligence artificielle où l’homme reste aux commandes et l’interdiction des systèmes d’armes létales autonomes,
– vu l’appel du Saint-Siège en faveur d’une interdiction des armes létales autonomes,
– vu la lettre ouverte de juillet 2015 signée par plus de 3 000 chercheurs actifs dans les domaines de l’intelligence artificielle et de la robotique, et celle du 21 août 2017, signée par 116 fondateurs d’entreprises de pointe dans ces mêmes domaines, lançant un avertissement sur les systèmes d’armes létales autonomes, et la lettre de 240 organisations technologiques et 3 089 personnes qui s’engagent à ne jamais mettre au point, produire ou utiliser des systèmes d’armes létales autonomes;
– vu les déclarations du Comité international de la Croix-Rouge et les initiatives de la société civile telles que la campagne «Stop Killer Robots» (campagne contre les robots tueurs), qui représente 70 organisations issues de trente pays, notamment Human Rights Watch, Article 36, PAX et Amnesty International,
– vu l'article 123, paragraphes 2 et 4, de son règlement intérieur,
A. considérant que les politiques et les actes de l’Union s’appuient sur le respect des droits de l’homme et de la dignité humaine, les principes de la charte des Nations unies et le droit international; qu’il convient d’appliquer ces principes afin de préserver la paix, d’empêcher l’éclatement de conflits et de consolider la sécurité internationale;
B. considérant que l’expression «systèmes d’armes létales autonomes» désigne des systèmes d’armes dépourvus de véritable contrôle humain sur les fonctions critiques de choix et d’attaque de cibles individuelles;
C. considérant qu’un nombre indéterminé de pays, d’entreprises industrielles bénéficiant de subventions publiques et d’entreprises privées seraient en train de faire de la recherche et du développement sur des systèmes d’armes létales autonomes, qu’il s’agisse de missiles capables de sélectionner leurs cibles ou de machines d’apprentissage dotées de compétences cognitives permettant de décider qui attaquer, quand et à quel endroit;
D. considérant que les systèmes non autonomes, notamment automatisés, télécommandés ou actionnés à distance, ne devraient pas être assimilés à des systèmes d’armes létales autonomes;
E. considérant que les systèmes d’armes létales autonomes peuvent modifier radicalement la façon de faire la guerre et déclencher une course aux armements débridée et sans précédent;
F. considérant que l’utilisation de systèmes d’armes létales autonomes pose des questions éthiques et juridiques essentielles quant au contrôle exercé par l’homme, en particulier au regard de décisions critiques, telles que le choix et l’attaque des cibles; que les machines et les robots ne sont pas en mesure, contrairement aux humains, de prendre des décisions fondées sur les principes légaux de distinction, de proportionnalité et de précaution;
G. considérant qu’une décision à caractère létal ne peut se prendre sans l’intervention et le contrôle d’un être humain, étant donné que ce sont les humains qui restent comptables de toute décision concernant la vie ou la mort;
H. considérant que le droit international, notamment le droit humanitaire et les droits de l’homme, s’applique sans réserve à l’ensemble des systèmes d’armes et à leurs opérateurs; que le droit international est un instrument essentiel que les États se doivent de respecter, notamment quand il s’agit de faire droit à certains principes tels que la protection de la population civile ou la prise de mesures de précaution en cas d’attaque;
I. considérant que l’utilisation de systèmes d’armes létales autonomes soulève des questions essentielles quant à l’application du droit international en matière de droits de l’homme, du droit international humanitaire et des normes et valeurs européennes concernant les actions militaires futures;
J. considérant que 116 fondateurs d’entreprises de pointe dans les domaines de l’intelligence artificielle et de la robotique ont adressé, en août 2017, une lettre ouverte aux Nations unies, exhortant les gouvernements à «empêcher une course aux armes autonomes» et à «éviter les effets déstabilisateurs de ces technologies»;
K. considérant que tout système d’armes létales autonome peut rencontrer un dysfonctionnement en raison d’un mauvais codage ou d'une cyberattaque commise par un État ennemi ou un acteur non étatique;
L. considérant que le Parlement a, à de nombreuses reprises, demandé l’élaboration et l’adoption, dans les plus brefs délais, d’une position commune sur les systèmes d’armes létales autonomes, ainsi que l’interdiction internationale de la mise au point, de la production et de l’utilisation de systèmes d’armes létales autonomes permettant d’effectuer des frappes sans véritable contrôle humain, et a réclamé l’ouverture de négociations effectives en vue de leur interdiction;
1. rappelle l’ambition de l’Union de se poser en acteur pour la paix au niveau mondial et l’exhorte à s’engager davantage dans le désarmement et la non-prolifération sur la scène internationale; demande à l’Union de s’efforcer, par ses actes et ses politiques, de maintenir la paix et la sécurité internationales, et de garantir le respect du droit international en matière de droits de l’homme et de droit humanitaire ainsi que la protection des civils et des infrastructures civiles;
2. invite la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, les États membres et le Conseil européen à élaborer et à adopter de toute urgence, et avant la réunion de novembre 2018 des hautes parties contractantes à la convention sur certaines armes classiques, une position commune sur les systèmes d’armes létales autonomes qui garantisse un véritable contrôle humain sur les fonctions critiques des systèmes d’armes, y compris pendant le déploiement, ainsi qu’à parler d’une seule voix dans les enceintes concernées et à agir en conséquence; demande à la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux États membres et au Conseil, dans ce contexte, de procéder à des échanges de bonnes pratiques et de recueillir les contributions des experts, des universitaires et de la société civile;
3. demande à la vice-présidente/haute représentante, aux États membres et au Conseil d’œuvrer au lancement de négociations internationales pour un instrument juridiquement contraignant qui interdise les systèmes d’armes létales autonomes;
4. souligne, dès lors, qu’il est extrêmement important d’empêcher la mise au point et la production de tout système d’armes létales autonome dont les fonctions critiques, telles que le choix et l’attaque des cibles, sont dénuées de contrôle humain;
5. rappelle sa position du 13 mars 2018 sur le règlement relatif au programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense, en particulier l’article 6, paragraphe 4 de ce dernier (actions éligibles), et affirme sa volonté d’adopter une position similaire dans le contexte du prochain programme de recherche en matière de défense, du programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense et d’autres projets pertinents du fonds européen de la défense pour l’après-2020;
6. souligne qu’aucune des armes et qu’aucun des systèmes d’armes actuellement utilisés par les forces européennes ne sont des systèmes d’armes létales autonomes; rappelle que les armes et systèmes d’armes spécialement conçus pour défendre ses propres bases, forces ou populations contre la menace particulièrement dynamique que constituent notamment les missiles, les munitions et les avions ennemis ne sont pas assimilés à des systèmes d’armes létales autonomes; insiste pour que les décisions d’engagement ciblant des avions embarquant des êtres humains soient prises par des opérateurs humains;
7. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au Service européen pour l'action extérieure, aux gouvernements et aux parlements des États membres ainsi qu'aux Nations unies et au Secrétaire général de l’OTAN.