Résolution du Parlement européen du 13 septembre 2018 sur la menace de démolition de Khan el-Ahmar et d’autres villages bédouins (2018/2849(RSP))
Le Parlement européen,
– vu ses résolutions antérieures sur le conflit israélo-palestinien,
– vu la déclaration de la vice-présidente de la Commission et haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (VP/HR), Federica Mogherini, du 7 septembre 2018 sur les dernières évolutions concernant le projet de démolition de Khan el-Ahmar,
– vu les lignes directrices de l’Union européenne sur le droit humanitaire international,
– vu la déclaration commune de l’Allemagne, de l’Espagne, de la France, de l’Italie et du Royaume-Uni du 10 septembre 2018 sur le village de Khan el-Ahmar,
– vu la quatrième convention de Genève de 1949, et notamment ses articles 49, 50, 51 et 53,
– vu le rapport semestriel pour la période de janvier à juin 2018 sur les démolitions et confiscations de structures financées par l’Union en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, que le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) a publié le 24 août 2018,
– vu l’article 123, paragraphes 2 et 4, de son règlement intérieur,
A. considérant que la Haute Cour de justice israélienne a rejeté, le 5 septembre 2018, les pétitions des habitants de Khan al-Ahmar; que la Haute Cour a statué que les autorités compétentes étaient autorisées à mettre en œuvre un plan de relogement pour les habitants à Jahalin Ouest; que la Haute Cour a autorisé les autorités israéliennes à exécuter les plans de démolition de Khan al-Ahmar;
B. considérant que Khan el-Ahmar est l’une des 46 communautés bédouines qui, selon les Nations unies, courent un grand risque d’être déplacées de force dans le centre de la Cisjordanie; que cette communauté se compose de 32 familles et de 173 personnes au total, dont 92 mineurs; que l’armée israélienne a ordonné la démolition de toutes les structures du village;
C. considérant qu’en 2010, la Haute Cour israélienne a statué que l’ensemble des structures de Khan al-Ahmar avaient été construites illégalement, en violation des lois sur l’aménagement et sur le zonage, et qu’elles devaient donc être démolies; que la Haute Cour a également insisté sur le fait que les autorités israéliennes devaient trouver une autre solution appropriée pour l’école et les résidents de la communauté; que l’État d’Israël a fait savoir par écrit ce qu’il procurera aux familles qui se rendront sur le site de Jahalin Ouest (Abou Dis), dans la perspective d’aménager un second site de relogement à l’est de Jéricho; que la communauté de Khan al-Ahmar refuse d’être déplacée;
D. considérant que le transfert forcé des habitants d’un territoire occupé est interdit par la quatrième convention de Genève, à moins que la sécurité de la population ou des motifs militaires d’ordre impératif l’exigent, et qu’un tel transfert constitue une grave violation du droit humanitaire international;
E. considérant que les autorités israéliennes imposent une politique de construction extrêmement restrictive aux habitants palestiniens de la zone C de la Cisjordanie; que cette politique rend quasiment impossible toute activité légale de construction palestinienne dans cette zone et sert à expulser les Palestiniens et à intensifier les activités de colonisation; que les colonies israéliennes sont illégales au regard du droit international et constituent un obstacle majeur aux efforts de paix; qu’en vertu du droit international, toute tierce partie, y compris les États membres de l’Union européenne, a l’obligation de ne pas reconnaître, aider ou assister les colonies implantées dans un territoire occupé, ainsi que de s’y opposer efficacement;
F. considérant que Khan al-Ahmar se situe dans la zone du corridor E1 de Cisjordanie occupée; que le maintien du statu quo dans cette zone est d’une importance fondamentale pour garantir la viabilité de la solution à deux États et pour pouvoir créer à l’avenir un État palestinien d’un seul tenant et viable; que le Parlement s’est dit à plusieurs reprises opposé à toute action menaçant la viabilité de la solution à deux États et a demandé instamment aux deux parties de faire preuve, par leurs politiques et leurs actions, d’un engagement réel en faveur d’une solution fondée sur la coexistence de deux États afin de rétablir la confiance;
G. considérant que dix États membres de l’Union soutiennent des programmes humanitaires déployés à Khan el-Ahmar, notamment la construction d’une école primaire, et que des projets d’aide humanitaire financés par l’Union pour un montant d’environ 315 000 euros sont à présent menacés;
H. considérant que les services du représentant de l’Union européenne en Palestine ont indiqué que les destructions et les saisines de biens palestiniens en Cisjordanie occupée, Jérusalem-Est incluse, se sont poursuivies depuis le début de 2018; que la démolition du village de Khan el-Ahmar risque de créer un précédent négatif pour des dizaines d’autres villages bédouins de Cisjordanie;
1. s’associe à la VP/HR, à l’Allemagne, à l’Espagne, à la France, à l’Italie et au Royaume-Uni pour demander au gouvernement israélien d’abandonner le plan de relogement qui entraînerait la démolition de Khan al-Ahmar et le transfert forcé des habitants vers un autre emplacement; estime qu’il est de la plus haute importance que l’Union européenne continue de s’exprimer d’une seule voix à ce sujet;
2. met en garde les autorités israéliennes car la démolition de Khan el-Ahmar et le déplacement forcé de ses habitants constitueraient une grave violation du droit humanitaire international;
3. fait part de sa vive préoccupation quant aux conséquences de la démolition de Khan el-Ahmar, qui compromettrait davantage encore la viabilité de la solution à deux États ainsi que toute perspective de paix; réaffirme que protéger et préserver la viabilité de la solution à deux États constitue la priorité immédiate des politiques et de l’action de l’Union européenne à l’égard du conflit israélo-palestinien et du processus de paix au Proche-Orient;
4. insiste sur le fait qu’en cas de démolition de Khan al-Ahmar et d’expulsion de ses habitants, la réaction de l’Union européenne devra être à la hauteur de la gravité de cette situation et cohérente avec le soutien que l’Union a toujours apporté aux habitants de Khan el-Ahmar; demande à la VP/HR d’intensifier les démarches de l’Union auprès des autorités israéliennes afin qu’elles respectent pleinement les droits de la population palestinienne de la zone C, et d’exiger un dédommagement à Israël pour la destruction d’infrastructures financées par l’Union;
5. demande au gouvernement israélien de mettre fin immédiatement à sa politique de menaces de démolition et d’expulsions réelles à l’encontre des communautés bédouines vivant dans le Néguev et dans la zone C de Cisjordanie occupée; souligne que la démolition des habitations, des écoles et d’autres infrastructures essentielles dans le territoire palestinien occupé est illégale au regard du droit humanitaire international;
6. rappelle qu’Israël porte l’entière responsabilité de fournir à la population soumise à son occupation les services indispensables, y compris l’enseignement, les services de santé et les services sociaux, conformément à la quatrième convention de Genève;
7. demeure fermement convaincu que la seule solution durable au conflit du Proche-Orient réside dans la coexistence pacifique de deux États démocratiques voisins, Israël et la Palestine, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues, sur la base des frontières de 1967 et avec Jérusalem comme capitale des deux États; condamne toute décision ou action unilatérale susceptible de compromettre les chances d’une telle solution;
8. demande aux autorités israéliennes de cesser immédiatement et d’abandonner leur politique d’implantation; invite l’Union européenne à rester ferme à cet égard;
9. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la vice-présidente de la Commission et haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au représentant spécial de l’Union européenne pour le processus de paix au Proche-Orient, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au secrétaire général des Nations unies, au coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, à la Knesset et au gouvernement israélien, ainsi qu’au président de l’Autorité palestinienne et au Conseil législatif palestinien.