Résolution du Parlement européen du 13 septembre 2018 sur la mise en œuvre du règlement (CE) nº 1107/2009 concernant les produits phytopharmaceutiques (2017/2128(INI))
Le Parlement européen,
– vu le règlement (CE) nº 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil(1),
– vu le règlement (CE) nº 396/2005 du Parlement européen et du Conseil du 23 février 2005 concernant les limites maximales applicables aux résidus de pesticides présents dans ou sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux d’origine végétale et animale et modifiant la directive 91/414/CEE du Conseil(2),
– vu le règlement (CE) nº 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) nº 1907/2006(3),
– vu la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable(4),
– vu sa résolution du 15 février 2017 sur les pesticides à faible risque d’origine biologique(5),
– vu la décision du Médiateur européen du 18 février 2016 dans l’affaire 12/2013/MDC sur les pratiques de la Commission concernant l’autorisation et la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques (pesticides)(6),
– vu l’évaluation de la mise en œuvre européenne du règlement (CE) nº 1107/2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, ainsi que ses annexes correspondantes, publiée par la direction générale des services de recherche parlementaire du Parlement européen(7) en avril 2018,
– vu les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne rendus le 23 novembre 2016 dans les affaires C-673/13 P (Commission/Stichting Greenpeace Nederland et PAN Europe), et C-442/14 (Bayer CropScience et Stichting De Bijenstichting/College voor de toelating van gewasbeschermingsmiddelen en biociden),
– vu la proposition de la Commission du 11 avril 2018 en vue d’un règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la transparence et à la pérennité de l’évaluation des risques de l’UE dans la chaîne alimentaire, modifiant le règlement (CE) nº 178/2002 relatif à la législation alimentaire générale, la directive 2001/18/CE relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement, le règlement (CE) nº 1829/2003 concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés, le règlement (CE) nº 1831/2003 relatif aux additifs destinés à l’alimentation des animaux, le règlement (CE) nº 2065/2003 relatif aux arômes de fumée, le règlement (CE) nº 1935/2004 concernant les matériaux destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires, le règlement (CE) nº 1331/2008 établissant une procédure d’autorisation uniforme pour les additifs, enzymes et arômes alimentaires, le règlement (CE) nº 1107/2009 concernant les produits phytopharmaceutiques et le règlement (UE) 2015/2283 relatif aux nouveaux aliments(8),
– vu le mandat et les travaux de la commission spéciale sur la procédure d’autorisation des pesticides par l’Union (PEST) du Parlement européen,
– vu l’article 52 de son règlement intérieur, ainsi que l’article 1er, paragraphe 1, point e), et l’annexe 3 de la décision de la Conférence des présidents du 12 décembre 2002 concernant la procédure d’autorisation pour l’élaboration de rapports d’initiative,
– vu le rapport de la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire et l’avis de la commission de l’agriculture et du développement rural (A8-0268/2018),
A. considérant que l’évaluation de la mise en œuvre du règlement (CE) nº 1107/2009 (ci-après dénommé le «règlement») a révélé que les objectifs de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement ne sont pas pleinement réalisés et que des améliorations pourraient être apportées en vue de réaliser l’ensemble des objectifs du règlement;
B. considérant que l’évaluation de la mise en œuvre du règlement devrait être examinée en parallèle avec la politique globale de l’Union en matière de règles définies par la directive 2009/128/CE (directive sur l’utilisation durable des pesticides), le règlement (UE) nº 528/2012 (règlement sur les biocides), le règlement (CE) nº 396/2005 (règlement sur les limites maximales de résidus) et le règlement (CE) nº 178/2002 (législation alimentaire générale);
C. considérant que la mise en œuvre du règlement laisse à désirer et qu’elle devrait être cohérente avec les politiques connexes de l’Union, y compris dans le domaine des pesticides;
D. considérant que les données probantes disponibles montrent que la mise en œuvre concrète des trois principaux instruments du règlement (approbation, autorisation et application des décisions réglementaires) est certainement perfectible et ne garantit pas la pleine réalisation des objectifs du règlement;
E. considérant que certaines dispositions du règlement n’ont pas du tout été appliquées par la Commission, notamment l’article 25 relatif à l’approbation des phytoprotecteurs et synergistes et l’article 27 relatif à une liste négative de coformulants inacceptables;
F. considérant que d’autres dispositions importantes, telles que l’application des critères d’exclusion des substances actives perturbatrices du système endocrinien, ont été considérablement retardées en raison d’un comportement illégal de la Commission;
G. considérant les inquiétudes exprimées par les parties prenantes à propos de l’approche de l’évaluation en vertu de la législation, notamment s’agissant de déterminer qui devrait produire les études scientifiques et les éléments de preuve pour les évaluations de la substance active et le recours à la démarche fondée sur les dangers pendant ces évaluations;
H. considérant que la charge de la preuve devrait incomber au demandeur pour éviter que des fonds publics ne servent au financement d’études susceptibles de servir des intérêts privés; qu’il convient, dans le même temps, de garantir la transparence à chaque étape de la procédure d’autorisation, dans le plein respect des droits de propriété intellectuelle, tout en veillant à ce que les principes de bonnes pratiques de laboratoire soient systématiquement respectés dans toute l’Union;
I. considérant que l’application pratique de la démarche d’évaluation prévue suscite des inquiétudes; que d’importantes préoccupations sont notamment associées à l’harmonisation incomplète des exigences en matière de données et des méthodes employées, ce qui risque d’entraver la procédure d’évaluation;
J. considérant que l’action des autorités nationales compétentes s’est avérée être un facteur déterminant ayant une influence sur l’évaluation des substances actives; qu’il existe d’importantes différences entre les États membres en matière d’expertise et de personnel disponibles; que le règlement et les exigences légales pertinentes ne sont pas mis en œuvre de manière uniforme dans l’ensemble des États membres, d’où des incidences notables pour la santé et l’environnement;
K. considérant que la transparence à toutes les étapes de la procédure d’approbation devrait être améliorée, et qu’une transparence accrue est susceptible de favoriser la confiance que l’opinion publique accorde au système régissant les produits phytopharmaceutiques; que la transparence des activités des autorités compétentes en ce qui concerne l’autorisation est également insuffisante dans de nombreux cas; que la Commission a proposé des modifications de la législation alimentaire générale dans le but de répondre aux préoccupations concernant les données et les éléments de preuve fournis au cours du processus d’évaluation et d’accroître la transparence;
L. considérant que les autorisations de produits phytopharmaceutiques, qui sont exclusivement accordées au niveau national, font souvent l’objet de retard dans le cadre des décisions de gestion des risques; qu’il en découle dans certains cas une augmentation des autorisations accordées par les États membres au titre d’une dérogation moyennant l’article 53 du règlement; que, dans certains cas, ces dérogations sont utilisées de façon contraire à l’intention initiale du législateur;
M. considérant que le règlement prévoyait de reprendre la lutte intégrée contre les ennemis des cultures parmi les exigences légales de gestion dans le cadre des règles de conditionnalité de la politique agricole commune; que cela n’est pas encore le cas;
N. considérant que les données probantes disponibles montrent que ce texte réglementaire d’envergure européenne améliore et apporte une valeur ajoutée aux efforts et aux actions menées au niveau national;
O. considérant qu’un examen approfondi des solutions de remplacement n’intervient souvent que dans le sillage d’une modification des exigences légales; que, par exemple, dans le cas de l’interdiction prolongée des néonicotinoïdes, la dernière évaluation en date (30/5/2018)(9) laisse apparaître qu’il existe des solutions de remplacement non chimiques facilement disponibles pour 78 % des utilisations de néonicotinoïdes;
P. considérant que, depuis le 31 mai 2016, aucune nouvelle substance active n’a été soumise pour approbation; que l’innovation et le développement de nouveaux produits, en particulier les produits à faible risque, sont importants;
Q. considérant que la disponibilité de pesticides contrefaits sur le marché est très préoccupante; que les pesticides contrefaits peuvent nuire à l’environnement ainsi qu’à l’efficacité du règlement;
Principales conclusions
1. estime que l’Union européenne constitue le niveau adéquat pour poursuivre la stratégie réglementaire dans le domaine des pesticides;
2. souligne que les mesures environnementales destinées à prévenir, limiter et contenir la propagation des agents pathogènes et des ravageurs doivent rester au centre de toutes les mesures présentes et futures;
3. estime que l’adoption et la mise en œuvre du règlement représentent une avancée significative en ce qui concerne le traitement des produits phytopharmaceutiques dans l’Union européenne par rapport au passé;
4. souligne qu’une attention particulière devrait être accordée au rôle des petites et moyennes entreprises (PME) dans le développement de nouveaux produits, car il est fréquent que celles-ci ne disposent pas des ressources considérables nécessaires au processus de développement et d’approbation de nouvelles substances;
5. s’inquiète du manque d’efficacité dans la mise en œuvre du règlement dont il découle que ses objectifs en matière de production agricole et d’innovation ne sont pas réalisés dans la pratique; souligne que le faible niveau d’innovation explique en partie le recul du nombre de substances actives de pesticides;
6. rappelle la nécessité impérieuse d’adopter une approche intégrée et insiste sur le fait que le règlement (CE) nº 1185/2009 relatif aux statistiques sur les pesticides(10) doit faire partie de l’évaluation et que les résultats obtenus doivent servir à réduire les quantités et, en conséquence, à diminuer les risques et l’incidence négative des pesticides sur la santé et l’environnement;
7. constate que les objectifs et les instruments du règlement, tout comme sa mise en œuvre, ne sont pas toujours suffisamment alignés sur les politiques européennes dans les domaines de l’agriculture, de la santé, du bien-être animal, de la sécurité alimentaire, de la qualité de l’eau, du changement climatique, de l’utilisation durable des pesticides et les limites maximales applicables aux résidus de pesticides présents dans les denrées alimentaires et les aliments pour animaux;
8. s’inquiète du fait que la mise en œuvre du règlement, en ce qui concerne l’utilisation d’animaux pour le recensement des dangers et l’évaluation des risques, ne respecte pas les exigences des 3R (les principes de remplacement, de réduction et de raffinement) établies par la directive 2010/63/UE relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques, et que l’essai biologique d'une durée de deux ans visant à évaluer la carcinogénicité aboutit à des résultats controversés(11);
9. rappelle que le principe de précaution est un principe général de l’Union consacré par l’article 191 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et que ce principe vise à garantir un niveau élevé de protection de l’environnement grâce à des prises de décision préventives ;
10. trouve inacceptable que les exigences relatives à l’approbation des phytoprotecteurs et des synergistes n’aient pas encore été appliquées, en violation de l’article 25 du règlement;
11. considère qu’il est inadmissible que la liste négative de coformulants n’ait toujours pas été adoptée, notamment après l’interdiction des POE-tallowamines en combinaison avec le glyphosate, qui a mis en évidence les effets néfastes de certains coformulants;
12. prend acte de l’évaluation continue dont fait l’objet le règlement (CE) nº 1107/2009 dans le cadre du programme REFIT de la Commission, et de son achèvement prévu pour novembre 2018; espère que ces résultats constitueront une base appropriée pour que les colégislateurs abordent le devenir du règlement;
13. s’inquiète du recours aux autorisations d’urgence accordées au titre de l’article 53 qui ne cessent de croître et des cas avérés d’utilisation abusive de telles autorisations dans certains États membres; constate que certains États membres recourent nettement plus que d’autres à l’article 53; relève que l’assistance technique fournie par l’Autorité européenne de sécurité des aliments, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement, dans le cadre de l’examen du recours à des autorisations d’urgence; observe les résultats de l’enquête de l’EFSA relative aux autorisations d’urgence en 2017 concernant trois néonicotinoïdes ont montré que si certaines autorisations d’urgence étaient nécessaires et conformes aux paramètres fixés dans la législation, en revanche, d’autres n’étaient toutefois pas justifiées; estime qu’il est essentiel que les États membres communiquent à l’EFSA les données nécessaires à l’accomplissement de sa mission;
14. souligne qu’il est important que l’élaboration des politiques soit guidée par la science réglementaire, en produisant des éléments de preuve vérifiables et reproductibles à l’aide de principes scientifiques internationalement reconnus sur des aspects, tels que les lignes directrices, les bonnes pratiques de laboratoire et les recherches validées par les pairs;
15. s’inquiète du manque d’harmonisation des exigences en matière de données et d’essais dans certains domaines scientifiques, qui se traduit par des méthodes de travail inefficaces, un manque de confiance des autorités nationales les unes vis-à-vis des autres et des délais dans le processus d’autorisation, ce qui peut avoir des répercussions négatives sur la santé humaine et animale, l’environnement et la production agricole;
16. déplore une mise à disposition publique limitée des informations concernant la procédure d’évaluation et d’autorisation, tout comme un accès restreint aux informations; regrette que le niveau de transparence des États membres rapporteurs (lorsqu’ils agissent dans le cadre de la procédure d’approbation) soit faible, suggère que l’accessibilité et la convivialité des informations pour les utilisateurs au stade où intervient l’EFSA pourraient être améliorées et signale que la transparence de la gestion des risques semble faire défaut et est également considérée par les parties prenantes comme étant problématique; se félicite des efforts déployés par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), afin d’accroître la transparence et la convivialité de son site web, et estime que ce modèle pourrait servir à l’avenir pour améliorer la transparence;
17. souligne que la crédibilité du système d’autorisation des produits phytopharmaceutiques dépend fortement de la confiance du public dans les agences de l’Union, lesquelles fournissent les avis scientifiques qui constituent la base pour l’approbation et la gestion des risques; souligne que la transparence du processus d’évaluation scientifique est essentielle pour conserver la confiance du public; demande par conséquent que les agences concernées soient dotées de fonds suffisants et disposent du personnel nécessaire pour garantir un processus d’autorisation indépendant, transparent et ponctuel; se félicite également des efforts continus de l’EFSA pour améliorer son système afin de garantir son indépendance et la gestion des conflits d’intérêts potentiels, système d’ailleurs salué par la Cour des comptes, qui considère qu’il s’agit du système le plus avancé des agences contrôlées en 2012 et qui a récemment été mis à jour en juin 2017; invite la Commission à proposer des améliorations afin de renforcer la transparence du processus réglementaire, y compris l’accès aux données des études sur la sécurité soumises par les producteurs dans le cadre de leurs demandes d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques au sein de l’Union; reconnaît la nécessité de réviser la procédure actuelle afin d’améliorer les évaluations, de renforcer l’indépendance des autorités chargées de conduire les études, d’éviter des conflits d’intérêts et de rendre la procédure plus transparente;
18. invite la Commission à instaurer au niveau européen un catalogue des usages, afin d’améliorer l’harmonisation du règlement;
19. s’inquiète du fait que, dans certains cas, les produits phytopharmaceutiques disponibles sur le marché et l’usage qu’en font les utilisateurs ne sont pas nécessairement conformes aux conditions d’autorisation correspondantes du point de vue de leur composition et leur utilisation; insiste sur le fait que l’utilisation non professionnelle devrait être limitée dans la mesure du possible afin de réduire l’usage abusif;
20. souligne l’importance de former les utilisateurs pour garantir une utilisation appropriée des produits phytopharmaceutiques; estime qu’il convient de faire la distinction entre utilisateurs professionnels et amateurs; fait observer que les produits phytopharmaceutiques sont utilisés dans les jardins privés, le long des voies ferrées et dans les parcs publics;
21. signale que le droit des États membres de refuser des produits phytopharmaceutiques autorisés reste inchangé;
22. insiste sur le fait que le règlement devrait mieux tenir compte de la nécessité de promouvoir des pratiques agricoles fondées sur la lutte intégrée contre les ennemis des cultures, y compris en stimulant le développement de substances à faible risque; souligne que l’absence de produits phytopharmaceutiques à faible risque entrave le développement de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures; constate que seules dix substances sont approuvées comme produits phytopharmaceutiques à faible risque sur un total de près de 500 disponibles sur le marché de l’Union européenne;
23. souligne que l’autorisation et la promotion des pesticides à faible risque et des pesticides non chimiques est une mesure essentielle pour soutenir la lutte intégrée contre les ennemis des cultures à faible apport en pesticides; reconnaît la nécessité de conduire davantage de travaux de recherche sur ces produits, car leur composition et leur fonctionnement sont radicalement différents de ceux des produits conventionnels; souligne également la nécessité d’une plus grande expertise au sein de l’EFSA et des autorités nationales compétentes pour évaluer ces substances actives d’origine biologique; souligne que ces produits phytopharmaceutiques d’origine biologique devraient être soumis aux mêmes évaluations rigoureuses que les autres substances; invite la Commission, conformément à sa résolution du 15 février 2017 sur les pesticides à faible risque d’origine biologique, à présenter une proposition législative spécifique modifiant le règlement (CE) nº 1107/2009, en dehors de la révision générale en lien avec l’initiative REFIT, en vue d’une procédure accélérée d’évaluation, d’autorisation et d’enregistrement des pesticides à faible risque;
24. considère que le règlement (CE) n° 1107/2009 doit aussi être adapté pour mieux prendre en compte les substances qui ne sont pas considérées comme produits phytopharmaceutiques et qui, lorsqu’elles sont utilisées pour la protection des plantes, relèvent du règlement; relève que ces substances représentent des solutions de remplacement intéressantes eu égard aux méthodes de production intégrées et à certains produits de bio-contrôle;
25. souligne qu’il convient d’accorder une attention et un soutien particuliers aux produits phytopharmaceutiques destinés à des utilisations mineures, car il n’existe actuellement que peu de mesures économiques pour inciter les entreprises à développer ces produits; salue la mise en place de l’unité de coordination pour les utilisations mineures en tant que plateforme pour une meilleure coordination entre les États membres, les organisations de producteurs et l’industrie afin de concevoir des solutions pour les utilisations mineures;
26. souligne que de nombreux produits phytopharmaceutiques autorisés n’ont pas été évalués conformément aux normes européennes depuis plus de 15 ans, en raison des retards dans les procédures d’autorisation;
27. souligne l’importance de créer un cadre réglementaire favorable à l’innovation, qui permettra de remplacer les anciens produits chimiques par de nouveaux produits phytopharmaceutiques améliorés; souligne l’importance de la mise à disposition d’une large palette de produits phytopharmaceutiques aux modes d’action variés, afin d’éviter l’apparition de résistances et de maintenir l’efficacité de l’application de produits pour protéger les cultures;
28. s’inquiète du fait que l’harmonisation des lignes directrices ne soit pas encore consolidée;
29. souligne que l’absence de lignes directrices ou, lorsqu’elles existent, leur caractère incomplet constitue une grave lacune ayant des effets délétères sur la mise en œuvre du règlement et, dès lors, pour la réalisation de ses objectifs;
30. souligne que les documents d’orientation disponibles ne sont pas juridiquement contraignants, d’où une incertitude réglementaire chez les demandeurs et une remise en cause des résultats des évaluations menées dans le cadre des procédures d’approbation;
31. se félicite du concept autour d’un système en zones et de son objectif de faciliter l’autorisation efficace des produits phytopharmaceutiques; estime que la procédure de reconnaissance mutuelle est essentielle pour partager la charge de travail et favoriser le respect des délais; regrette les problèmes de mise en œuvre associés au principe de reconnaissance mutuelle; invite la Commission à œuvrer avec les États membres à un meilleur fonctionnement du système en zones; souligne que la mise en œuvre intégrale de la législation existante devrait viser à éviter la duplication du travail et à mettre de nouvelles substances à la disposition des agriculteurs sans retard injustifié;
32. souligne la nécessité de partager des connaissances et d’acquérir des compétences pour concevoir des solutions de remplacement aux pesticides chimiques et à la lutte intégrée contre les ennemis des cultures, ainsi que de déterminer la rotation optimale des cultures en fonction du marché des agriculteurs et des conditions climatiques; constate que cela est déjà prévu par le règlement horizontal de la PAC, notamment les services de conseil agricole financés au titre du développement rural;
33. exprime son inquiétude devant le nombre limité de nouvelles substances ayant été approuvées; souligne l’importance d’une boîte à outils appropriée de produits phytopharmaceutiques afin de permettre aux agriculteurs de garantir l’approvisionnement alimentaire de l’Union;
34. s’alarme de la remise en question de plus en plus fréquente, dans des débats récents, du système d’évaluation scientifique actuellement en place dans l’Union en matière de produits phytopharmaceutiques; souligne qu’il importe de maintenir et de renforcer encore un système fiable du point de vue scientifique, objectif et fondé sur des preuves objectives et validées par les pairs, découlant d’une méthode scientifique ouverte, indépendante et pluridisciplinaire dans le cadre de l’autorisation des substances actives, conformément à l’analyse des risques de l’Union et au principe de précaution, comme le prévoit la législation alimentaire générale; insiste sur le fait que le renouvellement de l’autorisation des substances actives devrait reposer sur une méthode qui tienne compte de l’utilisation effective des produits phytopharmaceutiques ainsi que des progrès scientifiques et technologiques en la matière; fait observer que la complexité du système d’évaluation et d’autorisation actuel entraîne le non-respect des délais, et que l’on pourrait en déduire que l’ensemble du système ne peut fonctionner correctement; insiste par conséquent sur la nécessité de réviser et de simplifier ce système;
35. souligne le déséquilibre dans le nombre de demandes entre certains États membres de la même zone, qui partagent des tailles et des conditions agricoles similaires;
36. estime que les produits importés de l’extérieur de l’Union et qui ont été cultivés à l’aide de produits phytopharmaceutiques devraient être soumis aux mêmes critères stricts que ceux produits au sein de l’Union; craint que des produits phytopharmaceutiques qui ne sont pas enregistrés dans l’Union puissent être utilisés dans la production des produits importés ;
Recommandations
37. invite la Commission et les États membres à garantir la mise en œuvre effective du règlement en ce qui concerne leurs rôles spécifiques dans le cadre des procédures d’approbation et d’autorisation;
38. invite les États membres à remédier au sous-effectif grave et chronique des autorités nationales compétentes qui implique des retards à l’étape de l’identification des dangers et de l’évaluation initiale des risques par les États membres;
39. invite la Commission et les États membres à s’assurer que l’extension pour motifs procéduraux de la période d’approbation jusqu’au terme de la procédure, visée à l’article 17 du règlement, ne sera pas utilisée pour les substances mutagènes, cancérigènes ou toxiques pour la reproduction, donc appartenant à la catégorie 1A ou 1B, ou pour les substances actives dotées de propriétés perturbatrices du système endocrinien et dangereuses pour les êtres humains ou les animaux, comme cela est actuellement le cas pour des substances telles que la flumioxazine, le thiaclopride, le chlorotoluron et la dimoxystrobine(12);
40. demande que soit immédiatement interdit le recours à des substances mutagènes, cancérigènes, toxiques pour la reproduction et entrant par conséquent dans les catégories 1A ou 1B, ainsi qu’à des substances actives dotées de propriétés perturbatrices du système endocrinien et dangereuses pour les êtres humains ou les animaux qui ont déjà bénéficié d’une ou de plusieurs extensions pour motifs procéduraux de la période d’approbation au titre de l’article 17;
41. demande à la Commission et aux États membres de reconnaître que la protection de la santé humaine et animale et de l’environnement sont des objectifs clés de la législation, tout en améliorant la production agricole et en préservant la compétitivité du secteur agricole;
42. invite l’industrie à fournir la totalité des données et études scientifiques, dans un format électronique uniforme et lisible par machine, aux États membres rapporteurs et aux agences de l’Union; invite la Commission à concevoir un modèle harmonisé pour les données d’entrée afin de faciliter l’échange de données entre les États membres à toutes les étapes du processus; reconnaît que ces données doivent être traitées dans le respect des conditions fixées dans la législation de l’Union en matière de protection des données et de propriété intellectuelle;
43. invite les États membres à appliquer strictement l’article 9 du règlement sur la recevabilité des demandes et à accepter uniquement les demandes complètes pour l’évaluation de la substance active;
44. invite la Commission et les États membres à veiller à l’application intégrale et uniforme des critères d’exclusion fondés sur les dangers, conformément aux orientations harmonisées existantes, ainsi qu’à garantir que les substances sont évaluées en vue de déterminer si elles présentent un risque uniquement lorsqu’il existe des éléments probants attestant qu’elles ne présentent pas de propriétés dangereuses (exclusives), comme l’exige le règlement;
45. invite la Commission à mettre enfin en œuvre les dispositions relatives aux coformulants, aux phytoprotecteurs et aux synergistes, à établir une liste de coformulants inacceptables et de règles afin que les phytoprotecteurs et les synergistes soient testés au niveau de l’Union, et de veiller à ce que seuls les produits chimiques conformes aux critères d’approbation de l’Union puissent être commercialisés;
46. se félicite de l’interprétation donnée par la Commission au principe de précaution, telle que présentée dans l’évaluation REFIT de la législation alimentaire générale(13), selon laquelle il ne s’agit pas d’une méthode de remplacement de la gestion des risques, mais plutôt d’une forme particulière de gestion des risques; rappelle que cette vision des choses est également corroborée par la jurisprudence de l’Union(14);
47. invite la Commission et les États membres, lorsqu’ils agissent en tant que gestionnaires des risques dans le cadre des procédures d’approbation et d’autorisation, à dûment appliquer le principe de précaution, ainsi qu’à porter une attention particulière à la protection des groupes vulnérables au sens de l’article 3, paragraphe 14, du règlement;
48. invite la Commission, les agences et les autorités compétentes à réexaminer et à améliorer leur communication dans le cadre des procédures d’évaluation des risques et des décisions de gestion des risques afin de rehausser la confiance de l’opinion publique dans le système d’autorisation;
49. demande aux États membres de mieux mettre en œuvre les procédures nationales d’autorisation, afin de limiter le nombre de dérogations et prolongations visées à l’article 53 du règlement aux véritables situations d’urgence; invite la Commission à exercer pleinement les droits de contrôle que lui confère l’article 53, paragraphes 2 et 3; invite en outre les États membres à respecter pleinement l’obligation prévue à l’article 53, paragraphe 1, à savoir d’informer les autres États membres et la Commission, notamment en ce qui concerne les mesures prises pour garantir la sécurité des utilisateurs, des groupes vulnérables et des consommateurs;
50. invite la Commission à finaliser les méthodes visant à déterminer les circonstances dans lesquelles certaines dérogations devraient être appliquées, notamment en ce qui concerne l’«exposition négligeable» et le «danger phytosanitaire grave», sans modifier ni la lettre ni l’esprit de la législation; met en garde la Commission contre toute réinterprétation de l’expression «exposition négligeable» comme «risque négligeable», ce qui serait contraire à la lettre et à l’esprit de la législation;
51. invite la Commission et les États membres à encourager les initiatives de recherche sur les substances actives, y compris les substances à faible risque d’origine biologique, et les produits phytopharmaceutiques au titre du programme «Horizon Europe» et du cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027; souligne l’importance d’un cadre réglementaire applicable aux produits phytopharmaceutiques à l’échelle de l’Union, qui protège l’environnement ainsi que la santé humaine et stimule également la recherche et l’innovation afin de développer des produits phytopharmaceutiques efficaces et sûrs, tout en veillant à des pratiques agricoles durables et à la lutte intégrée contre les ennemis des cultures; fait valoir qu’une grande variété d’outils sûrs et efficaces sont nécessaires pour protéger la santé des plantes; met en exergue les possibilités que peuvent offrir les techniques de l’agriculture de précision et l’innovation technologique pour aider les agriculteurs européens à optimiser de manière plus ciblée et plus durable la lutte contre les organismes nuisibles;
52. invite la Commission à restreindre strictement l’utilisation de la procédure relative aux données confirmatives aux fins prévues à l’article 6, point f), du règlement, à savoir lorsque de nouvelles exigences sont établies au cours du processus d’évaluation ou dans le sillage de nouvelles connaissances scientifiques et techniques; souligne que, dans le cadre de l’approbation de substances actives, l’exhaustivité des dossiers est importante; regrette que la procédure de dérogation relative aux données confirmatives a permis le maintien sur le marché de produits phytopharmaceutiques pour une période prolongée alors qu’ils auraient normalement été interdits;
53. invite la Commission et les États membres à renforcer la transparence globale des procédures, notamment en prévoyant des procès-verbaux détaillés sur les délibérations de comitologie et toutes les positions défendues, en particulier en expliquant et en justifiant les décisions du comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux;
54. invite la Commission et les États membres à garantir une meilleure cohérence du règlement et de sa mise en œuvre avec la législation et les politiques européennes connexes, en particulier avec la directive relative à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, et à prévoir des mesures d’incitation, y compris la mise à disposition de ressources suffisantes, qui encouragent et stimulent à court terme le développement et l’utilisation de solutions de remplacement aux produits phytopharmaceutique qui soient sûres et non toxiques; relève que le cadre réglementaire omet de prendre en considération les effets inévitables sur les espèces non visées, notamment les abeilles et autres pollinisateurs, ainsi que d’autres insectes bénéfiques à l’agriculture, comme s’ils étaient des prédateurs des ennemis des cultures; prend acte de la récente étude scientifique qui met en avant l’«apocalypse des insectes» qui met en évidence l’extinction de 75 % des insectes ailés à l’échelle régionale en Allemagne, même dans les réserves naturelles où aucun pesticide n’a été utilisé pour l’agriculture; invite la Commission et les États membres à garantir la cohérence entre la PAC et la législation sur les produits phytopharmaceutiques, notamment en conservant les obligations découlant du règlement (CE) nº 1107/2009 et de la directive 2009/128/CE sur la liste des exigences réglementaires en matière de gestion (ERMG 12 et ERMG 13), comme le propose la Commission dans le règlement relatif aux plans stratégiques relevant de la PAC(15);
55. invite les États membres à veiller à l’application effective du règlement, notamment en matière de contrôles des produits phytopharmaceutiques mis sur le marché de l’Union, qu’ils aient été produits dans l’Union ou importés de pays tiers;
o o o
56. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission.
Source: données fondées sur les informations et les conclusions contenues dans l’évaluation de la mise en œuvre européenne, étude de l’EPRS d’avril 2018, p. 36 et II-33.