Résolution du Parlement européen du 14 novembre 2018 sur la mise en œuvre de l’accord d’association de l’UE avec la Moldavie (2017/2281(INI))
Le Parlement européen,
– vu l’article 8 et le titre V, notamment les articles 21, 22, 36 et 37, du traité sur l’Union européenne (traité UE), ainsi que la cinquième partie du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE),
– vu l’accord d’association entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et la République de Moldavie, d’autre part, qui est entré en vigueur le 1er juillet 2016,
– vu ses précédentes résolutions, notamment celles du 5 juillet 2018 sur la crise politique en Moldavie suite à l’invalidation des élections locales à Chișinău(1), du 15 novembre 2017 relative au partenariat oriental, dans la perspective du sommet de novembre 2017(2), du 4 juillet 2017 sur l’octroi d’une assistance macrofinancière à la République de Moldavie(3) et du 21 janvier 2016 sur les accords d’association et les zones de libre-échange approfondi et complet avec la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine(4),
– vu la signature, en novembre 2017, d’un protocole d’accord, d’une convention de prêt et d’un accord de subvention concernant une assistance microfinancière de 100 millions d’euros accordée pour la période 2017-2018,
– vu le plan d’action national de la Moldavie pour la mise en œuvre de l’accord d’association entre l’Union européenne et la République de Moldavie en 2017-2019,
– vu le document de travail élaboré conjointement par les services de la Commission européenne et du Service européen d’action extérieure (SEAE), publié en anglais le 3 avril 2018 et intitulé «Association Implementation Report on Moldova» (Rapport sur l’application de l’accord d’association par la Moldavie) (SWD(2018)0094),
– vu les déclarations conjointes des sommets du partenariat oriental, notamment la dernière en date, signée à Bruxelles le 24 novembre 2017,
– vu les conclusions du Conseil des affaires étrangères sur la République de Moldavie du 26 février 2018,
– vu le rapport de Transparency International intitulé «The State of Corruption: Armenia, Azerbaijan, Georgia, Moldova and Ukraine», publié le 2 juillet 2015,
– vu les avis et les recommandations du Bureau européen des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, et de la Commission de Venise du Conseil de l’Europe, notamment la déclaration et les recommandations du 15 mars 2018 relatives à la réforme électorale en Moldavie,
– vu les recommandations et les activités de l’Assemblée parlementaire Euronest, du Forum de la société civile pour le partenariat oriental et d’autres représentants de la société civile en Moldavie,
– vu les résultats de la mission menée par la commission des affaires étrangères en Moldavie les 3 et 4 avril 2018,
– vu les études d’experts réalisées pour la commission des affaires étrangères, notamment l’étude intitulée «The electoral reforms in three association countries of the Eastern Neighbourhood – Ukraine, Georgia and Moldova and their impact on political developments in these countries» (Les réformes électorales menées dans trois pays du voisinage oriental parties à un accord d’association — l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie — et leurs conséquences sur les évolutions politiques dans ces pays)(5), publiée le 26 octobre 2017, l’évaluation de la mise en œuvre européenne intitulée «Association agreements between the EU and Moldova, Georgia and Ukraine» (Accords d’association signés entre l’Union européenne, d’une part, et la Moldavie, la Géorgie et l’Ukraine, d’autre part)(6), publiée le 28 juin 2018 et l’étude comparative intitulée «The Development of an Institutional Framework for the Implementation of the Association Agreements in Georgia, Moldova and Ukraine» (Élaboration d’un cadre institutionnel pour la mise en œuvre des accords d’association en Géorgie, en Moldavie et en Ukraine)(7) publiée en juillet 2018,
– vu l’article 52 de son règlement intérieur, ainsi que l’article 1er, paragraphe 1, point e), et l’annexe 3 de la décision de la Conférence des présidents du 12 décembre 2002 relative à la procédure d’autorisation pour l’élaboration de rapports d’initiative,
– vu le rapport de la commission des affaires étrangères et l’avis de la commission du commerce international (A8-0322/2018),
A. considérant que les relations politiques et économiques entre l’Union européenne et la République de Moldavie se sont renforcées dans le cadre du partenariat oriental et notamment grâce à la signature, le 27 juin 2014, et l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2016, de l’accord d’association (AA) entre l’Union européenne et la République de Moldavie, prévoyant la création d’une zone de libre-échange approfondi et complet;
B. considérant que l’AA repose sur des valeurs communes comprenant «le respect des principes démocratiques, des droits de l’homme et des libertés fondamentales, tels que proclamés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et définis dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’acte final d’Helsinki de 1975 de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe et la charte de Paris pour une nouvelle Europe de 1990»;
C. considérant que, grâce à cet accord, la Moldavie a entrepris d’importantes réformes nationales, sur la base des lois et pratiques de l’Union européenne, et ce dans un vaste éventail de domaines, favorables à la bonne gouvernance, au développement économique et au renforcement de la coopération avec l’Union; que, en soutien des efforts menés, l’Union européenne s’est engagée à fournir une aide financière et budgétaire importante à la Moldavie, représentant 1,14 milliard d’euros depuis 2007, en sus des fonds alloués dans le cadre du programme régional;
D. considérant que la zone de libre-échange approfondi et complet offre un accès privilégié des biens et services de la Moldavie au marché de l’Union européenne; que, grâce à la zone de libre-échange approfondi et complet, les échanges commerciaux entre l’Union européenne et la Moldavie ont atteint 4 milliards d’euros en 2017, ce qui correspond à une progression de 20 %; que l’Union européenne est actuellement le plus grand partenaire commercial de la Moldavie, représentant plus de 55 % de l’ensemble des échanges commerciaux du pays; que l’Union constitue également le premier investisseur en Moldavie; que les premiers chiffres de l’année 2018 confirment cette tendance positive; considérant que le taux d'utilisation du régime préférentiel de 90 % témoigne des avantages de l’ALE approfondi et complet pour les entreprises, les travailleurs et les citoyens moldaves; considérant que des progrès ont été accomplis dans des domaines essentiels tels que les mesures phytosanitaires, les barrières techniques au commerce, les douanes et les marchés publics; considérant que des groupes consultatifs internes (GCI) ont été mis en place en application des dispositions du chapitre sur le commerce et le développement durable, et que ceux-ci se sont réunis trois fois jusqu'ici;
E. considérant qu’en échange de l’adoption de réformes en Moldavie dans les secteurs de la justice et de la sécurité, en ce compris dans la lutte contre la corruption, l’Union européenne a également accepté en 2014 de lever l’obligation pour les citoyens moldaves détenant un passeport biométrique de posséder un visa pour entrer dans l’espace Schengen; que plus de 1,5 million de citoyens moldaves ont bénéficié de ce régime d’exemption de visa au cours des quatre premières années de sa mise en œuvre;
F. considérant que l’Union européenne n’a cessé d’exprimer ses inquiétudes en ce qui concerne la détérioration des normes démocratiques en raison des récentes décisions adoptées par les autorités moldaves, notamment la décision d’invalidation, en juin 2018, des élections locales à Chișinău, reposant sur des motifs fallacieux et opaques, la réforme électorale de juillet 2017 adoptée en dépit des recommandations contraires du BIDDH et de la Commission de Venise, l’absence de progrès dans la poursuite des responsables de la fraude bancaire d’un milliard USD dévoilée en 2014 et l’accroissement du nombre de violations des droits de l’homme, visant en particulier des juges indépendants, des journalistes et des opposants politiques;
G. considérant que, au vu de ces évolutions, en 2017, l’Union européenne a refusé de verser les deux dernières tranches du programme de soutien budgétaire aux réformes du secteur judiciaire en raison du manque de motivation des autorités moldaves concernant la réforme dudit secteur et que, en 2018, l’Union a suspendu le versement de la première tranche de l’assistance macrofinancière en raison du non-respect des conditions politiques annexées à la décision du 4 juillet 2017 du Parlement européen et du Conseil qui précise que «l’octroi de l’assistance macrofinancière est subordonné à la condition préalable que le pays bénéficiaire respecte les mécanismes démocratiques effectifs, y compris le pluralisme parlementaire et l’état de droit, et garantisse le respect des droits de l’homme»;
H. considérant que, depuis l’adoption de ces décisions, des événements plus récents ont renforcé les inquiétudes, notamment le «paquet de réformes fiscales», adopté en juillet 2018, car le système d’amnistie fiscale qu’il prévoit augmente le risque de blanchiment de capitaux, ainsi que les nouvelles pressions exercées sur l’opposition et ses manifestations pacifiques et sur les petits médias indépendants luttant pour maintenir leurs activités malgré l’adoption, en juillet 2018, du nouveau code des services de médias audiovisuels;
I. considérant que Transparency International a classé la Moldavie à la 122e place sur 180 dans son indice de perception de la corruption, aux côtés de l’Azerbaïdjan et du Mali; que Reporters sans frontières a classé la Moldavie à la 81e place sur 180 dans son classement mondial de la liberté de la presse, alors que le pays était à la 56e place en 2014;
Principes généraux et valeurs communes
1. insiste sur l’importance de l’accord d’association (AA) et de la zone de libre-échange approfondi et complet (ALE approfondi et complet), et prend note des progrès accomplis par la Moldavie à ce jour; souligne, néanmoins, que la mise en œuvre intégrale de l’AA et de l’ALE approfondi et complet, en particulier concernant les réformes politiques, doit rester une priorité pour permettre le renforcement des relations de ce pays avec l’Union européenne, lequel profiterait à tous les citoyens moldaves, ainsi que pour offrir de nouvelles perspectives s’inscrivant dans le cadre de la politique du partenariat oriental amélioré (EaP+) préconisée par le Parlement;
2. félicite les acteurs courageux qui œuvrent pour apporter des changements positifs en Moldavie, notamment les chefs de file des efforts déployés en vue de réformer le secteur bancaire à la suite de la fraude bancaire de 2014 d’un milliard de dollars (soit 12 % du PIB), efforts qu’il y a lieu de poursuivre, conformément aux appels de l’UE et du Fonds monétaire international (FMI); se dit satisfait de l’évaluation favorable du FMI en juillet 2018 sur la mise en œuvre du programme soutenu par le FMI; invite l’ensemble des dirigeants politiques et des membres du pouvoir judiciaire moldaves à se joindre à ces actions visant à réformer le pays et à lutter contre la corruption conformément aux engagements pris au titre de l’AA, étant donné que le manque de volonté politique constitue l’un des principaux obstacles à l’adoption de réformes crédibles; invite l’ensemble des forces politiques à entamer un dialogue constructif dans l’intérêt du pays;
3. se déclare extrêmement préoccupé par le recul enregistré en Moldavie en matière de respect des normes démocratiques, des valeurs fondamentales, auxquelles ce pays avait pourtant adhéré, notamment dans le cadre de l’AA, telles que la démocratie (incluant la tenue d’élections équitables et transparentes respectant la volonté des citoyens, ainsi qu’un système démocratique multipartite) et l’état de droit (requérant l’indépendance et l’impartialité du pouvoir judiciaire) étant compromises par les dirigeants politiques au pouvoir qui préfèrent servir les intérêts commerciaux et qui ne rencontrent que peu d’opposition de la part de la majorité de la classe politique et du pouvoir judiciaire, laissant ainsi la République de Moldavie aux prises avec des intérêts oligarchiques, avec une concentration des pouvoirs économique et politique entre les mains d’un petit groupe de personnes qui exercent leur influence sur le parlement, le gouvernement, les partis politiques, l’administration publique, la police, la justice et les médias, et entraînant une mise en œuvre très insatisfaisante de la législation, avec peu de bénéfices pour les citoyens; réaffirme sa volonté de concentrer ses efforts sur la concrétisation des engagements pris en vue de la défense des valeurs communes, et non sur des arguments «géopolitiques» non convaincants;
4. regrette la violation délibérée, par la Moldavie, des conditions politiques liées aux normes démocratiques, en particulier les changements récents apportés à la législation électorale du pays (qui ne tiennent pas compte de certaines des principales recommandations de l’avis conjoint de la Commission de Venise et du BIDDH) ainsi que la suspension de Dorin Chirtoacă de la mairie de Chișinău et l’annulation de l’élection de Andrei Năstase, qui ont mené à la suspension du versement de l’aide macrofinancière (AMF) et des paiements restants de l’appui budgétaire;
5. rappelle que, à ses yeux, toute décision concernant le versement futur de l’AMF ne devrait être prise qu’après les élections législatives prévues pour février 2019 et à la condition que ces dernières soient menées conformément aux normes reconnues au niveau international et évaluées par des organes internationaux spécialisés, et que le paiement relatif à tout programme d’appui budgétaire ne devrait être effectué que lorsque des progrès significatifs en matière de normes démocratiques auront été observés, y compris la réforme du système judiciaire et l’action en justice contre les responsables de la fraude bancaire, conformément à la résolution du Parlement européen du 5 juillet 2018; invite, dans l’intervalle, la Commission et le SEAE à continuer de réaffecter des fonds en vue d’aider la société civile et les médias indépendants en Moldavie, ainsi que le secteur privé et les collectivités locales, y compris avec l’aide de nouveaux projets de partenariat et de développement, et de préférence en coordination avec l’assistance d’autres pays de l’Union européenne, et à coordonner les efforts déployés en la matière avec d’autres organisations, telles que le FMI, pour garantir une meilleure cohérence eu égard aux conditions d’octroi de l’aide financière; attend avec intérêt les résultats de l’examen de la loi électorale de la commission juridique pour les nominations et les immunités du Parlement moldave; invite la Commission européenne à créer un mécanisme visant à contrôler les réformes, y compris au moyen de critères de référence clairs;
6. rappelle les articles 2 et 455 de l’AA, selon lesquels le respect des principes démocratiques constitue un élément essentiel de cet accord, et souligne que la violation de ces articles peut entraîner également la suspension des droits accordés au titre de l’AA; rappelle que de nombreux efforts sont nécessaires pour continuer à satisfaire aux critères de référence anti-corruption et anti-blanchiment d’argent; exige que tout accord à venir soit également conditionné à une réforme du système judiciaire et à une enquête approfondie ainsi qu’à la poursuite des responsables de la fraude d'un milliard de dollars; rappelle également les critères relatifs à la lutte contre la corruption et le blanchiment de capitaux en lien avec la libéralisation du régime des visas;
Cadre institutionnel mis en place pour appliquer l’accord
7. accueille favorablement l’adoption de nombreuses lois conformément à l’engagement de la Moldavie dans le cadre de l’AA; souligne toutefois l’importance d’une mise en œuvre rapide et exhaustive desdites lois afin d’atteindre l’objectif final de l’AA, à savoir améliorer de façon tangible et durable les conditions de vie des citoyens moldaves;
8. demande une plus grande participation du parlement, du premier ministre et du ministre des affaires étrangères et de l’intégration européenne de Moldavie à la fourniture d’une surveillance politique de haut niveau et d’un contrôle attentif de la mise en œuvre de l’AA, en particulier grâce à une rationalisation continue des structures parlementaires et gouvernementales compétentes et au renforcement de leurs capacités administratives, ainsi qu’à la coordination et à la synchronisation des plans des ministères concernés et à leur mise en œuvre pleine et efficace;
9. se félicite de la création de l’assemblée interparlementaire entre la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine et de sa première réunion tenue les 8 et 9 juin 2018 à Kiev; encourage cette assemblée à également se pencher sur la mise en œuvre des accords d’association;
10. exhorte les autorités moldaves à redoubler d’efforts pour mettre en œuvre l’AA et organiser ses actions (en particulier le plan d’action national pour la mise en œuvre de l’accord d’association lui-même) en fonction de secteurs spécifiques et de résultats particuliers à venir plutôt que conformément aux articles de l’AA, à établir une hiérarchisation et un échelonnement des mesures, conformément à une analyse d’impact et sous la responsabilité d’unités d’experts spécialisés;
11. invite le SEAE et la Commission européenne à mettre en place, en fonction des progrès réalisés en matière de normes démocratiques, un groupe de soutien de l’Union européenne à la Moldavie, afin d’apporter davantage de conseils, notamment en ce qui concerne l’alignement de la loi moldave sur celle de l’Union, et à coordonner, si les conditions sont remplies, la distribution des aides financières à la Moldavie en soutien à la mise en œuvre de l’AA;
12. exhorte le SEAE et la Commission européenne à renforcer les capacités internes pour intensifier le contrôle de la mise en œuvre de l’AA, notamment au moyen d’une hausse significative des ressources humaines dédiées, ainsi qu’à opter pour une évaluation qualitative des progrès, en particulier grâce à l’introduction d’examens analytiques permettant d’évaluer le degré d’alignement avec l’acquis de l’Union véritablement atteint, comme l’exige l’AA;
13. se félicite du dialogue renforcé à l’échelle ministérielle avec la Moldavie ainsi que d’autres partenaires associés sur les réformes liées à l’accord d’association dans le secteur du commerce et soutient, sous réserve de progrès en matière de normes démocratiques, l’instauration de tels dialogues dans d’autres domaines couverts par l’AA, en ce compris le dialogue politique, la justice, la liberté et la sécurité et la coopération sectorielle;
14. rappelle et soutient l’avis de la Commission de Venise sur la réforme électorale en Moldavie, selon lequel le changement pour un système électoral mixte pour les élections parlementaires n’a pas fait l’objet d’un consensus (autre que celui des partis démocratiques et socialistes) et pourrait pousser certains candidats à se laisser indûment influencer par des intérêts commerciaux; demande donc à nouveau aux autorités moldaves d’améliorer le système électoral afin de garantir que les élections à venir reflètent la volonté des citoyens moldaves plutôt que la volonté d’une poignée d’entre eux; invite les autorités moldaves à mettre également pleinement en œuvre les recommandations du BIDDH, notamment en ce qui concerne le financement des partis ainsi que la liberté et le pluralisme des médias; réaffirme la volonté du Parlement d’observer les prochaines élections parlementaires en Moldavie;
Dialogue et réformes politiques, et coopération dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune
15. dit sa préoccupation face aux modifications de dernière minute du code des services de médias audiovisuels adopté en juillet 2018, qui n’ont pas été soumises à des consultations avec la société civile; exhorte les autorités moldaves à appliquer intégralement le code conformément aux normes européennes en matière de liberté et de pluralité des médias, comme le recommandent la Commission européenne et la Commission de Venise; souligne qu’il importe de procéder à des consultations effectives de la société civile et des médias indépendants dans ce processus et d’adopter une nouvelle loi sur la publicité; met l’accent sur la nécessité d’éviter toutes tentatives visant à compromettre la pluralité des médias, en particulier celles qui encourageraient d’autant plus la cartellisation du marché des médias et du marché publicitaire y afférent; exhorte les autorités moldaves à adopter la nouvelle loi sur la publicité, à la suite d’une véritable consultation de la société civile; s’inquiète du fait que les médias sont actuellement accaparés et contrôlés par les groupes politiques et commerciaux du pays; demande la transparence quant à la propriété des médias et la fourniture d’une aide spécialisée aux médias indépendants, en particulier aux médias locaux, afin qu’ils respectent les exigences du code relatives au contenu local obligatoire; souligne l’importance de garantir une véritable indépendance de l’organisme de régulation des médias;
16. se félicite des efforts de réforme consentis dans les secteurs de l’administration publique et de la gestion financière publique, et encourage l’adoption de nouvelles mesures afin de renforcer la transparence;
17. salue la coopération efficace en place pour les questions de politique étrangère et de sécurité commune, ainsi que, notamment, le niveau élevé d’alignement sur les déclarations de politique étrangère et de sécurité commune et la participation aux missions et opérations menées au titre de la politique de sécurité et de défense commune, de même que la coopération de la Moldavie avec l’OTAN; prend note des progrès réalisés dans l’adoption d’une nouvelle stratégie de défense nationale et d’un nouveau plan d’action pour sa mise en œuvre en 2017-2021 à la suite du retrait, décidé par le président moldave, de la stratégie de sécurité nationale; se réjouit de l’entrée en vigueur de l’accord entre l’Union européenne et la République de Moldavie sur l’échange d’informations classifiées;
18. félicite les autorités moldaves de l’embellie progressive des relations avec Tiraspol, avec notamment la mise en œuvre de mesures d’instauration de la confiance, en particulier l’ouverture du pont reliant Gura Bîcului et Bîcioc ainsi que la signature de six protocoles supplémentaires, ce qui se traduit par une amélioration de la qualité de vie des citoyens sur les deux rives de la rivière Nistru; réitère l’engagement ferme et le soutien de l’UE en faveur de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Moldavie et des efforts entrepris pour trouver une solution pacifique à la question de la Transnistrie; soutient sans réserve les efforts de l’OSCE, de l’UE et d’autres parties prenantes et encourage les autorités à coopérer, en particulier avec les PME de Transnistrie, à faire fond sur ce niveau de coopération, à redoubler d’efforts afin de promouvoir les droits de l’homme et à se conformer à toutes les décisions de la CEDH; invite les autorités moldaves à prendre des mesures supplémentaires pour la mise en œuvre d’une loi modifiée sur le statut juridique spécial de la Gagaouzie;
État de droit et bonne gouvernance
19. exhorte les autorités moldaves à veiller à l’indépendance, à l’impartialité et à l’efficacité du pouvoir judiciaire et des institutions spécialisées dans la lutte contre la corruption, en particulier du Conseil supérieur des procureurs, du Centre national anti-corruption et du bureau du ministère public chargé de la lutte contre la corruption, de l’Autorité pour l’intégrité nationale et de l’agence de recouvrement des avoirs d’origine criminelle, notamment en continuant de leur allouer des ressources suffisantes pour garantir des procédures de sélection qui soient transparentes et qui prévoient la participation de recruteurs experts indépendants, et en adoptant des amendements constitutionnels conformes aux recommandations de la Commission de Venise, visant notamment à supprimer la durée initiale du mandat des juges fixée à 5 ans, à modifier la composition et à renforcer le rôle du Conseil supérieur de la magistrature et à mettre fin au pouvoir du parlement moldave de nommer les juges de la Cour suprême; demeure très inquiet des pratiques de justice sélective du pouvoir judiciaire moldave et souligne que, conformément aux derniers rapports de Transparency International, il souffre d’une indépendance limitée vis-à-vis du pouvoir exécutif et il est instrumentalisé contre les adversaires politiques et les intérêts commerciaux; prend note de l’importance de fournir un bilan solide des enquêtes dans les affaires de corruption, y compris des profils de haut niveau;
20. se félicite des amendements législatifs adoptés en juillet 2018 visant à renforcer la sélection et la promotion des juges sur le mérite, ainsi que leur obligation de rendre compte;
21. réitère sa demande, fondée sur les constats et les recommandations des deux premiers rapports Kroll, qui devraient être publiés dans leur intégralité, de poursuivre en justice, dans les plus brefs délais et de manière transparente, tous les responsables de la fraude bancaire qui s’est élevée à un milliard de dollars et qui a été dévoilée en 2014, et de récupérer les avoirs volés; prend note de la stratégie de recouvrement des avoirs adoptée par les autorités moldaves mais constate avec inquiétude que l’enquête dans cette affaire a été menée de façon plutôt inefficace; souligne la nécessité, pour les tribunaux, de mettre fin à leur immobilisme face aux preuves concrètes et d’examiner rapidement les affaires en cours ou faisant l’objet d’enquêtes, notamment celle d’Ilhan Shor, en audiences publiques; souligne que le choix politique de renflouer les banques avec de l’argent public a encore augmenté la grave perte de confiance dans la politique moldave; invite le Conseil à envisager des sanctions personnelles et demande aux États membres concernés de l’UE d’apporter un soutien à l’enquête;
22. fait part de ses inquiétudes concernant le risque accru de blanchiment de capitaux à la suite de l’adoption hâtive du «paquet de réformes fiscales» en juillet 2018, qui inclut un régime d’amnistie fiscale susceptible de légaliser des avoirs acquis de manière illégale; demande que ce paquet soit modifié afin d’éliminer ces échappatoires et, entre-temps, s’engage à porter une attention particulière à sa mise en œuvre, de concert avec la Commission, le SEAE et d’autres organisations internationales;
23. souligne la nécessité de s’attaquer également à la criminalité organisée, et d’empêcher d’autres manifestations de celle-ci, y compris en ce qui concerne le trafic d’armes, la traite des êtres humains et le blanchiment d’argent sur une grande échelle, notamment à partir de la Russie; souligne la responsabilité des juges dans le maintien de l’état de droit et insiste pour que les juges légalement condamnés purgent leur peine;
24. demande qu’il soit possible de consulter directement en ligne les déclarations électroniques relatives aux avoirs des personnes qui sont haut placées sur les échelles politique et administrative, sur le modèle de l’Ukraine;
25. prie les autorités moldaves de respecter les principes internationaux et de défendre les bonnes pratiques qui garantissent la création d’un environnement favorable à la société civile; souligne le rôle essentiel de la société civile dans le contrôle de la mise en œuvre des réformes ainsi que dans la promotion de la transparence et de l’obligation de rendre compte des institutions publiques; escompte, en particulier, qu’aucune législation adoptée à l’avenir ne limitera le financement national ou étranger des organisations non gouvernementales et organisations de la société civile moldaves, ni n’augmentera injustement la charge administrative et déclarative de ces organisations; regrette que, dans certaines affaires, la participation des citoyens ait été limitée, par exemple lorsque la commission électorale centrale a rejeté, en mars 2018, la demande d’organisation d’un référendum sur les changements du système électoral;
Respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales
26. exprime son inquiétude face à des signes de rétrécissement de l’espace public accordé à la société civile du pays et invite les autorités moldaves à cesser immédiatement les procédures pénales injustifiées ou disproportionnées, dont certaines découlent d’accusations fabriquées de toutes pièces, et toute justice sélective à l’encontre d’opposants politiques, de leurs avocats et/ou de leurs familles; critique le fait que le suivi des procès par les États membres de l’Union européenne et par la délégation du SEAE soit de plus en plus entravé par l’exclusion du public lors de ces procès; se déclare particulièrement préoccupé par les procédures visant des défenseurs des droits de l’homme, des juges indépendants, tels que Domnica Manole et Gheorghe Balan, des journalistes et des détracteurs du gouvernement ou du président du parti démocrate de la République de Moldavie, Vladimir Plahotniuc; exhorte les autorités à garantir le droit à un procès équitable et le respect des droits de l’homme dans les centres de détention; souligne l’importance d’enquêter efficacement sur les allégations de torture dans les centres de détention et institutions psychiatriques; demande aux autorités de garantir également la liberté de réunion et d’expression et, en particulier, de manifestation pacifique, et demande le strict respect de ce droit fondamental conformément aux normes internationales;
27. salue l’adoption, en 2017, d’une nouvelle stratégie nationale pour l’égalité des sexes et invite les autorités à garantir sa pleine exécution;
28. invite les autorités à redoubler d’efforts pour défendre les droits de l’homme et les libertés fondamentales, notamment pour protéger les groupes vulnérables, en luttant contre les discours haineux, la violence, l’exclusion sociale et la discrimination, toujours très préoccupants, visant les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, queer et intersexuées, ainsi que les personnes handicapées et les minorités, comme les Roms, de même que les discours haineux et la discrimination fondés sur le genre ou l’appartenance politique;
29. condamne vivement les cas récents d’extradition/d’enlèvement de citoyens turcs vers la Turquie en raison de leur prétendu lien avec le mouvement Gülen, en violation de l’état de droit et des droits humains élémentaires; exhorte les autorités moldaves à veiller à ce que toute demande d’extradition émanant de pays tiers soit traitée de façon transparente, dans le respect des procédures judiciaires, conformément aux normes et principes européens;
Commerce et coopération économique
30. se félicite de l’augmentation importante des importations moldaves dans l’Union européenne en raison de l’entrée en vigueur de l’ALE approfondi et complet et du fait que l’Union européenne est le plus grand investisseur en Moldavie mais déplore que ceci n’ait pas produit une amélioration de la situation sociale et économique des citoyens; signale que le manque de progrès dans l’amélioration du niveau de vie de la population risque de nuire au soutien des citoyens vis-à-vis de l’orientation pro-européenne du pays;
31. rappelle l’importance de l’indépendance du pouvoir judiciaire et de la lutte contre la corruption, ainsi que d’un allègement de la charge administrative et bureaucratique afin de générer un climat plus propice aux investissements et aux échanges commerciaux;
32. incite à progresser davantage dans les domaines des normes sanitaires et phytosanitaires, ainsi que dans la protection des indications géographiques;
33. demande le respect effectif des clauses relatives au commerce et au développement durable ainsi que des engagements internationaux, et, plus particulièrement, l’application adéquate des conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail (OIT).
34. estime que le rapprochement réglementaire avec l’acquis communautaire de l’Union représente la dimension essentielle de l’ALE approfondi et complet dans la mesure où l’accès effectif au marché de l’Union et les réformes dépendent fortement de la mise en œuvre et de l’application appropriées de la législation pertinente; reconnaît qu’il s’agit d’un défi de taille pour la gouvernance, les institutions et l’administration publique en Moldavie et encourage la Commission à apporter un soutien technique et financier adéquat;
Énergie et autres domaines de coopération
35. salue la promulgation de la loi sur l’énergie en 2017, qui constitue une étape supplémentaire vers la transposition du troisième paquet «Énergie», et encourage la mise en œuvre de mesures concrètes afin d’assurer l’indépendance de l’agence nationale de régulation de l’énergie (ANRE); reconnaît les efforts déployés par la Moldavie afin de promouvoir les sources d’énergie renouvelables et l’efficacité énergétique et considère qu’il est essentiel de développer des méthodes de culture agro-écologiques dans le cadre du développement rural durable;
36. demande des actions plus déterminées en matière de protection de l’environnement, en particulier concernant la gestion de l’eau de la rivière Nistru, la gestion des déchets et le changement climatique, notamment pour ce qui est de l’application et de la coordination de la législation;
Dispositions institutionnelles
37. invite l’Union européenne, les États membres et la Moldavie à accroître les efforts de communication sur la mise en œuvre de l’AA et les avantages attendus, pour les citoyens de Moldavie, des réformes y afférentes et d’une intégration plus étroite avec l’Union européenne; souligne la nécessité de lutter contre la désinformation russe à l’aide d’informations accessibles, factuelles et de qualité dans toutes les principales langues utilisées en Moldavie;
38. réaffirme sa détermination à renforcer le suivi de la mise en œuvre des accords internationaux avec les partenaires orientaux de l’Union; invite à nouveau la Commission et le SEAE à transmettre au Parlement et au Conseil des rapports écrits plus fréquents et réguliers sur la mise en œuvre de ces accords;
39. estime qu'il est opportun que les autorités moldaves participent dès la rédaction des législations pertinentes en ce sens que le processus est ainsi plus participatif et que les coûts de transition sont réduits pour la Moldavie, et demande que la Commission exploite pleinement les mécanismes de consultation préalable;
40. constate que l’évaluation de la mise en œuvre de l’ALE approfondi et complet est fortement axée sur les flux commerciaux et les entraves aux échanges; invite la Commission à suivre et à évaluer dûment la mise en œuvre de l’ALE approfondi et complet en accordant une attention particulière à la transposition et à l’application de l’acquis ainsi qu’aux incidences sur la société moldave, et à produire chaque année un rapport complet et accessible au public portant notamment sur le soutien technique et financier apporté par l’Union;
41. appelle le SEAE et la Commission à publier, à la même date, tous les rapports annuels sur la mise en œuvre de l’association, en même temps qu’une étude comparative, sur la base de points de référence spécifiques, des progrès réalisés par chaque partenaire associé dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord d’association et de l’ALE approfondi et complet;
42. décide de rédiger les rapports annuels sur la mise en œuvre des accords d’association.
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43. charge son Président de transmettre la présente recommandation au Conseil, à la Commission européenne, à la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-présidente de la Commission européenne, ainsi qu’au président, au gouvernement et au Parlement de la République de Moldavie.
Ruthrauff, H, The electoral reforms in three association countries of the Eastern Neighbourhood – Ukraine, Georgia and Moldova, Parlement européen, 26 octobre 2017.
The Development of an Institutional Framework for the Implementation of the Association Agreements in Georgia, Moldova and Ukraine, Parlement européen, juillet 2018.