Résolution du Parlement européen du 12 février 2019 sur l’application de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dans le cadre institutionnel de l’Union (2017/2089(INI))
Le Parlement européen,
– vu la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,
– vu les articles 2, 3, 6, 7, 9, 10, 11, 21, 23 et 49 du traité sur l’Union européenne (traité UE), ainsi que les articles 8, 9, 10, 11, 12, 15, 16, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, l’article 67, paragraphe 1, et les articles 258, 263, 267 et 352 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE),
– vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme,
– vu le mémorandum d’accord entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne,
– vu les avis et la liste des critères de l’état de droit de la Commission de Venise,
– vu la déclaration universelle des droits de l’homme des Nations unies, le pacte international relatif aux droits civils et politiques et le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels,
– vu la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (convention d’Istanbul) et vu sa résolution du 12 septembre 2017 sur la proposition de décision du Conseil portant conclusion, par l’Union européenne, de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique(1),
– vu sa résolution du 15 mars 2007 sur le respect de la charte des droits fondamentaux dans les propositions législatives de la Commission: méthodologie pour un contrôle systématique et rigoureux(2),
– vu ses résolutions annuelles sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union,
– vu sa résolution du 25 octobre 2016 contenant des recommandations à la Commission sur la création d’un mécanisme de l’Union pour la démocratie, l’état de droit et les droits fondamentaux(3),
– vu sa résolution du 19 janvier 2017 sur un socle européen des droits sociaux(4),
– vu sa résolution du 14 septembre 2017 sur la transparence, la responsabilité et l’intégrité au sein des institutions européennes(5),
– vu le règlement (CE) nº 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2001 relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission(6),
– vu le règlement (CE) nº 168/2007 du Conseil du 15 février 2007 portant création d’une Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne(7),
– vu la communication de la Commission du 27 avril 2005 intitulée «Le respect de la charte des droits fondamentaux dans les propositions législatives de la Commission – Méthodologie pour un contrôle systématique et rigoureux» (COM(2005)0172),
– vu le rapport de la Commission du 29 avril 2009 sur le fonctionnement concret de la méthodologie pour un contrôle systématique et rigoureux du respect de la charte des droits fondamentaux (COM(2009)0205),
– vu la communication de la Commission du 19 octobre 2010 intitulée «Stratégie pour la mise en œuvre effective de la charte des droits fondamentaux par l’Union européenne» (COM(2010)0573),
– vu le document de travail des services de la Commission du 6 mai 2011 intitulé «Orientations opérationnelles sur la prise en compte des droits fondamentaux dans les analyses d’impact de la Commission» (SEC(2011)0567),
– vu la communication conjointe de la Commission et de la haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité au Parlement européen et au Conseil du 12 décembre 2011 intitulée «Les droits de l’homme et la démocratie au cœur de l’action extérieure de l’UE – Vers une approche plus efficace» (COM(2011)0886),
– vu le cadre stratégique et le plan d’action de l’Union européenne en matière de droits de l’homme et de démocratie du 25 juin 2012,
– vu les lignes directrices du Conseil du 20 janvier 2015 relatives à la méthodologie à suivre afin de vérifier la compatibilité avec les droits fondamentaux au sein des instances préparatoires du Conseil,
– vu les lignes directrices à l’intention des instances préparatoires du Conseil intitulées «Compatibilité avec les droits fondamentaux»,
– vu le rapport du séminaire de la présidence du Conseil du 13 mai 2016 intitulé «National policy application of the EU Charter of Fundamental Rights» (Application de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dans les politiques nationales),
– vu les lignes directrices de la Commission du 19 mai 2015 sur l’analyse des incidences sur les droits de l’homme des initiatives en matière de politique commerciale dans le cadre des analyses d’impact,
– vu les rapports annuels de la Commission sur l’application de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,
– vu les colloques annuels de la Commission sur les droits fondamentaux,
– vu l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 20 septembre 2016 dans les affaires jointes C-8/15 P à C-10/15 P, Ledra Advertising Ltd e.a./Commission européenne et Banque centrale européenne (BCE)(8),
– vu l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 6 novembre 2018 dans les affaires jointes C-569/16 et C-570/16, Stadt Wuppertal/ Maria Elisabeth Bauer et Volker Willmeroth/ Martina Broßonn(9),
– vu l’avis 2/13 de la Cour de justice de l’Union européenne du 18 décembre 2014 sur l’adhésion de l’Union européenne à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales(10),
– vu l’avis 4/2018 de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) du 24 septembre 2018 intitulé «Challenges and opportunities for the implementation of the Charter of Fundamental Rights» (Problèmes rencontrés dans l’application de la charte des droits fondamentaux et solutions possibles),
– vu les rapports annuels sur les droits fondamentaux de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne,
– vu le manuel de la FRA d’octobre 2018 intitulé «Applying the Charter of Fundamental Rights of the European Union in law and policymaking at national level – Guidance» (Application de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dans l’élaboration des législations et des politiques au niveau national – Orientations),
– vu la boîte à outils pour une meilleure réglementation, en particulier l’outil nº 28 «Droits fondamentaux et droits de l’homme»,
– vu l’article 38 de son règlement intérieur,
– vu l’avis du secrétaire général du Conseil de l’Europe du 2 décembre 2016 sur l’initiative visant la mise en place d’un socle européen des droits sociaux par l’Union européenne,
– vu le document de la délégation néerlandaise de la Conférence des organes parlementaires spécialisés dans les affaires de l’Union des parlements de l’Union européenne (COSAC) sur la transparence de l’Union européenne, publié en novembre 2017 et intitulé «Opening up closed doors: Making the EU more transparent for its citizens» (Ouvrir des portes closes: rendre l’Union européenne plus transparente pour ses citoyens) et la lettre du 20 décembre 2017 adressée par les délégations de la COSAC aux institutions européennes sur la transparence du processus de prise de décisions politiques au sein de l’Union européenne,
– vu les études intitulées «The implementation of the Charter of Fundamental Rights in the EU institutional framework» (L’application de la charte des droits fondamentaux dans le cadre institutionnel de l’Union européenne), «The interpretation of Article 51 of the EU Charter of Fundamental Rights: the Dilemma of Stricter or Broader Application of the Charter to National Measures» (L’interprétation de l’article 51 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne: le dilemme de l’application plus stricte ou plus large de la charte aux mesures nationales) et «The European Social Charter in the context of implementation of the EU Charter of Fundamental Rights» (La charte sociale européenne dans le contexte de l’application de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne), publiées par sa direction générale des politiques internes de l’Union les 22 novembre 2016, 15 février 2016 et 12 janvier 2016 respectivement(11),
– vu l’article 52 de son règlement intérieur, ainsi que l’article 1er, paragraphe 1, point e), et l’annexe 3 de la décision de la Conférence des présidents du 12 décembre 2002 sur la procédure d’autorisation des rapports d’initiative,
– vu le rapport de la commission des affaires constitutionnelles, les avis de la commission de l’emploi et des affaires sociales et de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, la position sous forme d’amendements de la commission des droits de la femme et de l’égalité des genres et l’avis de la commission des pétitions (A8-0051/2019),
A. considérant que le traité de Lisbonne a conféré à la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «charte») le statut de droit primaire dans le cadre juridique de l’Union et la même valeur juridique que les traités;
B. considérant que le présent rapport ne prévoit pas d’évaluation distincte des droits contenus dans la charte, mais analyse l’application de ce texte en tant qu’instrument de droit primaire;
C. considérant que les dispositions sociales sont au cœur de la charte et de la structure juridique de l’Union; qu’il est essentiel de veiller au respect des droits fondamentaux et de mettre en valeur leur importance dans toute l’Union;
D. considérant qu’il ressort de la jurisprudence constante de la CJUE que les droits fondamentaux reconnus par la charte sont au cœur de la structure juridique de l’Union et que leur respect constitue un préalable indispensable à la légalité de tout acte de l’Union;
E. considérant que la charte prévoit, conformément aux exigences du droit international des droits de l’homme et de son article 51, des obligations négatives (non-violation) et positives (promotion active) qui devraient être remplies de la même manière afin de conférer un caractère pleinement opérationnel à ses dispositions;
F. considérant que l’article 51 de la charte limite le champ d’application de celle-ci en vertu du respect du principe de subsidiarité, de la prise en compte de la compétence des États membres et de l’Union européenne et du respect des limites caractérisant les compétences conférées à l’Union européenne par les traités;
G. considérant que l’article 51, paragraphe 2, de la charte précise qu’elle n’étend pas le champ d’application du droit de l’Union au-delà des compétences de l’Union, ni ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelle pour l’Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies dans les traités;
H. considérant que les institutions, organes et organismes de l’Union sont liés en permanence par la charte, même lorsqu’ils agissent en dehors du cadre juridique de l’Union;
I. considérant qu’en vertu de l’article 51, les dispositions de la charte ne s’appliquent aux États membres que lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union; que les limites incertaines d’une telle exigence rendent toutefois difficile de déterminer si et dans quelle mesure la charte s’applique concrètement;
J. considérant que le potentiel des droits sociaux et économiques énoncés dans la charte n’a pas été suffisamment exploité jusqu’à présent; que, rappelant l’avis du secrétaire général du Conseil de l’Europe, le respect des droits sociaux est non seulement un impératif éthique et une obligation juridique, mais également une nécessité économique;
K. considérant que l’article 6 du traité UE souligne également que les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la convention européenne des droits de l’homme, doivent faire partie du droit de l’Union en tant que principes généraux;
L. considérant que l’article 151 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE) fait référence aux droits sociaux fondamentaux, tels que ceux énoncés dans la charte sociale européenne;
M. considérant que son étude du 22 novembre 2016 intitulée «L’application de la charte des droits fondamentaux dans le cadre institutionnel de l’Union»(12) examine, entre autres, la pertinence de la charte au regard des activités de la Commission au titre du traité instituant le mécanisme européen de stabilité (MES) et dans le contexte du Semestre européen;; que la gouvernance économique de l’Union ne fait que peu de cas des droits sociaux prévus par la charte; que ces droits doivent être considérés comme des droits fondamentaux à part entière;
N. considérant que l’engagement du socle européen des droits sociaux à garantir aux citoyens de nouveaux droits plus efficaces en matière d’égalité des chances, d’accès au marché du travail, de conditions de travail équitables, de protection sociale et d’inclusion sociale renforce davantage les droits inscrits dans la charte;
O. considérant que le principe d’égalité entre les femmes et les hommes est une valeur fondamentale de l’Union, reconnue dans les traités et dans la charte; que l’article 8 du traité FUE établit le principe d’intégration des questions d’égalité entre les hommes et les femmes en disposant que «[p]our toutes ses actions, l’Union cherche à éliminer les inégalités, et à promouvoir l’égalité, entre les hommes et les femmes»;
P. considérant que la transparence du processus législatif et du processus de décision de l’Union européenne est le corollaire du droit à une bonne administration, prévu à l’article 41 de la charte, et constitue une condition préalable essentielle pour que les citoyens puissent évaluer et contrôler correctement l’application de la charte par les institutions de l’Union;
Q. considérant que la promotion, par les institutions, les organes et les organismes de l’Union, du large éventail de droits reconnus par la charte et par les États membres ainsi que par les organes et institutions de l’Union, allant des droits civils et politiques aux droits sociaux, économiques et de troisième génération, imprimerait un élan décisif à la création d’une sphère publique européenne et à la concrétisation visible du concept de citoyenneté européenne et de la dimension participative de l’Union consacrée par les traités;
R. considérant que la FRA a formulé plusieurs recommandations pour l’application effective de la charte des droits fondamentaux dans son avis sur l’amélioration de l’accès aux voies de recours dans les domaines des droits de l’homme et des entreprises au niveau de l’Union(13) et son avis sur les défis et opportunités pour l’application de la charte des droits fondamentaux(14);
S. considérant que l’article 24 de la charte des droits fondamentaux établit les droits de l’enfant, obligeant les autorités publiques et les institutions privées à faire de l’intérêt supérieur de l’enfant une considération primordiale;
T. considérant que l’article 14 de la charte des droits fondamentaux souligne le droit de chaque enfant à une éducation équitable;
Renforcement de l’intégration de la charte dans les processus législatif et décisionnel
1. est profondément convaincu que la stratégie de la Commission pour la mise en œuvre effective de la charte des droits fondamentaux par l’Union européenne (COM(2010)0573) a constitué un premier effort après l’entrée en vigueur de la charte, mais qu’elle doit de toute urgence être actualisée; salue les rapports annuels de la Commission sur l’application de la charte et demande un réexamen de cette stratégie, qui a été élaborée en 2010, afin de l’actualiser en tenant compte des nouveaux défis et de la réalité institutionnelle, en particulier après le Brexit;
2. reconnaît les nombreuses mesures importantes prises par les institutions de l’Union pour intégrer la charte dans les processus législatif et décisionnel de l’Union; observe que le rôle principal de la charte consiste à garantir la pleine conformité de la législation de l’Union avec les droits et principes qui y sont inscrits, et reconnaît les difficultés qu’il y a à les promouvoir activement et à garantir leur application;
3. souligne qu’il importe que toutes les propositions législatives de l’Union respectent les droits fondamentaux inscrits dans la charte;
4. rappelle que les procédures établies par les institutions de l’Union pour évaluer la compatibilité des propositions législatives avec la charte sont essentiellement de nature interne; demande la possibilité de prévoir des formes améliorées de consultation, des analyses d’impact, y compris des analyses d’impact spécifiques selon le sexe, et un contrôle juridique avec la participation d’experts indépendants en matière de droits fondamentaux; invite la Commission à encourager une coopération structurée et réglementée avec des organismes de protection des droits de l’homme, tels que la FRA, l’Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes (EIGE), les organes compétents du Conseil de l’Europe et des Nations unies, et les organisations de la société civile actives dans ce domaine, chaque fois qu’un dossier législatif est susceptible de promouvoir les droits fondamentaux ou de leur porter préjudice;
5. demande à la Commission, au Conseil et au Parlement de réviser le règlement (CE) nº 168/2007 afin de permettre à la FRA d’émettre de sa propre initiative des avis non contraignants sur les projets de législation de l’Union, ainsi que de favoriser l’organisation de consultations systématiques avec l’Agence;
6. demande à la Commission, aux autres institutions de l’Union, ainsi qu’aux gouvernements nationaux et régionaux des États membres de consulter l’Agence des droits fondamentaux lorsque les droits fondamentaux sont menacés;
7. reconnaît le rôle essentiel joué par la FRA dans l’appréciation du respect de la charte, et se félicite des travaux entrepris par l’Agence; encourage la FRA à continuer de conseiller et de soutenir les institutions de l’Union et les États membres dans l’amélioration de la culture des droits fondamentaux dans l’Union; accueille avec satisfaction la stratégie récemment adoptée par la FRA pour la période 2018-2022;
8. prend note de l’existence de Clarity, un outil interactif en ligne développé par l’Agence des droits fondamentaux qui permet de repérer facilement l’entité non judiciaire la plus adaptée, compétente en matière de droits de l’homme, en cas de question spécifique liée aux droits fondamentaux;
9. invite la Commission à réaliser des analyses d’impact exhaustives en procédant à une évaluation équilibrée des conséquences économiques, sociales et environnementales et en revenant sur sa décision de scinder ses réflexions sur les droits fondamentaux selon les trois catégories actuelles – effets économiques, sociaux et environnementaux – et à créer deux catégories spécifiques intitulées «incidences sur les droits fondamentaux» et «évaluation de l’impact selon le sexe», de manière à garantir que tous les aspects des droits fondamentaux sont évalués;
10. invite la Commission à agir systématiquement au niveau de l’Union pour faire respecter et appliquer les dispositions de la charte, et à veiller à ce que le droit de l’Union soit adapté pour tenir compte de l’évolution juridique et jurisprudentielle du droit international des droits de l’homme; réitère à cet égard la demande qu’elle a adressée à la Commission de présenter une proposition pour faire suite à la résolution du Parlement du 25 octobre 2016 sur la création d’un mécanisme de l’Union pour la démocratie, l’état de droit et les droits fondamentaux(15), qui permettrait de suivre de manière plus systématique l’évolution de la situation dans les institutions et organes de l’Union et les États membres qui demanderaient que des mesures soient prises pour la protection et le respect des droits, des libertés et des principes de la charte; suggère en particulier que les conditions fixées dans les critères de Copenhague au regard des droits fondamentaux ne soient pas utilisées une seule fois en tant que conditions préalables à l’adhésion, mais que les États membres soient régulièrement évalués à leur aune;
11. relève le rôle important du Médiateur européen pour garantir le respect des droits fondamentaux dans le cadre de la charte, non seulement en ce qui concerne l’article 41 sur le droit à une bonne administration en tant que tel, mais également en tenant compte du fait que cette bonne administration est essentielle à la garantie d’autres droits fondamentaux; rappelle le travail exemplaire accompli par la Médiatrice, entre autres dans le domaine de la transparence et de la liberté d’information, ainsi que le rapport spécial sur Frontex(16) au cours de cette législature portant notamment sur les droits de plainte des demandeurs d’asile et des migrants;
12. est conscient que la jurisprudence aura des conséquences sur le champ d’application de la charte et que cet aspect doit être pris en considération;
13. demande aux législateurs de l’Union de prendre acte des conclusions de l’arrêt du Tribunal du 22 mars 2018 (affaire T-540/15) sur l’accès aux documents des trilogues(17) et d’agir en conséquence; souligne la nécessité de renforcer la transparence et l’accès aux documents entre les institutions de l’Union, afin de développer une coopération interinstitutionnelle plus efficace, y compris en matière de responsabilité sur les questions touchant aux droits fondamentaux; invite instamment le Conseil à répondre rapidement aux préoccupations exprimées en ce qui concerne la transparence de son processus décisionnel et l’accès aux documents, conformément aux recommandations pertinentes de la Médiatrice européenne;
Intégration de la charte dans les politiques de l’Union
14. rappelle que l’élaboration des politiques de l’Union s’appuie sur les principes et les objectifs visés aux articles 2, 3, 4, 5 et 6 du traité UE, tout en approuvant et en appliquant pleinement les exigences énoncées dans les dispositions d’application générale du titre II, partie I, du traité FUE;
15. invite les institutions européennes à améliorer l’intégration de la dimension de genre dans toutes les activités de l’Union afin de combattre les discriminations fondées sur le sexe et de promouvoir l’égalité des genres;
16. réaffirme que tous les actes juridiques adoptés par l’Union doivent respecter pleinement l’ensemble des dispositions de la charte, en ce compris ses dispositions sociales; souligne qu’il importe d’intégrer des références explicites à la charte dans le cadre juridique régissant la politique économique et monétaire de l’Union; souligne que le recours à des mécanismes intergouvernementaux ne dispense pas les institutions de l’Union de leurs obligations d’évaluer la compatibilité de ces instruments avec le droit de l’Union, y compris la charte;
17. juge essentiel que l’Union prenne des mesures volontaristes pour renforcer ses engagements en matière de protection de tous les droits visés dans la charte, notamment les droits sociaux;
18. invite la Commission à veiller à ce que le processus du Semestre européen, y compris les recommandations par pays et les recommandations relatives à l’étude de croissance annuelle, respecte les critères normatifs des droits sociaux de la charte;
19. est favorable à l’introduction de dispositions fortes et cohérentes sur les droits fondamentaux dans les textes opérationnels des projets de règlements établissant les fonds de l’Union;
20. invite la Commission et le Conseil à prendre leurs décisions macroéconomiques en tenant dûment compte des évaluations des droits fondamentaux fondées sur l’ensemble des droits civils, politiques et sociaux garantis par les instruments européens et internationaux relatifs aux droits de l’homme;
21. encourage la Commission à se pencher sur les étapes requises en vue de l’adhésion de l’Union à la charte et à proposer un calendrier pour y parvenir;
22. rappelle que, conformément aux compétences définies dans les traités, il incombe en premier lieu aux États membres de mettre en pratique la politique sociale et de conférer une efficacité et une expression tangible aux dispositions sociales inscrites dans la charte; rappelle toutefois sa proposition, dans le cadre d’une éventuelle révision des traités, d’intégrer un protocole social dans les traités afin de renforcer les droits sociaux fondamentaux au regard des libertés économiques;
23. prend acte du rôle de facto indispensable, mais informel, de l’Eurogroupe dans la gouvernance économique de la zone euro et des effets que ses décisions pourraient avoir sur l’élaboration des politiques, sans qu’elles soient contrebalancées par des mécanismes appropriés de contrôle démocratique et judiciaire; rappelle à ses membres les obligations horizontales qui leur incombent en vertu des articles 2 et 6 du traité UE et de la charte;
24. demande à la Commission et à la Banque centrale européenne de respecter pleinement la charte dans l’exécution de leurs missions au titre du mécanisme européen de stabilité, notamment en ce qui concerne les pratiques de la Banque en matière de prêts, à la lumière de la jurisprudence de la CJUE;
25. rappelle que l’action de l’Union sur la scène internationale doit être guidée par les principes consacrés à l’article 21, paragraphe 1, du traité UE; est convaincu que le plein respect et la promotion des dispositions de la charte au sein de l’Union constituent un point de repère pour évaluer la légitimité et la crédibilité du comportement de l’Union dans ses relations internationales, y compris dans le cadre du processus d’élargissement prévu à l’article 49 du traité UE;
26. prend note de la compétence limitée de la CJUE dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et met en garde contre toute limitation potentielle du droit à un recours effectif consacré par la charte;
27. rappelle aux institutions européennes leurs obligations en matière de droits de l’homme dans le cadre de la charte, y compris dans le domaine de la politique commerciale; encourage la Commission à procéder à des analyses d’impact spécifiques sur les droits de l’homme avant la conclusion de toute négociation commerciale, en faisant référence aux principes directeurs des Nations unies applicables aux études d’impact des accords de commerce et d’investissement sur les droits de l’homme;
28. rappelle que les traités comme la charte font référence à la protection des minorités nationales et à la discrimination fondée sur la langue; demande l’adoption de mesures administratives concrètes au sein des institutions de l’Union afin d’encourager les gouvernements nationaux à trouver des solutions durables et à promouvoir la diversité linguistique dans les États membres, au-delà des langues officielles de l’Union;
29. rappelle l’obligation, énoncée à l’article 6 du traité UE, d’adhérer à la CEDH; invite la Commission à prendre les mesures nécessaires pour éliminer les obstacles juridiques qui empêchent la conclusion du processus d’adhésion et à présenter un nouveau projet d’accord pour l’adhésion de l’Union à la CEDH, qui apporte des solutions positives aux objections soulevées par la CJUE dans son avis 2/13 du 18 décembre 2014; estime que cette adhésion introduirait de nouvelles garanties pour les droits fondamentaux des citoyens et des résidents de l'Union et apporterait un mécanisme supplémentaire pour faire respecter les droits de l’homme, à savoir la possibilité d’introduire un recours auprès de la Cour européenne des droits de l’homme contre un acte contraire aux droits de l’homme commis par une institution de l’Union ou un État membre dans l’application du droit de l’Union et relevant de la CEDH; estime, en outre, que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme apportera ainsi une contribution supplémentaire à l’action actuelle et à venir de l’Union en matière de respect et de promotion des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines des libertés publiques, de la justice et des affaires intérieures, en plus de la jurisprudence de la CJUE en la matière;
30. préconise de parachever immédiatement l’adoption de la directive horizontale relative à la lutte contre les discriminations(18) afin d’améliorer encore le respect des droits fondamentaux dans l’Union au moyen d’une législation européenne concrète;
La charte et les agences de l’Union
31. souligne que certaines agences de l’Union ont le potentiel d’aider les États membres à remplir les obligations qui leur incombent en vertu de la charte, en jouant fréquemment le rôle de lien opérationnel entre les échelons européen et national; précise que cette tâche ne peut être accomplie efficacement qu’en instaurant une véritable pratique des droits fondamentaux au sein des agences qui œuvrent dans le secteur de la justice et des affaires intérieures et/ou de celles dont les activités pourraient avoir une incidence sur les droits et les principes découlant de la charte, en tenant compte à la fois des dimensions interne et externe de la protection et de la promotion des droits fondamentaux;
32. invite les agences concernées de l’Union à accélérer leurs travaux visant à mettre en œuvre les principes d’égalité entre les sexes consacrés par la charte des droits fondamentaux, notamment en s’assurant que l’ensemble des institutions et organismes de l’Union appliquent une politique de tolérance zéro vis-à-vis de toutes les formes de violence sexiste et de harcèlement physique ou psychologique; invite les institutions et organismes de l’Union dans leur ensemble à mettre pleinement en œuvre sa résolution du 26 octobre 2017 sur la lutte contre le harcèlement et les abus sexuels dans l’UE(19);
33. prend acte de l’éventail diversifié de politiques et d’instruments mis au point par les diverses agences pour appliquer leurs obligations fondamentales dans le domaine des droits de l’homme, ce qui se traduit par différents degrés d’application; insiste sur la nécessité de favoriser la coopération entre les agences de l’Union et l’instauration de dialogues structurés avec les experts indépendants en matière de droits de l’homme, ainsi que de s’appuyer sur les bonnes pratiques existantes, afin d’établir un cadre commun et renforcé des droits de l’homme;
34. invite les agences de l’Union qui œuvrent dans les secteurs de la justice et des affaires intérieures et/ou celles dont les activités pourraient avoir une incidence sur les droits et les principes découlant de la charte à adopter des stratégies internes en matière de droits fondamentaux et à promouvoir des sessions de formation régulières sur les droits fondamentaux et la charte pour leur personnel à tous les niveaux;
35. déplore que les règlements fondateurs de nombreuses agences de l’Union ne fassent pas explicitement référence à la charte; invite les colégislateurs à combler cette lacune, s’il y a lieu, lors de l’élaboration ou de la révision des règlements ou des décisions portant création d’agences, et à prévoir, en tenant compte du mandat et des spécificités de chaque agence, des mécanismes opérationnels supplémentaires garantissant le respect de la charte;
Soutien des États membres dans l’application de la charte au niveau national
36. rappelle que les dimensions européenne et nationale de la charte sont inextricablement liées et se complètent mutuellement pour garantir l’application cohérente des dispositions de la charte dans le cadre juridique global de l’Union;
37. souligne la méconnaissance persistante de la charte, de son champ d’application et de son degré d’application, tant chez les titulaires de droits qui bénéficient de sa protection que chez les juristes et les spécialistes des droits de l’homme, et déplore le manque de mesures nationales visant à remédier à une telle lacune;
38. invite la Commission à renforcer ses activités de sensibilisation concernant la charte, avec la pleine participation des organisations de la société civile, et à promouvoir et à financer des modules de formation ciblés pour les juges nationaux, les praticiens du droit et les fonctionnaires, afin également d’améliorer la connaissance des politiques de l’Union et du droit de l’Union, notamment le droit matériel et procédural, l’utilisation des instruments de coopération judiciaire de l’Union, la jurisprudence pertinente de la CJUE, la langue juridique et le droit comparé; invite en outre la Commission à fournir aux États membres des orientations pratiques les aidant à appliquer la charte au niveau national; demande à la Commission, dans ce contexte, de faire pleinement connaître le manuel de la FRA sur l’application de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dans l’élaboration des législations et des politiques au niveau national, publié récemment;
39. encourage les États membres à échanger régulièrement des informations et leur expérience sur l’utilisation, l’application et le contrôle de la charte et à intégrer les bonnes pratiques déjà adoptées au niveau national; encourage les États membres à réviser leurs règles de procédure concernant le contrôle juridique et les analyses d’impact des projets de loi dans la perspective de la charte; note que ces procédures devraient faire explicitement référence à la charte, de la même manière qu’elles se réfèrent aux instruments nationaux relatifs aux droits de l’homme, afin de réduire le risque que la charte soit ignorée;
40. souligne que les lacunes de la transposition et de l’application du droit de l’Union dans les États membres peuvent avoir une réelle incidence sur la jouissance des droits fondamentaux de l’Union; rappelle, dans ce contexte, le rôle de gardienne des traités joué par la Commission, qui est responsable en dernier ressort, voire au premier chef, de la protection les droits fondamentaux, notamment, le cas échéant, au moyen de procédures d’infraction; demande, à cet égard, que des initiatives plus fermes soient prises afin de garantir une application correcte de la législation de l’Union;
Vers une interprétation plus cohérente de la charte
41. est convaincu que les différentes interprétations de l’application des dispositions de la charte par les institutions, organes et organismes de l’Union et les États membres sont préjudiciables à la valeur ajoutée apportée par la charte, laquelle établit un ensemble de normes minimales communes de protection applicables horizontalement à tous les acteurs institutionnels et aux politiques et activités liées à l’espace de l’Union;
42. souligne que l’intégration de la charte dans le droit primaire de l’Union, si elle n’étend pas les compétences de l’Union et respecte le principe de subsidiarité inscrit à son article 51, crée de nouvelles responsabilités pour les institutions ayant des rôles décisionnels et d’exécution ainsi que pour les États membres en ce qui concerne la mise en œuvre de la législation de l’Union au niveau national, de sorte que les dispositions de la charte sont désormais directement protégées par les tribunaux européens et nationaux;
43. encourage les institutions de l’Union et les États membres à permettre une interprétation plus directe de la charte dans son ensemble;
44. regrette que, à ce jour, la République de Pologne et le Royaume-Uni n’aient pas décidé de se retirer du protocole 30 des traités;
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45. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission, ainsi qu’aux gouvernements et aux parlements des États membres.
Étude intitulée «The implementation of the Charter of Fundamental Rights in the EU institutional framework», Parlement européen, direction générale des politiques internes de l’Union, département thématique C, 22 novembre 2016; étude intitulée «The interpretation of Article 51 of the EU Charter of Fundamental Rights: the Dilemma of Stricter or Broader Application of the Charter to National Measures», direction générale des politiques internes de l’Union, département thématique C, 15 février 2016, et étude intitulée «The European Social Charter in the context of implementation of the EU Charter of Fundamental Rights», 12 janvier 2016.
«The Implementation of the Charter of Fundamental Rights in the EU institutional framework», Parlement européen, direction générale des politiques internes, département thématique C – droits des citoyens et affaires constitutionnelles, 22 novembre 2016.
Résolution du Parlement européen du 2 décembre 2015 sur le rapport spécial du Médiateur européen dans l'enquête d'initiative OI/5/2012/BEH-MHZ relative à Frontex (JO C 399 du 24.11.2017, p. 2).
Proposition de la Commission du 2 juillet 2008 sur une directive du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle (COM(2008)0426).