Réouverture de l’enquête à l’encontre du Premier ministre de la République tchèque pour utilisation abusive des fonds européens et conflits d’intérêts potentiels
Résolution du Parlement européen du 19 juin 2020 sur la réouverture de l’enquête à l’encontre du Premier ministre de la République tchèque pour utilisation abusive des fonds européens et conflits d’intérêts potentiels (2019/2987(RSP))
Le Parlement européen,
– vu l’article 13, paragraphe 2, et l’article 17, paragraphe 3, du traité sur l’Union européenne (traité UE),
– vu ses précédentes décisions et résolutions sur la décharge octroyée à la Commission pour les exercices 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018,
– vu les enquêtes administratives menées par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) sur un projet en République tchèque dénommé «Stork Nest», lesquelles ont constaté de «graves irrégularités»,
– vu la mission d’information effectuée par la commission du contrôle budgétaire en République tchèque les 26 et 27 mars 2014,
– vu sa résolution du 13 décembre 2018 sur les conflits d’intérêts et la protection du budget de l’Union européenne en République tchèque(1),
– vu la loi tchèque nº 159/2006 du 16 mars 2006 sur les conflits d’intérêts, dont l’article 4, point c), est entré en vigueur en février 2017,
– vu le règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil du 18 juillet 2018 relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union(2) (ci-après le «nouveau règlement financier»), qui est entré en vigueur le 2 août 2018, et notamment son article 61,
– vu les articles 144 et 145 du règlement (UE) nº 1303/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant dispositions communes relatives au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen, au Fonds de cohésion, au Fonds européen agricole pour le développement rural et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, portant dispositions générales applicables au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen, au Fonds de cohésion et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche(3),
– vu les questions et la plainte adressées à la Commission en ce qui concerne le conflit d’intérêts potentiel en République tchèque(4),
– vu l’avis du service juridique de la Commission, rendu le 19 novembre 2018, intitulé «Impact of Article 61 of the new Financial Regulation (conflict of interests) on payments from the European Structural and Investment (ESI) Funds» (incidence de l’article 61 du nouveau règlement financier (conflit d’intérêts) sur les paiements provenant des Fonds structurels et d’investissement européens (Fonds ESI),
– vu la conférence de presse donnée le 4 décembre 2019 par le procureur général d’État en ce qui concerne la réouverture de l’enquête à l’encontre du Premier ministre de la République tchèque pour utilisation abusive des fonds européens,
– vu sur son débat en plénière du 18 décembre 2019 concernant les conflits d’intérêts et la corruption affectant la protection des intérêts financiers de l’Union dans les États membres,
– vu son débat en plénière du 15 janvier 2020 sur la réouverture de la procédure à l’encontre du Premier ministre de la République tchèque pour utilisation abusive des fonds européens et conflits d’intérêts potentiels,
– vu la mission d’information effectuée par la commission du contrôle budgétaire en République tchèque du 26 au 28 février 2020,
– vu la décision Pl. ÚS 4/17 de la Cour constitutionnelle tchèque du 18 février 2020,
– vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,
A. considérant que l’enquête judiciaire sur le Premier ministre tchèque Andrej Babiš, ouverte après le rapport de l’OLAF sur une utilisation irrégulière des subventions de l’Union destinées aux petites entreprises et suspendue deux ans plus tard, a récemment été rouverte par le procureur général d’État tchèque; rappelant que, dans le cadre du projet «Stork Nest», Agrofest a artificiellement créé une moyenne entreprise, qui est restée sous son contrôle, afin d’obtenir des fonds destinés aux petites et moyennes entreprises pour un montant total de quelque 2 millions d’euros;
B. considérant que le procureur général d’État tchèque a dénoncé l’abandon de l’enquête judiciaire, qu’il a qualifié d’«illégal et prématuré», étant donné que le droit de l’Union n’a pas été pris en considération, ajoutant que le processus d’octroi des subventions n’avait pas fait l’objet de suffisamment de contrôles;
C. considérant que l’article 61, paragraphe 1, du règlement financier (en liaison avec l’article 61, paragraphe 3) prévoit:
a)
une obligation négative imposée aux acteurs financiers afin d’éviter les situations de conflit d’intérêts en ce qui concerne le budget de l’Union;
b)
une obligation positive imposée aux acteurs financiers de prendre des mesures appropriées pour éviter tout conflit d’intérêts dans les fonctions relevant de leur responsabilité et pour remédier aux situations qui peuvent, objectivement, être perçues comme un conflit d’intérêts;
D. considérant que l’article 63 du règlement financier dispose que les États membres doivent mettre en place des systèmes de gestion et de contrôle qui permettent, conformément à l’article 36, paragraphe 3, d’éviter les conflits d’intérêts;
E. considérant qu’en février 2017, la loi tchèque nº 159/2006 sur les conflits d’intérêts a été modifiée pour élargir la liste des activités interdites et ajouter des dispositions qui empêchent certaines entreprises de participer à des marchés publics, et ce même en tant que sous-traitant, ou de bénéficier de subventions; considérant que la loi vise à prévenir les conflits d’intérêts sous toutes leurs formes;
F. considérant que les règles en matière de marchés publics obligent les États membres à prévenir les conflits d’intérêts (article 24 de la directive 2014/24/UE(5)), couvrant également les intérêts personnels directs ou indirects, et que des règles ont été mises en place pour faire face aux situations perçues comme des conflits d’intérêts ainsi que pour les obligations spécifiques en matière de gestion partagée (comme le règlement (UE) nº 1303/2013);
G. considérant que, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne(6), «la confusion d’intérêts constitue en soi et objectivement un dysfonctionnement grave, sans qu’il soit nécessaire de tenir compte, pour sa qualification, des intentions des intéressés et de leur bonne ou mauvaise foi»;
H. considérant que la Commission est tenue de suspendre les paiements au titre des fonds de l’Union en cas de manquement grave dans le fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle et en cas de révélation concernant de graves irrégularités non constatées, non signalées et non corrigées liées à un conflit d’intérêts;
I. considérant qu’Agrofert est un conglomérat créé par le Premier ministre tchèque, constitué de plus de 230 entreprises et comptant plus de 34 000 salariés (2017); considérant que M. Babiš s’est révélé être le propriétaire effectif de la société Agrofert qui contrôle le groupe Agrofert, ainsi que d’un certain nombre de médias tchèques majeurs, au moyen des fonds fiduciaires AB I et AB II dont il est à la fois le fondateur et l’unique bénéficiaire; considérant qu’à chaque fois que M. Babiš décide de dissoudre ces fonds fiduciaires, il reprend pleine possession de tous les actifs qu’ils détiennent;
J. considérant qu’en janvier et en février 2019, plusieurs services de la Commission (DG REGIO/DG EMPL, DG AGRI (DG associée)) ont réalisé un audit coordonné complet sur l’application du droit de l’Union et du droit national; considérant qu’un audit en cours de la commission AGRI examine les allégations de conflits d’intérêts concernant le ministre tchèque de l’agriculture;
K. considérant qu’en novembre 2019, la Commission a envoyé le rapport d’audit définitif de la DG REGIO et de la DG EMPL aux autorités tchèques, à la suite des allégations de conflits d’intérêts en République tchèque sur la base de l’article 61 du règlement financier, lesquelles ont été éventées dans les médias tchèques;
L. considérant que la commission du contrôle budgétaire a tenu le 16 décembre 2019 une réunion à huis clos avec Johannes Hahn, commissaire chargé du budget et de l’administration;
M. considérant que le commissaire Hahn a informé la commission du contrôle budgétaire que la Commission ne rendra publiques les conclusions de son audit qu’une fois que tous les éléments de preuve auront été dûment examinés et analysés en profondeur; que les autorités tchèques ont remis le 29 mai 2020 leurs réponses aux rapport d’audit définitif de la DG REGIO;
N. considérant que l’audit de la Commission est toujours en cours et qu’à titre de précaution et tant que la situation n’a pas été clarifiée, aucun paiement d’importance provenant du budget de l’Union au titre des Fonds ESI n’est versé aux entreprises appartenant directement ou indirectement à M. Babiš qui pourraient être impliquées dans le conflit d’intérêts présumé;
O. considérant que la Commission ne rembourse pas aux autorités tchèques les paiements effectués au titre du Fonds pour le développement rural en faveur de projets du groupe Agrofert potentiellement concernés par le conflit d’intérêts présumé;
P. considérant que le Parlement tchèque n’exerce aucun contrôle sur les éventuels marchés publics, subventions tchèques au niveau national ou investissements publics soutenus par l’État dont le groupe Agrofert pourrait continuer à profiter;
Q. considérant que le groupe Agrofert possède deux des principaux quotidiens tchèques, Mladá fronta Dnes et Lidové Noviny, et qu’il contrôle la chaîne de télévision Óčko ainsi que les chaînes de radio Impuls et RockZone; considérant que, d’après un rapport de la Fédération européenne des journalistes, M. Babiš est le propriétaire de fait de 30 % des médias privés en République tchèque(7);
R. considérant que les recettes du groupe Agrofert ont considérablement augmenté pendant le mandat de M. Babiš et que, dans le même temps, le groupe Agrofert a bénéficié de subventions agricoles de l’Union d’un montant total de 970 414 000 CZK en 2016, de 1 048 685 000 CZK en 2017 et de 973 284 000 en 2018 rien qu’en République tchèque; considérant que le groupe Agrofert aurait reçu des subventions de l’Union au titre du Fonds de cohésion s’élevant à 427 385 000 CZK pour la période 2014-2020 en République tchèque; considérant que le groupe Agrofert a très probablement bénéficié de subventions supplémentaires dans d’autres États membres, tels que la Slovaquie et l’Allemagne;
S. considérant que, dans sa décision Pl. ÚS 4/17 de février 2020, la Cour constitutionnelle de la République tchèque a rejeté l’action en justice intentée par le président de la République tchèque et les membres du Parlement tchèque portant sur l’abrogation de la loi tchèque qui définit les conflits d’intérêts des fonctionnaires publics; considérant que la Cour constitutionnelle a précisé dans la même décision que les élections ne doivent pas être utilisées pour prendre le contrôle de l’État dans le but d’utiliser ses capacités et ressources, voire d’en abuser;
1. se félicite de la réouverture de l’enquête judiciaire à l’encontre du Premier ministre tchèque pour sa participation au projet «Stork Nest»; s’attend à ce que le système judiciaire national mène à bien cette procédure de manière indépendante et libre de toute influence politique;
2. dénonce toute situation de conflit d’intérêts qui pourrait compromettre l’exécution du budget de l’Union et saper la confiance des citoyens de l’Union dans la bonne gestion de l’argent des contribuables de l’Union;
3. demande à la Commission, en tant que gardienne des traités, de lutter contre toutes les formes de conflit d’intérêts et d’évaluer les mesures préventives prises par les États membres pour les éviter;
4. demande à la Commission de mettre en place un mécanisme de contrôle pour traiter le problème des conflits d’intérêts dans les États membres et pour faire de la prévention active des conflits d’intérêts, notamment l’identification des bénéficiaires finaux des subventions de l’Union, l’une de ses priorités;
5. invite la Commission à veiller à une politique de tolérance zéro à l’égard des conflits d’intérêts, à obtenir rapidement le recouvrement des subventions susceptibles d’avoir été versées de façon irrégulière, tout en respectant l’état de droit et les règles de procédure, et à prendre des mesures fermes, notamment lorsque les autorités nationales n’agissent pas pour prévenir les conflits d’intérêts parmi leurs plus hauts représentants;
6. souligne que la législation nationale relative à la prévention des conflits d’intérêts doit être compatible avec la lettre et l’esprit du nouveau règlement financier; demande à la Commission de proposer des lignes directrices communes pour aider les États membres à éviter les conflits d’intérêts chez les politiciens en vue;
7. exhorte le Conseil et le Conseil européen à adopter des normes communes relatives à l’ensemble des problèmes liés aux conflits d’intérêts et à promouvoir une position commune dans l’ensemble des États membres;
8. invite la Commission, en cas de non-respect des règles, à prendre les mesures appropriées pour protéger le budget de l’Union, notamment des actions correctrices visant à récupérer tous les fonds qui ont été versés illégalement ou irrégulièrement, lorsque cela est prévu;
9. invite tous les États membres à intensifier leurs efforts afin d’accroître la transparence budgétaire, en veillant à ce que les données pertinentes concernant les procédures de marchés publics et l’attribution des contrats financés par des fonds publics soient facilement et librement accessibles par le grand public;
10. est préoccupé par les informations provenant de différentes régions de l’Union en ce qui concerne l’influence politique croissante exercée par des responsables politiques ayant des intérêts particuliers, proches ou faisant partie du gouvernement, sur l’élaboration de la législation et l’utilisation des deniers publics, dans le but potentiel de servir l’intérêt propre de certaines personnes plutôt que le grand public;
11. déplore que le Premier ministre tchèque ait été activement associé à la mise en œuvre du budget de l’Union en République tchèque, et continue de l’être, en sa qualité de Premier ministre (et ancien président du conseil tchèque pour les Fonds structurels et d’investissement européens), alors qu’il dirige toujours le groupe Agrofert en tant que fondateur et unique bénéficiaire des deux fonds fiduciaires, en violation de l’article 61, paragraphe 1, du règlement financier, et remet dès lors en cause l’impartialité et l’objectivité de l’exercice de ses fonctions; est vivement préoccupé par des articles récemment parus dans les médias(8) selon lesquels le Premier ministre continue d’exercer un contrôle sur les décisions économiques d’Agrofert;
12. relève que des articles récemment parus dans les médias semblent révéler que M. Babiš et son épouse figurent toujours parmi les six personnes actives exerçant une influence ou un contrôle important sur les fiduciaires d’une fiducie liée à la filiale GreenChem Solutions Ltd. d’Agrofert au Royaume-Uni;
13. insiste sur le fait que l’existence d’un conflit d’intérêts au plus haut niveau de l’administration d’un État membre, si elle est confirmée, ne peut être tolérée et que la ou les personnes concernées doivent y remédier, que ce soit:
a)
en prenant des mesures qui garantissent que ces personnes n’aient plus d’intérêts économiques ou autres relevant du champ de l’article 61 du règlement financier en rapport avec une entité économique;
b)
en veillant à ce que les entités économiques qu’elles contrôlent cessent de recevoir de quelconques fonds, subventions publiques ou financements de l’UE distribués par le gouvernement national;
c)
en s’abstenant de participer à des décisions qui concernent leurs intérêts; souligne, cependant, qu’à la lumière des fonctions et des pouvoirs du Premier ministre et des membres de son gouvernement, il semble douteux qu’une telle mesure puisse s’attaquer comme il se doit au conflit d’intérêts dans la pratique si les personnes en question continuent d’exercer leurs fonctions publiques, et que la démission du mandat public constitue donc une manière plus adéquate de remédier au conflit d’intérêts;
14. demande à la Commission de superviser de manière approfondie le processus d’attribution des paiements en République tchèque, en particulier les versements de fonds de l’UE au profit d’entreprises détenues directement ou indirectement par le Premier ministre ou tout autre membre du gouvernement participant à l’exécution du budget;
15. invite la Commission à déterminer, sans retard, si les cas dans lesquels des entreprises appartenant au groupe Agrofert continuent à recevoir des subventions du budget national sont conformes aux règles en matière d’aides d’État; relève le possible risque de préjudice financier que ces cas sont susceptibles de constituer et demande aux autorités nationales d’évaluer ces situations; estime que les contribuables tchèques et européens devraient être dûment informés d’une telle situation;
16. s’inquiète profondément des informations(9) concernant la capacité des entreprises du groupe Agrofert de déplacer artificiellement des avoirs entre les filiales de manière à satisfaire aux critères d’éligibilité des subventions destinées aux petites et moyennes entreprises ou, inversement, de joindre leurs opérations de manière à se présenter comme une grande entreprise et remporter ainsi des marchés publics;
17. déplore les informations selon lesquelles les contrôleurs ont décelé de graves déficiences dans le fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle dans le domaine des fonds régionaux et de cohésion en République tchèque, et ont dès lors proposé une correction financière de près de 20%; invite la Commission à évaluer de manière critique si ces cas correspondent à des abus systématiques des fonds européens;
18. s’inquiète de la perte financière causée par des défaillances des organismes payeurs et organismes de contrôle nationaux; invite le Conseil, dans ce contexte, à adopter d’urgence la proposition de règlement relatif à la protection du budget de l’Union en cas de défaillance généralisée de l’état de droit dans un État membre;
19. s’inquiète profondément du cadre juridique dans la République tchèque, lequel dénie à la Cour des comptes nationale le droit de contrôler la régularité et l’efficacité des dépenses publiques au niveau régional et local, ce qui empêche l’institution d’avoir une quelconque idée des bénéficiaires effectifs des structures d’entreprise complexes; déplore les informations(10) selon lesquelles la Cour des compte ne procède pas à des contrôles sur place systématiques des bénéficiaires finaux; s’inquiète des remarques désobligeantes formulées par le Premier ministre tchèque à propos des travaux de la Cour des comptes tchèque;
20. souligne qu’une composition politiquement déséquilibrée du conseil de surveillance du Fonds d’intervention agricole de l’État porte en soi le risque d’une influence politique, ce qui compromet la capacité à effectuer des audits indépendants;
21. s’inquiète des informations selon lesquelles des fonctionnaires(11) ont reçu des instructions et ont subi des pressions pour ne pas enquêter sur des allégations de conflit d’intérêts potentiel à propos du groupe Agrofert et auraient reçu l’ordre d’évaluer des offres commerciales reçues par Agrofert; s’inquiète profondément d’informations selon lesquelles des fonctionnaires ont subi des répercussions négatives, comme le licenciement sous prétexte de systémisation, après avoir refusé de suivre de tels ordres; souligne que ces mesures mettent en cause l’impartialité de l’administration et l’indépendance de l’exercice des fonctions publiques;
22. regrette les indications de faiblesses systématiques dans la détection de conflits d’intérêts; déplore l’absence de contrôles croisés et le fait que des responsabilités divergentes favorisent des structures opaques qui entravent la prévention et la détection efficaces de conflits d’intérêts en République tchèque; rappelle qu’une approche positiviste, en vertu de laquelle les agents de la fonction publique sont tenus de présenter des déclarations sur l’honneur concernant l’absence de conflit d’intérêts, n’est pas suffisante pour prévenir efficacement les situations de conflit d’intérêts; invite les autorités tchèques à se pencher sur ces lacunes systémiques sans retard, en particulier en imposant une déclaration vérifiable sur les conflits d’intérêts, dans laquelle les agents de la fonction publique fournissent une liste de leurs intérêts financiers respectifs;
23. déplore que les fonds de l’Union concernés par des corrections financières liées à des irrégularités puissent être réutilisés sans autres conséquences ni restrictions; est d’avis qu’un tel système menace les intérêts financiers de l’Union; invite la Commission à surveiller étroitement la réutilisation des fonds de l’Union et à envisager la mise en place d’un système dans lequel les corrections s’accompagneraient également de restrictions sur leur utilisation ultérieure;
24. prend acte de la décision de la Commission du 28 novembre 2019 qui suspend les montants inscrits par les autorités tchèques dans leurs déclarations intermédiaires de dépenses pour le programme tchèque en faveur du développement rural pour Q4-2018 et Q1-2019;
25. relève que la Commission a confirmé qu’elle a fait des paiements au titre de la politique agricole commune, relatifs à l’exercice 2018, à des entreprises appartenant au groupe Agrofert, ainsi qu’à des entreprises ayant le même bénéficiaire effectif dans plusieurs autres États membres en dehors de la République tchèque; insiste pour que la Commission fournisse à l’autorité de décharge un aperçu complet et fiable de tous les paiements effectués au bénéfice du groupe Agrofert et d’entreprises ayant le même bénéficiaire effectif dans tous les États membres pour les exercices 2018 et 2019;
26. demande aux autorités tchèques d’assurer la distribution équitable et équilibrée des fonds européens, de sorte que l’argent du contribuable européen bénéficie à la vaste majorité de la population, tant économiquement que socialement;
27. s’inquiète de la mise en œuvre inadéquate des directives (UE) 2015/849(12) et (UE) 2018/843(13) relatives à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme (quatrième et cinquième directives anti-blanchiment de capitaux); souligne l’obligation de transposer pleinement et correctement ces deux directives et de veiller à ce que toutes les dispositions, y compris celles concernant la transparence de la propriété effective, soient pleinement mises en œuvre;
28. presse l’unité d’analyse financière tchèque d’adopter une approche plus proactive de la lutte contre la criminalité fiscale, la fraude et la corruption, ainsi que d’assurer des contrôles efficaces de la propriété effective par les entités compétentes en vertu des règles anti-blanchiment de capitaux;
29. regrette que l’autorisation, la distribution et le contrôle des fonds européens en gestion partagée soient des processus complexes et opaques, où seuls les États membres ont pleinement accès aux données, ce qui signifie que la Commission n’est pas en mesure de fournir un aperçu rapide et complet au Parlement en réponse à une demande d’informations sur les versements à certains bénéficiaires dans plusieurs États membres; souligne que cela entrave gravement l’efficacité de la commission du contrôle budgétaire et de la Cour des comptes européenne ainsi que leur capacité à exercer leurs fonctions d’entités de contrôle;
30. invite la Commission, dans le plein respect du principe de gestion partagée, à mettre en place des modalités uniformes et normalisées permettant aux États membres de communiquer des informations sur les bénéficiaires finaux des fonds européens; souligne que les informations sur les bénéficiaires finaux devraient inclure l’indication des bénéficiaires effectifs des entreprises (personnes physiques et morales); invite la Commission à proposer un règlement portant création d’un système informatique qui permette aux autorités des États membres d’établir des rapports uniformes et standardisés en temps réel et qui soit apte à assurer l’interopérabilité avec les systèmes des États membres, de façon à garantir davantage de transparence et de coopération entre la Commission et les États membres et à renforcer encore l’obligation de rendre compte en matière de paiements, en contribuant notamment à une détection plus précoce des erreurs systémiques et des abus;
31. regrette qu’aucun des règlements régissant l’utilisation de fonds agricoles ou de cohésion n’oblige les autorités nationales à publier le bénéficiaire effectif d’une entité juridique individuelle ou d’un groupe bénéficiant des fonds; invite les colégislateurs à accorder une attention particulière à cette question et à la traiter de manière exhaustive lorsqu’ils décideront des futures règles de transparence des subventions de l’UE;
32. insiste pour que le registre de propriété effective ne contienne que des informations totalement vérifiées sur la (les) personne(s) détenant le contrôle et soit tout à fait accessible au public;
33. désapprouve vivement la création et la mise en place de structures oligarchiques bénéficiant des fonds agricoles et de cohésion de l’UE, ce qui signifie qu’une petite minorité de bénéficiaires reçoivent la vaste majorité des fonds de l’UE; invite la Commission, conjointement avec les États membres, à élaborer des instruments juridiques efficaces pour assurer le respect de l’état de droit et éviter de favoriser de telles structures;
34. affirme à nouveau qu’il craint que les cas de conflits d’intérêts compromettent les objectifs de la politique de cohésion et de la PAC, qui ont d’importantes dimensions économiques, sociales et environnementales, et qu’ils ne créent une image négative de ces politiques;
35. invite la Commission à présenter une proposition de modification des règles de la PAC en vue d’une allocation plus juste des fonds européens, afin de veiller à ce que la PAC bénéficie de manière équitable aux agriculteurs actifs, qui cultivent la terre, et n’aboutisse pas à des transactions foncières qui profitent à un groupe restreint d’initiés de la politique ou encouragent des pratiques abusives pendant les enchères de privatisation de terrains appartenant à l’État; prend acte de la proposition de la Commission en vue d’un nouveau modèle de mise en œuvre comprenant un plafonnement combiné à un mécanisme dégressif; estime, cependant, que le plafonnement, assorti de l’introduction d’une compensation préalable des coûts du travail, est insuffisant pour garantir une allocation plus juste des paiements directs; adhère à l’idée d’un mécanisme de redistribution obligatoire;
36. constate que les droits de propriété foncière sont souvent peu clairement définis et que des terrains sont demeurés classés comme terrains de l’État sous la supervision de l’Office foncier national, qui avait tendance à les louer à de grandes sociétés agricoles; prend acte des efforts des autorités tchèques pour identifier les propriétaires légitimes jusqu’en 2023; insiste sur le fait que la mise aux enchères de terrains dont les propriétaires légitimes ne peuvent être établis doit avoir lieu d’une manière équitable, en donnant des chances égales aux agriculteurs de petite et de moyenne taille et aux jeunes agriculteurs d’acquérir la terre;
37. presse la Commission de déposer une proposition afin de plafonner le montant des paiements directs par personne physique en tant que bénéficiaire effectif d’une ou de plusieurs entreprises, tout en appliquant une politique de tolérance zéro pour les conflits d’intérêts; souligne qu’il ne devrait pas être de recevoir des centaines de millions d’euros de subventions européennes au cours d’un seul cadre financier pluriannuel (CFP);
38. insiste pour que les responsables de l’utilisation abusive des fonds européens en subissent les conséquences et pour que, le cas échéant, les corrections financières ne soient pas mises à charge des contribuables nationaux; invite les autorités nationales tchèques à récupérer les subventions indûment versées auprès de ceux qui en ont bénéficié illégalement; estime qu’il y a lieu d’introduire, pour la prochaine période de programmation, une condition favorisante pour l’utilisation des fonds européens, exigeant que la législation nationale comprenne des dispositions obligeant le bénéficiaire responsable à recouvrer les fonds demandés à tort;
39. condamne vivement l’utilisation publique, par le Premier ministre, pendant sa conférence de presse, de propos diffamatoires et haineux contre les participants à la mission d’information du 26 au 28 février 2020; juge inacceptable que des députés au Parlement européen qui ont participé à la mission d’information de la commission du contrôle budgétaire en République tchèque aient reçu des menaces de mort et subi d’autres agressions verbales dans l’exercice de leurs responsabilités de députés au Parlement européen;
40. demande à la commission du contrôle budgétaire de rendre compte au Parlement des éclairages utiles obtenus pendant sa mission d’information et d’informer la Commission et les autorités concernées en conséquence;
41. invite la Commission à faire de son mieux pour finaliser les procédures d’audit en cours sans retard et rendre ses constatations publiques dès que tous les éléments auront été dûment évalués; encourage le Conseil et le Conseil européen à étudier les conclusions de ces audits et à accorder l’attention requise à l’article 61 du règlement financier lors des négociations pour le prochain CFP;
42. invite la Commission à assurer le suivi des allégations de conflits d’intérêt non résolus dans d’autres États membres;
43. regrette une fois encore que la Commission ait mis fin à la déclaration pays par pays dans le cadre du deuxième rapport anticorruption de l’Union (ARES (2017)455202); réitère sa demande pour que la Commission, indépendamment du nouveau Semestre européen, fasse de nouveau état de la situation en matière de corruption dans les États membres et évalue l’efficacité des mesures de lutte contre la corruption soutenues par l’Union; prie une nouvelle fois la Commission de ne pas évaluer les efforts de lutte contre la corruption à travers le seul prisme des pertes économiques;
44. souligne l’importance du respect de l’état de droit, de la séparation des pouvoirs, de l’indépendance du système judiciaire ainsi que de l’indépendance et du pluralisme des médias comme condition préalable à la bonne utilisation des financements européens;
45. souligne qu’il importe que les médias publics indépendants ainsi que les journalistes d’investigation et les organisations non gouvernementales œuvrent au renforcement de l’état de droit; souligne, à cet égard, que le soutien de l’UE aux journalistes indépendants et aux organisations de la société civile est essentiel, y compris dans le contexte du prochain CFP; s’inquiète de la concentration élevée de médias privés entre les mains de quelques personnes en République tchèque;
46. invite la Commission à tenir compte des inquiétudes exprimées dans la présente résolution lors du suivi de la situation dans le contexte du mécanisme de protection de l’état de droit;
47. invite les autorités tchèques à informer les institutions européennes des résultats de l’enquête «Stork Nest», qui a été rouverte, dans les meilleurs délais;
48. demande au Conseil et au Conseil européen de prendre toutes les mesures nécessaires et appropriées pour prévenir tout conflit d’intérêts dans le contexte des négociations sur le futur budget de l’Union et le prochain CFP, conformément à l’article 61, paragraphe 1, du règlement financier;
49. exprime sa solidarité avec la population tchèque qui réclame l’équité, la justice et la résolution de l’incompatibilité des intérêts économiques du Premier ministre tchèque avec son rôle et ses pouvoirs politiques;
50. charge son Président de transmettre la présente résolution à la Commission, au Conseil, ainsi qu’au gouvernement et au parlement de la République tchèque.
Informations de fonctionnaires et de représentants d’ONG, portées à l’attention des membres de la mission d’information en République tchèque du 26 au 28 février 2020.
Directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme (JO L 141 du 5.6.2015, p. 73).
Directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ainsi que les directives 2009/138/CE et 2013/36/UE (JO L 156 du 19.6.2018, p. 43).