Résolution du Parlement européen du 19 juin 2020 sur les manifestations contre le racisme après la mort de George Floyd (2020/2685(RSP))
Le Parlement européen,
– vu le traité sur l’Union européenne (traité UE), et en particulier les deuxième et quatrième, cinquième, sixième et septième alinéas de son préambule, ainsi que l’article 2, l’article 3, paragraphe 3, deuxième alinéa, et l’article 6 du traité UE,
– vu les articles 10 et 19 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE),
– vu la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, notamment ses articles 2, 3, 4, 5 et 21,
– vu la directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique(1),
– vu la décision-cadre 2008/913/JAI du Conseil du 28 novembre 2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal(2),
– vu la directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité et remplaçant la décision-cadre 2001/220/JAI du Conseil(3),
– vu le rapport 2020 sur les droits fondamentaux de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA), la deuxième enquête de l’Union européenne sur les minorités et la discrimination (EU-MIDIS II) publiée en décembre 2017 par la FRA, les enquêtes de la FRA intitulées «Être noir dans l’UE», publiées le 23 novembre 2018 et le 15 novembre 2019 respectivement, ainsi que le rapport de la FRA sur la discrimination raciale et la violence raciste que rencontrent les personnes d’ascendance africaine dans l’Union européenne,
– vu sa résolution du 16 janvier 2019 sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne en 2017(4),
– vu ses résolutions antérieures sur le racisme et la haine contre les minorités dans le monde,
– vu sa résolution du 26 mars 2019 sur les droits fondamentaux des personnes d’ascendance africaine en Europe(5),
– vu sa résolution du 14 février 2019 sur le droit à manifester pacifiquement et l’usage proportionné de la force(6),
– vu la création, en juin 2016, du groupe de haut niveau de l’Union européenne sur la lutte contre le racisme, la xénophobie et d’autres formes d’intolérance,
– vu les recommandations stratégiques générales de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI),
– vu la visioconférence de presse du 2 juin 2020 avec le vice-président de la Commission/haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (HR/VP) à la suite du décès de George Floyd,
– vu l’échange de vues du 5 juin 2020 sur l’affaire George Floyd au sein de sa sous-commission «droits de l’homme»,
– vu le Guide pour la prévention du profilage illicite aujourd’hui et demain publié par la FRA le 5 décembre 2018,
– vu le protocole nº 12 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui interdit la discrimination,
– vu la recommandation du Comité des ministres du Conseil de l’Europe du 19 septembre 2001 sur le Code européen d’éthique de la police,
– vu la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948,
– vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) de 1966,
– vu la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et les recommandations générales du comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD),
– vu la déclaration du 28 mai 2020 de Michelle Bachelet, haute-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, condamnant le meurtre de George Floyd,
– vu la déclaration prononcée le 5 juin 2020 par des experts indépendants des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme des Nations unies sur les manifestations contre le racisme systémique aux États-Unis,
– vu la déclaration et le programme d’action de Durban de 2002 et leur suivi, ainsi que le rapport de la rapporteuse spéciale des Nations unies sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d’intolérance qui y est associée sur la lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée,
– vu la décennie internationale des personnes d’ascendance africaine,
– vu la constitution des États-Unis,
– vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,
A. considérant que le 25 mai 2020, George Floyd, un Afro-Américain âgé de 46 ans et non armé, a été arrêté au motif qu’il aurait utilisé un faux billet et tué à Minneapolis (Minnesota) par un policier blanc qui l’a asphyxié en exerçant une pression du genou contre son cou pendant 8 minutes et 46 secondes; que George Floyd a répété à plusieurs reprises qu’il n’arrivait pas à respirer;
B. considérant que la mort de George Floyd, dernier exemple en date d’une longue liste de décès qui témoigne du recours excessif à la force par la police, a donné lieu à des manifestations et à des protestations de masse contre le racisme et la brutalité de la police dans l’ensemble des États-Unis et du monde;
C. considérant qu’à la suite de ces manifestations de masse, l’inculpation du policier, Derek Chauvin, pour homicide involontaire (third degree murder without intention to kill) a été requalifiée en violences ayant entraîné la mort et homicide volontaire sans préméditation (second degree murder and manslaughter), faits passibles d’une peine maximale combinée de 35 ans d’emprisonnement; que les trois autres policiers impliqués dans l’arrestation de George Floyd ont été licenciés et inculpés pour complicité;
D. considérant que la violence et les destructions ne permettront pas de remédier au problème persistant de discrimination et qu’elles doivent être vivement dénoncées; que les manifestants doivent exprimer leurs revendications de manière pacifique, et que la police et autres forces de sécurité doivent s’abstenir d’aggraver une situation déjà tendue par un recours excessif à la force;
E. considérant que les manifestations en réaction à la mort de George Floyd s’inscrivent dans une longue tradition de manifestations contre les violences policières et le racisme aux États-Unis; qu’aux États-Unis, les Noirs et les personnes de couleur représentent jusqu’à 40 % de la population carcérale, alors qu’ils ne forment que 13 % du total de la population; que le taux de mortalité en garde à vue aux États-Unis est six fois plus élevé pour les Noirs que pour les Blancs, et trois fois plus élevé pour les Latino-Américains(7) que pour les Blancs, tout comme le recours excessif ou létal à la force, qui touche de manière disproportionnée les personnes de couleur;
F. considérant que des incidents violents ont eu lieu durant les manifestations, y compris à Minneapolis;
G. considérant que le président, Donald Trump, a fait déployer la garde nationale;
H. considérant que la réaction et la rhétorique utilisée par le président des États-Unis, notamment la menace de déployer l’armée américaine si les manifestations ne cessaient pas, sont venues jeter de l’huile sur le feu et n’ont servi qu’à conforter les manifestants dans leur indignation;
I. considérant qu’un journaliste de CNN, Omar Jimenez, et ses collègues ont été arrêtés alors qu’ils couvraient une manifestation à Minneapolis, pour être ensuite libérés après confirmation de leur qualité de journalistes; que de très nombreux journalistes ont été empêchés de couvrir librement les manifestations, bien qu’ils aient affiché clairement leur titre d’accréditation, et que des dizaines d’entre eux ont été attaqués par les forces de police et, pour certains, gravement blessés;
J. considérant que l’Union s’est engagée à respecter la liberté d’expression et d’information, ainsi que la liberté de réunion et d’association; que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), toutes les restrictions des droits fondamentaux et des libertés civiles doivent respecter les principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité;
K. considérant que, comme le prescrit l’article 10 de la CEDH, l’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités, il peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire;
L. considérant que, conformément à l’article 4, paragraphe 2, du traité UE, l’Union européenne «respecte les fonctions essentielles [des États membres], notamment celles qui ont pour objet d’assurer leur intégrité territoriale, de maintenir l’ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale»; qu’en particulier, «la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre»;
M. considérant qu’à la suite du décès de George Floyd et des manifestations aux États-Unis, des milliers de personnes ont manifesté dans les villes européennes et du monde entier en soutien aux manifestations américaines, pour protester contre le racisme aux côtés du mouvement «Black Lives Matter»; que ce mouvement existe depuis longtemps;
N. considérant que dans certains États membres de l’Union, les manifestations ont renforcé le mouvement d’opposition au racisme ciblant les personnes noires et de couleur et sont venues rappeler le passé colonial de l’Europe et son rôle dans la traite transatlantique des esclaves; que ces injustices et ces crimes contre l’humanité devraient être reconnus au niveau européen et national, et abordés au niveau institutionnel ainsi que dans le cadre des programmes scolaires;
O. considérant que d’aucuns au sein de la communauté internationale ont fermement rejeté le recours excessif à la force, condamné toutes les formes de violence et de racisme et demandé que tous les incidents de ce type soient traités rapidement, efficacement et dans le plein respect de l’état de droit et des droits de l’homme; considérant que les dirigeants des institutions de l’Union devraient condamner publiquement et sans réserve le racisme et les brutalités policières qui ont conduit à la mort de George Floyd et d’autres personnes;
P. considérant que la démocratie, l’état de droit et les droits fondamentaux sont des principes fondateurs consacrés par le droit européen; que ces principes et valeurs communs devraient former le ciment de notre lutte contre les injustices, le racisme et la discrimination sous toutes leurs formes;
Q. considérant que l’égalité de traitement et la non-discrimination sont des droits fondamentaux inscrits dans les traités et dans la charte des droits fondamentaux, et devraient être pleinement respectés;
R. considérant que l’article 21, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux précise que toute discrimination, telle qu’une discrimination fondée sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, est interdite;
S. considérant que la devise de l’Union, «Unie dans la diversité», englobe non seulement la nationalité, mais aussi toutes les caractéristiques susmentionnées;
T. considérant que le racisme sévit dans le monde entier et que les attitudes racistes et xénophobes persistent partout;
U. considérant que le racisme structurel se reflète également dans les inégalités socio-économiques et la pauvreté, et que ces facteurs interagissent et se renforcent mutuellement; que ce phénomène est particulièrement visible sur le marché du travail, où la plupart des travailleurs précaires sont des personnes de couleur, mais également dans le logement et l’éducation; que les actions en faveur de l’égalité et contre le racisme structurel doivent aller de pair et être menées de manière systématique;
V. considérant que d’après la FRA, la discrimination raciale et le harcèlement raciste restent communs dans toute l’Union européenne(8); que les minorités raciales et ethniques sont victimes de harcèlement, de violences et de discours de haine, en ligne et hors ligne; qu’elles rencontrent une discrimination structurelle dans l’Union dans tous les domaines, y compris le logement, l’emploi et l’éducation;
W. considérant que, d’après l’enquête de la FRA, les groupes racisés les plus touchés par le racisme et la discrimination en Europe en raison de leur origine ethnique ou parce qu’ils sont issus de l’immigration sont les Roms, les Maghrébins et les personnes originaires d’Afrique subsaharienne(9); considérant que des enquêtes de la FRA font également état de niveaux élevés de discrimination et de racisme à l’égard des musulmans(10) et des juifs(11);
X. considérant que, dans toute l’Union, certaines personnalités écoutées par l’opinion et des femmes et hommes politiques adoptent des positionnements racistes et xénophobes et entretiennent ainsi un climat social propice au racisme, aux discriminations et aux délits et crimes inspirés par la haine; que ce climat est alimenté par des mouvements populistes et extrémistes qui s’efforcent de diviser nos sociétés; que ces actes vont à l’encontre des valeurs communes européennes que tous les États membres se sont engagés à défendre;
Y. considérant que le travail des forces de police et de maintien de l’ordre consiste à assurer la sécurité des personnes dans l’Union et à les protéger de la criminalité, du terrorisme et des actes ou activités illicites, ainsi qu’à appliquer la loi, parfois dans des circonstances difficiles; que les policiers risquent souvent leur vie pour protéger les autres;
Z. considérant que le racisme, la discrimination et le recours excessif ou létal à la force par la police existent également dans l’Union; que les autorités de maintien de l’ordre de plusieurs États membres ont été critiquées pour avoir recouru de façon excessive à la force; que, lorsqu’une personne est contrôlée par la police ou par d’autres agents de l’État, le recours à la force physique qui n’est pas rendu strictement nécessaire par son comportement porte atteinte à la dignité humaine et constitue, en principe, une violation du droit stipulé à l’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme(12); qu’il convient de condamner fermement le recours disproportionné à la force;
AA. considérant que, selon l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, les personnes noires et de couleur sont soumises à un profilage racial et discriminatoire dans l’UE; qu’un quart de toutes les personnes d’ascendance africaine interrogées par l’Agence des droits fondamentaux avaient été contrôlées par la police au cours des cinq années ayant précédé l’enquête, et que 41% de ces personnes décrivaient le contrôle le plus récent comme un profilage racial(13);
AB. considérant qu’une majorité (63 %) des victimes d’agressions physiques racistes par la police n’ont pas signalé l’incident, soit parce qu’elles pensaient que le faire ne changerait rien (34%), soit parce qu’elles ne faisaient pas confiance à la police ou en avaient peur (28%)(14); qu’il est nécessaire d’assurer la protection des victimes de violences policières et leur accès à la justice;
AC. considérant que, selon le rapport annuel sur les crimes haineux du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE, les personnes noires et les personnes de couleur sont souvent la cible de violences racistes mais que, dans de nombreux pays, les victimes d’agressions violentes n’ont pas accès à une aide juridique ni à un soutien financier;
AD. considérant que les institutions européennes doivent prendre des mesures concrètes pour lutter contre le racisme structurel, la discrimination et la sous-représentation des groupes raciaux et ethniques minoritaires au sein de ses structures;
AE. considérant qu’il y a lieu d’intensifier la lutte contre le racisme et la discrimination dans nos sociétés et qu’il s’agit d’une responsabilité partagée; que l’Union européenne doit, d’urgence, réfléchir à la lutte contre le racisme et la discrimination structurels que connaissent de nombreux groupes minoritaire et s’engager en ce sens;
1. affirme que la vie des noirs compte;
2. condamne vivement la mort affreuse de George Floyd aux États-Unis, ainsi que les meurtres similaires ailleurs dans le monde; présente ses condoléances à sa famille et à ses amis, et à ceux des autres victimes; invite instamment les autorités à enquêter de manière approfondie sur ce dossier et sur les cas similaires et à traduire les responsables en justice;
3. condamne vivement toutes les forme de racisme, de haine et de violence, ainsi que toute agression physique ou verbale ciblant des personnes d’une origine raciale ou ethnique, d’une religion ou d’une conviction et d’une nationalité particulière, tant dans les sphères publique que privée; rappelle qu’il n’y a pas de place pour le racisme et la discrimination dans nos sociétés; demande que la Commission, le Conseil européen et le Conseil adoptent une position forte et résolue contre le racisme, la violence et l’injustice en Europe;
4. invite le gouvernement et les autorités des États-Unis à prendre des mesures décisives pour lutter contre le racisme et les inégalités structurels dans le pays, lesquels se reflètent dans la brutalité policière; condamne les interventions de la police contre des manifestants et des journalistes américains, et regrette vivement la menace du Président américain de déployer l’armée américaine;
5. soutient les manifestations massives récentes dans les capitales et villes du monde entier contre le racisme et la discrimination dans la foulée de la mort de George Floyd; souligne l’appel des manifestants à prendre position contre l’oppression et le racisme structurel en Europe; exprime sa solidarité, son respect et son soutien aux manifestants pacifiques, et pense que nos sociétés doivent mettre un terme au racisme et aux inégalités structurels; rappelle le droit de chaque individu à manifester pacifiquement, consacré par les traités internationaux; condamne les différents incidents violents qui ont eu lieu;
6. condamne le suprémacisme blanc sous toutes ses formes, y compris l’utilisation de slogans qui visent à saper ou à affaiblir le mouvement «Black Lives Matter» et a en diluer la portée;
7. condamne les actes de pillage, d’incendie criminel, de vandalisme et de destruction de biens publics et privées perpétrés par certains manifestants violents; dénonce les forces extrémistes et antidémocratiques qui exploitent à dessein les manifestations pacifiques pour aggraver les conflits dans l’intention de répandre les troubles et l’anarchie;
8. demande à tous les dirigeants et citoyens de ne pas faire marche arrière sur les valeurs, et de renforcer la promotion des droits de l’homme, de la démocratie, de l’égalité devant la loi et de médias libres et indépendants; condamne les déclarations et actions de dirigeants qui risquent de mettre à mal ces valeurs et d’élargir les divisions au sein de nos sociétés; observe que ces valeurs sont communes aux fondements de l’UE et des États-Unis, ainsi qu’à notre coopération transatlantique; souligne l’importance d’une coopération interparlementaire plus étroite au travers du Dialogue transatlantique des législateurs, afin d’échanger des points de vue et des bonnes pratiques durant leur prochaine réunion, et d’identifier des moyens légaux de lutte contre le racisme structurel et de protection des droits de l’homme;
9. appelle à une coopération multilatérale plus étroite pour lutter contre le racisme et la discrimination; appelle la Commission à travailler en étroite collaboration avec des acteurs internationaux tels que l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), les Nations unies, l’Union africaine et le Conseil de l’Europe, ainsi qu’avec d’autres partenaires internationaux, afin de combattre le racisme au niveau international; se félicite de la demande présentée par 54 pays africains en vue de la tenue d’un débat d’urgence au Conseil des droits de l’homme des Nations unies, le 17 juin 2020, sur «les violations actuelles des droits de l’homme d’inspiration raciale, le racisme systémique, la brutalité policière et la violence contre les manifestations pacifiques»;
10. demande aux institutions, organes et agences de l'Union européenne et aux États membres de dénoncer vigoureusement et publiquement le recours disproportionné à la force et les tendances racistes dans l’application de la loi, chaque fois que cela se produit, dans l’UE, aux États-Unis et à travers le monde;
11. estime que la lutte contre le racisme est une question transversale et qu’il y a lieu d’en tenir compte dans tous les domaines d’action de l’Union; rappelle que tous les citoyens devraient avoir le droit d’être protégés de ces injustices, que ce soit en tant que personnes ou en tant que groupe, y compris au moyen de mesures positives pour la promotion de la jouissance pleine et égale de leurs droits;
12. rappelle l’adoption, le 26 mars 2019, de sa résolution sur les droits fondamentaux des personnes d'ascendance africaine, et demande à l’UE et aux États membres de la mettre en œuvre d’urgence;
13. s’inquiète profondément des cas signalés d’extrémisme de droite dans les forces de sécurité qui ont été mis en lumière ces dernières années dans l’UE(15);
14. invite les institutions et les États membres de l’Union européenne à reconnaître officiellement les injustices du passé et les crimes contre l’humanité commis contre les personnes noires, les personnes de couleur et les Roms; déclare que l'esclavage est un crime contre l’humanité et demande que le 2 décembre soit désigné Journée européenne de commémoration de l’abolition de la traite des esclaves; encourage les États membres à inscrire l’histoire des personnes noires, des personnes de couleur et des Roms dans leurs programmes scolaires;
15. réaffirme le rôle crucial de l’éducation dans la mise en échec des préjugés et des stéréotypes, dans la promotion de la tolérance, de la compréhension et de la diversité, et souligne que l’éducation est un outil essentiel pour mettre fin à la discrimination et au racisme structurels dans nos sociétés;
16. invite les États membres à dénoncer les traditions racistes et afrophobes, telles que la pratique du grimage en noir, et à s’en abstenir;
17. invite les dirigeants de l’UE à organiser un sommet européen contre le racisme consacré à la lutte contre la discrimination structurelle en Europe dans un avenir proche; presse la Commission de présenter une stratégie globale contre le racisme et la discrimination et un cadre de l’UE pour des plans d’action nationaux contre le racisme assorti d’un volet spécial sur la lutte contre ces phénomènes dans les forces de l’ordre, tout en adoptant une approche intersectorielle; prie instamment le Conseil de créer une formation du Conseil consacrée à l’égalité; invite les institutions européennes à mettre en place un groupe de travail interinstitutionnel pour lutter contre le racisme et la discrimination au niveau de l’UE;
18. invite les États membres à promouvoir les politiques anti-discriminatoires dans tous les domaines et à élaborer des plans d’action nationaux contre le racisme qui abordent des domaines tels que l’éducation, le logement, la santé, l’emploi, la police, les services sociaux, le système judiciaire et la participation et la représentation politiques, en coopération étroite avec la société civile et les communautés concernées;
19. demande que toutes les politiques de lutte contre la discrimination s’inscrivent dans une démarche intersectionnelle et tiennent compte des problématiques de genre, de manière à venir à bout des discriminations plurielles;
20. invite instamment les États membres à accroître la diversité au sein des forces de police et à élaborer des cadres aux fins du dialogue et de la coopération entre la police et les habitants;
21. appelle d’urgence à la lutte contre la discrimination fondée sur tous les motifs dans l’UE et demande donc au Conseil de débloquer et conclure immédiatement les négociations concernant la directive transversale sur la lutte contre les discriminations qui est bloquée depuis que la Commission l’a proposée en 2008;
22. condamne tous les types d’incidents de crime de haine et de discours de haine, tant en ligne que hors ligne, qui se produisent au quotidien au sein de l’Union européenne, et rappelle que les discours racistes et xénophobes ne relèvent pas de la liberté d’expression;
23. insiste pour les États membres mettent en œuvre et fassent pleinement respecter la directive-cadre 2008/913/JAI du Conseil du 28 novembre 2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal, notamment en considérant les motifs discriminatoires à l’origine d’infractions fondées sur la race ou l’origine nationale ou ethnique et en faisant en sorte que les crimes haineux de nature raciste soient enregistrés et donnent lieu à une enquête, à des poursuites et à des sanctions; demande également à la Commission d’examiner et de réviser, le cas échéant, la décision-cadre et sa mise en œuvre, et de prendre des mesures contre les États membres qui ne la mettent pas pleinement en œuvre;
24. rappelle aux États membres qu’il convient de mettre en place des mécanismes indépendants de traitement des plaintes à l’encontre de la police pour mener des enquêtes sur les cas de mauvaise conduite et de brutalité concernant les forces de l’ordre; souligne qu’en démocratie, la police doit être tenue responsable de ses actes devant la loi, les autorités et l’ensemble de la population dont elle est au service; estime que le principal prérequis de l’obligation de rendre des comptes est le maintien d’instruments de contrôle effectifs et efficaces;
25. invite la Commission et les États membres à prendre des mesures pour la collecte de nouvelles données ventilées par race et par origine ethnique (au sens de la directive européenne relative à l’égalité raciale) qui soient volontaires et anonymes; estime que si des données relatives aux discriminations ethniques et aux crimes de haine devaient être collectées, elles devraient l’être dans le seul but d’identifier les racines du racisme et des discours et actes discriminatoires et de lutter contre ce phénomène dans le respect des cadres juridiques nationaux et de la législation de l’Union européenne en matière de protection des données;
26. observe que la Commission présentera le premier de ses rapports annuels sur l’état de droit, avec une portée limitée; répète ses appels en faveur d’un mécanisme complet pour la démocratie, l’état de droit et les droits fondamentaux, qui devrait comprendre le suivi de la situation concernant le racisme et la discrimination dans tous les États membres de l’UE;
27. condamne le profilage racial et ethnique utilisé par la police et les services répressifs et estime que la police et les services répressifs doivent se montrer exemplaires en matière de lutte contre le racisme et la discrimination; demande à l’UE et aux États membres de mettre au point des politiques et des mesures de lutte contre la discrimination et de mettre un terme au profilage racial ou ethnique sous toutes ses formes dans le cadre de l’application du droit pénal, des mesures de lutte contre le terrorisme et du contrôle de l’immigration. souligne, en particulier, que les nouvelles technologies devant être utilisées par les services répressifs doivent être conçues et utilisées de manière à ne pas créer de risques de discrimination pour les minorités raciales et ethniques; propose une action pour renforcer la formation des membres des forces de police et des services répressifs à des stratégies de lutte contre le racisme et la discrimination et pour prévenir et identifier le profilage racial, et y réagir; demande aux États membres de ne pas laisser les cas de brutalité policière et d’abus impunis mais de mener des enquêtes, d’engager des poursuites et de les sanctionner;
28. condamne le recours à des interventions violentes et disproportionnées de la part des autorités de l’État; encourage les autorités compétentes à garantir une enquête transparente, impartiale, indépendante et efficace en cas de soupçon ou d’allégation de recours disproportionné à la force; rappelle que les services répressifs doivent toujours rendre compte de l’exercice de leurs fonctions et de leur conformité avec les cadres juridiques et opérationnels applicables, en particulier les principes de base des Nations unies sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois;
29. invite les États membres à veiller à ce que le recours à la force par les services répressifs soit toujours légal, proportionné et nécessaire et qu’il ait lieu en ultime recours et à ce qu’il préserve la vie et l’intégrité physique des personnes; fait observer que le recours excessif à la force contre la foule est contraire au principe de proportionnalité;
30. rappelle que les citoyens ont le droit de filmer les scènes de violence policière en guise de preuve et qu’ils ne devraient jamais être menacés par la police ou l’autorité compétente lorsqu’ils filment, ni être obligés de détruire les preuves, ni être privés de leurs biens pour les empêcher de témoigner;
31. demande à la Commission de créer un groupe d’experts indépendants chargé de l’élaboration d’un Code européen d’éthique de la police formulant un ensemble de principes et d’orientations pour les objectifs, l’efficacité, la surveillance et le contrôle de la police dans des sociétés démocratiques régies par l’état de droit, ce qui peut également aider les forces de police à appliquer correctement l’interdiction du racisme, de la discrimination et du profilage ethnique dans leur travail quotidien;
32. souligne qu’une presse libre est un pilier fondamental de toute démocratie; prend acte du rôle important des journalistes et des photojournalistes dans le signalement des cas de violence excessive et condamne toutes les situations dans lesquelles ils ont été délibérément pris pour cible;
33. invite les agences concernées de l’UE, y compris l’Agence des droits fondamentaux, l’Agence de l'Union européenne pour la formation des services répressifs (CEPOL) et l’Agence de l'Union européenne pour la coopération des services répressifs (EUROPOL) à intensifier, dans le cadre de leurs mandats respectifs, leurs efforts de lutte contre le racisme et la discrimination;
34. appelle de ses vœux un engagement financier sérieux dans le prochain CFP pour lutter contre le racisme et la discrimination dans l’ensemble de l’Union; déplore que le montant proposé pour la rubrique «Justice, Droits et Valeurs» ait été considérablement réduit dans les propositions révisées de cadre financier pluriannuel de la Commission; demande à la Commission d’apporter une véritable réponse aux préoccupations concernant la marge d’action toujours plus réduite de la société civile indépendante dans certains États membres; rappelle qu’il importe d’assurer un financement suffisant au profit des activités des acteurs de la société civile qui œuvrent à la lutte contre le racisme et les discriminations;
35. souligne que les entités qui s’engagent dans des activités discriminatoires contre des communautés racisées, ou prennent des décisions ou mettent en œuvre des mesures à cet effet, ne devraient pas être éligibles à un financement au travers du budget de l’Union;
36. condamne le fait que, partout dans le monde, les forces politiques extrémistes et xénophobes détournent de plus en plus les faits historiques et les données statistiques et scientifiques et emploient une symbolique et une rhétorique qui rappellent par certains aspects la propagande totalitaire, à savoir le racisme, l’antisémitisme et la haine à l’égard des minorités;
37. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au vice-président de la Commission et haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au représentant spécial de l’Union pour les droits de l’homme, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au Conseil de l’Europe, à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), aux Nations unies, au président américain, Donald Trump, ainsi qu’à son administration et au Congrès américain.
FRA, deuxième enquête de l’Union européenne sur les minorités et la discrimination: «Être noir dans l’UE», https://fra.europa.eu/sites/default/files/fra_uploads/fra-2019-being-black-in-the-eu-summary_fr.pdf
FRA, deuxième enquête de l’Union européenne sur les minorités et la discrimination: «Être noir dans l’UE», https://fra.europa.eu/sites/default/files/fra_uploads/fra-2019-being-black-in-the-eu-summary_fr.pdf