Résolution du Parlement européen du 20 octobre 2020 sur les droits de propriété intellectuelle pour le développement des technologies liées à l’intelligence artificielle (2020/2015(INI))
Le Parlement européen,
– vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE), et notamment ses articles 4, 16, 26, 114 et 118,
– vu la convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques,
– vu l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer» du 13 avril 2016(1) et les lignes directrices de la Commission pour une meilleure réglementation (COM(2015)0215),
– vu le traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) sur le droit d’auteur, le traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes et le document de synthèse révisé de l’OMPI du 29 mai 2020 sur les politiques en matière de propriété intellectuelle et l’intelligence artificielle,
– vu la directive (UE) 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE(2),
– vu la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données(3),
– vu la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur(4),
– vu la directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites(5),
– vu la directive (UE) 2019/1024 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 concernant les données ouvertes et la réutilisation des informations du secteur public(6),
– vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (Règlement général sur la protection des données)(7),
– vu le règlement (UE) 2018/1807 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 établissant un cadre applicable au libre flux des données à caractère non personnel dans l’Union européenne(8),
– vu le règlement (UE) 2019/1150 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 promouvant l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d’intermédiation en ligne(9),
– vu le livre blanc de la Commission du 19 février 2020 intitulé «Intelligence artificielle – Une approche européenne axée sur l’excellence et la confiance» (COM(2020)0065),
– vu les travaux du groupe d’experts de haut niveau sur l’intelligence artificielle mis en place par la Commission,
– vu les communications de la Commission intitulées «Une stratégie européenne pour les données» (COM(2020)0066) et «Une nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe» (COM(2020)0102),
– vu les directives relatives à l’examen pratiqué à l’Office européen des brevets de novembre 2019,
– vu le document de travail sur l’économie numérique 2016/05 du Centre commun de recherche de la Commission et de son Institut de prospective technologique intitulé «An Economic Policy Perspective on Online Platforms»,
– vu les orientations politiques pour la prochaine Commission européenne 2019-2024 intitulées «Une Union plus ambitieuse: mon programme pour l’Europe»,
– vu sa résolution du 16 février 2017 contenant des recommandations à la Commission concernant des règles de droit civil sur la robotique(10),
– vu l’article 54 de son règlement intérieur,
– vu les avis de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs, de la commission des transports et du tourisme et de la commission de la culture et de l’éducation,
– vu le rapport de la commission des affaires juridiques (A9-0176/2020),
A. considérant que le cadre juridique de l’Union pour la propriété intellectuelle vise à soutenir l’innovation et la créativité ainsi que l’accès à la connaissance et à l’information;
B. considérant que l’article 118 du traité FUE prévoit que le législateur de l’Union établit des mesures pour la création de droits européens de propriété intellectuelle (DPI) afin d’assurer une protection uniforme de ces droits dans toute l’Union; que le marché unique favorise les conditions d’une croissance économique plus forte afin de garantir la prospérité des citoyens de l’Union;
C. considérant que les développements récents de l’intelligence artificielle (IA) et de technologies émergentes similaires représentent un progrès technologique considérable qui ouvre des perspectives et génère des défis pour les citoyens, les entreprises, les administrations publiques, les créateurs et le secteur de la défense dans l’Union;
D. considérant que les technologies de l’IA peuvent rendre difficiles la traçabilité des DPI et leur application aux produits de l’IA, ce qui empêche une rémunération équitable des créateurs humains dont le travail original est utilisé pour alimenter ces technologies;
E. considérant que l’objectif consistant à faire de l’Union le numéro un mondial dans le domaine des technologies de l’IA doit comprendre des mesures visant à rétablir et à préserver la souveraineté numérique et industrielle de l’Union, à assurer sa compétitivité ainsi qu’à promouvoir et à protéger l’innovation, et qu’une réforme structurelle de la politique industrielle de l’Union est nécessaire pour lui permettre d’être à la pointe des technologies de l’IA tout en respectant la diversité culturelle; que la primauté de l’Union au niveau mondial dans le domaine de l’IA rend nécessaire l’établissement d’un régime de propriété intellectuelle efficace et adapté à l’ère numérique, afin de permettre aux innovateurs de commercialiser de nouveaux produits; que des garanties solides sont essentielles pour protéger le système de brevets de l’Union contre les agissements illicites portant préjudice aux développeurs innovants dans le domaine de l’IA; qu’une conception de l’IA centrée sur l’humain, respectant les principes éthiques et les droits de l’homme, est nécessaire afin que la technologie demeure un instrument au service des personnes et du bien commun;
F. considérant que l’Union est le niveau de réglementation approprié dans le domaine des technologies de l’IA afin d’éviter la fragmentation du marché unique ainsi que des dispositions et orientations nationales divergentes; qu’un cadre réglementaire pleinement harmonisé de l’Union dans le domaine de l’IA pourrait devenir une référence normative au niveau international; que les nouvelles règles communes applicables aux systèmes d’IA devraient prendre la forme d’un règlement afin d’établir des normes identiques dans l’ensemble de l’Union et que la législation doit être à l’épreuve du temps pour qu’elle puisse suivre le rythme de l’évolution rapide de cette technologie, et qu’elle doit faire l’objet d’analyses d’impact approfondies; que la sécurité juridique contribue à l’évolution technologique et que la confiance des citoyens dans les nouvelles technologies est essentielle pour le développement de ce secteur, car elle accroît l’avantage concurrentiel de l’Union; que le cadre réglementaire régissant l’IA devrait donc inspirer confiance dans la sécurité et la fiabilité de l’IA et trouver un juste équilibre entre la protection publique et l’encouragement des entreprises à investir dans l’innovation;
G. considérant que l’IA et les technologies connexes reposent sur des modèles et des algorithmes informatiques, qui sont considérés comme des méthodes mathématiques au sens de la convention sur le brevet européen (CBE) et ne sont donc pas brevetables en tant que tels; que les méthodes mathématiques et les programmes d’ordinateur peuvent être protégés par des brevets en vertu de l’article 52, paragraphe 3, de la CBE lorsqu’ils sont utilisés dans le cadre d’un système d’IA qui contribue à produire un effet technique supplémentaire; qu’il convient d’évaluer en profondeur les incidences d’une telle protection potentielle par brevet;
H. considérant que l’IA et les technologies connexes reposent sur la création et l’exécution de programmes d’ordinateur qui, en tant que tels, sont soumis à un régime spécifique de protection du droit d’auteur, selon lequel seule l’expression d’un programme d’ordinateur peut être protégée, et non les idées, méthodes et principes qui sous-tendent ses éléments;
I. considérant qu’un nombre croissant de brevets sont accordés dans le domaine de l’IA;
J. considérant que les progrès de l’IA et des technologies qui y sont liées suscitent des interrogations concernant la protection de l’innovation en elle-même et l’application des DPI aux produits, contenus ou données générés par l’IA et les technologies qui y sont liées, lesquels peuvent être de nature industrielle ou artistique et ouvrent diverses perspectives commerciales; qu’il est essentiel, à cet égard, d’opérer une distinction entre les créations humaines assistées par l’IA et les créations autonomes de l’IA;
K. considérant que l’IA et les technologies qui y sont liées sont largement tributaires de contenus et de larges volumes de données existant au préalable; qu’un accès plus transparent et ouvert à certaines données et bases de données à caractère non personnel dans l’Union, en particulier pour les PME et les jeunes pousses, ainsi que l’interopérabilité des données, qui limite les effets de verrouillage, joueront un rôle crucial pour faire progresser l’IA européenne et soutenir la compétitivité des entreprises européennes au niveau mondial; que les données à caractère personnel doivent être collectées dans le respect des droits fondamentaux et des règles de protection des données et que cette collecte doit faire l’objet d’une gouvernance adaptée, notamment en ce qui concerne la gestion des données et la transparence des données utilisées dans le développement et le déploiement des technologies de l’IA, et ce tout au long du cycle de vie d’un système fondé sur l’IA;
1. prend acte du livre blanc de la Commission intitulé «Intelligence artificielle – Une approche européenne axée sur l’excellence et la confiance» ainsi que de la «stratégie européenne pour les données»; souligne que les pistes de réflexion qui y sont développées sont de nature à contribuer au déploiement du potentiel d’une IA centrée sur l’humain au sein de l’Union; relève toutefois que la protection des DPI dans le contexte du développement de l’IA et des technologies qui y sont liées n’a pas fait l’objet des considérations de la Commission, en dépit de l’importance cruciale de ces droits; insiste sur la nécessité de créer un espace européen unique des données et estime que le recours à un tel espace jouera un rôle important dans l’innovation et la créativité dans l’économie de l’Union, qu’il convient d’encourager; souligne que l’Union devrait jouer un rôle essentiel dans la définition de principes fondamentaux pour le développement, le déploiement et l’utilisation de l’IA, sans faire obstacle aux progrès de l’IA ni entraver la concurrence;
2. souligne que le développement de l’IA et des technologies connexes dans les secteurs des transports et du tourisme sera source d’innovation et de recherche, favorisera la mobilisation d’investissements et engendrera d’importants avantages économiques, sociétaux, environnementaux, publics mais aussi sur le plan de la sécurité, tout en rendant ces secteurs plus attractifs pour les nouvelles générations et en créant de nouvelles perspectives d’emploi ainsi que des modèles économiques plus durables, mais insiste pour que cela se fasse sans nuire aux individus ou à la société;
3. insiste sur l’importance de la création d’un cadre réglementaire opérationnel et pleinement harmonisé dans le domaine des technologies de l’IA; suggère qu’un tel cadre prenne la forme d’un règlement plutôt que d’une directive afin d’éviter la fragmentation du marché unique numérique européen et de promouvoir l’innovation;
4. demande à la Commission de prendre acte des sept exigences essentielles recensées dans les lignes directrices du groupe d’experts de haut niveau, qu’elle a saluées dans sa communication du 8 avril 2019(11), et d’en tenir dûment compte pour tout acte législatif traitant de l’IA;
5. souligne que le développement, le déploiement et l’utilisation des technologies liées à l’IA ainsi que l’essor de l’économie mondiale des données nécessitent de traiter d’importantes questions techniques, sociales, économiques, éthiques et juridiques dans différents domaines d’action, y compris les DPI et leur incidence sur lesdits domaines d’action; souligne que pour exploiter le potentiel des technologies de l’IA, il est nécessaire de supprimer les obstacles juridiques inutiles, afin de ne pas entraver la croissance ou l’innovation dans l’économie des données de l’Union, qui est en train de se développer; réclame une analyse d’impact concernant la protection des DPI dans le contexte du développement des technologies de l’IA;
6. insiste sur l’importance capitale d’une protection équilibrée des DPI en lien avec les technologies de l’IA, ainsi que de la nature multidimensionnelle de cette protection, et souligne, dans le même temps, qu’il importe d’assurer un niveau élevé de protection des DPI, d’instaurer une sécurité juridique et de renforcer la confiance nécessaire pour encourager les investissements dans ces technologies et faire en sorte qu’elles soient pérennes et utilisées par les consommateurs sur le long terme; estime que l’Union a les moyens de devenir chef de file dans la création de technologies de l’IA si elle se dote d’un cadre réglementaire opérationnel régulièrement évalué à la lumière des évolutions technologiques ainsi que de politiques publiques volontaristes, notamment en matière de programmes de formation et de soutien financier à la recherche et à la coopération entre les secteurs public et privé; réaffirme la nécessité de disposer d’une marge de manœuvre suffisante pour le développement de nouveaux produits, services ou technologies; souligne que la mise en place d’un cadre propice à la créativité et à l’innovation en encourageant le recours des créateurs aux technologies de l’IA ne saurait se faire aux dépens des intérêts des créateurs humains ni des principes éthiques de l’Union;
7. considère également que l’Union doit appréhender les différentes dimensions de l’IA à travers des définitions technologiquement neutres et suffisamment souples pour qu’elles s’appliquent aux évolutions technologiques de demain et aux usages futurs; estime qu’il est nécessaire de poursuivre la réflexion sur les interactions entre l’IA et les DPI, du point de vue tant des offices de propriété intellectuelle que des utilisateurs; estime que les difficultés que pose l’évaluation des applications d’IA rendent nécessaires certaines exigences de transparence et la mise au point de nouvelles méthodes, étant donné que, par exemple, les systèmes d’apprentissage adaptatif sont susceptibles d’être recalibrés après chaque entrée, ce qui rend certaines divulgations ex ante inopérantes;
8. souligne qu’il importe que les services de diffusion en continu soient transparents et responsables dans l’utilisation qu’ils font des algorithmes, de manière à ce que l’accès à des contenus culturels et créatifs sous des formes diverses et dans des langues différentes, de même que l’accès impartial aux œuvres européennes, puissent être mieux garantis;
9. recommande de privilégier une évaluation sectorielle et par type des implications des technologies de l’IA en matière de DPI; considère qu’il faut, dans le cadre d’une telle démarche, prendre notamment en compte le degré d’intervention humaine, l’autonomie de l’IA, l’importance du rôle et de la source des données et des contenus protégés par le droit d’auteur utilisés, ainsi que l’éventuelle intervention d’autres facteurs; rappelle que toute démarche doit trouver le juste équilibre entre la nécessité de protéger les investissements en ressources et en efforts et celle d’encourager la création et le partage; estime que des recherches plus approfondies sont nécessaires pour évaluer l’apport humain en matière de données algorithmiques dans l’IA; estime que les technologies de rupture telles que l’IA offrent aux petites comme aux grandes entreprises la possibilité de développer des produits à la pointe du marché; considère que toutes les entreprises devraient bénéficier d’une protection de leurs DPI d’efficience et d’efficacité équivalentes; invite par conséquent la Commission et les États membres à offrir un soutien aux jeunes pousses et aux PME en vue de la protection de leurs produits au travers du programme en faveur du marché unique et des pôles d’innovation numérique;
10. suggère d’évaluer en particulier l’incidence et les implications de l’IA et des technologies connexes dans le cadre du régime actuel du droit des brevets, de la protection des marques et des dessins et modèles, du droit d’auteur et des droits voisins, y compris l’applicabilité de la protection juridique des bases de données et des programmes d’ordinateur, de la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués («secrets d’affaires») contre leur acquisition, leur utilisation et leur divulgation illicites; relève que les technologies de l’IA pourraient permettre d’améliorer le contrôle de l’application des DPI, sans préjudice de la nécessité d’une vérification et d’un passage en revue par un humain, surtout lorsqu’il y a des répercussions juridiques à la clé; insiste en outre sur la nécessité de déterminer s’il y a lieu de mettre à jour le droit des contrats pour mieux protéger les consommateurs et d’évaluer s’il est nécessaire d’adapter les règles de concurrence afin de pallier les déficiences du marché ou abus de marché dans l’économie numérique, sur la nécessité de mettre en place un cadre juridique plus complet pour les secteurs économiques concernés par l’IA, ce qui permettrait aux entreprises européennes et aux parties prenantes concernées de passer à la vitesse supérieure, ainsi que sur la nécessité d’assurer la sécurité juridique; souligne que la protection de la propriété intellectuelle doit toujours être conciliée avec les autres libertés et droits fondamentaux;
11. rappelle que les méthodes mathématiques en tant que telles ne sont pas brevetables, sauf si elles sont utilisées à des fins techniques dans le cadre d’inventions techniques qui ne sont elles-mêmes brevetables que si les critères applicables relatifs aux inventions sont respectés; souligne en outre que si une invention porte soit sur une méthode faisant intervenir des moyens techniques soit sur un dispositif technique, son objet, considéré dans son ensemble, présente en réalité un caractère technique et n’est donc pas exclu de la brevetabilité; souligne, à cet égard, le rôle que joue le cadre de protection des brevets pour encourager les inventions dans le domaine de l’IA et promouvoir leur diffusion, ainsi que la nécessité de donner aux entreprises et aux jeunes pousses européennes des possibilités de favoriser le développement et l’adoption de l’IA en Europe; souligne que les brevets essentiels liés à des normes jouent un rôle majeur dans le développement et la diffusion des nouvelles technologies de l’IA et des technologies connexes et pour garantir l’interopérabilité; demande à la Commission d’appuyer l’établissement de normes sectorielles et une normalisation formelle;
12. relève que la protection par brevet peut être accordée à condition que l’invention soit nouvelle et non évidente et qu’elle implique une activité inventive; note en outre que le droit des brevets implique la description complète de la technologie sous-jacente, ce qui peut soulever des difficultés pour certaines technologies de l’IA compte tenu de la complexité des raisonnements; met également en exergue les enjeux juridiques liés à la rétro-ingénierie, laquelle constitue une exception à la protection par le droit d’auteur des programmes d’ordinateur et à la protection des secrets d’affaires, qui sont aussi d’une importance capitale pour l’innovation et la recherche et qui devraient être dûment pris en compte dans le cadre du développement des technologies de l’IA; invite la Commission à évaluer les possibilités de tester comme il se doit les produits, par exemple de manière modulaire, sans exposer les titulaires de DPI ou les secrets d’affaires aux risques liés à une large divulgation de produits qu’il est aisé de reproduire; souligne que les technologies de l’IA devraient être à la disposition de tout un chacun à des fins d’éducation et de recherche, notamment pour améliorer les méthodes d’apprentissage;
13. relève que l’autonomisation du processus créatif de production de contenus de nature artistique peut soulever des questions relatives à la détention des DPI pour ce type de contenus; considère à cet égard qu’il ne serait pas opportun de vouloir doter les technologies de l’IA de la personnalité juridique et insiste sur les répercussions négatives d’une telle démarche sur la motivation des créateurs humains;
14. insiste sur la différence entre les créations humaines assistées par l’IA et les créations générées par l’IA, ces dernières posant de nouvelles difficultés réglementaires en ce qui concerne la protection des DPI, par exemple sur les aspects de propriété, de qualité d’inventeur et de rémunération appropriée, ainsi que des problèmes liés à une possible concentration du marché; estime qu’il faut par ailleurs faire la distinction entre les DPI pour le développement de technologies de l’IA et les DPI pouvant être octroyés pour les contenus générés par l’IA; souligne que lorsque l’IA est utilisée uniquement comme outil pour aider un auteur dans son processus de création, le cadre actuel sur le droit d’auteur reste applicable;
15. estime que les créations techniques générées par la technologie de l’IA doivent être protégées au titre du cadre juridique des DPI afin d’encourager les investissements dans cette forme de création et d’accroître la sécurité juridique pour les citoyens, les entreprises et, étant donné qu’ils comptent pour l’instant parmi les principaux utilisateurs des technologies de l’IA, les inventeurs; estime que les œuvres produites de manière autonome par des agents artificiels et des robots pourraient ne pas bénéficier de la protection par le droit d’auteur, afin de respecter le principe d’originalité, qui est lié à une personne physique, et étant donné que la notion de «création intellectuelle» porte sur la personnalité de l’auteur; invite la Commission à soutenir une approche horizontale, fondée sur des données probantes et technologiquement neutre quant aux dispositions communes et uniformes en matière de droit d’auteur applicables aux œuvres générées par l’IA dans l’Union, si l’on considère que ces œuvres pourraient bénéficier de la protection par le droit d’auteur; recommande que la détention des droits, le cas échéant, ne soit octroyée qu’à des personnes physiques ou morales qui ont créé l’œuvre de manière licite et que si le titulaire du droit d’auteur a donné son autorisation en cas d’utilisation de contenus protégés par le droit d’auteur, sauf si des exceptions ou limitations s’appliquent en matière de droit d’auteur; souligne qu’il importe de faciliter l’accès aux données et au partage des données, aux normes ouvertes et à la technologie à source ouverte, tout en encourageant les investissements et en stimulant l’innovation;
16. relève que l’IA permet de traiter un grand nombre de données relatives à l’état de la technique ou à l’existence de DPI; souligne, dans le même temps, que l’IA ou les technologies connexes utilisées pour la procédure d’enregistrement pour l’octroi de DPI et pour la détermination de la responsabilité en cas d’infraction aux DPI ne sauraient se substituer à un examen humain effectué au cas par cas, et ce afin de garantir la qualité et l’équité des décisions; constate que l’IA acquiert progressivement la capacité d’exécuter des tâches habituellement effectuées par des humains et insiste, par conséquent, sur la nécessité de mettre en place des garanties adéquates, dont des systèmes de conception impliquant des processus de contrôle et de révision, de transparence, de responsabilité et de vérification du processus décisionnel de l’IA avec intervention humaine;
17. souligne qu’en ce qui concerne l’usage de données à caractère non personnel par les technologies de l’IA, l’utilisation licite d’œuvres et d’autres éléments et données protégés par le droit d’auteur, en ce compris les contenus préexistants, les séries de données de grande qualité et les métadonnées, doit être évaluée à la lumière des règles existantes concernant les limitations et les exceptions à la protection par le droit d’auteur, par exemple pour la fouille de textes et de données, telles que prévues par la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique; demande davantage de précisions concernant la protection des données dans le cadre de la législation sur le droit d’auteur et la protection potentielle des marques et des modèles industriels pour les œuvres générées de manière autonome par des applications de l’IA; estime qu’il y a lieu d’encourager le partage volontaire de données à caractère non personnel entre les entreprises et les secteurs et que ce partage doit se fonder sur des accords contractuels équitables, notamment des contrats de licence; souligne les enjeux, pour les DPI, soulevés par la création d’hypertrucages sur la base de données trompeuses, manipulées ou simplement de qualité médiocre, indépendamment du fait que ces hypertrucages contiennent ou non des données soumises au droit d’auteur; s’inquiète de la possibilité de recourir à la manipulation en masse de citoyens pour déstabiliser les démocraties et demande un renforcement de la sensibilisation et de l’éducation aux médias, ainsi que la mise à disposition de technologies d’IA dont il est urgent de se doter pour vérifier les faits et les informations; estime que des enregistrements vérifiables et non nominatifs des données utilisées tout au long du cycle de vie des technologies fondées sur l’IA, conformes aux règles en matière de protection des données, pourraient faciliter le traçage de l’utilisation d’œuvres protégées par le droit d’auteur et, partant, permettre de mieux protéger les titulaires de droits et contribuer à la protection de la vie privée; souligne que les technologies de l’IA pourraient être utiles dans le contexte de l’application des DPI, mais nécessiteraient un examen humain et la garantie que tout système décisionnel fondé sur l’IA est pleinement transparent; souligne que tout futur régime d’IA ne saurait contourner les éventuelles exigences en matière de technologie à source ouverte dans les appels d’offres publics ou empêcher l’interconnectivité des services numériques; relève que les systèmes d’IA sont fondés sur des logiciels et sur des modèles statistiques, lesquels peuvent comporter des erreurs; souligne que les produits de l’IA ne sauraient être discriminatoires et que l’un des moyens les plus efficaces de réduire les biais dans les systèmes d’IA est de veiller – dans la mesure du possible en vertu du droit de l’Union – à ce qu’une quantité maximale de données à caractère non personnel soit disponible à des fins de formation et d’apprentissage automatique; engage la Commission à mener une réflexion sur l’utilisation des données du domaine public à ces fins;
18. insiste sur l’importance de la pleine mise en œuvre de la stratégie pour un marché unique numérique afin d’améliorer l’accessibilité et l’interopérabilité des données non personnelles au sein de l’Union; souligne que, dans le cadre de la stratégie européenne pour les données, il faut parvenir à un juste équilibre entre, d’une part, le soutien aux flux de données, à un accès plus large à celles-ci, à leur utilisation et à leur partage, et, d’autre part, la protection des DPI et des secrets d’affaires, dans le respect des règles en matière de protection des données et de la vie privée; souligne qu’il faut déterminer à cet égard si les règles de l’Union en matière de propriété intellectuelle sont un outil adéquat pour protéger les données, notamment les données sectorielles nécessaires au développement de l’IA, en rappelant que les données structurées, telles que les bases de données, lorsqu’elles bénéficient d’une protection au titre de la propriété intellectuelle, ne peuvent généralement pas être considérées comme des données; considère que des informations complètes doivent être fournies en ce qui concerne l’utilisation des données protégées par la propriété intellectuelle, notamment dans le cadre des relations entre les plateformes et les entreprises; se félicite de l’intention de la Commission de créer un espace européen unique des données;
19. relève que la Commission examine l’opportunité d’une action législative sur des questions ayant une incidence sur les relations entre les acteurs économiques dont le but est de tirer parti des données non personnelles et est favorable à une éventuelle révision de la directive sur les bases de données et à une éventuelle clarification de l’application de la directive sur la protection des secrets d’affaires en tant que cadre générique; attend avec intérêt les résultats de la consultation publique lancée par la Commission sur la stratégie européenne pour les données;
20. insiste sur la nécessité pour la Commission d’œuvrer en faveur d’une protection équilibrée et propice à l’innovation de la propriété intellectuelle au bénéfice des développeurs européens de technologies de l’IA, de renforcer la compétitivité des entreprises européennes à l’échelon international, notamment face à d’éventuelles manœuvres judiciaires, et d’offrir la plus grande sécurité juridique possible aux utilisateurs, en particulier dans le cadre des négociations internationales, notamment en ce qui concerne les discussions en cours sur l’IA et la révolution des données au niveau de l’OMPI; se félicite de la présentation récente par la Commission de la position de l’Union dans le cadre de la consultation publique de l’OMPI sur le projet de document de synthèse sur les politiques en matière de propriété intellectuelle et d’intelligence artificielle; rappelle à cet égard le devoir éthique de l’Union de soutenir le progrès dans le monde en facilitant la coopération transfrontière en matière d’IA, notamment au moyen de limitations et d’exceptions pour la recherche transfrontière et la fouille de textes et de données, comme le prévoit la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique;
21. a pleinement conscience que les progrès de l’IA, pour pouvoir porter pleinement leurs fruits, devront s’accompagner d’investissements publics dans les infrastructures, de formations aux compétences numériques et d’améliorations majeures de la connectivité et de l’interopérabilité; souligne dès lors l’importance de réseaux 5G qui soient sûrs et durables en vue du plein déploiement des technologies de l’IA, mais aussi et surtout l’importance des travaux nécessaires pour améliorer le niveau des infrastructures et de la sécurité de ces technologies dans toute l’Union; prend acte de l’intense activité de dépôt de brevets dans le secteur des transports en matière d’IA; s’inquiète de ce que cela risque d’entraîner un nombre considérable d’actions en justice qui nuiront à l’ensemble du secteur et d’avoir aussi des répercussions sur la sécurité routière si l’Union ne légifère pas sans plus attendre sur l’évolution des technologies liées à l’IA;
22. approuve la volonté de la Commission d’inviter les acteurs clés du secteur manufacturier – constructeurs de véhicules, innovateurs dans l’IA et la connectivité, prestataires de services du secteur du tourisme et autres acteurs de la chaîne de valeur automobile – à se mettre d’accord sur les conditions auxquelles ils seraient disposés à partager leurs données;
23. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission, ainsi qu’aux parlements et aux gouvernements des États membres.