Résolution du Parlement européen du 20 mai 2021 sur la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) nº 168/2007 portant création d’une Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (COM(2020)0225 – 2020/0112R(APP))
Le Parlement européen,
– vu la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) nº 168/2007 portant création d’une Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (COM(2020)0225),
– vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 352,
– vu le règlement (CE) nº 168/2007 du Conseil du 15 février 2007 portant création d’une Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne(1),
– vu la convention européenne des droits de l’homme, les articles 2, 6 et 7 du traité sur l’Union européenne et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (la «Charte»),
– vu la déclaration commune du 19 juillet 2012 du Parlement européen, du Conseil de l’UE et de la Commission européenne sur les agences décentralisées et l’approche commune,
– vu l’étude intitulée «Renforcer l’Agence des droits fondamentaux – La révision du règlement portant création de l’Agence des droits fondamentaux», publiée en mai 2020 par son département thématique des droits des citoyens et des affaires constitutionnelles,
– vu l’article 105, paragraphe 5, de son règlement intérieur,
– vu l’avis de la commission des droits des femmes et de l’égalité des genres,
– vu le rapport intérimaire de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (A9-0058/2021),
A. considérant que la proposition de règlement du Conseil représente une avancée permettant de rendre le travail de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après, «l’Agence») plus efficace dans l’ensemble en lui donnant les moyens d’exercer pleinement ses activités dans tous les domaines relevant de la compétence de l’Union européenne et en clarifiant les tâches et les méthodes de travail de l’Agence, dans le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité; qu’il est regrettable que la base juridique retenue nécessite actuellement l’unanimité au Conseil et l’approbation du Parlement, ce qui limite la contribution de ce dernier à la réforme;
B. considérant que l’Agence apporte une contribution importante en matière de respect des droits fondamentaux et qu’il convient de renforcer le rôle de l’Agence en tant qu’agence de l’Union à part entière, indépendante et gardienne des droits fondamentaux, ceci afin de promouvoir et de défendre les droits fondamentaux le plus efficacement possible, tout en recherchant également le dialogue en faisant participer activement la société civile, y compris les associations du barreau, les organisations professionnelles, les magistrats et les avocats;
C. considérant que les ambitions de l’Union en matière de renforcement de la dimension extérieure devraient se traduire par une participation plus poussée de l’Agence à la surveillance et au contrôle des actes et des activités de l’Union et de ses États membres dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune, sous tous ses aspects;
D. considérant qu’à l’heure de la mondialisation, il est indispensable de garantir une protection suffisante des droits fondamentaux grâce à une coopération internationale avec les pays tiers;
E. considérant que, pour renforcer et consolider la confiance des citoyens de l’Union dans le travail des autorités judiciaires et des forces de l’ordre, il est nécessaire que les actes et les activités de l’Union et de ses États membres soient surveillés et contrôlés de manière correcte, attentive et cohérente, ainsi que rapidement mis en conformité avec les obligations en matière de droits fondamentaux le cas échéant; que les activités de l’Agence au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice revêtent par conséquent une importance capitale et, que, dès lors, son mandat devrait couvrir également le domaine de la coopération policière et judiciaire en matière pénale;
F. considérant que les travaux de l’Agence dans le domaine de la défense des droits fondamentaux et du recensement des domaines problématiques, tels que les droits des enfants, la migration (y compris les frontières extérieures), le recours à l’intelligence artificielle et aux nouvelles technologies, l’égalité des genres, la violence sexiste, les droits des femmes, etc., sont importants au regard des priorités de l’Agence et doivent, dès lors, être reconnus et appuyés;
1. estime que l’objectif de l’Agence, qui consiste à fournir aux institutions, organes et organismes pertinents des informations, une assistance et des compétences en matière de droits fondamentaux ainsi qu’à défendre et protéger les droits fondamentaux au sein de l’Union, revêt une importance absolument primordiale, étant donné que l’Agence contrôle l’application pratique de la charte des droits fondamentaux à tous les citoyens des États membres, de sorte que chacun soit traité avec dignité, tandis que tous les États membres sont traités sur un pied d’égalité; insiste sur l’importance de son rôle de facilitation en soutien à l’Union et à ses États membres lorsqu’ils prennent des mesures ou définissent des actions relatives aux droits fondamentaux; souligne que ce soutien peut prendre plusieurs formes, dont la publication de rapports factuels et équilibrés qui tiennent compte d’un large éventail de sources; encourage la Commission et le Conseil à incorporer systématiquement les données produites par l’Agence dans leur processus décisionnel, ce à quoi s’engage également le Parlement;
2. souligne que les crimes et discours de haine, ainsi que la discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur de peau, l’origine ethnique ou sociale, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou autres, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, le handicap, l’identité ou l’expression de genre, l’âge ou l’orientation sexuelle constituent un problème récurrent contre lequel il est urgent d’agir; rappelle qu’une perspective transversale intersectionnelle est essentielle si l’on veut protéger les droits fondamentaux pour tous; alerte sur l’augmentation et la banalisation, dans de nombreux États membres, des discours de haine et de différentes formes de racisme, de xénophobie et d’intolérance y associée, notamment l’antitsiganisme, l’antisémitisme, l’islamophobie et le racisme fondé sur la couleur de peau, qui se répandent à la faveur de la montée des mouvements extrémistes et s’intensifient tout particulièrement en ligne, notamment depuis le début de la pandémie de COVID-19; met l’accent sur l’engagement de l’Agence dans la lutte contre la discrimination sous toutes ses formes et demande à l’Agence de continuer à se pencher sur l’évolution des discours de haines et des crimes de haine et de publier régulièrement des rapports sur les cas survenus et les dernières tendances en la matière;
3. réaffirme être résolu à donner à l’Agence les moyens d’exercer pleinement ses activités dans tous les domaines relevant de la compétence de l’Union et de s’acquitter de la mission qui lui a été confiée par les législateurs de l’Union et, dès lors, à définir les principes et les conditions en fonction desquels il serait disposé à donner son approbation; déplore, dans ce contexte, de n’avoir pas pu contribuer davantage à la réforme de l’Agence et rappelle qu’il aurait préféré la procédure législative ordinaire; demande à la Commission, comme elle l’a fait pour d’autres agences dans le domaine de la justice et des affaires intérieures, d’augmenter suffisamment le budget de l’Agence pour que celle-ci puisse pleinement s’acquitter de son mandat; prend acte de la nécessité de doter l’Agence d’un personnel suffisamment spécialisé;
4. invite le Conseil à tenir compte des considérations suivantes lors de la modification du règlement fondateur de l’Agence:
i)
Champ d’application du règlement
conformément aux changements survenus avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le mot «Communauté» doit être remplacé par le mot «Union» dans l’ensemble du règlement. Cela suppose que les actes ou activités de l’Union ou des États membres liés à la politique étrangère et de sécurité commune ou rentrant dans le cadre de celle-ci, ainsi qu’au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, relèveront du champ de compétence de l’Agence. À cet égard, il devrait être clair que le mandat de l’Agence couvre la coopération policière et judiciaire en matière pénale, les questions liées au respect des droits fondamentaux aux frontières extérieures de l’Union (conformément à l’article 77 du traité FUE) ainsi que les questions liées à la reconnaissance mutuelle des décisions de justice entre États membres. Il y a lieu d’insister sur le rôle et la contribution importants de l’Agence dans le cadre des procédures au titre de l’article 7 du traité UE et du rapport annuel sur l’état de droit. L’Agence devrait également apporter une contribution, à l’avenir, dans le cadre du règlement (UE, Euratom) 2020/2092 relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union(2). Il y a lieu de souligner, à cet égard, le rôle de l’Agence en tant que défenseur des principes de la démocratie, de l’état de droit et des droits fondamentaux, en particulier à une époque marquée par des tendances autoritaires préoccupantes;
ii)
Coopération avec les pays tiers
la possibilité d’être membre observateur ne devrait pas être limitée aux pays candidats ou aux pays signataires d’un accord de stabilisation et d’association. Elle devrait être ouverte à d’autres pays tiers, tels que les pays de l’espace économique européen/association européenne de libre-échange, le Royaume-Uni après le Brexit et – lorsque le conseil d’administration de l’Agence le juge approprié – les pays relevant de la politique européenne de voisinage;
iii)
Domaines d’action
outre la lutte contre le racisme, la xénophobie et l’intolérance y associée, telle que prévue à l’article 5, paragraphe 2, point b), du règlement fondateur de l’Agence, et outre l’engagement plus général contre toute forme de discrimination et de crimes de haine, les domaines d’action suivants devraient être expressément mentionnés dans le dispositif du nouveau règlement:
la lutte contre l’antitsiganisme, l’antisémitisme, l’islamophobie et le racisme fondé sur la couleur de peau; la protection des droits des membres de minorités; le respect des opinions politiques ou autres;
iv)
Programmation annuelle et pluriannuelle
il convient d’adopter la proposition de la Commission d’abandonner le cadre pluriannuel de cinq ans en vigueur jusqu’à présent, en vue d’abandonner la pratique consistant à définir des restrictions thématiques pour chaque période de cinq ans, ce qui permettra à l’Agence d’adapter ses travaux et ses axes thématiques aux priorités émergentes. L’Agence devrait élaborer sa programmation en étroite consultation avec les agents de liaison nationaux, afin de coordonner du mieux possible les principaux axes thématiques de son travail avec les autorités nationales respectives. Le projet de document de programmation devrait être envoyé à l’instance préparatoire du Conseil compétente et au Parlement européen pour discussion, à l’issue de laquelle le directeur de l’Agence soumettrait le projet de document de programmation au Conseil d’administration de l’Agence pour adoption;
5. invite la Commission à envisager une révision plus complète et plus ambitieuse du règlement fondateur de l’Agence, à l’issue d’une analyse d’impact exhaustive et après avoir consulté les partenaires de l’Agence, afin de renforcer l’indépendance, l’efficacité et l’efficience de l’Agence; invite le Conseil à réfléchir à ces propositions; invite la Commission, aux fins d’une révision future en ce sens, à tenir particulièrement compte des éléments suivants:
i)
Conseil d’administration
la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures devrait avoir le droit, comme c’est le cas pour de nombreuses autres agences de l’Union, de désigner un membre supplémentaire du conseil d’administration de l’Agence. Les membres du conseil d’administration devraient avoir le droit d’effectuer un second mandat consécutif. Il convient d’inclure une exigence de parité au sein des organes institués par le règlement fondateur de l’Agence. L’Agence est encouragée à poursuivre sa pratique de compter, au sein de son comité scientifique, au moins un expert reconnu en matière d’égalité des genres;
ii)
Évaluation et examen indépendants des activités de l’Agence
tous les cinq ans, les actes et activités de l’Agence devraient être soumis à une évaluation externe indépendante, non commandée par la Commission, ayant pour objectif d’évaluer en particulier les effets, l’efficacité et l’efficience des activités et réalisations de l’Agence, ainsi que ses méthodes de travail. Le conseil d’administration examine les conclusions des évaluations visées à l’article 30, paragraphe 3, du règlement fondateur de l’Agence et adresse à la Commission les recommandations jugées nécessaires concernant les modifications à apporter à l’Agence, à ses méthodes de travail et à l’étendue de sa mission. La Commission transmet le rapport d’évaluation et les recommandations au Parlement, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, et les rend publics. Après avoir étudié le rapport d’évaluation et les recommandations, la Commission peut présenter toute proposition de modification du règlement qu’elle juge nécessaire;
iii)
Tâches
à la demande du Conseil, de la Commission ou du Parlement, l’Agence devrait pouvoir mener, notamment, des recherches scientifiques, des sondages, des études préparatoires et des études de faisabilité indépendants, ainsi que formuler et publier des conclusions et des avis sur des sujets thématiques spécifiques, y compris des évaluations par pays, des avis sur des propositions législatives à différentes étapes de la procédure législative et des avis sur les procédures au titre de l’article 7 du traité UE. Elle devrait également pouvoir le faire de sa propre initiative, pas seulement à la demande d’une institution de l’Union, ainsi qu’à l’initiative d’un État membre ou d’un groupe d’États membres. Le rôle actif de l’Agence dans le cadre du futur mécanisme de l’Union pour la démocratie, l’état de droit et les droits fondamentaux devrait figurer dans le règlement, ce rôle étant celui d’un organisme qui, en coopération avec un comité d’experts indépendants, détermine, de manière impartiale, les principales évolutions positives et négatives dans chaque État membre et contribue, entre autres, à la préparation du rapport annuel de la Commission;
6. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission.