Violations du droit de l’UE et des droits des citoyens LGBTIQ en Hongrie par suite de l’adoption de modifications de la législation au Parlement hongrois
Résolution du Parlement européen du 8 juillet 2021 sur les violations du droit de l’UE et des droits des citoyens LGBTIQ en Hongrie par suite de l’adoption de modifications de la législation au Parlement hongrois (2021/2780(RSP))
Le Parlement européen,
– vu la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «charte»),
– vu l’article 2 du traité sur l’Union européenne (traité UE),
– vu la convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en la matière,
– vu la déclaration universelle des droits de l’homme,
– vu la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et de la CEDH,
– vu la communication de la Commission du 12 novembre 2020 intitulée «Union de l’égalité: stratégie en faveur de l’égalité de traitement à l’égard des personnes LGBTIQ pour la période 2020-2025» (COM(2020)0698),
– vu la communication de la Commission du 24 mars 2021 intitulée «Stratégie de l’UE sur les droits de l’enfant» (COM(2021)0142),
– vu les résultats de l’enquête sur les personnes LGBT dans l’Union européenne réalisée par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) en 2019,
– vu le règlement (UE, Euratom) 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union(1) (ci-après le «règlement sur la conditionnalité liée de l’état de droit»),
– vu sa résolution du 12 septembre 2018 relative à une proposition invitant le Conseil à constater, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne, l’existence d’un risque clair de violation grave par la Hongrie des valeurs sur lesquelles l’Union est fondée(2),
– vu sa résolution du 18 décembre 2019 sur la discrimination publique et le discours de haine à l’égard des personnes LGBTI, notamment les «zones sans LGBTI»(3),
– vu sa résolution du 16 janvier 2020 sur les auditions en cours au titre de l’article 7, paragraphe 1, du traité UE en ce qui concerne la Pologne et la Hongrie(4),
– vu l’arrêt de la CJUE du 3 juin 2021 dans l’affaire C-650/18, rejetant le recours de la Hongrie contre la résolution du Parlement du 12 septembre 2018 déclenchant la procédure pour constater l’existence d’un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs sur lesquelles l’Union est fondée(5),
– vu sa résolution du 7 octobre 2020 sur la création d’un mécanisme de l’Union pour la démocratie, l’état de droit et les droits fondamentaux(6),
– vu sa résolution du 11 mars 2021 sur la déclaration de l’Union européenne en tant que zone de liberté pour les personnes LGBTIQ(7),
– vu sa résolution du 24 juin 2021 sur la situation concernant la santé et les droits génésiques et sexuels dans l’Union, dans le cadre de la santé des femmes(8),
– vu la communication de la Commission du 30 septembre 2020 intitulée «Rapport 2020 sur l’état de droit – La situation de l’état de droit dans l’Union européenne» (COM(2020)0580),
– vu sa résolution du 24 juin 2021 concernant le rapport 2020 sur l’état de droit de la Commission(9),
– vu la loi hongroise LXXIX de 2021 adoptant des mesures plus sévères à l’encontre des délinquants pédophiles et modifiant certaines lois pour assurer la protection des enfants (ci‑après le «projet de loi» et, après promulgation, la «loi»),
– vu l’enquête lancée le 16 juin 2021 par la commissaire européenne à l’égalité sur le respect du droit de l’Union par la loi hongroise,
– vu la lettre que les commissaires à la justice et au marché intérieur ont adressée au ministre hongrois de la justice (Ares S(2021) 4587976) en ce qui concerne la non-conformité du projet de loi avec plusieurs dispositions du droit européen, notamment l’article 2 du traité UE sur le respect des droits de l’homme et les valeurs de liberté et de non-discrimination,
– vu la lettre signée par 17 chefs d’État ou de gouvernement lors du sommet du Conseil européen de juin 2021, dans laquelle ils s’engagent à «continuer à lutter contre les discriminations envers la communauté LGBTI»(10),
– vu la déclaration relative à l’adoption du projet de loi hongrois, cosignée en marge du Conseil des affaires générales du 22 juin 2021 par 18 États membres(11),
– vu la recommandation CM/Rec(2010)5 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe aux États membres relative à des mesures visant à combattre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, et les normes adoptées par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe,
– vu la déclaration de la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe sur le projet de loi(12),
– vu l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme le 20 juin 2017 dans l’affaire Bayev et autres contre Russie (requêtes nos 67667/09 et 2 autres)(13),
– vu la question avec demande de réponse orale posée le 22 juin 2021 à la Commission sur les violations du droit de l’UE et des droits des citoyens LGBTQI en Hongrie par suite de l’adoption de modifications de la législation au Parlement hongrois (O-000050/2021),
– vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,
A. considérant que le 15 juin 2021, l’Assemblée nationale hongroise a adopté un projet de loi qui, à l’origine, visait à protéger les enfants contre les délinquants pédophiles, objectif qui est partagé et poursuivi par toutes les institutions de l’Union et tous les États membres de l’Union; considérant que le projet de loi a été promulgué le 23 juin 2021 et entrera en vigueur le 8 juillet 2021(14); considérant que la loi limitera strictement, de façon délibérée, les droits et les libertés des personnes LGBTIQ ainsi que les droits des enfants;
B. considérant que la Hongrie a récemment publié, au sein du Conseil, un certain nombre de déclarations visant à interpréter la notion de «genre» dans certains textes comme faisant référence au sexe, ce qui revient à nier l’existence du genre, en particulier dans le cadre du concept de gestion de crise en vue d’une éventuelle mission militaire à mandat non exécutif de l’Union au Mozambique au titre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), du règlement établissant un Fonds pour une transition juste, du règlement portant dispositions communes et à d’autres occasions;
C. considérant que les définitions inscrites dans la loi sont volontairement vagues, afin de créer un effet dissuasif; considérant que la loi interdit la «représentation et la promotion d’une identité de genre différente du sexe assigné à la naissance, du changement de sexe et de l’homosexualité» dans les écoles, les programmes télévisés et les messages publicitaires accessibles au public sur quelque plateforme que ce soit à l’intention de personnes âgées de moins de 18 ans, même à des fins éducatives; considérant qu’elle exclut que ce type de contenu soit considéré comme une annonce de service public ou un message d’intérêt général, quand bien même il s’adresserait à des adultes; considérant que la loi modifie la loi de protection des enfants, la loi de protection de la famille, la loi sur les activités publicitaires des entreprises, la loi sur les médias et la loi sur l’éducation publique;
D. considérant que le Parlement a précédemment condamné l’utilisation abusive des lois sur les informations accessibles aux mineurs, notamment vis-à-vis de l’éducation et des médias, dans le dessein de censurer les ressources et les contenus liés aux personnes LGBTI, en particulier en Lituanie et en Lettonie;
E. considérant qu’en 2018, Andrzej Duda, président de la République de Pologne, a déclaré qu’il réfléchissait à l’adoption d’une loi sur la «propagande homosexuelle», semblable à celle adoptée en Russie, qui interdirait les médias, la littérature et les rassemblements LGBTIQ, comme la Marche des fiertés; considérant qu’en juin 2021, Michał Woś, vice-ministre de la justice polonais, a annoncé que la Pologne travaillait à un projet de loi interdisant la «propagande LGBT»;
F. considérant qu’en juin 2021, Miloš Zeman, président de la République tchèque, a formulé des commentaires dégradants à l’égard de la communauté transgenre dans une interview sur la nouvelle loi anti-LGBTIQ hongroise;
G. considérant que l’on observe une évolution similaire et inquiétante en Croatie, avec notamment l’annonce d’une proposition du parti conservateur Most d’inclure «l’interdiction d’exposer les enfants à la propagande LGBT» dans les dispositions législatives en cours d’examen au Parlement croate, ainsi que les agressions commises contre des personnes LGBTI le 3 juillet 2021, jour de la 20e marche des fiertés à Zagreb; que le 4 juillet 2021, le président et le vice-président du parti Most ont annoncé l’ouverture de poursuites contre les organisations LGBTI qui avaient accusé leur parti de répandre l’intolérance et l’homophobie, et d’inciter à la division et à la haine;
H. considérant qu’en 2013, la Russie a adopté une loi fédérale visant à «protéger les enfants d’informations prônant un rejet des valeurs familiales traditionnelles» et à interdire la normalisation de l’homosexualité dans les médias; considérant que de nombreuses organisations de défense des droits de l’homme dans le monde ont affirmé que la loi russe mettait en danger les jeunes LGBTIQ;
I. considérant que, comme en dispose l’article 2 du traité UE, l’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’état de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités;
J. considérant que la stratégie de la Commission en faveur de l’égalité de traitement à l’égard des personnes LGBTIQ définit les orientations communes de l’Union pour protéger les droits des personnes LGBTIQ dans tous les États membres; considérant qu’elle réaffirme que l’égalité et la non-discrimination constituent des valeurs centrales et des droits fondamentaux garantis par l’Union, qui sont proclamés dans ses traités ainsi que dans la charte;
K. considérant qu’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, a qualifié cette loi de «honte» et a demandé aux commissaires compétents de contacter le gouvernement hongrois(15); considérant que les commissaires à la justice et au marché intérieur ont écrit un courrier au ministre hongrois de la justice, par lequel ils affirment que la loi viole les droits suivants: le droit à la vie privée et familiale (articles 7 et 9 de la charte), le droit à la liberté d’expression et d’information (article 11 de la charte), la liberté d’entreprise (article 16 de la charte) et le droit à la non-discrimination (article 21 de la charte); considérant que la directive «Services de médias audiovisuels»(16), la directive sur le commerce électronique(17) et l’article 56 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE) s’appliquent à au moins à certains cas couverts par la loi; considérant que les articles 34 et 36 du traité FUE peuvent également être pertinents, et que les dispositions attaquées de la loi les enfreignent; considérant qu’une réponse à cette lettre a été demandée pour le 30 juin 2021 au plus tard(18); considérant que le ministre hongrois de la justice a répondu le 1er juillet 2021;
L. considérant que 18 États membres(19) ont cosigné une déclaration invitant la Commission à se servir de tous les outils dont elle dispose pour veiller au plein respect du droit de l’Union, y compris en saisissant la CJUE;
M. considérant que le 24 juin 2021, 17 chefs d’États ou de gouvernement ont adopté une déclaration commune, par laquelle ils s’engagent à continuer à lutter contre les discriminations envers la communauté LGBTI et à défendre les droits fondamentaux des personnes LGBTIQ(20);
N. considérant que la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a exhorté les députés hongrois à rejeter le projet de loi; considérant qu’elle a estimé que le projet de loi méprisait les droits et l’identité des personnes LGBTIQ, et qu’il restreignait la liberté d’expression et le droit à l’éducation de tous les Hongrois(21);
O. considérant que la recommandation CM/Rec(2010)5 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe aux États membres relative à des mesures visant à combattre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre affirme que les dirigeants des États membres du Conseil de l’Europe ont des responsabilités en matière d’éducation, de lutte contre les préjugés et la discrimination, ainsi que d’efforts en vue de l’acceptation des personnes LGBTIQ;
P. considérant que, dans l’affaire Bayev et autres contre Russie, la Cour européenne des droits de l’homme a dit pour droit que la législation interdisant la promotion de l’homosexualité, aussi connue sous le nom de «loi sur la propagande homosexuelle», enfreignait l’article 10 (liberté d’expression) et l’article 14 (interdiction de discrimination) de la CEDH, qu’elle présentait donc un caractère discriminatoire et qu’elle renforçait les préjugés contre les personnes LGBTIQ, ce qui est incompatible avec les valeurs d’une société démocratique;
Q. considérant que le Parlement a souvent encouragé les États membres à garantir le droit à une éducation en matière de sexe, de sexualité et de vie relationnelle complète, correcte sur le plan scientifique, fondée sur des faits, adaptée à l’âge et exempte de jugement; considérant que les organismes internationaux de défense des droits de l’homme(22), tels que le Conseil de l’Europe, ont proclamé que les enfants et les jeunes ont le droit à une éducation sexuelle complète;
R. considérant que l’enquête de la FRA sur les personnes LGBT souligne que plus de la moitié des personnes interrogées ont toujours ou souvent été témoins de commentaires ou de comportements négatifs au cours de leur scolarité, au prétexte que l’un de leurs camarades était vu comme LGBTIQ; considérant que cette proportion monte à 70 % des 15-17 ans, ce qui prouve la nécessité d’aborder les sujets de l’acceptation et de la tolérance en environnement éducatif;
La loi, ses dispositions et la violation du droit de l’Union
1. condamne avec force la loi adoptée par le parlement hongrois, qui porte clairement atteinte aux valeurs, aux principes et au droit de l’Union; rappelle que la loi introduira dans différents actes hongrois des dispositions qui violent les droits fondamentaux protégés par la charte, par les traités et par la législation de l’Union relative au marché intérieur (la directive SMA et la directive sur le commerce électronique); considère que la loi enfreint l’acquis de l’Union;
2. salue la déclaration signée par 18 États membres, qui demandent à la Commission d’agir en justice, ainsi que la condamnation du projet de loi par la présidente de la Commission et certains commissaires; prend acte de la lettre envoyée au ministre hongrois de la justice, lui demandant de fournir, le 30 juin 2021 au plus tard, des précisions et des informations sur les points soulevés; demande à la Commission de publier cette réponse;
3. prend acte de l’appel de la Commission en faveur d’un débat constructif et loyal avec la Hongrie; regrette que la loi ait néanmoins été promulguée le 23 juin 2021, en dépit de l’indignation exprimée par les organisations internationales; invite la Commission à agir immédiatement en justice, notamment en engageant, au titre de l’article 258 du traité FUE, une procédure d’infraction accélérée contre la Hongrie en ce qui concerne la loi; invite la Commission à exploiter tous les outils procéduraux de la Cour de justice, notamment les demandes de procédure accélérée et les demandes en référé, y compris les pénalités pour non-respect de ces dernières;
4. rappelle qu’en vertu de l’article 259 du traité FUE, un État membre peut saisir la CJUE s’il estime qu’un autre État membre a manqué à l’une des obligations qui lui incombent en vertu des traités; invite les États membres à mettre en œuvre cet article en ce qui concerne la loi, en cas d’inaction de la Commission; invite les États membres à présenter une requête interétatique à la Cour européenne des droits de l’homme en ce qui concerne les aspects non couverts par le droit de l’Union;
Procédures en cours au titre de l’article 7, paragraphe 1
5. souligne que la loi n’est pas un exemple isolé, mais qu’elle constitue une nouvelle illustration délibérée et préméditée du démantèlement progressif des droits fondamentaux en Hongrie; souligne que la phobie des personnes LGBTQI et les campagnes de désinformation orchestrées et favorisées par l’État sont devenues des outils de censure politique aux mains du gouvernement hongrois et estime que cela constitue une violation de l’article 2, du traité UE; rappelle que l’Union européenne a été déclarée zone de liberté pour les personnes LGBTIQ(23):
6. rappelle que les violations des droits de l’homme des personnes LGBTIQ participent d’un dessein politique plus large, à savoir le démantèlement de la démocratie et de l’état de droit, y compris la liberté des médias, et qu’elles doivent être considérées comme des violations systématiques de l’article 2 du traité UE; rappelle que le Parlement, dans une résolution du 12 septembre 2018(24), avait déjà exprimé son inquiétude à propos du droit à un traitement équitable et de la liberté d’expression;
7. exprime la profonde inquiétude que lui inspire le fait que la situation de l’état de droit et des droits fondamentaux en Hongrie continue de se dégrader depuis le déclenchement de l’article 7, paragraphe 1, par le Parlement; pointe l’inaction et la responsabilité du Conseil à cet égard au fil des ans;
8. se félicite que la présidence portugaise ait organisé la première audition sur l’état de droit en Hongrie depuis 2019 au titre de l’article 7, paragraphe 1, et que 18 États membres aient protesté contre la loi dans une déclaration; souligne cependant que le dialogue doit produire des résultats tangibles, sous forme de mesures, afin de lutter activement contre les actes qui illustrent la dégradation des droits fondamentaux en Hongrie; demande à nouveau au Conseil que des recommandations concrètes soient adressées à la Hongrie, comme le prévoit l’article 7, paragraphe 1, du traité UE, et notamment qu’il lui soit recommandé d’abroger la loi en question, et que des échéances soient fixées pour la mise en œuvre de ces recommandations; demande à la présidence slovène d’organiser une audition sur la Hongrie en septembre 2021 et d’organiser un vote sur les recommandations dans les plus brefs délais; prend acte du fait que les droits de l’homme des personnes LGBTIQ ont été progressivement démantelés au cours des dernières années;
9. rappelle que le 2 mars 2021, le Conseil hongrois des médias a annoncé qu’il lancerait une action en justice contre le groupe audiovisuel RTL Hungary à la suite de la diffusion de la campagne «La Famille est la Famille»; estime que ces actions constituent une censure des contenus médiatiques et de la publicité et qu’elles enfreignent de ce fait la directive SMA; souligne qu’un certain nombre de diffuseurs de l’Union, appuyés par des organisations de la société civile, ont demandé à la Commission d’engager des procédures d’infraction(25); demande à la Commission d’exploiter tous les instruments juridiques à sa disposition pour lutter contre la censure des contenus conformes à la directive SMA, lue en combinaison avec la charte;
10. exprime la profonde inquiétude que lui inspire le fait que la dégradation de la liberté des médias accentue la tendance à cibler les minorités (y compris les personnes LGBTIQ) et à les traiter comme des boucs émissaires;
11. rappelle que la loi fondamentale (Constitution) de la Hongrie a été modifiée en décembre 2020 pour préciser que la mère est une femme et que le père est un homme, et que la Hongrie protège le droit des enfants à établir leur identité en fonction de leur sexe et leur droit à recevoir une éducation conforme à l’identité constitutionnelle du pays et au système de valeurs fondé sur la culture chrétienne; fait valoir que si le droit de la famille constitue un domaine de compétence national, la modification ainsi introduite dans la constitution, combinée à la législation ensuite adoptée, y compris la loi, se traduit par une réduction directe de la protection des valeurs énoncées à l’article 2 du traité UE; prend acte du fait que la Commission de Venise a adopté un avis sur les modifications de la constitution adoptées par le parlement hongrois en décembre 2020(26);
12. rappelle que, le 18 juin 2013, la Commission de Venise a adopté l’avis CDL-AD (2013)022-e sur la question de l’interdiction de la «propagande homosexuelle» à la lumière de la législation récemment adoptée dans certains États membres du Conseil de l’Europe;
13. rappelle que le Parlement hongrois a adopté une législation restreignant le recours à l’adoption aux seuls couples mariés, ce qui de facto interdit l’adoption aux personnes vivant dans des partenariats de même sexe et aux personnes célibataires ou non mariées, sauf autorisation spéciale accordée par le ministre chargé des politiques familiales; souligne, s’agissant de cette dernière exigence, qu’un membre du gouvernement est habilité à prendre des décisions unilatérales en la matière;
14. rappelle que l’adoption de l’article 33 du projet de loi omnibus de 2020 interdit de facto la reconnaissance juridique du genre pour les personnes transgenres et intersexuées en Hongrie, ce qui viole leur droit à la vie privée et les expose à des discriminations, qui peuvent avoir de graves effets psychologiques et limiter leur droit de participer activement à la société civile; prend acte du fait que l’autorité nationale chargée de la protection des données et de la liberté de l’information a rendu un avis sur l’article 33, faisant valoir que celui-ci viole l’article 5, paragraphe 1, point d), du règlement général sur la protection des données(27); rappelle que la Commission n’a jusqu’à présent pris aucune mesure pour remédier à ce problème; invite la Commission à examiner cette question et à agir en justice si nécessaire; fait observer que si la Cour constitutionnelle hongroise(28) a jugé que la loi était en partie inconstitutionnelle, les autorités publiques n’ont toujours pas mis en œuvre sa décision et continuent de rejeter les demandes, même si celles-ci ont été présentées avant l’entrée en vigueur de la loi; relève qu’il s’agit là d’une violation de l’état de droit;
15. condamne la décision prise par l’autorité chargée de la protection des consommateurs à Budapest(29) d’ordonner aux éditeurs d’imprimer sur les livres pour enfants qui mettent en scène des familles arc-en-ciel des avertissements indiquant que ceux-ci dépeignent des «comportements incompatibles avec les rôles de genre traditionnels»;
16. se dit très inquiet du rétrécissement de l’espace accordé aux organisations non gouvernementales (ONG) en Hongrie, y compris aux ONG LGBTIQ; salue l’arrêt prononcé par la CJUE dans l’affaire C-78/18(30), qui déclare que la Hongrie, au travers de la loi n° LXXVI de 2017 sur la transparence des organisations recevant de l’aide de l’étranger a introduit des restrictions discriminatoires et injustifiées à l’égard des dons étrangers accordés aux organisations de la société civile, en violation des obligations qui lui incombent en matière de libre circulation des capitaux, de respect de la vie privée, de protection des données à caractère personnel et de liberté d’association; prend acte du fait que cette loi a été abrogée, mais se dit inquiet des nouvelles contraintes mises en place en ce qui concerne le financement de la société civile en Hongrie, telles que la mise en œuvre de contrôles orientés par la cour des comptes hongroise et l’obligation d’indiquer le nom de tous les donateurs dans des rapports d’utilité publique accessibles au public; estime que ces restrictions ne sont ni nécessaires ni proportionnées, et qu’elles ne respectent ni la jurisprudence de la CJUE ni les conclusions du rapport sur le financement des associations adopté par la Commission de Venise lors de sa 118e session plénière des 15 et 16 mars 2019;
17. affirme qu’il est fermement résolu à défendre les droits de l’enfant dans l’Union et à l’étranger; estime que la tolérance, l’acceptation et la diversité devraient servir de principes directeurs pour garantir le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant, et non la phobie et la haine des personnes LGBTIQ; considère à cet égard que le fait d’assimiler l’orientation sexuelle ou l’identité de genre à la pédophilie ou aux atteintes aux droits de l’enfant constitue une tentative manifeste d’instrumentaliser le langage des droits de l’homme en vue de mettre en œuvre des politiques discriminatoires; considère que cela est contraire aux normes et aux principes internationaux des droits de l’homme;
18. se dit préoccupé par le fait que la loi ressemble à la loi russe de 2013 sur la «propagande LGBT», qui a profondément nui à la communauté LGBTIQ en Russie; invite la Commission à enquêter plus avant sur le financement des campagnes anti-LGBTIQ dans l’Union, qui constituent clairement une menace pour la démocratie et la sécurité nationale dans l’Union;
Mesures à prendre par la Commission
19. demande une nouvelle fois à la Commission et au Conseil de reconnaître enfin qu’il est urgent d’agir pour défendre les valeurs consacrées à l’article 2 du traité UE et d’admettre qu’un État membre ne peut pas modifier sa législation, y compris ses dispositions constitutionnelles, de manière à réduire la protection de ces valeurs(31); attire l’attention sur le fait que cela est interdit par les traités, ainsi que l’a récemment interprété la CJUE dans l’affaire C-896/19(32);
20. est d’avis que la loi contredit de manière flagrante la stratégie de la Commission en faveur de l’égalité des personnes LGBTIQ; exhorte la Commission à veiller à ce que la stratégie soit mise en œuvre de manière égale dans tous les États membres de l’Union;
21. invite le Conseil et la Commission à débloquer d’urgence la directive horizontale antidiscrimination, qui se trouve bloquée au Conseil depuis plus de 10 ans(33);
22. rappelle qu’aucune réponse appropriée n’a jusqu’à présent été apportée à l’initiative du Parlement sur la création d’un mécanisme de l’Union pour la démocratie, l’état de droit et les droits fondamentaux régi par un accord interinstitutionnel entre le Parlement, la Commission et le Conseil; invite la Commission et le Conseil à engager dans les plus brefs délais des négociations avec le Parlement en vue de conclure un accord interinstitutionnel, conformément à l’article 295 du traité FUE;
23. réaffirme sa position concernant le règlement sur la conditionnalité liée à l’état de droit, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2021 et qui est directement applicable dans l’Union européenne et tous ses États membres pour tous les fonds du budget de l’Union, y compris les ressources allouées depuis lors au titre de l’instrument de relance de l’Union;
24. rappelle que le règlement sur la conditionnalité liée à l’état de droit fournit une définition claire de l’état de droit, qui doit être comprise au regard des autres valeurs de l’Union, y compris les droits fondamentaux et de la non-discrimination; est d’avis que la discrimination d’État à l’encontre des minorités a une incidence directe sur les projets auxquels les États membres décident ou non de consacrer des financements de l’Union, et qu’elle impacte de ce fait directement la protection des intérêts financiers de l’Union; demande à la Commission de déclencher immédiatement la procédure prévue à l’article 6, paragraphe 1, du règlement sur la conditionnalité liée à l’état de droit;
25. estime que la capacité des autorités hongroises à gérer les fonds de l’Union de manière non discriminatoire et dans le respect de la charte est sérieusement mise en doute; invite la Commission à évaluer l’adoption de la loi au regard de la condition favorisante horizontale pour garantir la conformité à la charte du règlement (UE) 2021/1060 du Parlement européen et du Conseil du 24 juin 2021 portant dispositions communes relatives au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen plus, au Fonds de cohésion, au Fonds pour une transition juste et au Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture, et établissant les règles financières applicables à ces Fonds et au Fonds «Asile, migration et intégration», au Fonds pour la sécurité intérieure et à l’instrument de soutien financier à la gestion des frontières et à la politique des visas(34) (le règlement portant dispositions communes); invite la Commission à prendre les mesures prévues par le règlement portant dispositions communes en ce qui concerne les dépenses liées aux fonds concernés et de veiller à ce que l’accord de partenariat 2021-2027 et les programmes pour la Hongrie ne soient pas approuvés tant que la condition favorisante horizontale relative à la conformité avec la charte n’est pas respectée, comme le prévoient les articles du règlement portant dispositions communes; rappelle que tout acte de la Commission qui n’est pas conforme au droit de l’Union peut être attaqué devant la CJUE;
26. exprime de sérieux doutes quant à la conformité du projet de plan pour la reprise et la résilience de la Hongrie avec le règlement (UE) 2021/241 du Parlement européen et du Conseil du 12 février 2021 établissant la facilité pour la reprise et la résilience(35) et avec la charte; invite la Commission et le Conseil à analyser attentivement chaque mesure présentée dans le projet de plan pour la reprise et la résilience de la Hongrie et de n’approuver ce plan que s’il est établi qu’il ne favorisera pas la mise en œuvre de la loi et qu’il ne conduira pas, de ce fait, à ce que le budget de l’Union contribue activement aux violations des droits fondamentaux en Hongrie;
27. rappelle que les droits des personnes LGBTIQ sont des droits de l’homme; encourage une nouvelle fois les États membres, et en particulier la Hongrie, à faire en sorte que la législation existante sur l’éducation et sur les information accessibles aux mineurs respecte pleinement les droits fondamentaux consacrés par le droit de l’Union et le droit international, et de veiller à garantir l’accès à une éducation sexuelle et relationnelle complète, qui soit scientifiquement exacte, basée sur des données probantes, adaptée à l’âge du public et neutre; rappelle que les informations publiées devraient refléter la diversité des orientations sexuelles, des identités et expressions de genre, ainsi que des caractéristiques sexuelles, afin de lutter contre la désinformation fondée sur des stéréotypes ou des préjugés; invite la Commission à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le respect des droits fondamentaux en Hongrie; invite les institutions de l’Union et les États membres à dénoncer les discours haineux reposant sur la phobie des personnes LGBTIQ, en particulier lorsqu’ils émanent de gouvernements et de responsables politiques;
o o o
28. charge son Président de transmettre la présente résolution aux gouvernements et aux parlements des États membres, au Conseil, à la Commission et au Comité des régions.
Loi publiée au Journal officiel hongrois: https://njt.hu/jogszabaly/2021-79-00-00; https://magyarkozlony.hu/dokumentumok/ba643dee7b59c2a1901132e6e3320483d2245b56/megtekintes
Convention relative aux droits de l’enfant; convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes; rapport du rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’éducation.
ACT, «Hungary: Broadcasting associations across Europe express dismay at anti-LGBTIQ bill & urge European Commission to open infringement proceedings» (Hongrie: des organismes de diffusion européens expriment leur désarroi face à une loi anti-LGBTQI et exhorte la Commission européenne à engager une procédure d’infraction), Bruxelles, 29 juin 2021.
Hongrie - Avis sur les modifications de la constitution adoptées par le parlement hongrois en décembre 2020, adopté par la Commission de Venise lors de sa 127e session plénière, à Venise et en ligne, les 2 et 3 juillet 2021 (CDL-AD (2021) 029-e).
Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) (JO L 119 du 4.5.2016, p. 1).
http://public.mkab.hu/dev/dontesek.nsf/0/CB4CA4E8F72D33DFC125863A00604976? OpenDocument. Synthèse en anglais disponible à l’adresse suivante: http://public.mkab.hu/dev/dontesek.nsf/0/CB4CA4E8F72D33DFC125863A00604976?OpenDocument&english&english
Résolution du Parlement européen du 10 juin 2021 sur la situation de l’état de droit dans l’Union européenne et l’application du règlement (UE, Euratom) 2020/2092 relatif à la conditionnalité.
Proposition de la Commission du 2 juillet 2008 en vue d’une directive du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle (COM(2008)0426).