Constitution d'une commission spéciale sur l'ingérence étrangère dans l'ensemble des processus démocratiques de l'Union européenne, y compris la désinformation
Décision du Parlement européen du 10 mars 2022 sur la constitution, les compétences, la composition numérique et la durée du mandat de la commission spéciale sur l’ingérence étrangère dans l’ensemble des processus démocratiques de l’Union européenne, y compris la désinformation (INGE 2)(2022/2585(RSO))
Le Parlement européen,
– vu la proposition de la Conférence des présidents,
– vu la communication de la Commission sur le plan d’action pour la démocratie européenne (COM(2020)0790),
– vu le train de mesures sur les services numériques, y compris la proposition de règlement relatif à un marché unique des services numériques (législation sur les services numériques) et modifiant la directive 2000/31/CE (COM(2020)0825), et la proposition de règlement relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique (législation sur les marchés numériques) (COM(2020)0842),
– vu sa résolution du 20 octobre 2021 sur les médias européens dans la décennie numérique: un plan d’action pour soutenir la reprise et la transformation(1),
– vu le code de bonnes pratiques contre la désinformation adopté en 2018, les orientations de 2021 visant à renforcer le code de bonnes pratiques contre la désinformation (COM(2021)0262) et les recommandations du groupe des régulateurs européens pour les services de médias audiovisuels sur le nouveau code de bonnes pratiques contre la désinformation d’octobre 2021,
– vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil, présentée par la Commission le 16 décembre 2020, sur la résilience des entités critiques (COM(2020)0829),
– vu la boîte à outils de l’Union européenne de mars 2021 pour la mise en place de mesures d’atténuation des risques sur la cybersécurité des réseaux 5G,
– vu le rapport spécial nº 09/2021 de la Cour des comptes sur le thème «La désinformation concernant l’UE: un phénomène sous surveillance mais pas sous contrôle»,
– vu la communication conjointe de la Commission et du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité du 10 juin 2020 intitulée «Lutter contre la désinformation concernant la COVID-19 – Démêler le vrai du faux» (JOIN(2020)0008),
– vu le rapport de la commission spéciale sur l’ingérence étrangère dans l’ensemble des processus démocratiques de l’Union européenne, y compris la désinformation (A9-0022/2022),
– vu l’article 207 de son règlement intérieur,
A. considérant que l’ingérence étrangère constitue une grave violation des valeurs et principes universels sur lesquels l’Union a été fondée, tels que la dignité humaine, la liberté, l’égalité, la solidarité, le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la démocratie et l’état de droit; qu’il est démontré que des acteurs étrangers, malveillants et autoritaires, étatiques ou non, utilisent la manipulation de l’information et d’autres tactiques pour s’immiscer dans les processus démocratiques de l’Union; que ces attaques induisent les citoyens en erreur, les trompent et affectent leurs choix électoraux, amplifient les polémiques, divisent, polarisent, exploitent les vulnérabilités des sociétés, encouragent les discours de haine, aggravent la situation des groupes vulnérables qui sont plus susceptibles d’être victimes de désinformation, faussent l’intégrité des élections et des référendums démocratiques, nourrissent la méfiance à l’égard des gouvernements nationaux, des autorités publiques et de l’ordre démocratique libéral et ont pour objectif de déstabiliser la démocratie européenne;
B. considérant qu’une campagne de désinformation d’une ampleur et d’une malveillance sans précédent visant à tromper à la fois les citoyens européens et la communauté internationale des États dans son ensemble a été menée par la Russie depuis la veille et au cours de la guerre d’agression contre l’Ukraine, qui a débuté le 24 février 2022;
C. considérant que les efforts déployés par les acteurs étatiques de pays tiers et des acteurs non étatiques pour s’immiscer dans le fonctionnement de la démocratie dans l’Union et ses États membres et exercer une pression sur les valeurs consacrées à l’article 2 du traité sur l’Union européenne au moyen d’une ingérence malveillante, s’inscrivent dans une tendance perturbatrice plus générale que connaissent les démocraties dans le monde entier;
D. considérant que les acteurs malveillants continuent de chercher à s’immiscer dans des processus électoraux et à exploiter l’ouverture et le pluralisme de nos sociétés, ainsi qu’à attaquer les processus démocratiques et la résilience de l’Union et de ses États membres;
E. considérant que l’Union et ses États membres ne disposent pas actuellement d’un régime de sanctions spécifique en ce qui concerne l’ingérence étrangère et les campagnes de désinformation orchestrées par des acteurs étatiques étrangers, ce qui signifie que ces derniers n’ont pas à craindre de conséquences pour leurs campagnes de déstabilisation contre l’Union;
F. considérant le manque de définition et de compréhension communes de ce phénomène et les nombreuses lacunes et failles qui demeurent dans la législation et les politiques actuelles au niveau de l’Union et au niveau national destinées à détecter et prévenir l’ingérence étrangère et à lutter contre celle-ci;
G. considérant que l’ingérence étrangère, la désinformation et les nombreuses attaques et menaces contre la démocratie devraient se faire de plus en plus fréquentes et de plus en plus élaborées à l’approche des élections locales, régionales et nationales et des élections au Parlement européen de 2024;
H. considérant que les précédentes recommandations du Parlement visant à lutter contre les opérations d’ingérence étrangère malveillantes dans les processus démocratiques de l’Union ont contribué à une compréhension globale de l’Union et à une meilleure prise de conscience du phénomène;
I. considérant que les auditions et les travaux de la commission spéciale INGE ont contribué à la reconnaissance publique et à la contextualisation de ces questions, et ont réussi à poser un cadre au débat européen sur l’ingérence étrangère dans les processus démocratiques et la désinformation;
J. considérant qu’il est nécessaire de continuer à suivre ces recommandations;
K. considérant qu’il est nécessaire d’instaurer une coopération et un soutien multilatéraux mondiaux entre les partenaires partageant les mêmes idées, notamment entre les parlementaires, pour faire face à l’ingérence malveillante étrangère et à la désinformation; que les démocraties ont développé des compétences avancées et des contre-stratégies pour faire face à ces menaces;
1. décide de constituer une commission spéciale sur l’ingérence étrangère dans l’ensemble des processus démocratiques de l’Union européenne, y compris la désinformation (INGE 2), investie des compétences suivantes:
a)
examiner, en coopération et en consultation avec les commissions permanentes pour ce qui concerne leurs compétences au titre de l’annexe VI du règlement intérieur, la législation et les politiques existantes et planifiées afin de détecter les éventuelles lacunes, failles et chevauchements qui pourraient être exploités à des fins d’ingérence malveillante dans les processus démocratiques, y compris en ce qui concerne les questions suivantes:
i)
les politiques qui contribuent aux processus démocratiques de l’Union, à la résilience par la connaissance de la situation, à l’éducation aux médias et à l’information, au pluralisme des médias, au journalisme indépendant et à l’éducation;
ii)
les ingérences qui tirent parti des plateformes en ligne, notamment en évaluant en profondeur la responsabilité et les effets des très grandes plateformes en ligne sur la démocratie et les processus démocratiques dans l’Union;
iii)
les infrastructures critiques et les secteurs stratégiques;
iv)
les ingérences pendant les processus électoraux;
v)
le financement dissimulé des activités politiques provenant d’acteurs et de donateurs étrangers;
vi)
la cybersécurité et la résilience face aux cyberattaques, lorsqu’elles sont liées à des processus démocratiques;
vii)
le rôle des acteurs non étatiques;
viii)
l’incidence des ingérences sur les droits des minorités et d’autres groupes victimes de discrimination;
ix)
l’ingérence d’acteurs étrangers par le recrutement de personnalités haut placées, les diasporas nationales, les universités et les manifestations culturelles;
x)
la dissuasion, l’imputation de responsabilité et les contre-mesures collectives, dont les sanctions;
xi)
la coopération avec le voisinage, la coopération mondiale et le multilatéralisme;
xii)
l’ingérence d’entités basées dans l’Union européenne, tant dans l’Union que dans les pays tiers;
b)
élaborer, en étroite coopération avec les commissions permanentes suivant les pratiques de travail de la commission spéciale INGE 1, des suggestions sur la manière de combler ces lacunes de manière à renforcer la résilience juridique de l’Union et d’améliorer le cadre institutionnel de l’Union;
c)
travailler en étroite collaboration avec les autres institutions de l’Union, les autorités des États membres, les organisations internationales, la société civile ainsi que les partenaires étatiques et non étatiques dans les pays tiers afin de renforcer l’action de l’Union contre les menaces hybrides et la désinformation, tout en veillant à ce que toutes les activités publiques de la commission spéciale INGE 2 respectent les priorités énoncées dans la présente décision;
d)
assurer un suivi détaillé et rigoureux de la mise en œuvre du rapport de la commission spéciale INGE 1 en évaluant les mesures prises par les institutions de l’Union ;
e)
contribuer à la résilience institutionnelle globale face à l’ingérence étrangère, aux menaces hybrides et à la désinformation dans la perspective des élections européennes de 2024;
2. décide que, lorsque les activités de la commission spéciale incluent l’audition d’éléments de preuve de nature confidentielle, de témoignages comprenant des données à caractère personnel, ou des échanges de vues ou des auditions avec des autorités et des organes au sujet d’informations confidentielles, y compris des études scientifiques, ou des parties d’études scientifiques, auxquelles a été accordé un statut de confidentialité au titre de l’article 63 du règlement (CE) nº 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil(2), les réunions en question auront lieu à huis clos; décide en outre que les témoins et les experts auront le droit de déposer ou de témoigner à huis clos;
3. décide que la liste des personnes invitées à des réunions publiques, la liste des personnes qui assistent auxdites réunions et les procès-verbaux de ces réunions seront rendus publics;
4. décide que les documents confidentiels reçus par la commission spéciale seront examinés suivant la procédure prévue à l’article 221 de son règlement intérieur; décide par ailleurs que ces informations seront utilisées exclusivement aux fins de l’établissement du rapport final de la commission spéciale;
5. décide que la commission spéciale comptera 33 membres;
6. décide que la durée du mandat de la commission spéciale sera de 12 mois, laquelle court à compter de la date de sa réunion constitutive;
7. décide que la commission spéciale, après avoir examiné la mise en œuvre du rapport de la commission spéciale INGE 1 et de la législation en vigueur et après avoir recensé les lacunes, les failles et les chevauchements, déterminera la base juridique appropriée pour tout acte juridique nécessaire et préparera le terrain à des solutions institutionnelles permanentes de l’Union pour lutter contre l’ingérence malveillante étrangère et la désinformation et, si nécessaire, demandera à la Commission de prendre des mesures institutionnelles spécifiques, en élaborant, conformément à l’article 54 du règlement intérieur, un rapport d’initiative demandant à la Commission de présenter une proposition appropriée à cet égard.
Règlement (CE) nº 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil (JO L 309 du 24.11.2009, p. 1).