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Procédure : 2022/2621(RSP)
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RC-B9-0182/2022

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PV 06/04/2022 - 15.2
CRE 06/04/2022 - 15.2

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PV 07/04/2022 - 6.9

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P9_TA(2022)0124

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Jeudi 7 avril 2022 - Strasbourg
Situation de l’état de droit et des droits de l’homme dans la République du Guatemala
P9_TA(2022)0124RC-B9-0182/2022

Résolution du Parlement européen du 7 avril 2022 sur la situation de l’état de droit et des droits de l’homme dans la République du Guatemala (2022/2621(RSP))

Le Parlement européen,

–  vu ses résolutions antérieures sur le Guatemala, notamment celle du 14 mars 2019 sur la situation des droits de l’homme au Guatemala(1),

–  vu les déclarations du porte-parole du vice-président de la Commission/haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (VP/HR) du 11 février 2022 sur la situation de l’état de droit au Guatemala et du 23 mars 2022 sur la détérioration de l’état de droit au Guatemala,

–  vu l’accord établissant une association entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et l’Amérique centrale, d’autre part(2), en particulier sa clause relative aux droits de l’homme,

–  vu les orientations de l’Union européenne concernant les défenseurs des droits de l’homme,

–  vu le rapport du 28 février 2022 de la Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme au Guatemala,

–  vu la déclaration du 11 février 2022 communiquée par le porte-parole du secrétaire général des Nations Unies sur le Guatemala,

–  vu la déclaration de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) du 22 février 2022 dans laquelle elle se déclare préoccupée par les nouvelles violations de l’indépendance de la justice au Guatemala, et celle de la CIDH et du rapporteur spécial des Nations unies du 9 mars 2022 sur l’indépendance des juges et des avocats exhortant le Guatemala à garantir l’indépendance et l’impartialité lors de la nomination du nouveau procureur général du pays,

–  vu la déclaration universelle des droits de l’homme et les conventions des Nations unies relatives aux droits de l’homme, ainsi que les protocoles facultatifs s’y rattachant,

–  vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966,

–  vu la constitution du Guatemala,

–  vu l’article 144, paragraphe 5, et l’article 132, paragraphe 4, de son règlement intérieur,

A.  considérant que le Guatemala est un partenaire important pour l’Union européenne, dont il partage les valeurs, comme en témoignent le rôle clé du pays dans l’intégration régionale en Amérique centrale tout au long de sa présidence intérimaire du système d’intégration régionale d’Amérique centrale, le développement de la coopération commerciale UE-Guatemala, la solidarité du pays avec l’Ukraine et l’Europe et sa ferme condamnation de l’invasion russe de l’Ukraine, son rôle actif dans les enceintes internationales ainsi que le dialogue constructif avec l’ambassade du Guatemala à Bruxelles dans le cadre de la délégation du Parlement européen pour les relations avec les pays d’Amérique centrale;

B.  considérant qu’en 2019, le gouvernement de la République du Guatemala a décidé unilatéralement de mettre fin au mandat de la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG), active depuis 12 ans dans le pays; qu’au cours de la période de collaboration entre les autorités et la CICIG, le Guatemala a fait montre de progrès constants dans la poursuite des affaires de droits de l’homme et de corruption;

C.  considérant que, depuis lors, le Guatemala a connu un processus continu de cooptation institutionnelle et de démantèlement de l’état de droit, l’obstruction et le harcèlement systématiques des juges et des procureurs dans leur travail légitime, des campagnes de dénigrement, des arrestations et des intimidations à l’encontre des professionnels de la justice, en particulier ceux de la CICIG, du bureau du procureur des droits de l’homme et du bureau du procureur spécial contre l’impunité (FECI), ainsi qu’une augmentation de la fréquence et de l’intensité des agressions à l’encontre des organisations de la société civile et des défenseurs des droits de l’homme, ainsi que la criminalisation de ces organisations;

D.  considérant que les procureurs chargés de la corruption et de la criminalité organisée impliquant des hauts fonctionnaires et des chefs d’entreprise ont vu leurs travaux érigés en infractions pénales dans le cadre de nombreuses procédures judiciaires par le truchement de plaintes devant le conseil de discipline judiciaire et de procès préliminaires, soutenus par le ministère public du Guatemala, afin qu’ils soient arrêtés ou que leur immunité judiciaire soit levée; que la multiplication de ces procédures judiciaires contre des juges, des procureurs et des avocats indépendants est alarmante, de même que l’absence de réaction rapide et efficace ainsi que de mesures de protection;

E.  considérant que les menaces, le harcèlement et le risque de détention arbitraire ont conduit plus de 20 juges à annoncer leur exil du Guatemala afin de protéger leur sécurité et leur intégrité physique et psychologique et d’éviter les représailles de la part des autorités de l’État guatémaltèque; que les cas de la juge Erika Aifán, des anciennes procureures générales Claudia Paz et Thelma Aldana, et de Juan Francisco Sandoval, qui a dirigé la FECI, ne sont que quelques exemples de harcèlement à l’encontre d’acteurs du système judiciaire au Guatemala;

F.  considérant que l’article 203 de la constitution du Guatemala souligne que la fonction judiciaire doit être exercée exclusivement par la Cour suprême de justice et d’autres tribunaux prévus par la loi; considérant l’absence de progrès dans l’élection des juges aux sièges vacants à la Cour suprême et à la Cour d’appel; considérant que cette année, le président et le Congrès pourvoiront trois postes clés: le procureur général, le médiateur des droits de l’homme et le contrôleur général;

G.  considérant que le nouveau procureur général de la République du Guatemala sera élu en mai 2022; que la constitution du Guatemala dispose que la nomination du procureur général s’effectue par l’intermédiaire d’une commission de nomination composée du président de la Cour suprême, des doyens de l’école de droit, des membres du barreau et de membres de la société civile; qu’en septembre 2021, la procureure générale de la République du Guatemala et candidate à sa propre réélection, María Consuelo Porras, ainsi que le secrétaire général du ministère public, Angel Pineda, ont été inscrits par le département d’État américain sur la liste Engel en tant qu’acteurs corrompus et non démocratiques faisant obstacle à la poursuite pénale des affaires de corruption; que le procureur général a un rôle fondamental à jouer pour garantir l’état de droit, la protection et la défense des droits de l’homme ainsi que la lutte contre la corruption et l’impunité;

H.  considérant que la Commission interaméricaine des droits de l’homme et le rapporteur spécial des Nations unies sur l’indépendance des juges et des avocats ont formulé plusieurs recommandations en vue de procéder à une réforme constitutionnelle concernant les procédures d’élection du procureur général et des juges des hautes juridictions du pays, conformément aux normes internationales d’indépendance et d’impartialité;

I.  considérant que le gouvernement guatémaltèque s’est efforcé de mettre en œuvre des politiques favorisant la transparence, la lutte contre la corruption et la lutte contre l’impunité grâce à la création du comité présidentiel contre la corruption et du comité présidentiel pour la paix et les droits de l’homme, qui devraient produire des résultats concrets;

J.  considérant que, selon Transparency International, le Guatemala a perdu 59 places dans l’indice de perception de la corruption au cours de ces dix dernières années, passant du 91e rang (2010) au 150e, sur 180 pays;

K.  considérant que le décret 4-202, connu sous le nom de loi sur les ONG, entré en vigueur en février 2022, vise à restreindre les activités des ONG, à renforcer le contrôle du gouvernement et à ouvrir la voie à la dissolution des ONG qui ne respectent pas les exigences administratives;

L.  considérant que la violence et l’extorsion par de puissantes organisations criminelles demeurent de graves problèmes au Guatemala et que la violence liée aux gangs est un facteur important qui pousse les gens à quitter le pays;

M.  considérant qu’en 2021, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) a recensé 103 attaques contre des défenseurs des droits de l’homme et six assassinats, ainsi que 33 attaques contre des journalistes; que les défenseurs de l’environnement et des terres, les peuples et communautés autochtones et les défenseurs des droits des femmes sont confrontés à de graves menaces; que le HCDH souligne l’augmentation de l’utilisation abusive du droit pénal par des acteurs étatiques et non étatiques à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes afin de les pénaliser ou d’entraver l’exercice légitime de leur travail;

N.  considérant que les peuples autochtones sont toujours confrontés à de multiples formes de discrimination et d’inégalités économiques et sociales; qu’il est nécessaire de renforcer la relation de confiance entre les institutions publiques et les peuples autochtones par la mise en œuvre de mesures de protection et de réalisation de leurs droits, y compris le droit au consentement préalable, libre et éclairé;

O.  considérant que les violences sexistes et sexuelles à l’égard des femmes et des filles sont des problèmes très répandus et profondément enracinés; que, le 8 mars 2022, le Congrès guatémaltèque a approuvé le décret 18-2022, appelé «loi pour la protection de la vie et de la famille», qui criminalise l’avortement en toutes circonstances, avec des peines de prison allant de 5 à 25 ans, et interdit la diversité de genre et l’éducation sexuelle dans les écoles; qu’à la suite de nombreuses manifestations au niveau national et international, le président a exprimé son intention de s’opposer au décret et que, le 15 mars 2022, le Congrès guatémaltèque a voté en faveur de la suspension de la loi controversée;

P.  considérant que le Guatemala affiche l’un des taux d’inégalité les plus élevés et certains des taux de pauvreté, de malnutrition et de mortalité maternelle et infantile les plus élevés de la région; que le Guatemala se classe sixième dans le monde en ce qui concerne la malnutrition chronique;

Q.  considérant que l’Union reste l’un des principaux partenaires de coopération du Guatemala, avec 152 millions d’EUR alloués au titre de la période de programmation de l’instrument de financement de la coopération au développement (2014-2020), axés sur la sécurité alimentaire, la lutte contre la corruption, la paix et la sécurité et la compétitivité;

R.  considérant qu’Aura Lolita Chávez, militante guatémaltèque autochtone engagée pour la protection de l’environnement et finaliste pour la remise du prix Sakharov 2017 du Parlement européen, a quitté son pays après avoir subi de graves agressions, des menaces de mort et des actes de diffamation, et qu’elle ferait l’objet de diverses poursuites judiciaires en cas de retour; que sa sécurité juridique et physique devrait être garantie si elle décide de retourner dans son pays;

1.  s’inquiète de la détérioration de l’état de droit au Guatemala et des actions en justice intentées par la Cour suprême de justice et le procureur général à l’encontre de juges, d’avocats et de procureurs indépendants qui enquêtent sur des structures criminelles liées à des hauts fonctionnaires de l’État et à des propriétaires d’entreprises ou engagent des poursuites en la matière;

2.  condamne la criminalisation, la détention, les campagnes médiatiques visant à discréditer, les menaces et les actes de harcèlement dont sont victimes les opérateurs judiciaires qui poursuivent des affaires de corruption et luttent contre l’impunité, ainsi que ceux visant des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes; demande instamment aux autorités guatémaltèques de mettre un terme à ces actions ainsi que de défendre l’état de droit et le plein respect de l’indépendance des branches du pouvoir en tant qu’éléments clés de la lutte contre l’impunité et la corruption;

3.  invite les autorités guatémaltèques à mener des enquêtes immédiates, approfondies et impartiales sur les menaces, les actes de harcèlement et les campagnes de stigmatisation à l’encontre des fonctionnaires de la justice et des acteurs de la société civile, afin d’identifier les responsables et de les traduire devant des tribunaux compétents, indépendants et impartiaux;

4.  demande aux autorités guatémaltèques de prendre d’urgence les mesures nécessaires pour garantir la sécurité et l’intégrité des juges, des procureurs, des avocats – y compris les anciens avocats de la CICIG – et des défenseurs des droits de l’homme, ainsi que des personnes détenues, et à préserver leur droit à un procès équitable; presse les autorités de garantir le retour en toute sécurité des personnes contraintes de quitter le pays par crainte pour leur sécurité;

5.  rappelle le caractère indispensable de canaux de dialogue renforcés et effectifs dans le cadre des institutions guatémaltèques afin de promouvoir les valeurs démocratiques, l’état de droit et le respect des droits de l’homme;

6.  réaffirme que le processus de sélection et de nomination des juges doit être transparent et participatif et que les candidats devraient être sélectionnés sur la base de leurs mérites et de leurs antécédents avérés en matière de respect des droits de l’homme, conformément aux normes internationales et à la constitution du Guatemala; invite les autorités guatémaltèques, en ce sens, à garantir l’élection équitable des juges, notamment l’élection du procureur général et du médiateur des droits de l’homme;

7.  observe que l’adoption d’une législation restrictive telle que la loi sur les ONG peut contribuer au démantèlement du système de protection des défenseurs des droits de l’homme et, partant, renforcer l’impunité; appelle de ses vœux l’abrogation de ces mesures;

8.  prie instamment le gouvernement guatémaltèque de prendre les mesures nécessaires pour renforcer la législation et les politiques visant à protéger les défenseurs des droits de l’homme, y compris les défenseurs de l’environnement et les journalistes, et d’élaborer une politique publique de protection des défenseurs des droits de l’homme, conformément à un arrêt de la Cour interaméricaine des droits de l’homme de 2014 et à l’engagement pris par le Guatemala lui-même devant le Conseil des droits de l’homme des Nations unies en 2018; recommande au gouvernement guatémaltèque de ratifier l’accord d’Escazú;

9.  se félicite de la création, par les autorités guatémaltèques, du comité présidentiel contre la corruption et du comité présidentiel pour la paix et les droits de l’homme, en tant que piliers essentiels du plan national du gouvernement pour l’innovation et le développement, et en vue de mettre en œuvre des politiques favorisant la transparence, la lutte contre la corruption et la lutte contre l’impunité; demande instamment à ces comités de parvenir à des résultats concrets;

10.  encourage le gouvernement guatémaltèque à poursuivre sa coopération avec l’ensemble des Nations unies et des mécanismes régionaux en matière de droits de l’homme afin de faire progresser la promotion et la protection des droits de l’homme dans le pays; recommande au gouvernement guatémaltèque de renouveler le mandat du HCDH au Guatemala pour une durée raisonnable;

11.  se félicite des mesures prises par les ambassades des États membres de l’Union européenne et la délégation de l’Union européenne au Guatemala en ce qui concerne les mesures de protection des défenseurs des droits de l’homme; invite la Commission à étendre considérablement et à mettre en œuvre plus activement les mesures de protection, y compris en élargissant l’observation des audiences des défenseurs des droits de l’homme dont les travaux ont été érigés en infractions pénales, en particulier les défenseurs de l’environnement et des femmes, en renforçant, entre autres, son soutien aux organisations indépendantes de la société civile;

12.  demande à l’Union et à ses États membres d’utiliser les mécanismes prévus dans les accords d’association et de dialogue politique et de coopération pour encourager vivement le Guatemala à mettre en œuvre un programme ambitieux en matière de droits de l’homme et à lutter contre l’impunité en vue d’améliorer la situation des droits de l’homme dans le pays;

13.  charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au Service européen pour l’action extérieure, au représentant spécial de l’Union européenne pour les droits de l’homme, aux gouvernements et aux parlements des États membres, à l’Organisation des États américains, à l’Assemblée parlementaire euro-latino-américaine, au président, au gouvernement et au parlement de la République du Guatemala, au secrétariat d’Amérique centrale pour l’intégration économique et au Parlement d’Amérique centrale.

(1) JO C 23 du 21.1.2021, p. 92.
(2) JO L 346 du 15.12.2012, p. 3.

Dernière mise à jour: 26 août 2022Avis juridique - Politique de confidentialité