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Procédure : 2022/2827(RSP)
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Textes déposés :

RC-B9-0383/2022

Débats :

PV 14/09/2022 - 15.3
CRE 14/09/2022 - 15.3

Votes :

PV 15/09/2022 - 11.3

Textes adoptés :

P9_TA(2022)0322

Textes adoptés
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Jeudi 15 septembre 2022 - Strasbourg
Nicaragua, en particulier l’arrestation de l’évêque Rolando Álvarez
P9_TA(2022)0322RC-B9-0383/2022

Résolution du Parlement européen du 15 septembre 2022 sur le Nicaragua, en particulier l’arrestation de l’évêque Rolando Álvarez (2022/2827(RSP))

Le Parlement européen,

–  vu ses résolutions précédentes sur le Nicaragua, et en particulier celles du 16 décembre 2021, sur la situation des droits de l’homme et de la démocratie au Nicaragua(1), et du 9 juin 2022 sur l’instrumentalisation de la justice en tant qu’outil répressif au Nicaragua(2),

–  vu la déclaration universelle des droits de l’homme des Nations unies, et notamment son article 18 sur la liberté d’opinion et d’expression, la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et notamment son article 10 sur la liberté de pensée, de conscience et de religion, et la convention américaine des droits de l’homme, et notamment son article 12 sur la liberté de conscience et de religion,

–  vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques et l’ensemble de règles minima de l’ONU pour le traitement des détenus,

–  vu la décision (CFSP) 2019/1720 du Conseil du 14 octobre 2019 concernant des mesures restrictives au regard de la situation au Nicaragua(3),

–  vu la déclaration du 14 mars 2022 du porte-parole du vice-présidente de la Commission et haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (VP/HR) sur la condamnation de prisonniers politiques,

–  vu la déclaration du porte-parole du Bureau des droits de l’homme des Nations unies du 9 mai 2022 sur la répression de la société civile au Nicaragua, le rapport du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme du 24 février 2022 sur la situation des droits de l’homme au Nicaragua et la déclaration du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme en amont de la 49e session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, le 7 mars 2022,

–  vu la résolution nº 49/3, intitulée «Promotion et protection des droits de l’homme au Nicaragua», adoptée par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies le 31 mars 2022,

–  vu l’accord établissant une association entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et l’Amérique centrale, d’autre part(4) (ci-après, l’«accord d’association UE-Amérique centrale»),

–  vu l’article 144, paragraphe 5, et l’article 132, paragraphe 4, de son règlement intérieur,

A.  considérant que, le 19 août 2022, la police nationale nicaraguayenne a pris d’assaut l’évêché de Matagalpa pour arrêter arbitrairement l’évêque Rolando Álvarez, qui y était déjà en résidence surveillée depuis deux semaines, avec cinq prêtres, deux séminaristes et un cameraman, qui sont désormais emprisonnés dans la prison d’El Chipote; que l’évêque Álvarez a joué un rôle important de médiation dans le dialogue national de 2018 et qu’il n’a cessé de plaider pour un dialogue pacifique et réfléchi au Nicaragua, critiquant la fermeture, le 1er août 2022, de sept stations de radio chrétiennes gérées par le diocèse de Matagalpa;

B.  considérant que la police n’a pas motivé les arrestations dans ses déclarations, se contentant d’affirmer qu’elles s’inscrivaient dans le cadre d’une enquête ouverte le 5 août 2022 sur des activités «de déstabilisation et de provocation» dans le pays; que la police a par la suite confirmé que des «enquêtes judiciaires» étaient en cours; que, quelques heures plus tard, Rosario Murillo, vice-président du Nicaragua, a affirmé dans un discours que la police avait rétabli l’ordre à Matagalpa et que l’arrestation de l’évêque était «nécessaire»;

C.  considérant que le Nonce apostolique au Nicaragua, Monsignor Waldemar Stanisław Sommertag, a été expulsé en mars 2022, que le Père Manuel Salvador García a été arrêté en juin 2022, que l’organisation des Missionnaires de la charité de l’ordre de Sainte-Thérèse de Calcutta a été déclarée illégale et que ses membres ont été expulsés en juillet 2022, et que la police nationale aurait interdit les processions religieuses prévues les 13 et 14 août 2022; que cinq autres prêtres, Uriel Vallejos, Vicente Martínez, Sebastián López, Mangel Hernández et Dani García, se sont exilés à la suite de l’arrestation de l’évêque Álvarez; que l’évêque Silvio Báez a été contraint de s’exiler en 2019 après avoir reçu des menaces de mort, ce qu’a reconnu le Vatican; que, le 1er septembre 2022, les autorités nicaraguayennes ont condamné Monsignor Leonardo José Urbina Rodríguez à 30 ans de prison; que ce ne sont là que quelques-uns des actes de répression visant des membres de l’Église catholique romaine au Nicaragua;

D.  considérant que, depuis 2018, le régime nicaraguayen procède systématiquement et de manière répétée à l’incarcération, au harcèlement et à l’intimidation de précandidats à la présidence, de dirigeants de l’opposition et de responsables religieux, notamment de l’Église catholique romaine, ainsi que de dirigeants d’organisations étudiantes et du monde rural, de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme, de membres d’organisations de la société civile, de personnes LGBTI et de représentants d’entreprises;

E.  considérant que, depuis lors, un cadre de répression de l’État a été mis en place au Nicaragua, caractérisé par une impunité systémique pour les violations des droits de l’homme, une détérioration des institutions et de l’état de droit et une connivence entre les pouvoirs exécutif et judiciaire;

F.  considérant que les atteintes à la liberté d’expression, de conscience et de religion ont pris de l’ampleur et que les menaces du parquet contre plusieurs journalistes, défenseurs des droits de l’homme critiques du régime et membres de l’Église catholique romaine, ciblés en raison de leurs efforts de médiation dans le dialogue national de 2018 et de leurs dénonciations des violations des droits de l’homme commises dans le contexte de la crise en cours au Nicaragua, ont incité nombre d’entre eux à chercher refuge hors du Nicaragua;

G.  considérant que, comme l’ont clairement indiqué le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme et les titulaires d’un mandat au titre d’une procédure spéciale du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, les personnes emprisonnées ont été détenues pour des motifs incompatibles avec les normes internationales en matière de droits de l’homme et la constitution nicaraguayenne;

H.  considérant que les stations de radio catholiques, puis, peu après, les deux stations de radio et de télévision communautaires fermées par un recours excessif à la force ne sont que les dernières d’une longue liste de plus de 1 700 organisations de la société civile et d’au moins 40 organisations de femmes, plusieurs partis politiques, associations de médias et universités subissant les assauts du régime nicaraguayen;

I.  considérant que cette année, le régime nicaraguayen a autorisé une présence militaire russe dans le pays, ce qui témoigne clairement de la forte relation et du soutien mutuel entre le régime Ortega-Murillo et celui de Poutine;

1.  condamne avec la plus grande fermeté la répression et l’arrestation de membres de l’Église catholique romaine au Nicaragua, en particulier l’arrestation de l’évêque Rolando Álvarez; prie instamment le régime nicaraguayen de mettre immédiatement fin à la répression et de rétablir le plein respect de tous les droits de l’homme, notamment de la liberté d’expression, de religion et de conviction; demande la libération immédiate et inconditionnelle de toutes les personnes détenues arbitrairement, dont celle de l’évêque Álvarez et des personnes emprisonnées avec lui, et l’annulation de toutes les procédures judiciaires dont ils font l’objet ainsi que de leurs peines;

2.  déplore et condamne fermement la détérioration continue de la situation au Nicaragua et l’escalade de la répression contre l’Église catholique, les personnalités de l’opposition, la société civile, les défenseurs des droits de l’homme, les journalistes, les paysans, les étudiants et les peuples autochtones, entre autres, ainsi que leur détention arbitraire au seul motif qu’ils ont exercé leurs libertés fondamentales, de même que les traitements inhumains et dégradants qu’ils subissent et la détérioration de leur état de santé;

3.  condamne les détentions abusives, l’absence de garanties procédurales et les condamnations illégales de prisonniers politiques qui ont eu lieu au Nicaragua; souligne que le système judiciaire manque d’indépendance par rapport au pouvoir exécutif; s’inquiète de la manipulation du droit pénal et de l’utilisation du système judiciaire comme outil pour criminaliser l’exercice des droits civils et politiques;

4.  est préoccupé par la dégradation de la situation des plus de 206 prisonniers politiques détenus au Nicaragua depuis avril 2018, selon le mécanisme spécial de suivi pour le Nicaragua (MESENI), et demande qu’ils soient immédiatement libérés, que les procédures judiciaires dont ils font l’objet soient annulées et que tous les réfugiés et exilés soient autorisés à retourner chez eux en toute sécurité; exhorte le régime nicaraguayen à cesser de recourir à des traitements cruels et inhumains et à respecter l’intégrité physique, la dignité, la liberté et le droit d’accès à des soins médicaux des personnes emprisonnées ainsi que de leurs familles; estime qu’il appartient au régime de veiller à ce que les conditions de détention soient conformes aux obligations juridiques internationales en matière de droits de l’homme qui lui incombent, ainsi qu’aux normes telles que l’ensemble de règles minima de l’ONU pour le traitement des détenus;

5.  déplore que cent autres ONG aient été fermées le 7 septembre 2022, ce qui porte le nombre total d’ONG fermées au Nicaragua à 1 850 cette année; demande au régime nicaraguayen de cesser de fermer arbitrairement des ONG et des organisations de la société civile et de rétablir l’acte constitutif de tous les partis politiques, organisations, organisations religieuses, médias et associations de médias, universités et organisations de défense des droits de l’homme qui ont été fermés arbitrairement, ainsi que de restituer tous les biens, actifs, documents et équipements indûment saisis et de rétablir leur statut juridique légitime;

6.  condamne l’annulation des partis politiques d’opposition et l’absence de liberté en vue de l’organisation des élections municipales du 6 novembre 2022 et de la participation à ces élections; demande instamment le rétablissement des administrations légitimes dans les juridictions d’El Cuá, de San Sebastián de Yalí, de Santa María de Pantasma, de Murra et d’El Almendro;

7.  exhorte le Nicaragua à abroger la législation adoptée depuis 2018 qui restreint indûment l’espace civique et démocratique; demande une nouvelle fois à l’Union de continuer à soutenir les organisations de la société civile, les défenseurs des droits de l’homme et les proches des prisonniers politiques, qu’ils soient au Nicaragua ou en exil, dont les prêtres Uriel Vallejos, Vicente Martínez, Sebastián López, Mangel Hernández et Dani García;

8.  souligne le rôle essentiel joué par la société civile, les défenseurs des droits de l’homme, les journalistes et les membres de l’Église catholique romaine au Nicaragua;

9.  exhorte le régime nicaraguayen à autoriser sans délai les organisations internationales, notamment la Commission interaméricaine des droits de l’homme et le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, à revenir dans le pays pour surveiller la situation en matière de droits de l’homme;

10.  demande au régime nicaraguayen de mettre en œuvre la résolution nº 49/3 du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, qui établit, pour une période d’un an, un groupe d’experts des droits de l’homme chargé de superviser des enquêtes crédibles, impartiales et exhaustives, de préserver les éléments de preuve et de demander des comptes pour les violations graves qui ont eu lieu depuis 2018; demande aux institutions nicaraguayennes de veiller à mettre fin à l’impunité en ce qui concerne les violations et atteintes graves commises en matière de droits de l’homme, et de permettre aux victimes d’accéder à la justice et à une réparation intégrale;

11.  invite le Nicaragua à engager un dialogue national inclusif afin de garantir une solution pacifique et démocratique à la crise politique et sociale et en matière de droits de l’homme;

12.  demande à l’Union de continuer à accorder la priorité, dans le cadre de son action extérieure et du dialogue qu’elle mène, à l’action en faveur de la démocratie, de l’état de droit, de l’égalité et de la liberté des médias, et de collaborer avec la communauté internationale pour défendre le dialogue, la démocratie et les droits de l’homme au Nicaragua; invite la délégation de l’Union au Nicaragua à suivre de près l’évolution de la situation dans le pays, notamment de surveiller les procès et de rendre visite aux dirigeants de l’opposition et aux opposants au gouvernement emprisonnés ou assignés à résidence; prie la Commission de veiller à ce que son aide à la coopération soutienne davantage la société civile, notamment les défenseurs des droits de l’homme, et ne contribue en aucune manière aux politiques répressives actuellement menées par les autorités nicaraguayennes;

13.  rappelle que, eu égard à l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Amérique centrale, le Nicaragua doit respecter et consolider les principes de l’état de droit, de la démocratie et des droits de l’homme, au regard notamment des dispositions énoncées au titre I; plaide une nouvelle fois, compte tenu des circonstances, pour le déclenchement de la clause démocratique de l’accord d’association;

14.  réitère sa demande que les juges et les procureurs nicaraguayens soient rapidement inscrits sur la liste des personnes sanctionnées par l’Union et que la liste des personnes et entités sanctionnées soit étendue à Daniel Ortega et à ses proches;

15.  demande aux États membres et au Conseil de sécurité des Nations unies, conformément aux articles 13 et 14 du statut de Rome, de saisir la Cour pénale internationale d’une enquête officielle sur le Nicaragua et Daniel Ortega pour crimes contre l’humanité;

16.  renouvelle son appel à procéder sans délai à l’extradition d’Alessio Casimirri vers l’Italie;

17.  demande à la Conférence des présidents d’autoriser l’envoi d’une mission d’information pour suivre la situation au Nicaragua;

18.  charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des États membres ainsi qu’au secrétaire général de l’Organisation des États américains, à l’Assemblée parlementaire euro-latino-américaine, au Parlement d’Amérique centrale, au groupe de Lima, au Vatican et au gouvernement et au Parlement de la République du Nicaragua.

(1) JO C 251 du 30.6.2022, p. 134.
(2) Textes adoptés de cette date, P9_TA(2022)0238.
(3) JO L 262 du 15.10.2019, p. 58.
(4) JO L 346 du 15.12.2012, p. 3.

Dernière mise à jour: 18 janvier 2023Avis juridique - Politique de confidentialité