Résolution du Parlement européen du 5 octobre 2022 sur la réaction de l’Union à la hausse des prix de l’énergie en Europe (2022/2830(RSP))
Le Parlement européen,
– vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE),
– vu la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables(1),
– vu la directive (UE) 2018/2002 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 modifiant la directive 2012/27/UE relative à l’efficacité énergétique(2),
– vu la directive (UE) 2018/844 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive 2010/31/UE sur la performance énergétique des bâtiments et la directive 2012/27/UE relative à l’efficacité énergétique(3),
– vu le règlement (UE) 2019/943 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 sur le marché intérieur de l’électricité(4),
– vu la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE(5),
– vu le règlement (UE) 2017/1938 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2017 concernant des mesures visant à garantir la sécurité de l’approvisionnement en gaz naturel(6),
– vu le règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) nº 401/2009 et (UE) 2018/1999 («loi européenne sur le climat»)(7),
– vu la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité(8),
– vu la proposition de règlement du Conseil sur une intervention d’urgence pour faire face aux prix élevés de l’énergie, présentée par la Commission (COM(2022)0473),
– vu la communication de la Commission du 18 mai 2022 intitulée «Interventions sur le marché de l’énergie à court terme et améliorations à long terme de l’organisation du marché de l’électricité – ligne de conduite» (COM(2022)0236),
– vu la communication de la Commission du 13 octobre 2021 intitulée «Lutte contre la hausse des prix de l’énergie: une panoplie d’instruments d’action et de soutien» (COM(2021)0660),
– vu la communication de la Commission du 8 mars 2022 intitulée «REPowerEU: Action européenne conjointe pour une énergie plus abordable, plus sûre et plus durable» (COM(2022)0108),
– vu la communication de la Commission du 18 mai 2022 sur le plan REPowerEU (COM(2022)0230),
– vu la communication de la Commission du 23 mars 2022 intitulée «Encadrement temporaire de crise pour les mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie à la suite de l’agression de la Russie contre l’Ukraine» (C/2022/1890),
– vu le plan d’action sur le socle européen des droits sociaux,
– vu la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, et en particulier son accord de Paris de 2015, qui est entré en vigueur le 4 novembre 2016,
– vu les conclusions du sommet du Conseil européen des 24 et 25 mars 2022,
– vu sa résolution du 21 octobre 2021 sur les lignes directrices concernant les aides d’État au climat, à la protection de l’environnement et à l’énergie(9),
– vu sa résolution du 15 janvier 2020 sur le pacte vert pour l’Europe(10),
– vu sa résolution du 21 janvier 2021 sur l’accès à un logement décent et abordable pour tous(11),
– vu sa résolution du 10 février 2021 sur le nouveau plan d’action en faveur de l’économie circulaire(12),
– vu l’article 132, paragraphes 2 et 4, de son règlement intérieur,
A. considérant que la guerre d’agression menée par la Russie a des conséquences majeures sur les citoyens et l’économie de l’Union européenne, notamment à cause de la hausse spectaculaire des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, qu’elle provoque d’immenses souffrances au peuple ukrainien et constitue une attaque directe contre les valeurs européennes;
B. considérant que le taux d’inflation dans la zone euro a progressivement atteint 10 % en septembre 2022, plus de la moitié des pays de la zone euro subissant des taux à deux chiffres et, pour certains, un taux d’inflation de 24 %;
C. considérant qu’en 2020 déjà, soit avant le début de la spirale de la hausse des prix, environ 36 millions d’Européens n’étaient pas en mesure de chauffer suffisamment leur logement; que plus de 50 millions de ménages dans l’Union souffrent déjà de la précarité énergétique et que ce problème majeur, exacerbé par la crise énergétique actuelle, risque d’entraîner des retards d’accès aux besoins essentiels, aux soins, à l’éducation et aux structures de santé, notamment pour les enfants et les jeunes;
D. que les usines d’un large éventail de secteurs d’activités européens tels que l’acier, l’aluminium, les engrais et l’industrie électrique elle-même ont été contraints de mettre des travailleurs au chômage technique et de fermer leurs chaînes de production, étant donné que les prix élevés du gaz et de l’électricité entraînent des pertes pour les entreprises; que ces fermetures ont un effet domino sur d’autres secteurs touchés par les ruptures d’approvisionnement et pourraient nuire à long terme à la base industrielle de l’Europe;
E. considérant que les entreprises pâtissent de la hausse des coûts de production due aux prix plus élevés des matières premières, aux limites des chaînes d’approvisionnement et à l’augmentation des prix du transport et de l’énergie, ce à quoi s’ajoutent un changement de comportement des consommateurs;
F. considérant que la flambée des prix de l’électricité a fait grimper les conditions de marge des producteurs d’électricité, qui protègent leurs ventes sur le marché à terme dans des proportions sans précédent;
G. considérant que les transitions énergétique et numérique feront considérablement augmenter la demande de certains types de matières premières, alors que, précisément pour ces matériaux, l’approvisionnement de l’Union dépend de quelques pays et quelques entreprises seulement;
H. considérant que la crise de la COVID-19 et la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine ont perturbé les chaînes d’approvisionnement et de valeur, provoqué des pénuries et entraîné une hausse des coûts de production;
I. considérant que le principe 20 du socle européen des droits sociaux sur l’accès aux services essentiels indique que «toute personne a le droit d’accéder à des services essentiels de qualité, y compris l’eau, l’assainissement, l’énergie, les transports, les services financiers et les communications numériques; que l’accès à ces services doit être possible;
J. considérant que le cadre de l’Union relatif aux services d’intérêt économique général devrait être mis à jour pour mieux protéger les consommateurs vulnérables au vu de la situation actuelle;
K. considérant que, dans son discours sur l’état de l’Union, prononcé le 14 septembre 2022, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a affirmé que la Russie continue de manipuler ouvertement notre marché de l’énergie;
L. considérant que les prix du gaz au comptant enregistrés par le mécanisme néerlandais «Title Transfer Facility» (TTF), qui étaient restés inférieurs à 25 EUR/MWh au cours des quatre dernières années, ont connu une forte hausse depuis août 2021, en particulier après le début de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine, avant d’atteindre plus de 200 EUR/MWh à la mi-août 2022, une situation qui persiste; que les manœuvres de la Russie montrent qu’il s’agit d’une attaque non provoquée contre le marché européen du gaz;
M. considérant que l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) a déclaré que si des marchés d’instruments dérivés sur matières premières ouverts et efficaces jouent un rôle essentiel dans la fixation des prix, en raison de la récente période de tensions extrêmes, des mesures visant à contenir une volatilité excessive pourraient être utiles pour améliorer le fonctionnement global de ces marchés; que l’AEMF a également souligné que le cadre de la directive révisée concernant les marchés d’instruments financiers (MiFID II) prévoit déjà un ensemble de mécanismes de volatilité (notamment des suspensions de négociation et des fourchettes de prix), tout en notant qu’en dépit des circonstances extrêmes que les marchés d’instruments dérivés sur les matières premières (et en particulier les marchés de l’énergie) ont connues au cours des derniers mois, les cas de suspensions de négociation déclenchées sur les plateformes de négociation concernées de l’Union semblent avoir été très rares(13);
N. considérant que, lors de son discours sur l’état de l’Union, prononcé le 14 septembre 2022, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a déclaré que la proposition de la Commission permettrait de réunir plus de 140 milliards d’euros pour que les États membres puissent amortir le choc directement; que plusieurs États membres ont mis en place des régimes temporaires d’imposition des bénéfices exceptionnels;
O. considérant que les États membres devraient être les principaux acteurs responsables de leur propre bouquet énergétique, de l’identification des principaux problèmes auxquels sont confrontés leurs citoyens et leurs économies et de la résolution de ces problèmes;
P. considérant que la hausse spectaculaire des prix de l’électricité exerce une pression sur les ménages, de nombreux citoyens européens, notamment ceux exposés au risque de pauvreté et ceux issus de groupes vulnérables, les organisations non gouvernementales, les petites et moyennes entreprises (PME) et l’industrie, et risque de causer des dommages sociaux et économiques plus importants;
Q. considérant que, dans son évaluation de l’organisation du marché de gros de l’électricité de l’Union, l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie indique que les échanges transfrontières ont permis aux consommateurs d’économiser 34 milliards d’euros en 2021, tout en contribuant à atténuer la volatilité des prix, et qu’ils renforcent, dans chaque État membre, la sécurité d’approvisionnement et la résilience face aux chocs de prix;
R. considérant que les économies d’énergie et la baisse de la consommation constituent une option abordable, sûre et propre pour réduire la dépendance de l’Union à l’égard des importations de combustibles fossiles en provenance de la Russie; que les États membres de l’Union n’économisent que 0,8 % de la consommation finale d’énergie;
Observations introductives
1. considère que la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine et l’utilisation de l’approvisionnement en énergie fossile comme arme ont fortement exacerbé l’instabilité du marché de l’énergie; déplore que cette situation ait entraîné une nouvelle hausse des prix de l’énergie et, par conséquent, une inflation extrêmement élevée, une augmentation des inégalités sociales, une précarité énergétique et en matière de mobilité, une hausse des prix des denrées alimentaires et une crise du coût de la vie, et qu’un risque élevé de chômage et de fermetures d’entreprises de différents secteurs persiste;
2. se dit profondément préoccupé par les prix élevés de l’énergie dans l’ensemble de l’Union et invite les États membres à pallier d’urgence les répercussions de ces prix et de l’inflation qui y est liée sur les revenus des ménages, la santé et le bien-être, en particulier des personnes les plus vulnérables, ainsi que sur les entreprises, y compris les PME, et sur l’économie en général;
3. estime qu’à une période exceptionnelle doivent correspondre des mesures d’urgence exceptionnelles, ce qui implique que les États membres de l’Union agissent, plus que jamais, de concert et dans l’unité; insiste sur le fait que toutes les mesures adoptées à l’échelle de l’Union pour lutter contre la crise des prix de l’énergie doivent être pleinement compatibles avec les objectifs climatiques à long terme de l’Union, notamment le pacte vert pour l’Europe, et favoriser l’autonomie stratégique ouverte de l’Union; invite la Commission, à cet égard, à analyser les effets cumulés des mesures d’urgence nationales et de l’Union, et à veiller à ce qu’elles soient conformes à l’objectif de l’Union consistant à atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050 au plus tard; insiste sur le fait que toutes les mesures proposées devraient tenir compte de la diversité des situations nationales et qu’il faut donc prévoir la flexibilité nécessaire à leur mise en œuvre; invite les États membres et les acteurs économiques à faire preuve d’une plus grande solidarité afin de faire face à cette crise de manière équitable;
4. réclame, comme en mai 2022, un embargo immédiat et complet sur les importations russes de pétrole, de charbon, de combustible nucléaire et de gaz, et l’abandon total des gazoducs Nord Stream 1 et 2;
Incidence sur les citoyens et l’économie
5. prie instamment les États membres de garantir l’accès à un chauffage et à une électricité abordables et propres et de veiller à ce que les citoyens n’aient pas à choisir entre manger et se chauffer; attire l’attention des États membres sur le fait que les consommateurs qui ne peuvent pas assumer l’augmentation de leurs factures énergétiques ne devraient pas subir de coupures et souligne la nécessité d’éviter l’expulsion des ménages vulnérables qui ne sont pas en mesure de payer leurs factures et leurs frais de location; souligne la nécessité de mieux protéger les consommateurs contre la suspension ou la suppression des contrats à taux fixe par les fournisseurs, et d’éviter que les consommateurs ne doivent effectuer des prépaiements exorbitants pour le gaz et l’électricité; invite la Commission à déterminer s’il y a lieu de fixer des exigences plus strictes en matière d’information précontractuelle dans le secteur de l’énergie, en particulier dans le cadre de la vente à distance;
6. est vivement préoccupé par les conséquences des prix élevés de l'énergie sur les ménages et les entreprises et par les disparités dans la capacité des différents États membres à les soutenir, ainsi qu’il ressort des dernières annonces faites; souligne qu'il est nécessaire que les États membres fassent preuve d’une solidarité inédite les uns pour les autres et qu'ils fassent front commun plutôt que de se disperser en actions unilatérales;
7. invite les États membres à maintenir et à renforcer d’urgence les services publics, sociaux et culturels que met en péril la hausse des prix de l’énergie pour un nombre croissant de personnes dans le besoin, y compris ceux gérés par les collectivités locales, tels que les logements sociaux, les bains publics, les établissements d’enseignement et les hôpitaux; rappelle que les collectivités locales sont elles aussi frappées par la crise et doivent être protégées;
8. invite les États membres à mettre en place des plans et des stratégies dans les domaines du logement, de l’accès aux besoins sociaux fondamentaux, de la protection des infrastructures sociales, des services de soins de santé critiques et de l’assistance financière aux PME; souligne que ce soutien devrait en particulier s’adresser aux groupes de population qui se trouvent dans la situation la plus critique;
9. souligne que, dans tous les États membres, les ménages font face à des difficultés importantes, telles que l’érosion de leur pouvoir d’achat; souligne que de nombreuses personnes en Europe se trouvaient déjà dans des situations de vulnérabilité auparavant et signale que l’inflation qui en découle, notamment la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie, pourrait rendre la situation intenable pour les ménages à faibles revenus et porter de plus en plus préjudice à la classe moyenne; invite les États membres à envisager d’exempter les aliments de base de la TVA dans l’ensemble de l’Union tant que la crise durera, afin de faciliter l’accès aux biens de première nécessité et de lutter contre les pénuries alimentaires et la hausse des prix du logement;
10. souligne que le cadre actuel permet aux États membres d’exonérer temporairement les ménages de la taxe sur l’électricité, le gaz naturel, le charbon et les combustibles solides, ou d’appliquer un taux réduit; encourage les États membres à tirer pleinement parti des options présentes pour réduire les taxes sur les produits énergétiques; invite la Commission à envisager d’accorder aux États membres une marge de manœuvre pour introduire de nouvelles exemptions ou réductions temporaires des droits d’accises et des taxes sur l’énergie afin d’alléger la charge pesant sur les ménages et les entreprises;
11. invite les États membres et la Commission à renseigner les citoyens et les entreprises, en particulier les PME, sur la manière dont ils peuvent se préparer à l’hiver à venir, bénéficier d’une meilleure efficacité énergétique et réduire leurs besoins en énergie, notamment grâce à des conseils pratiques, efficaces et réalistes permettant de réaliser des économies par rapport au coût de la vie et aux prix de l’énergie, ainsi qu’à leur fournir des informations sur les droits des consommateurs; encourage les États membres à promouvoir les dispositifs d’économie d’énergie auprès des ménages vulnérables;
12. demande aux États membres d’envisager l’octroi d’une aide temporaire aux usagers vulnérables des transports, notamment de bons pour les transports publics, afin de les aider à faire face à l’augmentation des prix; demande l’adoption de politiques structurelles visant à promouvoir davantage les réseaux de transports publics fiables et abordables, ainsi que les modes de mobilité active, tels que le vélo ou la marche;
13. invite les États membres à pallier les répercussions de la crise de l’énergie sur le marché du travail en accompagnant les travailleurs qui se retrouvent temporairement en «chômage technique» parce que leur employeur a été contraint de limiter ou d’interrompre son activité, y compris les indépendants, ainsi qu’en aidant les petites entreprises à conserver leur personnel et à poursuivre leurs activités; rappelle que les dispositifs de chômage partiel ont fait la preuve de leur efficacité au cours de la pandémie et qu’ils devraient être mis en œuvre pour éviter les suppressions d’emploi, avec l’aide financière de l’Union si nécessaire; invite la Commission et le Conseil à renforcer l’instrument européen de soutien temporaire à l’atténuation des risques de chômage en situation d’urgence (SURE) afin de favoriser les dispositifs de chômage partiel, de soutenir les revenus des travailleurs et d’aider les travailleurs temporairement licenciés en raison de la hausse des prix de l’énergie;
14. invite les États membres à soutenir les entreprises face à la flambée des prix, en concertation avec les représentants des employeurs et des travailleurs dans les secteurs les plus touchés, et à mettre en œuvre des mesures de lutte contre la crise, notamment dans le cadre du dialogue social et de la négociation collective; invite la Commission à prendre les mesures qui s’imposent pour aider les industries à forte intensité énergétique, notamment en offrant les garanties requises en matière de protection de l’environnement et de maintien de l’emploi;
15. souligne que les garanties sociales sont essentielles dans le contexte de crise actuel et demande instamment aux États membres et à la Commission d’associer les syndicats à la conception et à l’application des mesures de lutte contre la crise dans le cadre du dialogue social;
16. reconnaît que les effets cumulés des prix élevés de l’énergie et de la perturbation des chaînes d’approvisionnement peuvent mettre en péril les entreprises européennes et les emplois que celles-ci fournissent; demande un allègement immédiat de la charge pesant sur les entreprises, notamment les PME;
17. souligne que l’objectif principal de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) est de maintenir la stabilité des prix et, dès lors, de veiller à ce que le taux d’inflation reste faible, stable et prévisible; rappelle que le taux d’inflation cible de la BCE s’élève à 2 %;
Engagements en matière climatique, déploiement des énergies renouvelables, efficacité énergétique et infrastructures
18. rappelle que l’énergie la moins chère est celle que l’on ne consomme pas et que les mesures d’efficacité énergétique et d’économies d’énergie permettront non seulement d’aider l’Union européenne dans l’immédiat, mais qu’elles nous serviront aussi à respecter les engagements de l’Union pour le climat à l’horizon 2030 contenus dans le paquet «Ajustement à l’objectif 55» et l’initiative RePowerEU, et notamment la réduction des importations et de la consommation de gaz;
19. estime que la réalisation des objectifs du pacte vert pour l’Europe rendra nos systèmes énergétiques plus efficaces, davantage fondés sur les énergies renouvelables, plus forts face aux crises et plus résilients aux chocs extérieurs, qu’elle nous permettra de pouvoir compter sur des énergies stables et abordables et qu’elle contribuera à l’autonomie stratégique ouverte;
20. engage les États membres et la Commission à hâter le déploiement des énergies renouvelables, car il s’agit de la meilleure solution pour mettre fin à la dépendance à l’égard du gaz naturel et respecter les engagements de l’Union en matière de climat; rappelle les refontes en cours de la directive (UE) 2018/2001 (RED III et RED IV) et est persuadé que l’achèvement rapide des procédures législatives permettra d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables dans l’ensemble de l’Union;
21. souligne qu’il faut décarboner le chauffage domestique grâce à l’électrification intelligente et à des solutions de chauffage urbain basées sur les énergies renouvelables et abordables; invite la Commission et les États membres à renforcer leur soutien à la rénovation des bâtiments et à mobiliser des fonds suffisants pour investir dans les mesures d’efficacité énergétique, en particulier en faveur des bâtiments offrant les performances énergétiques les moins bonnes et des quartiers les plus vulnérables; salue la décision prise par certains États membres d’interdire l’installation de chaudières à gaz dans les nouveaux bâtiments; souligne l’importance et les avantages immédiats du déploiement rapide de l’énergie solaire dans les bâtiments, d’énergies renouvelables de proximité, de pompes à chaleur et d’autres solutions rapides et faciles à installer;
22. encourage la Commission et les États membres à hâter le déploiement des sources renouvelables d’énergie, notamment en supprimant les obstacles administratifs ainsi qu’en simplifiant et en accélérant les procédures d’octroi de permis, y compris pour les ménages;
23. est favorable à l’idée, avancée dans le cadre de REPowerEU, comme une mesure exceptionnelle, de mettre aux enchères des quotas dans le cadre du système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE) afin de générer 20 milliards d’euros et de financer ainsi les infrastructures nécessaires pour réduire notre dépendance à l’égard du gaz et du pétrole russes, en investissant notamment dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique; demande l’accélération de cette intervention afin de mobiliser les recettes nécessaires d’ici la fin de 2025; constate avec intérêt que cette mesure pourrait avoir pour effet de limiter les prix du SEQE à court terme, et donc les prix de l’électricité et les coûts de l’énergie pour l’industrie, tout en reconnaissant que le SEQE n’est pas le principal facteur de l’augmentation récente des prix de l’énergie; rappelle ses propres objectifs climatiques à l’horizon 2030, auxquels cette intervention concernant le SEQE-UE est pleinement conforme;
24. souligne que les signaux de prix de l’électricité en temps réel sont susceptibles de déboucher sur une plus grande flexibilité de la demande, ce qui diminuera les besoins d’approvisionnement lors des pics, où celui-ci est coûteux et consomme plus de gaz; invite par conséquent les États membres à mieux gérer les besoins de flexibilité des systèmes d’alimentation électrique de l’Union grâce à des réseaux renforcés, à la production modulable à faibles émissions et à diverses technologies de stockage d’énergie à grande échelle et à long terme afin de réduire la demande industrielle de gaz et d’électricité pendant les heures de pointe;
25. demande aux États membres de transposer intégralement la directive (UE) 2018/2001, en particulier à l’effet de supprimer les obstacles à la création de communautés de l’énergie; invite les États membres à adopter des mesures supplémentaires en faveur de l’autoconsommation d’énergies renouvelables; les engage à créer les conditions propres à permettre la mise en place d’au moins une communauté d’énergie renouvelable par municipalité afin que les citoyens puissent produire, consommer, stocker et revendre leur propre énergie renouvelable;
26. demande que la procédure législative en cours sur la directive relative à l’efficacité énergétique soit accélérée, car ses dispositions aideront les usagers à réduire leur consommation d’énergie et ainsi les dépenses qu’ils y consacrent;
27. souligne que la création d’un marché unique de l’énergie pleinement intégré qui permette la mise en place d’un réseau européen de l’énergie réellement résilient, notamment avec la construction de nouvelles interconnexions, à l’instar de celle reliant la péninsule ibérique à la France, et de meilleures plateformes de négociation réduirait à court terme la pression tarifaire qui pèse sur les entreprises et les consommateurs, et établirait l’indépendance et la résilience énergétiques à long terme; est conscient du fait que la réforme du marché intérieur de l’énergie de l’Union doit être menée de manière plus cohérente, que les dépendances excessivement élevées doivent être évitées et que les infrastructures essentielles doivent rester en la possession de l’Union, pour favoriser ainsi son autonomie stratégique ouverte; estime que toutes les options doivent être examinées pour faire en sorte que l’énergie reste abordable et atteindre la neutralité climatique;
28. souligne que la réalisation d’investissements dans les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et les infrastructures nécessaires, y compris dans des projets transfrontaliers bien définis et ciblés à l’aide de NextGenerationEU et de REPowerEU, est utile pour aider l’Union européenne à parvenir à la souveraineté énergétique, à l’autonomie stratégique ouverte et à la sécurité énergétique; invite la Commission et les États membres à accélérer de tels projets d’infrastructures essentielles reposant sur les énergies renouvelables et l’hydrogène propre en facilitant les opérations d’octroi des permis, tout en tenant dûment compte des procédures de participation du public et d’évaluation des incidences sur l’environnement;
29. relève que certains États membres reconsidèrent leur choix d’abandonner le nucléaire et le charbon lorsque des centrales pourraient contribuer à la sécurité de l’approvisionnement énergétique de l’Union et au maintien des prix de l’énergie en deçà d’un certain niveau; souligne que la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires existantes devrait se faire en garantissant leur exploitation en toute sécurité ainsi que la gestion et le stockage des déchets nucléaires de manière appropriée; indique la prolongation des installations au charbon doit être temporaire, uniquement le temps de la crise actuelle, et devrait s’accompagner d’un calendrier précis prévoyant la substitution du charbon par d’autres sources d’énergie;
30. rappelle qu’environ un quart de l’électricité et la moitié de l’électricité à faible teneur en carbone dans l’Union européenne sont produits grâce à l’énergie nucléaire; note que si certains États membres s’opposent à l’énergie nucléaire, un certain nombre d’entre eux se préparent à construire de nouvelles centrales nucléaires; réaffirme que les États membres restent pleinement responsables du choix de leur bouquet énergétique et du choix des options permettant de garantir à leurs citoyens et à leurs entreprises une énergie abordable, stable et propre, ainsi que du choix de la voie la plus appropriée pour que l’État membre contribue à la réalisation des objectifs de l’Union en matière de climat et d’énergie, compte tenu des caractéristiques et des contraintes propres à chaque État membre;
31. se déclare vivement préoccupé par le récent acte de sabotage commis sur les infrastructures de Nord Stream, qui, d’après les autorités allemandes(14), a libéré 300 000 tonnes de l’un des plus puissants gaz à effet de serre dans l’atmosphère, ce qui, selon le Programme des Nations unies pour l’environnement, pourrait être le plus grand rejet de méthane jamais enregistré; attire l’attention sur le fait que cette explosion et cette fuite de méthane contribueront au changement climatique et à la pollution atmosphérique, sapant ainsi les efforts de l’Union en matière de climat, et insiste en outre sur l’incidence néfaste des explosions et des fuites de gaz qui en découleront sur le milieu marin; insiste pour que les émissions libérées soient prises en compte; se déclare également préoccupé par les informations selon lesquelles des drones non identifiés auraient été détectés à proximité de plateformes pétrolières et gazières sur le plateau continental norvégien; appelle l’attention sur le fait que ces incidents ont provoqué une augmentation brutale des prix du gaz sur les marchés TTF et que les fuites de méthane observées ont engendré une «catastrophe climatique et écologique»;
32. souligne que la perturbation volontaire des infrastructures énergétiques européennes est susceptible d’aggraver considérablement la crise actuelle de l’énergie, y compris à l’échelon macrorégional; demande instamment aux États membres et aux compagnies d’énergie d’adopter immédiatement de mesures destinées à renforcer la sécurité de leurs infrastructures énergétiques;
Mesures d’urgence sur le marché de l’énergie
33. estime que les compagnies qui ont enregistré des bénéfices exceptionnels doivent contribuer à atténuer les conséquences négatives de la crise; prend acte du discours sur l’état de l’Union prononcé le 14 septembre 2022 par la Présidente von der Leyen; salue, dans le principe, la proposition de la Commission et l’accord dégagé par la suite au Conseil visant à instaurer un plafond temporaire de crise sur les recettes issues du marché générées par la production et la vente d’électricité à l’aide de technologies de production inframarginales et à mettre en place un dispositif temporaire de contribution de solidarité prélevée sur le secteur des combustibles fossiles, qui tire profit de la situation actuelle du marché; rappelle à cet égard la position qu’il avait exprimée dans sa résolution du 19 mai 2022(15); regrette que la Commission ait proposé les mesures projetées sous la forme d’un règlement du Conseil, en prenant l’article 122 du traité FUE comme base juridique, plutôt qu’en suivant une procédure législative de codécision; rappelle que le recours à cet instrument doit être limité aux situations d’urgence; confirme que le Parlement est prêt, si on le lui demande, à réagir rapidement sur cette question pressante, car elle exige une légitimité et une responsabilité démocratiques parfaitement effectives;
34. demande aux États membres de mettre rapidement en application ces mesures; estime que les interventions sur le marché de l’énergie doivent être temporaires et ciblées et que les principes fondamentaux du marché et l’intégrité du marché unique ne doivent pas être mis en péril; constate que le mécanisme instauré pourrait entraîner des disparités en matière de recettes entre les États membres;
35. prend acte que les contributions de solidarité sont proposées pour les entreprises des secteurs du pétrole brut, du gaz naturel, du charbon et du raffinage; constate avec inquiétude que certaines des plus grandes entreprises énergétiques de l’Union pourraient ne pas être soumises à cette contribution; invite la Commission et le Conseil à concevoir la contribution de solidarité de manière à prévenir l’évasion fiscale; constate que les États membres pourraient durcir la proposition; invite la Commission à évaluer une marge bénéficiaire adéquate au vu de la situation d’urgence et à prendre des mesures supplémentaires en vue de l’instauration d’une taxe sur les bénéfices exceptionnels à l’encontre des compagnies d’énergie qui ont profité à l’excès de la crise de l’énergie;
36. rappelle que les bénéfices exceptionnels ne correspondent pas aux bénéfices réguliers que les grandes entreprises auraient ou auraient pu obtenir dans des circonstances normales si des événements imprévisibles, tels que la pandémie et la guerre en Ukraine, n’avaient pas eu lieu;
37. souligne que les recettes tirées des bénéfices exceptionnels devraient profiter aux consommateurs et aux entreprises, notamment pour aider les ménages vulnérables et les PME, y compris grâce à des plafonds tarifaires; met l’accent sur le fait que cette démarche doit aller de pair avec des innovations et des investissements massifs dans les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et les infrastructures énergétiques, notamment les réseaux de distribution, qui sont préférables à des mesures incitant les ménages et les entreprises à consommer davantage d’énergie subventionnée;
38. souligne, dans le contexte actuel, l’importance des recettes publiques qui seraient générées par la mise en œuvre de la directive sur le deuxième pilier dans l’Union, qui met en œuvre l’accord fiscal mondial de l’OCDE sur l’imposition minimale effective des sociétés; réitère la demande qu’il a adressée au Conseil d’adopter rapidement la directive sur le deuxième pilier afin de veiller à ce que l’accord soit effectif d’ici janvier 2023;
39. se félicite des obligations et des objectifs relatifs à la demande en énergie instaurés par la proposition de règlement du Conseil visant à remédier aux problèmes de la cherté des prix de l’énergie et de la sécurité des approvisionnements en énergie; demande instamment aux États membres de veiller à ce que les mesures qu’ils choisissent d’adopter pour mettre en œuvre lesdites obligations ne doivent pas imposer de charge supplémentaire aux ménages et consommateurs vulnérables, aux entreprises, aux PME et aux personnes en situation de précarité énergétique;
40. prend acte que la Commission a l’intention de mettre en discussion une réforme de l’organisation du marché de l’électricité et qu’elle est disposée à étudier avec attention toutes les propositions; estime que toute réforme du marché de l’électricité doit respecter les objectifs climatiques de l’Union, notamment celui de parvenir à la neutralité climatique dans l’Union en 2050 au plus tard, et que les marchés de l’électricité devraient envoyer un juste signal de prix permettant de susciter des investissements dans la décarbonation et faire bénéficier les particuliers et les industries d’une énergie sûre, abordable et propre, tout en s’attaquant au problème des bénéfices disproportionnés sur le marché de l’électricité; invite la Commission à analyser la possibilité de dissocier les prix de l’électricité du prix du gaz;
41. invite la Commission à évaluer s’il est nécessaire de mettre en place des mesures supplémentaires face à la crise, dont le plafonnement temporaire du prix de gros et du prix à l’importation; invite la Commission à proposer, en cas d’évaluation favorable, un plafond tarifaire approprié applicable aux importations de gaz par gazoduc, essentiellement en provenance de Russie; invite la Commission et le Conseil à mettre à niveau la plateforme de l’Union pour l’énergie pour en faire un outil de passation conjointe de marchés en matière de sources d’énergie, de manière à renforcer le pouvoir de négociation de l’Union et à réduire le coût des importations; salue la décision de la Commission de constituer une cellule chargée de négocier les prix du gaz avec les pays tiers;
42. se félicite que la Commission, à la demande des États membres, étudie actuellement les solutions possibles pour apporter la liquidité nécessaire aux compagnies d’énergie qui doivent faire face à des appels de marge élevés sur les marchés à terme de l’électricité et du gaz;
Spéculation sur le marché de l’énergie
43. rappelle que les perturbations de l’approvisionnement énergétique engendrées par la guerre d’agression faite à l’Ukraine par la Russie ont aggravé la volatilité et l’instabilité des marchés des produits dérivés sur l’énergie, ce qui peut avoir des répercussions en cascade sur les marchés financiers;
44. appelle de ses vœux le renforcement de la transparence et de la surveillance réglementaire des transactions de gaz, basées sur le marché ou de gré à gré, et des prix d’acquisition;
45. se félicite de l’action en matière d’ententes engagée par la direction générale de la concurrence de la Commission contre Gazprom pour abus de position dominante et demande instamment à la Commission de clore rapidement la procédure et d’adopter les décisions qui s’imposent; souligne que la Commission doit utiliser tous les leviers mis à sa disposition par le droit de la concurrence pour lutter contre les distorsions du marché et les manipulations de prix déloyales sur les marchés de l’énergie; estime que lorsqu’il s’agit de détecter les infractions au droit de la concurrence dans le domaine de l’électricité et du gaz, la Commission doit également envisager d’appliquer des mesures correctives d’ordre structurel;
46. relève que la Commission admet(16) que l’Europe fait l’objet de manipulations sur le marché du gaz qui ont des répercussions sur les prix de l’électricité; demande qu’il soit mis fin à la spéculation et à la manipulation sur le marché du gaz et demande que des mesures soient prises à l’égard du fonctionnement du TTF et des entités habilitées à opérer sur le marché; estime que ces mesures pourraient notamment consister à appliquer un mécanisme de suspension des négociations au TTF en cas de fluctuations ou de fourchettes excessives des prix, comme le propose l’AEMF, afin de dissocier l’indexation des contrats de la plateforme TTF; se félicite de la proposition de la Commission d’étudier un autre référentiel de l’Union que le TTF pour le gaz par gazoduc et le gaz naturel liquéfié; invite la Commission, notamment sa direction générale de la concurrence, et l’AEMF à surveiller attentivement le marché européen du gaz en vue de détecter d’éventuels cas de position dominante ou de manque de transparence;
47. invite l’autorité compétente concernée à enquêter, signaler et traiter les éventuels cas d’abus de marché ou de manipulations de marché sur les marchés de matières premières en général et celui du gaz en particulier;
48. invite la Commission à se pencher attentivement sur les activités des acteurs financiers ayant contribué à la volatilité du prix du carbone; prie instamment la Commission de prendre des mesures pour éliminer l’influence des capitaux spéculatifs sur le marché des quotas d’émission du SEQE de l’UE;
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49. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission ainsi qu’aux gouvernements et aux parlements des États membres.
Lettre de Verena Ross, directrice exécutive de l’AEMF, à John Berrigan, directeur général de la direction générale de la stabilité financière, des services financiers et de l’union des marchés des capitaux de la Commission européenne, du 22 septembre 2022.
Résolution du Parlement européen du 19 mai 2022 sur les conséquences sociales et économiques de la guerre russe en Ukraine pour l’Union européenne – renforcer la capacité d’action de l’Union européenne (textes adoptés de cette date, P9_TA(2022)0219).