Résolution du Parlement européen du 24 novembre 2022 sur la protection des élevages de bétail et des grands carnivores en Europe (2022/2952(RSP))
Le Parlement européen,
– vu la communication de la Commission du 20 mai 2020 intitulée «Stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 – Ramener la nature dans nos vies» (COM(2020)0380),
– vu sa résolution du 9 juin 2021 sur la stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030: ramener la nature dans nos vies(1),
– vu sa résolution du 15 novembre 2017 sur un plan d’action pour le milieu naturel, la population et l’économie(2),
– vu la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (ci-après la «directive “habitats”»)(3),
– vu la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe (ci-après la «Convention de Berne»)(4),
– vu le programme pour une réglementation affûtée et performante (REFIT) de la Commission,
– vu document d’orientation de la Commission du 12 octobre 2021 sur la protection stricte des espèces animales d’intérêt communautaire en vertu de la directive «habitats» (C(2021)7301),
– vu l’article 132, paragraphes 2 et 4, de son règlement intérieur,
A. considérant que, dans de nombreuses régions d’Europe, une extension de l’aire de répartition ou une recolonisation par certains grands prédateurs, notamment les loups et les ours, qui ont été absents de ces territoires pendant assez longtemps, les met en conflit avec les activités humaines, en particulier le pâturage extensif des ovins et des bovins; que des coûts importants pour les éleveurs pastoraux résultent de la prédation exercée sur leurs troupeaux et de la grande disparité entre les États membres et les régions en ce qui concerne les mesures et, dans certains cas, l’absence de mesures de soutien à leurs agriculteurs et les fonds publics qu’ils mettent à disposition à des fins d’indemnisation et d’adaptation;
B. considérant que des mesures législatives, telles que l’adoption de la directive «habitats» et de traités internationaux comme la Convention de Berne, ont contribué à la récupération de grands carnivores, dont le loup gris, l’ours brun, le lynx d’Eurasie et le glouton; que le nombre de grands carnivores présents en Europe continentale en 2012 se montait à 9 000 lynx eurasiens, 17 000 ours bruns, 1 250 gloutons et 12 000 loups; que le nombre de loups a sensiblement augmenté ces dix dernières années pour atteindre, d’après une évaluation réalisée en 2018(5), 17 000 individus, tandis que le nombre d’individus des autres espèces demeure quasiment inchangé; que, en outre, sur la base des meilleures données disponibles, en 2022, le nombre total de loups dans l’UE-27 devrait être de l’ordre de 19 000 et devrait dépasser 21 500 en Europe au sens géographique(6); qu’au cours des dix dernières années, on a constaté en Europe une augmentation de plus de 25 % de l’aire de répartition des loups, selon une évaluation de l’état de conservation du loup (Canis lupus) en Europe réalisée en 2022(7); que l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), a classé en Europe 3 des 9 populations de loups, 3 des 10 populations d’ours bruns et 3 des 11 populations de lynx eurasiens comme étant «de préoccupation mineure»; que les deux populations de gloutons en Europe restent menacées et que le lynx ibérique est toujours en danger;
C. considérant que la population de loups est susceptible d’augmenter de manière exponentielle, d’environ 30 % par an;
D. considérant que l’incidence négative des attaques contre le bétail par la population croissante de loups est en augmentation; que les loups se rapprochent de plus en plus fréquemment de l’homme, en particulier dans les zones densément peuplées;
E. considérant que rien qu’en Autriche, le nombre d’animaux d’élevage tués par des loups a augmenté de 230 % pour atteindre 680 en 2021; qu’une évolution similaire des attaques de loups a également été observée dans d’autres États membres, alors qu’en 2020, le nombre d’animaux d’élevage tués s’est élevé à 11 849 en France, à 3 959 en Allemagne, à 616 en Tchéquie, à 139 en Belgique et à 98 dans la région italienne du Tyrol du Sud;
F. considérant que l’augmentation rapide de la population de loups et des attaques contre le bétail font qu’il est difficile pour les responsables nationaux d’agir de manière efficace et décisive au moyen des instruments dont ils disposent actuellement;
G. considérant que, face aux attaques de grands carnivores eux-mêmes, les agriculteurs se sentent désespérés, mal compris et impuissants; que les attaques de grands carnivores ont déjà fait des victimes humaines;
H. considérant que la plupart des populations de grands carnivores en Europe sont transfrontalières; que certaines populations peuvent s’étendre sur de vastes zones géographiques dans différents pays, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Union, ce qui conduit à des situations où la même population peut être considérée comme étant dans un état de conservation favorable dans une région, tout en étant toujours classée comme nécessitant une protection stricte dans la région voisine;
I. considérant que les méthodes de surveillance varient considérablement, ce qui se traduit par des incohérences au niveau de la quantité et de la qualité des données sur les niveaux de population des grands carnivores;
J. considérant que le programme LIFE a déjà financé de nombreux projets visant à atténuer les conflits entre espèces sauvages et à promouvoir la cohabitation à long terme avec les grands prédateurs; qu’en moyenne, entre 1992 et 2019, 3,6 millions d’euros par an ont été consacrés à des projets axés sur des mesures d’atténuation des dommages causés par les grands carnivores dans le cadre du programme LIFE et que 36 millions d’euros supplémentaires ont été accordés à des projets toujours en cours visant à mesurer, selon le contexte, l’efficacité de mesures d’atténuation, telles que les clôtures électriques, l’emploi de gardiens de troupeaux et le recours à des chiens de berger, dans bon nombre de régions de l’Union; que des projets supplémentaires sont nécessaires dans des régions et pour des espèces de grands carnivores jusqu’à présent délaissées;
K. considérant que les animaux domestiques, notamment ceux élevés dans les pâturages en plein air, sont davantage exposés au risque de prédation (en fonction des mesures mises en place et de leur efficacité) du fait de la présence croissante de grands carnivores; que cela vaut particulièrement dans les régions montagneuses et faiblement peuplées où le pâturage est nécessaire pour conserver ces habitats prioritaires; que dans certaines zones densément peuplées, où les grands carnivores trouvent peu de proies naturelles, le risque est sans doute plus grand pour les animaux domestiques;
L. considérant que l’attitude de l’opinion publique vis-à-vis des grands carnivores varie fortement d’un pays à l’autre et d’un groupe d’intérêts à l’autre, en particulier dans les régions où ces animaux sont absents depuis plus longtemps; que la peur des attaques et le manque de soutien suffisant de la part des autorités pour éviter les dommages peuvent conduire à l’abattage illégal d’espèces protégées;
M. considérant que les secteurs ovin et caprin, qui sont les plus vulnérables face aux attaques de ces prédateurs, sont déjà, depuis plusieurs dizaines d’années, sous pression économique du fait de facteurs socio-économiques de plus grande ampleur; que ces secteurs fragilisés peuvent apporter une valeur ajoutée environnementale grâce au pâturage extensif, en contribuant au maintien de la biodiversité dans de vastes paysages dans de nombreuses zones soumises à des contraintes naturelles ou à faible fertilité, telles que les alpages, et en contribuant à la lutte contre des phénomènes tels que l’érosion et les incendies de forêt;
N. considérant que les systèmes traditionnels d’alpage et de pâturage sont de plus en plus délaissés en raison des difficultés environnementales, agricoles et socioéconomiques;
O. considérant que des mesures de prévention visant à éviter les conflits de cohabitation se sont avérées, d’après les conclusions de projets LIFE dans certaines régions de l’Union, être des méthodes utiles pour réduire les dommages causés par les grands carnivores; que l’efficacité de ces mesures est cependant susceptible de dépendre des caractéristiques géographiques et des conditions locales; que ces mesures pourraient entraîner une augmentation du travail et des coûts pour les agriculteurs, en particulier dans les régions où les grands carnivores reviennent ou étendent leur territoire; qu’il est possible d’associer les mesures de prévention visant à éviter les conflits de cohabitation afin d’accroître leur efficacité; que les paiements d’indemnisation, qui sont réglementés au niveau national, varient au sein de l’Union et ne compensent pas toujours la totalité du préjudice subi;
P. considérant que la perte d’animaux domestiques et les blessures qui leur sont infligées en raison des attaques de grands carnivores causent non seulement des dommages économiques aux agriculteurs et aux éleveurs, mais ont également des conséquences émotionnelles considérables pour les propriétaires des bêtes;
Q. considérant que les pratiques traditionnelles d’élevage qui protègent très efficacement le bétail des prédateurs, telles que l’emploi de gardiens de troupeaux, le recours à des chiens de berger et le rassemblement du troupeau pour la nuit, qui permettent d’assurer une surveillance directe et continue du bétail au pâturage, pourtant utilisées depuis des siècles en Europe, sont peu à peu tombées en désuétude du fait de la forte diminution des attaques de prédateurs; qu’il pourrait s’avérer difficile de revenir pleinement à ces anciennes pratiques à grande échelle dans certaines régions en raison, du fait du changement d’affectation des terres et de la diversification dans les zones agricoles, de l’importance croissante du tourisme et des pressions socioéconomiques subies actuellement par l’agriculture dans l’Union, avec notamment un déclin important du nombre d’agriculteurs et des salaires inférieurs à la moyenne; que des solutions novatrices devront être trouvées pour habituer l’agriculture moderne à la présence de loups;
R. considérant qu’il est nécessaire de favoriser une cohabitation pérenne entre grands carnivores et élevage, de sorte que l’état de conservation des grands carnivores puisse continuer à évoluer favorablement et que les éleveurs disposent des outils nécessaires et d’un financement suffisant pour prévenir les attaques contre leurs animaux; que toutes les décisions de gestion devraient être fondées sur des données scientifiques fiables et tenir compte des perspectives écologiques, sociales et économiques; que des discussions plus poussées seront nécessaires entre les parties prenantes et les agriculteurs dans les zones où les grands carnivores étaient absents depuis des décennies; qu’il faudra faire plus d’efforts pour partager les bonnes pratiques afin d’appuyer l’adoption de mesures préventives et obtenir des financements; que la présence accrue de grands carnivores peut avoir des effets positifs sur le fonctionnement et la résilience des écosystèmes, la conservation de la biodiversité et les processus écologiques, en contribuant notamment à réguler les populations d’ongulés sauvages; qu’en outre, et en particulier dans les parcs nationaux, la présence de grands carnivores contribue à la valeur récréative des forêts et à l’essor de l’écotourisme;
S. considérant qu’en octobre 2021, la Commission a publié de nouvelles orientations sur la protection stricte des espèces animales en vertu de la directive «habitats», y compris les loups, visant à aider les États membres de l’Union à améliorer la mise en œuvre de la directive «habitats» sur le terrain et, en particulier, à assurer la transposition complète, claire et précise de son article 16;
1. constate les résultats positifs des politiques de biodiversité en ce qui concerne la restauration des espèces de grands carnivores dans l’Union européenne et note leurs effets sur la fonction et la résilience des écosystèmes, la préservation de la biodiversité et des processus écologiques, ainsi que sur l’élevage; souligne qu’il importe d’assurer une cohabitation équilibrée entre l’homme, le bétail et les grands carnivores, en particulier dans les zones rurales, et souligne qu’il convient de reconnaître que les fluctuations des niveaux de population de certaines espèces sont susceptibles d’entraîner un certain nombre de difficultés environnementales, agricoles et socioéconomiques; constate que l’article 2, paragraphe 3, de la directive «habitats» laisse déjà la marge de manœuvre nécessaire pour mieux tirer parti et assurer la gestion des synergies et des arbitrages, et que cette disposition est considérée comme suffisante et utile; fait valoir qu’il conviendrait d’explorer davantage cette marge de manœuvre;
2. déplore les conséquences que les attaques de grands carnivores ont sur le bien-être animal, y compris les blessures, l’avortement, la diminution de la fertilité, la perte d’animaux ou de troupeaux entiers et la mort de chiens de garde, et invite la Commission et les États membres à tout mettre en œuvre pour éviter les souffrances et les dommages causés aux animaux d’élevage;
3. invite la Commission à continuer d’évaluer les progrès accomplis pour atteindre un bon état de conservation des espèces sur la base de preuves scientifiques, afin d’évaluer et de surveiller correctement l’aire de répartition et la taille des populations de grands carnivores, y compris leurs effets sur la nature et la biodiversité; souligne qu’il convient de tenir compte de la forte mobilité transfrontalière des espèces, l’état de conservation de différentes populations d’une même espèce pouvant varier d’une région à l’autre; invite la Commission et les États membres à renforcer la collaboration transfrontalière et souligne que le suivi devrait être coordonné au moyen d’une méthodologie harmonisée, compte tenu des populations transnationales et des régions (bio)géographiques, le cas échéant; invite la Commission à affecter des fonds à des études sur la biodiversité, dans le cadre d’Horizon Europe par exemple, visant à mettre à jour les cartes de répartition et de densité des grands carnivores; demande à la Commission de veiller à ce que les États membres emploient des méthodes de surveillance appropriées pour chacune des différentes espèces de grands carnivores en vue d’obtenir des données de qualité, comparables et normalisées qui permettent d’évaluer réellement les niveaux de population;
4. se félicite que le point «Proposition d’amendement: déplacer le loup (Canis lupus) de l’annexe II à l’annexe III de la Convention» ait été inscrit à l’ordre du jour de la 42e réunion du Comité permanent de la Convention de Berne; souligne que l’état de conservation du loup au niveau paneuropéen justifie une atténuation du statut de protection et, par conséquent, l’adoption de l’amendement proposé;
5. reconnaît que les attaques de grands carnivores sont en augmentation dans toute l’Europe, qu’elles ont déjà fait des victimes humaines et qu’elles ont eu des effets négatifs pour les éleveurs; souligne qu’il importe que les États membres recueillent également des informations et rendent compte des dommages résultant des attaques de grands carnivores; souligne qu’un bon suivi des tendances en matière de dommages occasionnés aux éleveurs est une condition nécessaire à des politiques efficaces, mais que les États membres utilisent des méthodes de collecte et de suivi différentes; insiste sur l’importance de formats de déclaration normalisés, et souligne que cela devrait également s’appliquer au suivi de l’efficacité des programmes d’atténuation des dommages (prévention mais aussi indemnisation); demande que les résultats de la surveillance et la méthode utilisée soient mis à la disposition du public en temps utile et de manière transparente; souligne que la Commission devrait coordonner la collecte des données et les analyser;
6. souligne qu’il importe d’améliorer la surveillance de la santé des espèces sauvages, en particulier en ce qui concerne l’hybridation entre le chien et le loup, qui devrait être détectée de manière en amont, à un stade précoce; demande une politique normalisée d’identification des hybrides et une démarche transparente, y compris un échange transfrontalier généralisé d’échantillons d’ADN de loup entre les établissements de recherche;
7. invite la Commission et les États membres à aider les régions confrontées à des conflits de cohabitation à comprendre comment utiliser de manière appropriée et responsable la marge de manœuvre octroyée par l’article 16, paragraphe 1, de la directive «habitats»; prend acte du document d’orientation actualisé de la Commission sur la protection stricte des espèces animales d’intérêt communautaire en vertu de la directive «habitats», publié le 12 octobre 2021(8); souligne qu’il incombe à la Commission de préciser les orientations existantes et de les tenir à jour, le cas échéant, y compris en ce qui concerne l’interprétation de ses articles 12 et 16, et encourage les États membres à mieux tirer parti des orientations existantes et à prendre de réelles mesures pour prévenir, atténuer et indemniser les dommages causés par les grands carnivores, en tenant compte des populations transfrontalières, et à mettre en place un cadre juridique et institutionnel efficace pour aider les agriculteurs et les éleveurs afin de rendre cette cohabitation possible;
8. invite la Commission à effectuer régulièrement des évaluations des données scientifiques permettant d’adapter le statut de protection de l’espèce dès que l’état de conservation souhaité est atteint, conformément à l’article 19 de la directive «habitats»;
9. demande donc instamment à la Commission et aux États membres de faire en sorte que les différentes parties prenantes, y compris les acteurs ruraux, aient l’occasion de discuter des répercussions qu’ont les grands carnivores; les invite instamment à fournir des informations sur les solutions pratiques et les possibilités de financement des mesures visant à prévenir les attaques contre le bétail, et à mener des campagnes de sensibilisation claires; souligne qu’il importe de mettre en place des plateformes de parties prenantes sur la cohabitation avec les grands prédateurs aux niveaux européen, national et local, telles que la plateforme de l’UE sur la coexistence entre les hommes et les grands carnivores, et de promouvoir le dialogue, l’échange d’expériences et la coopération pour résoudre les conflits entre la population et les espèces protégées; invite la Commission à soutenir la mise au point de démarches coordonnées entre les États membres;
10. demande à la Commission de faire rapport sur les effets de la présence de grands carnivores en Europe sur la viabilité de l’élevage de bétail, la biodiversité, les communautés rurales et le tourisme rural, y compris le renouvellement des générations dans l’agriculture, dans le contexte des facteurs socioéconomiques qui pèsent sur la viabilité de l’élevage de bétail; demande à la Commission et aux États membres de prendre en considération les répercussions que les attaques de grands carnivores ont sur le bien-être des animaux, ainsi que sur le bien-être des agriculteurs, tout comme sur les revenus et les coûts plus élevés de la main-d’œuvre et des matériaux, ainsi que de tenir compte de l’application ou non de mesures préventives et d’en évaluer l’efficacité;
11. demande à la Commission et aux États membres de procéder à une évaluation complète et robuste de toutes les menaces et pressions pertinentes subies par chaque espèce de grands carnivores et leurs habitats, tant au niveau européen que dans chaque État membre, qu’il s’agisse de facteurs naturels ou d’origine humaine; demande également aux États membres et à la Commission de cartographier les zones prioritaires de connexion des populations de grands carnivores et de recenser les principaux corridors écologiques, les obstacles à la dispersion, les tronçons de route à forte mortalité et d’autres éléments paysagers importants ayant trait au morcellement de la répartition des grands carnivores, afin d’éviter le morcellement des habitats;
12. souligne que les exploitations d’élevage dans les zones montagneuses, y compris notamment dans la région alpine, sont particulièrement vulnérables aux dommages croissants causés par les grands prédateurs; rappelle que dans ces régions, les exploitations sont souvent de petite taille et supportent des surcoûts élevés, et qu’elles devraient être protégées et encouragées dans la mesure où elles peuvent contribuer à la protection des paysages de montagne et à la préservation de la biodiversité dans des régions inhospitalière; souligne que des zones telles que les prairies à Nardus, riches en espèces, sur des substrats siliceux dans les zones montagneuses et les prairies calcaires alpines et subalpines, sont particulièrement dignes de conservation au titre de la directive «habitats»; fait valoir que ces habitats ont été créés en présence de prédateurs sauvages et souligne que le pâturage extensif, par exemple de bovins ou de chevaux, ou encore la présence de troupeaux menés par un berger, constituent un facteur clé pour la conservation de ces zones; invite la Commission à protéger et à préserver les pratiques agricoles traditionnelles, telles que le pastoralisme, le modèle de pâturage des bergers, la pratique de la transhumance reconnue par l’UNESCO ainsi que le mode de vie des éleveurs pratiquant le pastoralisme, au moyen de solutions concrètes; fait observer que certaines de ces pratiques peuvent être couvertes par la liste proposée des pratiques agricoles susceptibles d’être financées par des programmes écologiques;
13. invite la Commission et les États membres à reconnaître que les mesures de prévention actuellement disponibles, y compris les clôtures et le recours à des chiens de berger, qui sont efficaces dans certaines régions de l’Union, peuvent représenter une charge de travail et financière supplémentaire pour les agriculteurs, ne sont pas toujours financées au niveau européen ou national et sont plus ou moins efficaces et utiles selon le lieu(9)(10); souligne, à cet égard, que l’aide financière aux mesures de prévention devrait s’accompagner de conseils pour que ces mesures soient appliquées en temps utile et dans leur intégralité; souligne que la nature du terrain, les caractéristiques géographiques, les traditions de cohabitation avec de grands carnivores et d’autres facteurs déterminants tels que le tourisme, souvent essentiel pour les zones concernées, doivent être pris en compte lors de la mise en œuvre de mesures de prévention et l’examen d’éventuelles dérogations; invite la Commission et les États membres à constater, dans les cas où les populations de grands carnivores sont en expansion, l’importance d’élaborer et d’appliquer des mesures d’atténuation proactives conformément à la directive «habitats», sur la base de preuves scientifiques;
14. invite la Commission à évaluer régulièrement les progrès accomplis dans la réalisation de l’état de conservation des espèces au niveau des régions biogéographiques et/ou des populations à l’échelle de l’Union, et insiste pour que la Commission élabore sans attendre une procédure d’évaluation permettant de modifier le statut de protection des populations de certaines régions dès que l’état de conservation souhaité est atteint, conformément à l’article 19 de la directive «habitats»;
15. invite la Commission et les États membres à définir scientifiquement et à appuyer les meilleures mesures de prévention possible, et les plus réalistes, pour réduire les attaques et les dommages causés par la prédation du bétail par de grands carnivores, en tenant compte des particularités locales et régionales des États membres, ainsi qu’à aider les agriculteurs à appliquer ces mesures de prévention afin de multiplier et d’étendre les démarches éprouvées; demande également leur inclusion effective dans les services de conseil et de vulgarisation; demande une augmentation du financement LIFE accordé aux projets visant à assurer la cohabitation avec les grands carnivores, préservant par ailleurs le financement de la protection des espèces; demande de donner la priorité aux projets à petite échelle, visant à élaborer des bonnes pratiques en matière de cohabitation avec les grands prédateurs et à les partager, et demande à la Commission de définir des impératifs adaptés d’évaluation et de communication des résultats concernant l’efficacité des mesures d’atténuation des dommages étudiées dans le cadre de projets financés par l’Union, au titre du programme LIFE par exemple, en privilégiant les méthodes d’évaluation objectives et quantitatives;
16. invite les États membres à élaborer et à mettre en application, s’ils n’existent pas encore, des plans d’action intégraux pour les espèces ou des plans de conservation et/ou de gestion, en tenant compte de la densité de population humaine, de la structure du paysage, des troupeaux de bétail, de l’état de conservation, d’autres activités humaines et des populations d’ongulés sauvages;
17. souligne qu’il est nécessaire d’assurer une surveillance régulière des populations de grands carnivores afin de planifier de manière stratégique les actions de conservation, de mettre en pratique des programmes préventifs pour réduire les conflits et d’évaluer les résultats de toutes les actions; fait observer que cette surveillance devrait reposer sur une méthodologie solide et devrait promouvoir et faciliter la participation des différentes parties prenantes, et que ses résultats devraient être régulièrement communiqués à la société et aux principaux groupes de parties prenantes;
18. invite la Commission et les États membres à recenser des possibilités de financement satisfaisantes à long terme pour des mesures de prévention appropriées et des mesures d’indemnisation adéquates pour les agriculteurs, qui couvrent non seulement les dommages subis et les coûts encourus à la suite d’une attaque de grands carnivores, mais aussi les mesures d’atténuation mises en œuvre, afin de rendre possible la cohabitation entre les grands carnivores et des pratiques durables d’élevage de bétail; souligne que les mécanismes d’indemnisation, conçus de telle sorte que l’élevage et la présence de grands carnivores n’entraînent pas de manque à gagner pour les agriculteurs, devraient couvrir tous les coûts directs et indirects liés aux attaques de prédateurs et être intégrés à des mesures préventives pour une plus grande efficacité; souligne qu’il importe de compenser de manière équitable et complète toutes les pertes d’animaux d’élevage causées par les grands carnivores, y compris les espèces hybrides; invite les États membres et les régions à améliorer l’accès à l’indemnisation financière; invite la Commission à reconnaître qu’en raison du nombre croissant d’attaques de grands carnivores, les ressources consacrées à la protection des animaux domestiques et aux indemnisations augmentent également; déplore que le niveau d’indemnisation des éleveurs après une attaque varie d’un État membre à l’autre; invite la Commission à envisager de modifier ses lignes directrices agricoles afin de faciliter les indemnisations en cas de dommages causés par de grands prédateurs au moyen d’aides d’État;
19. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution à la Commission et au Conseil.
Initiative pour les grands carnivores en Europe – Groupe de spécialistes de la Commission de la sauvegarde des espèces de l’UICN pour le Comité permanent de la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, «Assessment of the conservation status of the Wolf (Canis lupus) in Europe», 2 septembre 2022.
1 Communication de la Commission du 12 octobre 2021 intitulée «Document d’orientation sur la protection stricte des espèces animales d’intérêt communautaire dans le cadre de la directive “Habitats”» (C(2021)7301).
Oliveira, T. et al., ‘The contribution of the LIFE program to mitigating damages caused by large carnivores in Europe‘, Global Ecology and Conservation, Vol.31, 2021.