Résolution du Parlement européen du 13 décembre 2022 sur le projet de règlement d’exécution de la Commission octroyant une autorisation de l’Union pour la famille de produits biocides dénommée «CMIT/MIT À BASE DE SOLVANTS» conformément au règlement (UE) nº 528/2012 du Parlement européen et du Conseil (D084293/01 – 2022/2929(RSP))
Le Parlement européen,
– vu le projet de règlement d’exécution de la Commission octroyant une autorisation de l’Union pour la famille de produits biocides dénommée «CMIT/MIT À BASE DE SOLVANTS» conformément au règlement (UE) nº 528/2012 du Parlement européen et du Conseil (D084293/01),
– vu le règlement (UE) nº 528/2012 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides(1), et notamment son article 44, paragraphe 5, premier alinéa,
– vu l’avis rendu le 26 septembre 2022 par le comité permanent des produits biocides,
– vu le règlement (UE) 2019/1021 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 concernant les polluants organiques persistants(2),
– vu l’article 11 du règlement (UE) nº 182/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011 établissant les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par la Commission(3),
– vu l’article 112, paragraphes 2 et 3, de son règlement intérieur,
– vu la proposition de résolution de la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire,
A. considérant que le projet de règlement d’exécution de la Commission prévoit l’octroi d’une autorisation de l’Union sous le numéro EU-0023657-0000, à la société Nutrition & Biosciences Netherlands B.V. pour la mise à disposition sur le marché et l’utilisation de la famille de produits biocides «CMIT/MIT À BASE DE SOLVANTS» relevant du type de produit 6, tel que décrit à l’annexe V du règlement (UE) nº 528/2012, pour la conservation de pétrole brut déshydraté et de produits raffinés (distillat moyen et léger);
B. considérant qu’ayant pour ambition de réduire la pollution à zéro, la Commission s’est engagée à parvenir à un environnement non toxique afin de contribuer à mieux protéger les citoyens et l’environnement contre les produits chimiques dangereux et d’encourager l’innovation visant à mettre au point des produits de substitution sûrs et durables;
C. considérant que la convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants(4) (ci-après dénommée «convention de Stockholm») et le protocole d’Aarhus sur les polluants organiques persistants(5) visent à protéger la santé humaine et l’environnement contre les polluants organiques persistants (POP); que le règlement (UE) 2019/1021 a été adopté pour mettre en œuvre l’obligation incombant à l’Union en vertu de cette convention et de ce protocole;
D. considérant que l’avis rendu le 5 mars 2020(6) par le comité des produits biocides (ci-après le «CPB») de l’Agence européenne des produits chimiques (ci-après l’«ECHA») comprenait un avis minoritaire rendu par l’Allemagne qui parvenait à la conclusion que l’utilisation de la famille de produits biocides «CMIT/MIT À BASE DE SOLVANTS» en tant que produit de protection dans les carburants est contraire à la législation nationale de cet État membre (10e ordonnance fédérale sur le contrôle des émissions, paragraphe 2, points 1 et 2), qui interdit les additifs contenant un composé chloré ou bromé dans les carburants pour les véhicules routiers à moteur, car ces composés sont responsables de la formation de dioxines lors de la combustion de carburant; qu’en particulier cette famille de produits biocides contient des composés organiques halogénés (CMIT-MIT) qui peuvent entraîner la formation de dioxines lors de la combustion de combustibles;
E. considérant que les dioxines et les furanes (PCDD/PCDF) font partie de la famille des POP, couverts par la convention de Stockholm, et sont inclus en tant que substances soumises à des dispositions en matière de limitation des émissions à l’annexe III du règlement (UE) 2019/1021; que l’exposition humaine aux dioxines et aux substances de type dioxine a été associée à divers effets toxiques, notamment la cancérogénicité et la chloracné, à des effets sur la reproduction, le développement et le développement neurologique, à l’immunotoxicité ainsi qu’à des effets sur les hormones thyroïdiennes, le foie et le développement dentaire(7);
F. considérant qu’en janvier 2019, l’Union a publié son troisième plan de mise en œuvre sur les POP(8); que, selon ce plan de mise en œuvre «[i]l est prévu de réduire au minimum le volume des rejets de sous-produits dont la production n’est pas intentionnelle qui figurent à l’annexe C (dioxines, furanes, PCB, PeCB, HCB et, depuis décembre 2016, PCN) et, si possible, de les éliminer à terme»;
G. considérant que la Commission a décidé de répondre aux préoccupations relatives à la formation de dioxines en demandant l’avis de l’ECHA, au titre de l’article 75, paragraphe 1, deuxième alinéa, point g), du règlement (UE) nº 528/2012, afin d’estimer la quantité de formation de dioxines et la contribution totale aux émissions de dioxines découlant de l’utilisation de la famille de produits biocides «CMIT/MIT À BASE DE SOLVANTS» dans les carburants utilisés pour le transport routier et fluvial, et de préciser le niveau des risques pour la santé humaine et l’environnement liés à l’exposition aux dioxines via l’environnement découlant de l’utilisation de cette famille de produits biocides, afin de déterminer si les risques peuvent être considérés comme acceptables ou non;
H. considérant que, dans le cadre de son mandat demandant l’avis de l’ECHA, la Commission souligne la nécessité de préciser si l’octroi de l’autorisation à cette famille de produits biocides serait conforme aux objectifs énoncés dans le règlement (UE) 2019/1021;
I. considérant que, dans son avis rendu le 5 juillet 2021(9) sur la demande au titre de l’article 75, paragraphe 1, deuxième alinéa, point g), l’ECHA a conclu que, sur la base du niveau actuel des connaissances concernant l’utilisation du C(M)IT/MIT en tant que produit de protection pour le pétrole et le carburant, aucune conclusion ne peut être tirée sur l’ampleur de la contribution éventuelle de l’utilisation du C(M)IT/MIT dans les carburants quant aux émissions de dioxines et à l’exposition à ces dernières, ni sur les risques pour la santé humaine et pour l’environnement associés à l’utilisation d’additifs chlorés tels que le C(M)IT/MIT dans les carburants;
J. considérant que, en dépit de la conclusion de l’ECHA, la Commission «considère que le refus d’accorder une autorisation de l’Union pour la famille de produits biocides «CMIT/MIT À BASE DE SOLVANTS» n’entraînerait pas une diminution significative des émissions de dioxines par rapport à son octroi» et que, par conséquent, cette autorisation respecterait les obligations de l’Union au titre de la convention de Stockholm et du règlement (UE) 2019/1021;
K. considérant que le raisonnement suivi par la Commission selon lequel en raison des ambitions du pacte vert pour l’Europe(10) et du règlement (UE) 2021/1119 du Parlement et du Conseil(11) de parvenir à la neutralité climatique en 2050, la quantité totale de carburant susceptible d’être traité avec la famille de produits biocides et brûlé dans des moteurs ou des systèmes de chauffage devrait diminuer considérablement au cours des prochaines décennies, ce qui entraînerait une diminution en conséquence de la formation de dioxines associées à l’utilisation de la famille de produits biocides «CMIT/MIT À BASE DE SOLVANTS»;
L. considérant que, dans son avis rendu le 5 juillet 2021, l’ECHA indique que «les documents existants font indubitablement valoir que les véhicules à moteur alimentés par des carburants contenant du chlore sont des sources d’émissions de dioxine et de furane» et que, contrairement au raisonnement de la Commission mentionné au considérant K, «bien qu’encore infime par rapport aux sources dominantes actuelles, la contribution relative des sources diffuses non industrielles [aux émissions de dioxine et de furane], notamment des transports, [...] risque d’augmenter»;
M. considérant que l’ECHA indique également dans son avis rendu le 5 juillet 2021 que «bien que les émissions liées au trafic soient mineures par rapport aux sources dominantes actuelles, il convient de noter que leur importance relative pourrait être plus élevée en termes d’exposition humaine, en raison de leur répartition spatiale dans les zones urbaines densément peuplées, proches de la population et de son cadre de vie et d’une dilution des émissions atténuée».
N. considérant que l’incertitude scientifique quant au niveau des risques pour la santé humaine et l’environnement liés à l’exposition aux dioxines via l’environnement découlant de l’utilisation de la famille de produits biocides «CMIT/MIT À BASE DE SOLVANTS» ne permet pas de déterminer si l’octroi de l’autorisation de cette famille de produits biocides serait conforme à l’objectif de la convention de Stockholm et au règlement (UE) 2019/1021;
O. considérant que le Danemark et la Belgique, conformément à l’article 44, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement (UE) nº 528/2012, ont demandé à la Commission que l’octroi de l’autorisation de l’Union pour la famille de produits biocides «CMIT/MIT À BASE DE SOLVANTS» ne s’applique pas sur leurs territoires respectifs, sur la base des motifs prévus à l’article 37, paragraphe 1, points a) et c) dudit règlement, étant donné que la présence de composés organiques halogénés, tels que le C(M)IT/MIT, dans le combustible peut entraîner la formation de dioxines lors de la combustion des combustibles; que, conformément à la même disposition, l’Allemagne a demandé à la Commission d’adapter les conditions de l’octroi de cette autorisation sur son territoire sur la base des mêmes motifs afin de ne pas autoriser son utilisation pour la préservation des carburants destinés aux véhicules routiers à moteur non ferroviaires, sauf à des fins de recherche, de développement ou d’analyse;
P. considérant que la Commission considère que les demandes présentées par le Danemark, la Belgique et l’Allemagne sont «justifiées par des raisons de protection de l’environnement et de protection de la santé et de la vie humaine conformément à l’article 37, paragraphe 1, points a) et c) du règlement (UE) nº 528/2012, étant donné que la présence de composés organiques halogénés, tels que le C(M)IT/MIT, dans les carburants peut entraîner la formation de dioxines lors de la combustion de combustibles»;
Q. considérant qu’il existe une contradiction apparente entre la décision de la Commission d’accorder une autorisation pour la famille de produits biocides «CMIT/MIT À BASE DE SOLVANTS», qui estime que cette autorisation est compatible avec les objectifs de la convention de Stockholm et du règlement (UE) 2019/1021, tels qu’énoncés au considérant 9 du projet de règlement d’exécution de la Commission, et le fait de ne pas appliquer ou d’adapter cette autorisation dans certains États membres en raison des effets négatifs potentiels sur la santé humaine et l’environnement dus à la formation de dioxines, comme indiqué aux considérants 10 à 14 du projet de règlement d’exécution de la Commission;
R. considérant que les demandes présentées par le Danemark, la Belgique et l’Allemagne, conformément à l’article 44, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement (UE) nº 528/2012, afin que l’octroi de l’autorisation de l’Union à la famille de produits biocides «CMIT/MIT À BASE DE SOLVANTS» ne s’applique pas sur leurs territoires respectifs ou que les conditions de cette autorisation soient adaptées ont également été formulées au motif qu’il existe des solutions de remplacement pour la conservation des carburants sans composés halogénés(12);
S. considérant que l’article 5, point c), de la convention de Stockholm prévoit que, pour réduire les rejets totaux provenant de sources anthropiques de chacune des substances chimiques énumérées à l’annexe C de ladite convention, en vue de continuer à les réduire au minimum et, dans la mesure du possible, de les éliminer totalement, chaque partie exige au moins, lorsqu’elle le juge approprié, l’utilisation de matériaux, produits et procédés de substitution ou modifiés pour empêcher la formation et le rejet des substances chimiques énumérées à ladite annexe;
T. considérant que l’article 6, paragraphe 2, du règlement (UE) 2019/1021 oblige les États membres à prévoir des mesures «destinées à identifier, caractériser et réduire au minimum en vue d’éliminer si possible et dès que possible tous les rejets des substances figurant sur la liste de l’annexe III» dudit règlement et, le cas échéant, à «exiger l’utilisation de substances, mélanges, articles et procédés modifiés ou de remplacement pour prévenir la formation et le rejet de substances figurant sur la liste de [ladite] annexe»;
U. considérant que, selon l’avis du CPB rendu le 5 mars 2020, l’un des co-formulants de la famille de produits biocides «CMIT/MIT À BASE DE SOLVANTS» a été identifié comme étant un perturbateur endocrinien potentiel; que, toutefois, il n’a pas été possible de déterminer si ce co-formulant satisfait aux critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien, tels qu’ils sont définis dans le règlement délégué de la Commission (UE) 2017/2100(13); que, concernant le co-formulant identifié comme étant un perturbateur endocrinien potentiel, un processus au titre du règlement REACH sera déclenché par la Cour des comptes (en France) conformément au paragraphe 31, point b), de la note CA-March18-Doc.7.3.b-final intitulée «Mise en œuvre de critères scientifiques pour déterminer les propriétés perturbant le système endocrinien dans le cadre de l’autorisation de produits biocides»;
1. considère que le projet de règlement d’exécution de la Commission excède les compétences d’exécution prévues dans le règlement (UE) nº 528/2012;
2. considère que le projet de règlement d’exécution de la Commission n’est pas conforme au droit de l’Union, en ce qu’il n’est pas compatible avec le but et le contenu du règlement (UE) 2019/1021 ni avec les exigences de la convention de Stockholm ;
3. estime que le projet de règlement d’exécution de la Commission visant à accorder une autorisation de l’Union à la famille de produits biocides «CMIT/MIT À BASE DE SOLVANTS» n’est pas proportionné compte tenu des éléments suivants:
a)
l’incertitude scientifique quant aux niveaux des risques pour la santé humaine et l’environnement liés à l’exposition aux dioxines via l’environnement découlant de l’utilisation de la famille de produits biocides «CMIT/MIT À BASE DE SOLVANTS»,
b)
la disponibilité de solutions de remplacement pour la conservation du carburant sans composés halogénés, et
c)
les risques inacceptables de l’exposition aux dioxines pour la santé humaine et l’environnement et les données insuffisantes pour déterminer si l’octroi de cette autorisation serait conforme aux objectifs et aux dispositions de la convention de Stockholm et du règlement (UE) 2019/1021;
4. considère, partant, que la Commission n’aurait pas dû accorder d’autorisation à la famille de produits biocides «CMIT/MIT À BASE DE SOLVANTS» ou aurait dû exiger au minimum du demandeur qu’il fournisse davantage de données sur la quantité de dioxines formée et sur la contribution totale aux émissions de dioxines découlant de l’utilisation de cette famille de produits biocides dans les carburants utilisés pour le transport routier et fluvial, et qu’il précise le niveau des risques pour la santé humaine et l’environnement liés à l’exposition aux dioxines via l’environnement découlant de l’utilisation de cette famille de produits biocides, afin de permettre à la Commission de déterminer si les risques peuvent être considérés comme acceptables ou non au regard des objectifs de la convention de Stockholm;
5. demande à la Commission de retirer son projet de règlement d’exécution et de soumettre un nouveau projet au comité;
6. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission ainsi qu’aux gouvernements et aux parlements des États membres.
Avis du CPB rendu le 5 mars 2020 sur l’octroi de l’autorisation de l’Union concernant la famille de produits biocides: CMIT/MIT À BASE DE SOLVANTS, type de produit: 6, ECHA/CPB/246/2020.
Organisation mondiale de la santé (2019): prévenir les maladies grâce à des environnements sains: exposition aux dioxines et aux substances de type dioxine: un problème majeur de santé publique, https://www.who.int/publications/i/item/WHO-CED-PHE-EPE-19.4.4
Rapport de la Commission du 4 janvier 2019 sur le réexamen et la mise à jour du deuxième plan de mise en œuvre de l’Union européenne, conformément à l’article 8, paragraphe 4, du règlement (CE) nº 850/2004 concernant les polluants organiques persistants, COM(2018)0848, https://ec.europa.eu/transparency/documents-register/detail?ref=COM(2018)848&lang=fr
Avis du CPB rendu le 5 juillet 2021 sur une demande présentée conformément à l’article 75, paragraphe 1, point g), du règlement (UE) nº 528/2012 concernant l’évaluation des émissions de dioxines découlant de l’utilisation de la famille de produits biocides (BPF) «CMIT/MIT À BASE DE SOLVANTS» dans les carburants utilisés dans le transport routier et maritime (ECHA/CPB/283/2021).
Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) nº 401/2009 et (UE) 2018/1999 («loi européenne sur le climat») (JO L 243 du 9.7.2021, p. 1).
À titre d’exemples: le glutaraldéhyde et le dimorpholinométhane sont approuvés pour le TP06; les produits de réaction de paraformaldéhyde et de 2-hydroxypropylamine (ratio 3:2) (MBO), 1,2-benzisothiazol-3(2H)-one (BIT), (éthylènedioxy)diméthanol, 2-octyl-2H-isothiazol-3-one (OIT), 2-méthyl-2H-isothiazol-3-one (MIT), zinc pyrithione, 2,2’,2’-(hexahydro-1,3,5-triazine-1,3,5-triyl)triéthanol, pyridine-2-thiol 1-oxyde, sel de sodium font partie du programme d’examen.
Règlement délégué (UE) 2017/2100 de la Commission du 4 septembre 2017 définissant des critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien, conformément au règlement (UE) nº 528/2012 du Parlement européen et du Conseil (JO L 301 du 17.11.2017, p. 1).