Résolution du Parlement européen du 14 décembre 2022 sur les perspectives d’une solution à deux États pour Israël et la Palestine (2022/2949(RSP))
Le Parlement européen,
– vu ses résolutions antérieures sur le processus de paix au Proche-Orient, et notamment sa résolution du 18 mai 2017 sur la solution fondée sur la coexistence de deux États au Proche-Orient(1),
– vu les conclusions du Conseil sur le processus de paix au Proche-Orient du 18 janvier 2016 et du 20 juin 2016,
– vu le Conseil d’association UE-Israël qui s’est tenu le 3 octobre 2022 et ses conclusions,
– vu le rapport 2021 de l’Union européenne sur les colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem-Est,
– vu la liste de l'UE en matière de terrorisme,
– vu les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies sur le sujet,
– vu les conventions de Genève de 1949,
– vu les accords d’Oslo de 1993 et 1995,
– vu l’initiative de paix arabe de 2002,
– vu l’article 132, paragraphes 2 et 4, de son règlement intérieur,
A. considérant que l’Union européenne a maintes fois confirmé son soutien à la solution à deux États, fondée sur la coexistence de deux États souverains et démocratiques, qui vivent côte à côte dans la paix et la sécurité garantie, avec Jérusalem pour capitale des deux entités;
B. considérant que le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté bon nombre de résolutions sur cette question, y compris la résolution 2334 (2016); que les États membres de l’EU-27 ont fait référence à ces résolutions et à la nécessité de les respecter dans leur déclaration publiée à la suite de la dernière réunion en date du Conseil d’association UE-Israël;
C. considérant que selon le rapport 2021 du Bureau du représentant de l’Union européenne, l’année écoulée a connu une nouvelle hausse du taux de progression des unités de peuplement dans les territoires palestiniens occupés (22 030), en particulier à Jérusalem-Est, où le nombre de nouvelles unités de logement a plus que doublé par rapport à 2020 (passant de 6 288 à 14 894) dans le cadre de la tendance à la poursuite de l’expansion des colonies israéliennes;
D. considérant que la violence, le terrorisme, y compris les attaques contre des civils, et l’incitation à la violence sont exacerbés par des actes de provocation et des discours incendiaires et sont fondamentalement incompatibles avec une résolution pacifique du conflit; que l'Union européenne adresse ses condoléances aux familles de toutes les victimes;
E. considérant que tant les Israéliens que les Palestiniens ont le droit de vivre en sécurité; que cela comprend le droit de protéger leur territoire et de défendre leurs intérêts légitimes en matière de sécurité;
F. considérant que la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine a exacerbé les fragilités et les tensions géopolitiques dans la région, et que l’insécurité alimentaire augmente très fortement;
G. considérant que, le 11 mai 2022, la journaliste Shireen Abu Aqla a été assassinée lors d’un raid militaire israélien à Jénine en Cisjordanie occupée; que, malgré de nombreux appels en ce sens, aucune enquête indépendante sur son assassinat n’a été ouverte, de sorte que les auteurs de cet acte criminel n’ont pas eu à rendre de comptes;
H. considérant que, le 12 novembre 2019, la Cour de justice a rendu un arrêt sur la politique de différenciation de l’Union en ce qui concerne les échanges en provenance du territoire de l’État d’Israël et des territoires palestiniens occupés(2); que l’Union doit par conséquent appliquer cet arrêt;
I. considérant qu’Israël est un État démocratique, qui a tenu ses dernières élections législatives le 1er novembre 2022; que les dernières élections législatives palestiniennes, qui ont eu lieu en 2006, ont vu le Hamas – une organisation qui figure sur la liste de l’Union européenne en matière de terrorisme – l’emporter à Gaza; que les dernières élections présidentielles en Palestine ont eu lieu en janvier 2005;
J. considérant que la bande de Gaza est sous blocus depuis quinze ans, et que deux millions d’habitants se trouvent pris au piège dans une zone de 40 kilomètres sur 11; que, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (UNOCHA), 53 % des habitants de Gaza vivent sous le seuil de pauvreté;
K. considérant que la communauté internationale n’a cessé de demander le rapatriement des dépouilles de Hadar Goldin et d’Oron Shaul en Israël, car elles sont détenues à Gaza en violation du droit humanitaire international, et que la communauté internationale a exprimé sa solidarité unanime avec les familles Goldin et Shaul;
L. considérant que les autorités israéliennes ont démoli des infrastructures essentielles financées par des donateurs internationaux et destinées à fournir des services de base; que plusieurs structures financées par l’Union ou ses États membres font actuellement l’objet d’ordres d’arrêt des travaux ou de démolition;
M. considérant qu’en octobre 2021, le ministère israélien de la défense a publié un ordre militaire qualifiant six organisations non gouvernementales palestiniennes d’«associations illégales» (organisations terroristes); qu’en août 2022, les locaux de ces organisations ont été perquisitionnés, leurs documents ont été confisqués et leur matériel a été détruit par les forces israéliennes;
N. considérant que la société civile dans la région, et plus particulièrement en Israël, en Cisjordanie et à Gaza, a un rôle essentiel à jouer dans l’établissement de ponts au sein de la société et dans la promotion d’un climat de paix, de tolérance et de non-violence;
Principes généraux
1. réaffirme son soutien sans faille à une solution négociée à deux États, sur la base des frontières de 1967, qui prévoit la coexistence de deux États souverains et démocratiques, vivant dans la paix et la sécurité garantie, avec Jérusalem pour capitale des deux entités et dans le strict respect du droit international;
2. demande la fin du conflit qui oppose de longue date Israël et la Palestine ainsi que la fin de l’occupation des territoires palestiniens, et ce par la reprise de véritables pourparlers de paix entre les deux parties sur la base de paramètres solides en vue d’une solution à deux États, avec l’aide de la communauté internationale, afin de parvenir à un accord négocié sur le statut définitif et à la reconnaissance mutuelle;
3. demande instamment aux deux parties de réaffirmer leur engagement en faveur de la solution à deux États; demande au prochain gouvernement israélien de s’engager clairement en faveur de la solution à deux États; invite les dirigeants israéliens et palestiniens à s’abstenir de toute provocation dans leurs actes et leurs propos et de toute décision unilatérale;
4. déplore l’absence de résultats tangibles dans le processus de paix au Proche-Orient au cours des dernières décennies, ce qui s’est traduit par une violence et un terrorisme permanents, une détérioration constante de la situation sur le terrain dans les territoires palestiniens occupés, une frustration de plus en plus grande dans la société palestinienne, une montée des tensions et de l’insécurité en Israël ainsi que l’instrumentalisation du conflit par des groupes terroristes et extrémistes;
Les obstacles à une solution fondée sur la coexistence de deux États
5. rappelle que les colonies sont illégales au regard du droit international, demande qu’il soit mis un terme à leur construction et souligne que les récentes décisions d’établir de nouvelles colonies compromettent davantage encore les perspectives d’une solution viable à deux États, en particulier dans la zone E1 et en Cisjordanie; condamne les violences perpétrées par les colons et demande que leurs auteurs en répondent;
6. demande à Israël d’honorer ses responsabilités et obligations en tant que puissance occupante en vertu du droit international et de respecter les droits de l’homme des Palestiniens;
7. condamne fermement la poursuite du terrorisme contre Israël et rappelle le droit d’Israël à exister et à se défendre; reconnaît pleinement les préoccupations légitimes d’Israël quant à sa sécurité et les défis auxquels il fait face; réaffirme le droit plein et entier d’Israël de lutter contre les actes de violence et son droit de protéger sa population civile;
8. condamne tous les actes de violence entre Israéliens et Palestiniens et demande qu’il y soit mis fin immédiatement, notamment le recours disproportionné à la force lors d’opérations militaires des forces israéliennes de défense, les attentats terroristes contre des civils innocents et des infrastructures civiles, la violence de plus en plus marquée des colons et les attaques indiscriminées, y compris les tirs de roquettes perpétrés par des organisations palestiniennes qui figurent sur la liste de l’Union européenne en matière de terrorisme, tels que le Hamas, le Djihad islamique palestinien et le Front populaire de libération de la Palestine;
9. souligne la nécessité impérieuse, pour l’Union, de travailler en partenariat avec Israël, l’Autorité palestinienne, les États-Unis et ses partenaires arabes dans la région pour éviter le réarmement de groupes terroristes présents dans la bande de Gaza et en Cisjordanie ainsi que la contrebande d’armes, la fabrication de roquettes et la construction de tunnels; rappelle une nouvelle fois la nécessité absolue de désarmer tous les groupes terroristes de Gaza, conformément aux conclusions précédentes du Conseil « Affaires étrangères »; condamne les activités inacceptables menées par les autorités de facto à Gaza et, dans ce contexte, rappelle qu'il importe que l’Autorité palestinienne prenne en charge la bande de Gaza;
10. demande que les auteurs de ces actes de violence soient traduits en justice conformément au droit international; rappelle que le respect du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits de l’homme par les États et les acteurs non étatiques, y compris l’obligation de rendre compte de leurs actions, est fondamental pour la paix et la sécurité;
11. réaffirme son attachement aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies, y compris, en dernier lieu, la résolution 2334 (2016), et souligne la nécessité de les respecter, comme l’ont réaffirmé les États membres de l’EU-27 dans leur déclaration qui faisait suite à la dernière réunion du Conseil d’association UE-Israël;
12. souligne qu’il convient de soutenir davantage la démocratie en Palestine et invite la communauté internationale à redoubler d’efforts pour renforcer ses institutions en vue de parvenir à une unité entre Palestiniens, élément important pour parvenir à une solution à deux États; demande instamment aux forces palestiniennes de reprendre sans tarder leurs efforts de réconciliation, notamment par la tenue des élections présidentielles et législatives attendues depuis longtemps;
13. demande que des élections transparentes, crédibles et ouvertes à tous soient organisées en Palestine; se déclare vivement préoccupé par le fait que des personnes affiliées à des organisations qui figurent sur la liste de l’Union européenne en matière de terrorisme exercent ou cherchent à exercer un mandat politique palestinien; demande à Israël de permettre la tenue de ces élections à Jérusalem-Est; insiste une fois de plus pour que l’Union et le Parlement puissent observer ces élections, sur invitation;
14. condamne le musèlement systématique des dissidents par l’Autorité palestinienne et les autorités de facto à Gaza, notamment par l’arrestation arbitraire des critiques et des opposants, souvent soumis à la torture ou à d’autres mauvais traitements, ou par la restriction de leur liberté d’expression, d’association et de réunion;
15. exhorte Israël à mettre un terme à la pratique répandue consistant à placer en détention administrative des Palestiniens, y compris des mineurs, sans procès, et demande que le droit à un procès équitable soit respecté; condamne l’utilisation de mineurs comme kamikazes par des groupes d’activistes palestiniens;
16. souligne que le peuple palestinien a le droit d’utiliser ses propres ressources naturelles, y compris les ressources en eau, les ressources énergétiques et les terres agricoles sur son propre territoire;
17. présente ses condoléances aux familles des soldats israéliens Hadar Goldin et Oron Shaul; déplore le refus opposé par le Hamas de restituer leurs dépouilles à Israël pour qu’elles y soient inhumées; demande que tous les efforts soient déployés en vue du rapatriement immédiat de leurs dépouilles; demande, en outre, la libération des citoyens israéliens Avraham Mengistu et Hisham Al-Sayed, qui n’ont commis aucun crime ou délit justifiant leur captivité par le Hamas dans la bande de Gaza;
18. invite l’État d’Israël à permettre à l’aide humanitaire d’atteindre les plus vulnérables, tant en Cisjordanie qu’à Gaza; réitère ses appels en faveur de la levée immédiate du blocus et d’une atténuation de la crise humanitaire dans la bande de Gaza, avec les garanties de sécurité nécessaires pour prévenir la violence contre Israël; réaffirme qu’il est nécessaire de veiller à ce que les financements de l’Union soient destinés à des projets concrets dans la bande de Gaza, qui correspondent au mécanisme trilatéral de soutien financier destiné aux civils; demande que les députés au Parlement européen aient accès sans entrave à la bande de Gaza;
19. demande l'arrêt immédiat de la démolition de maisons palestiniennes; invite l’Union et ses États membres à exiger d’être indemnisés pour la démolition de toutes les infrastructures financées par l’Union dans les territoires palestiniens occupés;
20. se dit préoccupé par l’espace de plus en plus réduit dévolu à la société civile en Israël et dans les territoires palestiniens occupés et demande instamment à l’Union européenne d’inscrire la question parmi les priorités de son dialogue politique avec le gouvernement israélien et l’Autorité palestinienne;
Le rôle de l’Union européenne
21. invite le vice-président de la Commission/haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et le représentant spécial de l’Union européenne (RSUE) pour le processus de paix au Proche-Orient, à mettre en place une initiative de paix européenne afin de rétablir un horizon politique pour une paix juste, globale et durable entre Israël et la Palestine; demande, à cette fin, que le mandat du RSUE soit prorogé jusqu’à la résolution effective de ce conflit de longue durée;
22. demande que cette initiative prenne la forme d’une conférence internationale, première étape d’un cadre multilatéral visant à atteindre cet objectif; salue les initiatives telles que le format Munich et encourage le service européen pour l’action extérieure et les États membres de l’Union à engager une initiative européenne pour donner une nouvelle impulsion à la solution à deux États;
23. invite l’Union à examiner avec les pays arabes concernés comment leurs accords de normalisation respectifs avec Israël pourraient favoriser la solution à deux États et le développement économique de la région;
24. invite l’Union et ses États membres à soutenir toutes les initiatives visant à amener les responsables d’atteintes au droit international humanitaire et au droit international relatif aux droits de l’homme à répondre de leurs actes; souligne à cet égard le travail accompli par la Cour pénale internationale;
25. se félicite de la décision du Conseil «Affaires étrangères» de relancer le Conseil d’association avec Israël; estime que celui-ci devrait être utilisé pour renforcer le partenariat UE-Israël, pour dialoguer sur les questions liées au conflit israélo-palestinien et pour relancer le processus de paix au Proche-Orient;
26. estime que le financement de l’Union destiné à la société civile est un exemple de coopération constructive pour l’établissement de ponts entre Israéliens et Palestiniens; demande que les programmes de l’Union renforcent les contacts interpersonnels entre les différentes minorités ethniques et religieuses, les défenseurs des droits de l’homme, les journalistes et les organisations de femmes;
27. souligne la nécessité pour l’Union et ses États membres de soutenir des initiatives conjointes dans les secteurs sociaux et économiques, y compris dans les domaines de l’eau et de l’énergie, afin de promouvoir la prospérité et les échanges sociaux entre les deux territoires; réaffirme son soutien à la stratégie «Global Gateway», qui, en synergie avec le plan économique et d’investissement pour le voisinage méridional, servira à mettre en place des liaisons commerciales dans la région;
28. reconnaît le rôle joué par l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient dans la fourniture de services vitaux aux réfugiés palestiniens; réaffirme l’importance de l’éducation dans la création de perspectives pour une solution à deux États; réaffirme que la haine, l’incitation à la violence et l’antisémitisme sont contraires aux valeurs de l’Union et constituent un obstacle majeur à la résolution du conflit; réaffirme sa position selon laquelle l’ensemble des manuels et du matériel scolaires financés par des fonds de l’Union doivent être pleinement conformes aux valeurs de paix, de tolérance, de coexistence et de non-violence établies par l’UNESCO; souligne que le financement de l’Union devra être suspendu en cas de preuves concrètes et indéniables d’abus;
29. rappelle que les programmes scolaires financés par l’Union doivent être conformes aux normes de l’UNESCO en matière de paix, de tolérance, de coexistence et de non-violence, et condamne fermement le discours haineux, la violence et l’antisémitisme encore relevés dans les programmes scolaires de l’Autorité palestinienne;
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30. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au vice-président de la Commission/haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au représentant spécial de l’Union européenne pour le processus de paix au Proche-Orient, au secrétaire général des Nations unies, au secrétaire général de la Ligue des États arabes, à la Knesset et au gouvernement israélien, au président de l’Autorité palestinienne et au Conseil législatif palestinien.
Arrêt du 12 novembre 2019, Organisation juive européenne et Vignoble Psagot Ltd contre Ministre de l’Économie et des Finances, C-363/18, ECLI:EU:C:2019:954.