Index 
Textes adoptés
Jeudi 9 juin 2022 - Strasbourg
La situation des droits de l'homme dans le Xinjiang, notamment les dossiers de police du Xinjiang
 L'instrumentalisation de la justice en tant qu'outil répressif au Nicaragua
 Violations de la liberté des médias et sécurité des journalistes en Géorgie
 État de droit et approbation éventuelle du plan de relance national polonais (FRR)
 Instrument relatif aux marchés publics internationaux ***I
 Droit d’initiative du Parlement
 Menaces pour le droit à l'avortement dans le monde: démantèlement possible du droit à l'avortement par la Cour suprême des États-Unis
 Convocation d'une convention pour la révision des traités
 Nouvel instrument commercial visant à interdire les produits issus du travail forcé

La situation des droits de l'homme dans le Xinjiang, notamment les dossiers de police du Xinjiang
PDF 141kWORD 49k
Résolution du Parlement européen du 9 juin 2022 sur la situation des droits de l’homme au Xinjiang, y compris les fichiers de la police du Xinjiang (2022/2700(RSP))
P9_TA(2022)0237RC-B9-0310/2022

Le Parlement européen,

–  vu ses résolutions et rapports antérieurs sur la situation en Chine, en particulier ceux du 17 décembre 2020 sur le travail forcé et la situation des Ouïgours dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang(1) et du 19 décembre 2019 sur la situation des Ouïgours en Chine («China Cables»)(2),

–  vu la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948,

–  vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966,

–  vu le règlement (UE) 2020/1998 du Conseil(3) et la décision (PESC) 2020/1999 du Conseil(4) du 7 décembre 2020 concernant des mesures restrictives en réaction aux graves violations des droits de l’homme et aux graves atteintes à ces droits,

–  vu la convention des Nations unies de 1989 relative aux droits de l’enfant,

–  vu l’article 36 de la Constitution de la République populaire de Chine, qui garantit à tous les citoyens le droit à la liberté de religion, et son article 4, qui garantit les droits des minorités ethniques,

–  vu l’article 144, paragraphe 5, et l’article 132, paragraphe 4, de son règlement intérieur,

A.  considérant que la défense et le respect des droits de l’homme, de la démocratie et de l’état de droit devraient être au cœur des relations de l’Union européenne avec la Chine, conformément à l’engagement pris par l’Union de respecter ces valeurs dans son action extérieure et à l’engagement pris par la Chine d’y adhérer dans le cadre de sa coopération au développement et de sa coopération internationale;

B.  considérant que le Consortium international des journalistes d’investigation et plusieurs médias internationaux, dont la BBC, El País en Espagne, Le Monde en France et Der Spiegel en Allemagne, ont pu examiner les fichiers de la police du Xinjiang;

C.  considérant que les autorités chinoises responsables ont nié les allégations de violations massives et structurelles des droits de l’homme au Xinjiang;

D.  considérant que les fichiers de la police du Xinjiang décrivent en détail — et pour la première fois avec de nombreuses photographies — l’étendue de la répression systématique, brutale et arbitraire dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang;

E.  considérant que ces documents démontrent le rôle en connaissance de cause, le soutien actif et la participation directe du gouvernement central de Pékin, y compris de Xi Jinping et de Li Keqiang et de hauts responsables de la région autonome ouïgoure du Xinjiang dans la conduite de la politique d’internement de masse au Xinjiang; considérant que les documents font également état du soutien en connaissance de cause et actif apporté par le président Xi Jinping dans le cadre de campagnes de «rééducation», de «frappe forte» et de «déradicalisation» du Xinjiang, ainsi qu’à la persistance de dépenses engagées en faveur de centres de détention et de personnel supplémentaires pour gérer l’afflux de détenus;

F.  considérant que le tribunal ouïgour et d’autres organes d’enquête et organismes de recherche crédibles et indépendants ont conclu que les violations graves et systémiques des droits de l’homme commises par la Chine à l’encontre des Ouïgours et d’autres peuples turciques constituaient des actes de torture, des crimes contre l’humanité et des génocides(5); considérant que le gouvernement américain et les corps législatifs des États-Unis, du Canada, du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de la Belgique, de la France, de la Lituanie, de la Tchéquie et de l’Irlande ont pris des décisions similaires;

G.  considérant que depuis 2017, plusieurs ONG ont signalé à plusieurs reprises que la Chine a mis en œuvre la détention de masse d’Ouïgours, de Kazakhs et d’autres groupes ethniques majoritairement musulmans au Xinjiang;

H.  considérant que les atrocités commises contre les Ouïgours doivent être considérées dans le contexte des politiques plus générales intérieures et extérieures, répressives et agressives de la Chine;

1.  condamne avec la plus grande fermeté le fait que la communauté ouïgoure de la République populaire de Chine ait été systématiquement opprimée au moyen de mesures brutales, notamment les expulsions de masse, l’endoctrinement politique, la séparation des familles, les restrictions à la liberté religieuse, la destruction culturelle et le recours généralisé à la surveillance;

2.  affirme que les preuves crédibles concernant les mesures de prévention des naissances et la séparation des enfants ouïghours de leur famille constituent des crimes contre l’humanité et représentent un risque sérieux de génocide; appelle les autorités chinoises à mettre fin aux programmes de travail forcé et de stérilisation massive soutenus par le gouvernement et à mettre immédiatement un terme à toutes les mesures visant à empêcher les naissances parmi la communauté ouïgoure, y compris les avortements forcés ou les sanctions pour des faits de contournement du contrôle des naissances;

3.  se déclare vivement préoccupé par les peines de prison excessives et arbitraires prononcées à la suite d’allégations de terrorisme ou d’extrémisme qui, selon les fichiers de la police du Xinjiang, ont entraîné la détention de 22 000 personnes en 2018, ce qui représente 12 % de la population adulte ouïgour du comté de Konasheher(6); se déclare préoccupé par les accusations présumées de viol systématique, d’abus sexuels et de torture à l’encontre de femmes dans les camps de rééducation en Chine;

4.  demande au gouvernement chinois de mettre fin sur-le-champ aux pratiques arbitraires de détentions sans chef d’inculpation, procès et condamnations pénales à l’encontre des Ouïgours et d’autres peuples turciques, de fermer tous les camps et centres de détention et de libérer sans délai et sans condition les détenus, ainsi que de permettre aux enfants Ouïgours placés de force dans des internats dirigés par l’état de rejoindre leurs parents;

5.  rappelle que la Chine a ratifié la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui prévoit l’interdiction absolue et sans dérogation possible de la torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

6.  invite les autorités chinoises à libérer immédiatement et sans condition Ilham Tohti, universitaire ouïgour et lauréat du prix Sakharov 2019, et à veiller, dans l’attente de sa sortie, à ce qu’il puisse entretenir un contact régulier et illimité avec sa famille et les avocats de son choix;

7.  demande une nouvelle fois aux autorités chinoises d’accorder un accès libre, significatif et sans entrave à la région autonome ouïgoure du Xinjiang et un accès sans restriction aux camps d’internement aux journalistes indépendants, aux observateurs internationaux et auxs organes d’enquête, y compris, en particulier, aux titulaires de mandats au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies et au représentant spécial de l’Union pour les droits de l’homme, ainsi qu’aux centres de détention, afin d’évaluer les allégations chinoises selon lesquelles ces camps et centres ne sont plus opérationnels;

8.  rappelle les propositions visant à organiser une session extraordinaire du Conseil des droits de l’homme des Nations unies ou un débat d’urgence sur la détérioration de la situation des droits de l’homme en Chine et sur l’adoption d’une résolution visant à créer un mécanisme de suivi et de signalement, conformément à un appel mondial lancé par des centaines d’organisations de la société civile de toutes les régions;

9.  déplore que, dans le cadre de sa visite en Chine et dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang, les autorités chinoises n’aient pas permis à la Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme d’avoir pleinement accès aux organisations indépendantes de la société civile, aux défenseurs des droits de l’homme et aux centres de détention, ce qui l’a empêchée de constater l’ampleur des camps de rééducation politique au Xinjiang; regrette que la commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, n’ait pas clairement tenu le gouvernement chinois responsable des violations des droits de l’homme commises à l’encontre des Ouïgours lors de sa visite;

10.  prie instamment la Haute-Commissaire de publier immédiatement le rapport attendu de longue date sur les violations des droits de l’homme au Xinjiang, sur la base des preuves disponibles, vastes et de plus en plus nombreuses, sur l’ampleur et de la gravité des violations des droits de l’homme commises par les autorités chinoises;

11.  demande instamment aux États membres et au vice-président de la Commission / haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité d’adopter rapidement des sanctions supplémentaires à l’encontre de hauts fonctionnaires chinois, tels que Chen Quanguo, Zhao Kezhi, Guo Shengkun et Hu Lianhe, ainsi que d’autres personnes identifiées dans les fichiers de la police du Xinjiang, et d’autres personnes et entités, qui sont impliquées dans des violations systématiques des droits de l’homme dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang;

12.  invite le Conseil à se pencher sur les violations des droits de l’homme au Xinjiang lors du prochain Conseil européen et à demander instamment aux États membres du G7 et du G20 d’aborder également cette question;

13.  appelle l’Union et ses États membres à prendre toutes les mesures nécessaires, conformément à la convention des Nations unies pour la prévention et la répression du crime de génocide, afin de mettre un terme à ces atrocités et de garantir que les responsables des crimes commis répondent de leurs actes, y compris au moyen de mécanismes internationaux de responsabilisation;

14.  reconnaît que les relations UE-Chine se caractérisent de plus en plus par une concurrence économique et une rivalité systémique; prend acte que les dirigeants de l’Union ont évoqué les graves violations commises au Xinjiang lors du récent sommet UE-Chine et souligne qu’il importe de continuer à soulever cette question à chaque occasion et aux plus hauts niveaux;

15.  encourage l’Union et les États membres à identifier et à limiter d’urgence les risques liés à l’ingérence étrangère chinoise; condamne fermement toutes les formes de répression transnationale ou les tentatives de répression des dissidents chinois ou des représentants de la communauté ouïgoure résidant à l’étranger;

16.  demande à l’Union et aux États membres de suspendre leurs traités d’extradition en vigueur avec la Chine et Hong Kong;

17.  invite les autorités chinoises à autoriser tous les Ouïgours souhaitant quitter la République populaire de Chine à le faire;

18.  demande à la Commission de proposer une interdiction d’importation de tous les produits fabriqués en recourant au travail forcé et des produits fabriqués par toutes les entreprises chinoises répertoriées comme des entreprises recourant au travail forcé; réaffirme sa position en faveur d’une directive ambitieuse sur le devoir de diligence des entreprises en matière de durabilité;

19.  invite une nouvelle fois l’Union et les États membres à vérifier si des entités opérant sur le marché intérieur de l’Union sont, directement ou indirectement impliquées dans la mise en place de systèmes de surveillance de masse au Xinjiang, dans le fonctionnement ou le développement de centres de détention pour les groupes minoritaires au Xinjiang, ou dans des transactions avec des personnes faisant l’objet de sanctions pour des infractions commises à l’encontre des Ouïghours et d’autres groupes minoritaires au Xinjiang; souligne que, s’ils sont établis, ces faits devraient se traduire par des mesures commerciales et des sanctions, ainsi que par l’exclusion des marchés publics;

20.  charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au vice-président de la Commission / haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au secrétaire général de l’ONU, à la Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, ainsi qu’au gouvernement et au Parlement de la République populaire de Chine.

(1) JO C 445 du 29.10.2021, p. 114.
(2) JO C 255 du 29.6.2021, p. 60.
(3) JO L 410 I du 7.12.2020, p. 1.
(4) JO L 410 I du 7.12.2020, p. 13.
(5) https://uyghurtribunal.com/wp-content/uploads/2021/12/Uyghur-Tribunal-Summary-Judgment-9th-Dec-21.pdf;https://14ee1ae3-14ee-4012-91cf-a6a3b7dc3d8b.usrfiles.com/ugd/14ee1a_3f31c56ca64a461592ffc2690c9bb737.pdf; https://newlinesinstitute.org/uyghurs/the-uyghur-genocide-an-examination-of-chinas-breaches-of-the-1948-genocide-convention/ https://www.ushmm.org/genocide-prevention/reports-and-resources/the-chinese-governments-assault-on-the-uyghurs
(6) https://www.washingtonpost.com/world/2022/05/24/xinjiang-michelle-bachelet-china-uyghur/


L'instrumentalisation de la justice en tant qu'outil répressif au Nicaragua
PDF 129kWORD 48k
Résolution du Parlement européen du 9 juin 2022 sur l’instrumentalisation de la justice en tant qu’outil répressif au Nicaragua (2022/2701(RSP))
P9_TA(2022)0238RC-B9-0293/2022

Le Parlement européen,

–  vu ses résolutions antérieures sur le Nicaragua, en particulier celles du 16 décembre 2021(1), du 8 juillet 2021(2), du 8 octobre 2020, du 19 décembre 2019(3), du 14 mars 2019(4) et du 31 mai 2018(5),

–  vu les déclarations du 15 août 2021, du 8 novembre 2021 et du 14 mars 2022 du vice-président de la Commission / haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité au nom de l’Union européenne,

–  vu les déclarations de la Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme lors des 48e et 49esessions du Conseil des droits de l’homme et son rapport sur la situation des droits de l’homme au Nicaragua du 7 mars 2022,

–  vu les déclarations du 23 juin 2021, du 20 novembre 2021 et du 11 février 2022 de la Commission interaméricaine des droits de l’homme,

–  vu la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948,

–  vu les orientations de l’Union européenne concernant les défenseurs des droits de l’homme, adoptées en juin 2004 et actualisées en 2008,

–  vu l’accord établissant une association entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et l’Amérique centrale, d’autre part (ci-après, l’«accord d’association UE-Amérique centrale»),

–  vu les règlements et les décisions du Conseil concernant des mesures restrictives en réaction aux graves violations des droits de l’homme et aux graves atteintes à ces droits au Nicaragua,

–  vu la convention américaine relative aux droits de l’homme de 1969 (pacte de San José),

–  vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques, les règles minimales des Nations unies pour le traitement des détenus (règles Nelson Mandela), les règles des Nations unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (règles de Bangkok) et la convention de Vienne,

–  vu la résolution A/HRC/49/L.20 sur la promotion et la protection des droits de l’homme au Nicaragua, adoptée le 31 mars 2022 par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies,

–  vu la Constitution de la République du Nicaragua,

–  vu l’article 144, paragraphe 5, et l’article 132, paragraphe 4, de son règlement intérieur,

A.  considérant que, depuis avril 2018, le régime Ortega-Murillo a mis en place un cadre de répression d’État au Nicaragua, marqué par l’impunité systémique pour les violations des droits de l’homme, la détérioration des institutions et de l’état de droit et la mise en œuvre d’une stratégie orchestrée, avec la connivence manifeste du pouvoir judiciaire, qui vise à réduire au silence toute voix dissidente;

B.  considérant que, depuis 2018, les autorités nicaraguayennes ont procédé de manière systématique et ciblée à l’incarcération, au harcèlement et à l’intimidation des opposants politiques, de l’opposition, des dirigeants des mouvements étudiants et des dirigeants ruraux, des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme, des représentants des entreprises et des artistes, qui ont été la cible, à plusieurs reprises, de menaces de mort, d’intimidations, de campagnes de diffamation en ligne, de harcèlement, de surveillance, d’agressions, de persécutions judiciaires et de privations arbitraires de liberté; que, malgré ces nombreux risques, les journalistes et les autres défenseurs des droits de l’homme continuent de jouer un rôle essentiel dans le suivi de la situation des droits de l’homme et des libertés au Nicaragua;

C.  considérant que, ces dernières années, le régime Ortega-Murillo a adopté et appliqué un cadre réglementaire de plus en plus répressif;

D.  considérant qu’à ce jour, au moins 182 opposants politiques sont emprisonnés dans des conditions inhumaines qui ne respectent pas les obligations internationales en matière de droits de l’homme, telles que les règles Nelson Mandela, selon le mécanisme spécial de suivi pour le Nicaragua (MESENI); que sept de ces prisonniers politiques étaient des précandidats à la présidence pour les élections de 2021; que les détracteurs du régime nicaraguayen ont fait l’objet d’abus systématiques pendant leur détention, y compris de traitements inhumains, humiliants et dégradants assimilables à des actes de torture, qui ont entraîné la mort du prisonnier politique et ancien chef rebelle Hugo Torres, entre autres; que les autorités nicaraguayennes ont également harcelé les familles et les proches des prisonniers politiques, qui ont subi des persécutions et des menaces;

E.  considérant que l’absence de séparation des pouvoirs et le contrôle total des institutions par le régime nicaraguayen ont entraîné la soumission du pouvoir judiciaire et du ministère public à la volonté du régime, mettant à bas l’état de droit, l’indépendance de la justice et les organisations de la société civile, et donc la démocratie, afin d’instaurer une dictature au Nicaragua;

F.  considérant que les tribunaux nicaraguayens ont prononcé des condamnations et des peines sévères à l’encontre de toute voix dissidente à l’issue de procès à huis clos qui n’ont pas respecté les garanties fondamentales propres à un procès équitable;

G.  considérant que dans le cadre de ces procès, les juges et les procureurs ont systématiquement violé le droit à un procès équitable; que la présomption d’innocence a été bafouée par le ministère public dans une note publique;

H.  considérant que la poursuite de la répression a contraint des milliers de Nicaraguayens à fuir le pays; que l’on observe des formes de répression similaires accompagnant une intensification des atteintes à la liberté d’expression; que les menaces du ministère public à l’encontre de plusieurs journalistes et professionnels des médias ont incité nombre d’entre eux à quitter le Nicaragua en quête de protection;

I.  considérant qu’en 2022, le régime Ortega-Murillo a interdit près de 400 organisations à but non lucratif, les privant de leur statut juridique; que l’Église catholique a également été victime du régime Ortega-Murillo, tout comme l’Académie des langues nicaraguayenne, des membres de communautés autochtones et d’autres groupes minoritaires, entre autres;

J.  considérant que le régime Ortega-Murillo a violé le droit international, en particulier la convention de Vienne, en attaquant le quartier général et en occupant les locaux de l’Organisation des États américains, qui a été expulsée du Nicaragua le 25 avril 2022;

K.  considérant qu’à la suite d’une initiative fortement soutenue par la société civile, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a créé un groupe d’experts des droits de l’homme chargé de mener des enquêtes approfondies et indépendantes sur toutes les allégations de violations des droits de l’homme et d’atteintes à ces droits commises depuis avril 2018, y compris leur dimension de genre; que tant l’Union européenne que les États-Unis ont imposé des sanctions au Nicaragua;

1.  condamne avec la plus grande fermeté la répression systématique à l’encontre des partis politiques d’opposition, la répression des acteurs de la société civile, des défenseurs des droits de l’homme et des médias, des autres professionnels des médias, des journalistes, ainsi que des membres de leur famille, des étudiants et des membres de l’Église catholique, entre autres, et la corruption persistante de fonctionnaires du régime nicaraguayen;

2.  condamne fermement la mort en détention de M. Hugo Torres;

3.  condamne l’arrestation du père Manuel Salvador García le 1er juin 2022 et son maintien en détention provisoire, et demande sa libération immédiate;

4.  renouvelle son appel à procéder sans délai à l’extradition d’Alessio Casimirri vers l’Italie;

5.  condamne les détentions abusives, l’absence de garanties procédurales et les condamnations illégales de prisonniers politiques qui ont eu lieu au Nicaragua; demande instamment aux autorités nicaraguayennes de rétablir les garanties nécessaires au plein exercice des droits civils et politiques de tous les Nicaraguayens, de mettre fin à la persécution de l’opposition démocratique, de la presse et de la société civile, de libérer immédiatement et sans condition les personnes détenues depuis avril 2018, d’annuler les procédures judiciaires à leur encontre et de permettre le retour en toute sécurité de tous les réfugiés et exilés dans leur foyer;

6.  demande le rétablissement de l’état de droit, de la séparation des pouvoirs ainsi que de l’indépendance et impartialité du pouvoir judiciaire, et demande aux autorités publiques de respecter le code pénal et la présomption d’innocence et de cesser de criminaliser l’opposition;

7.  condamne les décisions judiciaires illégitimes qui ne font que confirmer la dérive répressive du régime nicaraguayen, ainsi que le fait que les juges sont devenus un instrument répressif responsable de violations des droits de l’homme;

8.  prie instamment l’Union européenne de demander des comptes au régime nicaraguayen, en particulier à ses juges, pour la répression dans le pays et les procédures judiciaires engagées contre des personnalités de l’opposition et d’autres voix critiques; invite le Conseil à entamer immédiatement les procédures visant à inscrire les juges suivants sur la liste des personnes sanctionnées par l’Union européenne: Nadia Camila Tardencilla, Angel Jeancarlos Fernández González, Ulisa Yaoska Tapia Silva, Rosa Velia Baca Cardoza, Veronica Fiallos Moncada, Luden Martin Quiroz García, Karen Vanesa Chavarría, Felix Ernesto Salmerón Moreno, Nancy Aguirre Gudiel, William Irving Howard López, Erick Ramón Laguna Averruz, Melvin Leopoldo Vargas García, Irma Oralia Laguna Cruz et Rolando Sanarrusia, entre autres, ainsi que les juges de la cour d’appel de Managua qui ont également été impliqués dans la privation des droits procéduraux et substantiels des personnes illégalement condamnées: Octavio Rothschuh Andino, Ángela Dávila et Argentina Solís;

9.  demande aux États membres et au Conseil de sécurité des Nations unies, conformément aux articles 13 et 14 du statut de Rome, d’ouvrir, par l’intermédiaire de la Cour pénale internationale, une enquête formelle sur le Nicaragua et Daniel Ortega pour crimes contre l’humanité au titre de l’article 7 du statut de Rome;

10.  exprime son soutien aux citoyens nicaraguayens qui protestent pacifiquement contre le régime Ortega-Murillo; regrette profondément qu’aucune mesure judiciaire n’ait été prise pour faire en sorte que justice et réparation soient rendues aux victimes de graves violations des droits de l’homme depuis la répression de 2018;

11.  demande instamment au Nicaragua d’abroger la législation adoptée depuis 2018 qui restreint indûment l’espace civique et démocratique, en particulier la loi spéciale sur la cybercriminalité (loi nº 1042), la loi nº 1040 sur l’encadrement des agents étrangers et la loi nº 1055 sur la défense des droits du peuple à l’indépendance, à la souveraineté et à l’autodétermination pour la paix, ainsi que la réforme du code de procédure pénale; rappelle que, à la lumière de l’accord d’association UE-Amérique centrale, le Nicaragua doit respecter et consolider les principes de l’état de droit, de la démocratie et des droits de l’homme; demande une nouvelle fois que la clause démocratique de l’accord d’association soit déclenchée compte tenu des circonstances;

12.  souligne que les organismes internationaux de défense des droits de l’homme doivent être autorisés à revenir au Nicaragua, y compris le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et la Commission interaméricaine des droits de l’homme; déplore le manque de coopération des autorités nicaraguayennes avec les mécanismes régionaux et internationaux en matière de droits de l’homme; demande à l’Union de soutenir le mandat des trois membres indépendants du groupe d’experts des droits de l’homme sur le Nicaragua récemment créé par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies et de collaborer étroitement avec eux afin de faire progresser l’obligation de rendre des comptes en cas de violations des droits de l’homme et d’atteintes à ces droits au Nicaragua;

13.  condamne le fait que près de 400 ONG ont été contraintes de cesser leurs activités au Nicaragua, y compris l’Académie des langues nicaraguayenne; invite les autorités nicaraguayennes à cesser de dissoudre indûment les ONG et à rétablir la personnalité juridique de l’ensemble des organisations, partis politiques, universités et médias qui ont été arbitrairement contraints de fermer, ainsi qu’à restituer tous les biens, documents et équipements saisis illégalement;

14.  exprime sa profonde préoccupation face à la répression des médias libres et indépendants dans le pays, qui a contraint plus de 100 journalistes à l’exil;

15.  demande à l’Union et à ses États membres de suivre de près la situation sur le terrain par l’intermédiaire de leurs représentants locaux et de leurs ambassades au Nicaragua; invite la délégation de l’Union et les États membres qui disposent de missions diplomatiques dans le pays à mettre pleinement en œuvre les orientations de l’Union sur les défenseurs des droits de l’homme, à apporter tout le soutien nécessaire à ceux d’entre eux qui ont été placés en détention, notamment en leur rendant visite en prison et en assurant un suivi de leurs procès, à dénoncer publiquement les violations commises contre les défenseurs des droits de l’homme et les médias indépendants et à soutenir leur travail; invite la délégation de l’Union et les États membres à utiliser tous les instruments disponibles pour accroître leur soutien au travail des défenseurs des droits de l’homme et à faciliter la délivrance de visas d’urgence, si nécessaire, ainsi qu’à fournir un refuge temporaire dans les États membres de l’Union pour des motifs humanitaires;

16.  regrette profondément que les représentants nicaraguayens aient voté contre l’expulsion de la Russie du Conseil des droits de l’homme des Nations unies pour les atrocités commises par ses forces au cours de la guerre en Ukraine et que le Nicaragua se soit abstenu au sujet de la résolution ES-11/1 de l’Assemblée générale des Nations unies du 2 mars 2022, qui déplorait l’invasion de l’Ukraine par la Russie et exigeait un retrait total des forces russes;

17.  charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des États membres ainsi qu’au secrétaire général de l’Organisation des États américains, à l’Assemblée parlementaire euro-latino-américaine, au Parlement d’Amérique centrale, au groupe de Lima et au gouvernement et au Parlement de la République du Nicaragua.

(1) Textes adoptés de cette date, P9_TA(2021)0513.
(2) JO C 99 du 1.3.2022, p. 204.
(3) JO C 255 du 29.6.2021, p. 65.
(4) JO C 23 du 21.1.2021, p. 126.
(5) JO C 76 du 9.3.2020, p. 164.


Violations de la liberté des médias et sécurité des journalistes en Géorgie
PDF 129kWORD 49k
Résolution du Parlement européen du 9 juin 2022 sur les violations de la liberté des médias et la sécurité des journalistes en Géorgie (2022/2702(RSP))
P9_TA(2022)0239RC-B9-0300/2022

Le Parlement européen,

–  vu ses résolutions antérieures sur la Géorgie, notamment celle du 16 septembre 2020 sur la mise en œuvre de l’accord d’association de l’Union européenne avec la Géorgie(1),

–  vu la récente visite de la représentante de l’OSCE pour la liberté des médias en Géorgie les 28 et 29 avril 2022,

–  vu l’accord conclu entre les forces politiques géorgiennes le 19 avril 2021, sous la médiation du président du Conseil européen,

–  vu l’accord d’association entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et la Géorgie, d’autre part, qui est pleinement entré en vigueur le 1er juillet 2016(2),

–  vu le classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières pour 2021 et 2022,

–  vu l’article 144, paragraphe 5, et l’article 132, paragraphe 4, de son règlement intérieur,

A.  considérant que, dans leur accord d’association, en vigueur depuis le 1er juillet 2016, la Géorgie et l’Union européenne se sont engagées à instaurer un dialogue politique en vue de renforcer le respect des principes démocratiques, l’état de droit et la bonne gouvernance, les droits de l’homme et les libertés fondamentales, y compris la liberté des médias;

B.  considérant que la Géorgie a présenté sa demande d’adhésion à l’Union européenne le 3 mars 2022, ce qui témoigne des aspirations européennes du peuple géorgien, qui bénéficient d’un large soutien au sein de la population et de l’ensemble du spectre politique, y compris l’opposition;

C.  considérant que la liberté d’expression, la liberté des médias et la sécurité des journalistes sont des éléments essentiels d’une démocratie dynamique et que leur protection par les autorités est un indicateur important de la consolidation de la démocratie; que des médias pluralistes, libres et indépendants constituent l’une des pierres angulaires de la démocratie et l’un des principaux piliers de la lutte contre la désinformation;

D.  considérant que l’accord du 19 avril 2021, sous la médiation du président du Conseil européen, Charles Michel, souligne la nécessité de remédier aux perceptions d’un système judiciaire politisé, notamment par l’adoption et la mise en œuvre d’une réforme ambitieuse du système judiciaire afin d’accroître son indépendance, sa transparence et sa responsabilité;

E.  considérant que, le 5 juillet 2021, plus de 50 journalistes, représentants des médias et manifestants pacifiques qui couvraient la marche des fiertés «Tbilisi Pride» ont été violemment attaqués par des militants principalement d’extrême droite, ce qui a entraîné l’annulation de la manifestation; qu’Alexander Lashkarava, cameraman de la chaîne TV Pirveli, est décédé peu de temps après cette agression des suites de ses blessures;

F.  considérant que l’environnement médiatique de la Géorgie, après plusieurs années d’amélioration, s’est rapidement détérioré au cours des dernières années et qu’un nombre sans précédent d’agressions physiques violentes contre des journalistes se sont produites en Géorgie depuis les violences massives contre la marche des fiertés de Tbilissi le 5 juillet 2021, ce qui a suscité des réactions de plusieurs organisations internationales de défense de la liberté des médias faisant part de leur inquiétude et a entraîné un net recul de la Géorgie dans le classement mondial de la liberté de la presse (passant d’un score de 71,36 et d’un rang de 60e sur 180 en 2021 à un score de 59,9 et un rang de 89e sur 180 en 2022);

G.  considérant que le nombre d’agressions verbales à l’encontre de journalistes et le nombre de poursuites en diffamation, notamment par des fonctionnaires du gouvernement et des personnes associées au parti au pouvoir, contre les voix critiques des représentants des médias et des entreprises, ne font qu’augmenter; que, comme l’a observé Transparency International Géorgie, le changement de pratique judiciaire fait peser la charge de la preuve sur les journalistes, en dépit d’une disposition explicite du droit géorgien qui prévoit le contraire; que les journalistes, en particulier ceux des médias critiques à l’égard du gouvernement, éprouvent des difficultés à accéder à des informations qui devraient être publiquement accessibles;

H.  considérant que certaines enquêtes ont été entachées d’un manque de transparence et d’efficacité, ce qui a conduit à une impression généralisée d’impunité pour les personnes coupables de crimes contre les journalistes;

I.  considérant que, le 4 avril 2022, le tribunal de la ville de Tbilissi a condamné six personnes à cinq ans d’emprisonnement pour l’attaque de deux cameramen et d’un journaliste lors des violentes attaques contre la marche de la «Tbilisi Pride» le 5 juillet 2021;

J.  considérant que, le 16 mai 2022, Nika Gvaramia, directeur de la chaîne de télévision Mtavari, a été condamnée à trois ans et demi de prison en vertu de l’article 220 du code pénal pour des accusations douteuses de blanchiment d’argent, de corruption et de falsification de documents liées à ses activités passées de directeur de la chaîne Rustavi 2 TV, une peine largement perçue en Géorgie comme une tentative de réduire au silence une voix critique à l’égard du gouvernement actuel; que cette affaire a déjà fait l’objet d’une évaluation négative de la part du Défenseur public de Géorgie en 2019;

K.  considérant que les enquêtes et les poursuites sélectives visant les opposants au gouvernement actuel sapent la confiance du public non seulement dans les institutions judiciaires, mais aussi dans le gouvernement lui-même, tandis que le caractère répétitif d’affaires similaires contre des propriétaires de médias liés à l’opposition sape les efforts visant à accroître l’indépendance du pouvoir judiciaire;

L.  considérant que l’ancien président Mikheïl Saakachvili, dont la santé ne cesse de se détériorer, a finalement été transféré dans un hôpital civil à la suite de l’avis de médecins indépendants selon lequel son état ne s’améliorerait pas autrement;

M.  considérant que la réforme de la loi sur les communications électroniques confère à la commission nationale géorgienne de communication (GNCC) le droit de nommer des administrateurs spéciaux dans les entreprises de télécommunications qui exécutent les décisions de la GNCC;

N.  considérant que des procédures judiciaires ont été engagées contre des propriétaires d’autres grands médias critiques, ou des membres de leur famille proche, à savoir David Kezerachvili de la chaîne Formula TV et Vakhtang Tsereteli, le fondateur de la chaîne indépendante TV Pirveli; qu’en janvier 2022, le tribunal municipal de Tbilissi a jugé les fondateurs de la banque TBC et du parti politique Lelo pour la Géorgie, Mamuka Khazaradze et Badri Japaridze, ainsi qu’Avtandil Tsereteli, père de Vakhtang Tsereteli, coupables de fraude et les a condamnés à sept ans de prison; que leur condamnation a toutefois été commuée, le délai de prescription pour fraude ayant expiré;

O.  considérant que, ces dernières années, et en particulier depuis l’invasion russe de l’Ukraine, la Géorgie a connu une augmentation de la désinformation russe et de la propagande dirigée contre l’Union, en particulier contre les femmes, la communauté LGBTQI+, les défenseurs des droits de l’homme et les minorités ethniques;

P.  considérant qu’il a été confirmé que de nombreux journalistes figurent parmi les membres de la société géorgienne dont les conversations étaient enregistrées, comme l’ont montré les révélations sur les écoutes illégales généralisées en septembre 2021;

Q.  considérant que les enquêtes sur le cas du journaliste azerbaïdjanais Afgan Mukhtarli, enlevé en Géorgie en mai 2017 et transporté illégalement au-delà de la frontière avec l’Azerbaïdjan pour faire l’objet d’un procès à Bakou, avec la complicité présumée de responsables géorgiens de la sécurité, n’ont pas encore abouti à des résultats tangibles;

1.  se déclare préoccupé par la détérioration significative de la situation des médias et de la sécurité des journalistes en Géorgie ces dernières années, malgré le cadre juridique solide de la Géorgie en matière de liberté d’expression et de liberté des médias;

2.  condamne le nombre croissant de cas d’intimidation, de menaces et de violences à l’encontre de journalistes et de persécutions à l’encontre de journalistes, y compris un nombre croissant d’enquêtes pénales sur des professionnels et des propriétaires de médias; invite les autorités géorgiennes à enquêter de manière approfondie sur tous les cas de violence et à poursuivre les responsables d’attaques violentes à l’encontre de journalistes et d’autres professionnels des médias, ce qui permettrait de remédier à l’impression que ces crimes restent impunis; invite la Géorgie à limiter le recours aux poursuites stratégiques altérant le débat public qui ciblent les défenseurs des droits de l’homme et les représentants des médias, ce qui entrave leur travail critique et indépendant;

3.  invite la Géorgie à garantir la liberté des médias, qui devrait englober l’indépendance éditoriale, la transparence de la propriété des médias et la couverture pluraliste, impartiale et non discriminatoire des opinions politiques dans les programmes des diffuseurs privés et, en particulier, publics, notamment pendant les campagnes électorales; invite la Géorgie à garantir un accès sans entrave aux informations censées être accessibles au public et à garantir la sécurité, la protection et l’autonomisation des journalistes et des autres professionnels des médias;

4.  dénonce la condamnation de Nika Gvaramia, directeur de la principale chaîne de télévision pro-opposition Mtavari, le 16 mai 2022, qui a mis en évidence la méfiance persistante à l’égard du système judiciaire géorgien; souscrit à l’appel lancé par Reporters sans frontières en faveur d’une révision de la condamnation de Nika Gvaramia; souligne une fois de plus qu’il est urgent que le gouvernement fasse véritablement avancer la réforme du système judiciaire au moyen d’un processus interpartis large et inclusif, dans le but de renforcer l’indépendance et l’impartialité du pouvoir judiciaire, conformément aux engagements pris en tant que partenaire associé de l’Union;

5.  invite tous les représentants du gouvernement géorgien à s’abstenir de recourir à des discours agressifs et discriminatoires à l’égard des représentants des médias en Géorgie et à plaider en faveur d’une approche tolérante respectueuse des droits de l’homme dans leurs déclarations publiques;

6.  dénonce fermement l’absence persistante d’enquêtes diligentes ou de poursuites à l’encontre des responsables de la violence à l’encontre de journalistes et de manifestants pacifiques lors de la marche de la «Tbilisi Pride» le 5 juillet 2021; insiste sur le fait que l’impunité des auteurs de tels actes ne peut en aucun cas être tolérée, étant donné qu’ils sont contraires à la législation nationale de la Géorgie et aux engagements internationaux et européens du pays, et demande que des enquêtes efficaces soient menées sur les incidents du 5 juillet 2021; condamne la discrimination persistante à l’encontre des personnes LGBTQI+; prie instamment les autorités géorgiennes de mettre pleinement en œuvre la législation en matière de droits de l’homme et de lutte contre la discrimination;

7.  invite les autorités géorgiennes à mener des enquêtes efficaces sur le scandale des écoutes téléphoniques et à mettre en place des mécanismes adéquats de contrôle démocratique des activités de surveillance et de collecte de données par les institutions publiques;

8.  souligne la nécessité de garantir un environnement de travail sûr et propice aux journalistes, aux professionnels des médias et aux organes de presse, tant dans la législation que dans la pratique, y compris pour les journalistes qui cherchent à fuir la Russie, la Biélorussie et d’autres régimes autoritaires; encourage par conséquent la Géorgie à tirer parti de la coopération internationale pour améliorer l’environnement médiatique et la législation pertinente, conformément aux meilleures pratiques internationales;

9.  félicite Nino Lomjaria, le Défenseur public de Géorgie, pour ses actions visant à préserver la liberté des médias, malgré les attaques régulières du gouvernement;

10.  constate que le paysage médiatique géorgien est diversifié et pluraliste, mais regrette les relations extrêmement tendues entre le parti au pouvoir et les médias critiques, ainsi qu’entre les partis d’opposition et les médias pro-gouvernementaux; déplore vivement la polarisation du paysage médiatique, qui traduit la polarisation croissante et délétère du paysage politique;

11.  demande à nouveau aux autorités géorgiennes de s’abstenir d’interférer dans la liberté des médias ou d’attaquer devant la justice pour des motifs politiques des propriétaires ou des représentants de médias;

12.  demande aux autorités géorgiennes de libérer l’ancien président Mikheïl Saakachvili de prison pour des raisons humanitaires afin de lui permettre de subir un traitement médical adapté à l’étranger;

13.  se déclare préoccupé par l’augmentation constante de la désinformation et de la manipulation de l’information russes en Géorgie, dans le contexte de l’invasion russe de l’Ukraine, et invite instamment le gouvernement géorgien à élaborer des programmes d’éducation aux médias pour ses citoyens, à soutenir la société civile dans la création de mécanismes de vérification des faits et à prendre des mesures actives pour empêcher les campagnes de désinformation menées par des acteurs étrangers ou nationaux contre le pays, les groupes ou les personnes vulnérables, tels que ceux qui vivent dans des communautés ethniques minoritaires ou dans des zones de conflit, et contre les partis politiques;

14.  prie instamment tous les acteurs politiques géorgiens de s’abstenir d’exploiter les tentatives de désinformation russe pour cibler leurs opposants politiques, car cela ne fait que contribuer à la propagation de la désinformation et mettre en péril la cohésion sociale et la démocratie;

15.  encourage la Géorgie à faire le meilleur usage possible de tous les instruments et initiatives consacrés au renforcement de la résilience dans le cadre du partenariat oriental et invite la Commission et les États membres de l’Union à apporter un soutien politique, technique et financier aux médias indépendants et à la société civile de la Géorgie;

16.  se déclare préoccupé par le rôle destructeur joué par Bidzina Ivanichvili, le seul oligarque du pays, dans la politique et l’économie de la Géorgie et par le niveau de contrôle qu’il exerce sur le gouvernement et ses décisions, y compris en ce qui concerne la persécution, pour des motifs politiques, des journalistes et des opposants politiques; est profondément préoccupé par les liens personnels et les liens d’affaires avérés entre Ivanichivili et le Kremlin, qui déterminent la position de l’actuel gouvernement géorgien à l’égard des sanctions contre la Russie; invite le Conseil et les partenaires démocratiques à envisager d’imposer des sanctions personnelles à Ivanichvili pour son rôle dans la détérioration du processus politique en Géorgie;

17.  se félicite de la participation de la Géorgie au programme «Europe créative» 2021-2027; invite la Commission et les États membres à soutenir les actions visant à surveiller et à évaluer les risques pour le pluralisme et la liberté des médias, à défendre les journalistes menacés et à faciliter la transformation et la compétitivité du secteur des médias d’information en Géorgie;

18.  invite les autorités géorgiennes à respecter résolument les normes les plus élevées en matière de démocratie, d’état de droit, d’indépendance de la justice, de procès équitable et de libertés fondamentales, y compris dans le domaine de la liberté des médias, et à démontrer ainsi sans ambiguïté leur détermination politique à concrétiser les aspirations européennes ambitieuses du peuple géorgien, comme en témoigne la demande d’adhésion du pays à l’Union européenne du 3 mars 2022; se dit convaincu que les aspirations légitimes du peuple géorgien méritent d’être satisfaites et invite dès lors les institutions de l’Union à œuvrer à l’octroi du statut de candidat à l’Union à la Géorgie, conformément à l’article 49 du traité sur l’Union européenne, sur la base du mérite et à condition que les autorités géorgiennes remplissent tous les critères;

19.  charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au vice-président de la Commission/haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au Conseil de l’Europe et à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, ainsi qu’au président, au gouvernement et au Parlement de la Géorgie.

(1) JO C 385 du 22.9.2021, p. 40.
(2) JO L 261 du 30.8.2014, p. 4.


État de droit et approbation éventuelle du plan de relance national polonais (FRR)
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Résolution du Parlement européen du 9 juin 2022 sur l’état de droit et l’approbation éventuelle du plan de relance national (FRR) polonais (2022/2703(RSP))
P9_TA(2022)0240RC-B9-0317/2022

Le Parlement européen,

–  vu les articles 1er, 2, 7, paragraphe 1, et 19 du traité sur l’Union européenne (ci-après le «traité UE»),

–  vu la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

–  vu le règlement (UE) 2021/241 du Parlement européen et du Conseil du 12 février 2021 établissant la facilité pour la reprise et la résilience(1) (règlement FRR),

–  vu la proposition motivée de la Commission du 20 décembre 2017 présentée conformément à l’article 7, paragraphe 1, du traité UE relative à l’état de droit en Pologne: «proposition de décision du Conseil relative à la constatation d’un risque clair de violation grave, par la République de Pologne, de l’état de droit» (COM(2017)0835),

–  vu sa résolution du 1er mars 2018 sur la décision de la Commission de déclencher l’article 7, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne en ce qui concerne la situation en Pologne(2),

–  vu la recommandation de la Commission du 23 mai 2022 de recommandation du Conseil concernant le programme national de réforme de la Pologne pour 2020 et portant avis du Conseil sur le programme de convergence de la Pologne pour 2020 (COM(2022)0622) («recommandations par pays du Semestre européen»),

–  vu sa résolution du 17 septembre 2020 sur la proposition de décision du Conseil relative à la constatation d’un risque clair de violation grave, par la République de Pologne, de l’état de droit(3),

–  vu le règlement (UE, Euratom) 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union («règlement sur la conditionnalité liée à l’état de droit»),

–  vu sa résolution du 24 juin 2021 concernant le rapport 2020 sur l’état de droit de la Commission(4),

–  vu sa résolution du 8 juillet 2021 sur l’élaboration de lignes directrices relatives à l’application du régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union(5),

–  vu sa résolution du 16 septembre 2021 sur la liberté des médias et la nouvelle détérioration de l’état de droit en Pologne(6),

–  vu sa résolution du 21 octobre 2021 sur la crise de l’état de droit en Pologne et la primauté du droit de l’Union(7),

–  vu sa résolution du 10 mars 2022 sur l’état de droit et les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne(8),

–  vu sa résolution du 5 mai 2022 sur les auditions en cours au titre de l’article 7, paragraphe 1, du traité UE en ce qui concerne la Pologne et la Hongrie(9),

–  vu la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour européenne des droits de l’homme,

–  vu la proposition de décision d’exécution du Conseil du 1er juin 2022 présentée par la Commission relative à l’approbation de l’évaluation du plan pour la reprise et la résilience pour la Pologne (COM(2022)0268),

–  vu les déclarations du Conseil et de la Commission du 7 juin 2022 sur l’état de droit et l’approbation éventuelle du plan de relance national (FRR) polonais,

–  vu l’article 132, paragraphes 2 et 4, de son règlement intérieur,

A.  considérant que l’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, d’état de droit et de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités, valeurs proclamées à l’article 2 du traité UE, reflétées dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et inscrites dans les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme; que ces valeurs, qui sont communes aux États membres et auxquelles tous les États membres ont librement souscrit, constituent la base des droits dont jouissent les personnes qui vivent dans l’Union;

B.  considérant qu’un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs inscrites à l’article 2 du traité UE ne concerne pas uniquement l’État membre dans lequel le risque se matérialise, mais qu’il a une incidence sur les autres États membres, sur leur confiance mutuelle, sur la nature même de l’Union et le fonctionnement de ses institutions ainsi que sur les droits fondamentaux de ses citoyens au titre du droit de l’Union;

C.  considérant que les changements initiés par le gouvernement polonais, en particulier dans le système judiciaire, ont entraîné une grave érosion de la démocratie et de l’état de droit;

D.  considérant que la décision prise le 1er juin 2022 par le collège des commissaires sur une proposition de décision d’exécution du Conseil relative à l’approbation de l’évaluation du plan pour la reprise et la résilience pour la Pologne n’aurait pas été adoptée à l’unanimité;

E.  considérant que, lors de la session plénière d’octobre 2021, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a fixé trois critères pour l’approbation du plan pour la reprise et la résilience de la Pologne: le démantèlement de la chambre disciplinaire de la Cour suprême polonaise; la réforme des procédures disciplinaires à l’encontre des juges; et la réintégration des juges suspendus par la chambre disciplinaire;

F.  considérant que le Parlement a invité à plusieurs reprises la Commission et le Conseil à s’abstenir d’approuver le projet de plan pour la reprise et la résilience de la Pologne tant que le gouvernement polonais n’appliquera pas pleinement et correctement les arrêts de la CJUE et des tribunaux internationaux, et à veiller à ce que l’évaluation du plan garantisse le respect des recommandations par pays pertinentes, en particulier en ce qui concerne la préservation de l’indépendance de la justice;

G.  considérant que les réformes dans le domaine de la justice sont toujours en cours en Pologne et que les projets de loi votés récemment et les propositions en cours de discussion n’ont pas permis de répondre efficacement à toutes les préoccupations concernant l’indépendance des instances judiciaires et les procédures disciplinaires; que le Sénat polonais tente de modifier ces propositions pour les rendre conformes au principe de l’indépendance judiciaire; que plusieurs juges sont toujours confrontés à des procédures disciplinaires et/ou n’ont pas été réintégrés;

H.  considérant que les autorités polonaises ont récemment adopté une série de mesures qui sont en contradiction directe avec les trois conditions énoncées par la présidente de la Commission, dont la suspension d’une juge en février 2022 pour avoir appliqué le droit européen et les arrêts des cours européennes; que le président polonais a en outre nommé plus de 200 nouveaux juges, qualifiés de «néo-juges», dont la nomination (à la demande du néo-Conseil national de la magistrature) présente des vices, et notamment à la nomination de quatre juges de la Cour suprême; qu’en outre, le 10 mars 2022, à la demande du ministre de la justice, le «Tribunal constitutionnel», politisé et totalement sous contrôle, a porté atteinte (avec la participation des «juges remplaçants») à la validité de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme en Pologne en remettant en cause la faculté de la Cour européenne des droits de l’homme et des juridictions polonaises d’examiner le bien-fondé de la nomination des juges et de l’indépendance du néo-Conseil national de la magistrature;

I.  considérant que le règlement FRR définit clairement les conditions nécessaires à la préparation, à l’approbation et à la mise en œuvre d’un plan national, et que, en particulier, l’article 19 et l’annexe V énoncent les 11 critères permettant à la Commission d’évaluer, notamment, si les dispositions proposées par l’État membre concerné visent à prévenir, détecter et corriger la corruption, la fraude et les conflits d’intérêts lors de l’utilisation des fonds obtenus au titre de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR); considérant que le règlement sur la FRR exige que les organismes responsables des contrôles et de la surveillance disposent de l’habilitation juridique et de la capacité administrative nécessaires pour exercer de manière indépendante les tâches qui leur sont assignées et que le projet de décision d’exécution du Conseil lui-même souligne qu’une protection juridictionnelle effective est une condition préalable au fonctionnement d’un système de contrôle interne;

J.  considérant que la Commission a déclaré, dans ses recommandations par pays du Semestre européen 2022, que l’indépendance, l’efficience et la qualité du système judiciaire sont des composantes essentielles à cet égard, mais aussi que l’état de droit s’est détérioré et que l’indépendance de la justice demeure une préoccupation majeure en Pologne, comme l’ont également relevé plusieurs arrêts de la CJUE et de la Cour européenne des droits de l’homme;

K.  considérant que la Commission a recommandé à la Pologne, dans ses recommandations par pays du Semestre européen 2022, de prendre des mesures en 2022 et 2023, entre autres pour améliorer son climat d’investissement, notamment en préservant l’indépendance du pouvoir judiciaire et en garantissant une consultation publique effective et la participation des partenaires sociaux au processus d’élaboration des politiques;

L.  considérant que la FRR devrait atténuer les pires effets de la pandémie de COVID-19 sur les économies et les citoyens de l’Union et qu’elle devrait contribuer positivement à la reprise et à la résilience de l’Union et stimuler les transitions écologique et numérique, si elle est mise en œuvre efficacement, dans le strict respect de l’état de droit et de la bonne gestion financière des fonds de l’Union;

M.  considérant que la Commission estime que le plan de la Pologne comporte des valeurs intermédiaires liées à l’indépendance du pouvoir judiciaire, visant à améliorer le climat d’investissement et à créer les conditions d’une mise en œuvre effective du plan pour la reprise et la résilience; qu’il doit être prouvé que ces valeurs intermédiaires ont été atteintes avant tout décaissement au titre de la facilité pour la reprise et la résilience;

N.  considérant que, conformément à l’article 13, paragraphe 1, du règlement FRR, aucun plan adopté après le 31 décembre 2021 ne peut bénéficier d’un préfinancement;

1.  exprime sa profonde inquiétude face à l’évaluation positive par la Commission, le 1er juin 2022, du plan pour la reprise et la résilience que la Pologne a présenté le 3 mai 2021, compte tenu des violations existantes et continues des valeurs consacrées par l’article 2 du traité UE, dont l’état de droit et l’indépendance de la justice; rappelle que l’existence de ces violations a été dûment attestée par des décisions de justice, des évaluations et des positions des institutions de l’Union, y compris dans les résolutions du Parlement et dans le cadre de la procédure en cours au titre de l’article 7, paragraphe 1, du traité UE, ainsi que d’autres organisations internationales; réaffirme que le respect des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour européenne des droits de l’homme et du principe de la primauté du droit de l’Union n’est pas négociable et ne peut être utilisé comme monnaie d’échange;

2.  regrette que les conditions fixées dans le PRR n’envisagent pas la réintégration immédiate à leurs anciens postes de tous les juges illégalement suspendus pour des raisons politiques et invite instamment le gouvernement polonais à accélérer considérablement le processus de réintégration de ces juges à leurs anciens postes et la Commission à surveiller et à faciliter ce processus; estime qu’un contrôle juridictionnel de la décision de suspension peut avoir lieu tant que les juges sont en fonction; déplore et condamne les pratiques actuelles à l’encontre de certains juges, qui ont été transférés dans un autre service et/ou contraints de partir en congé à leur retour ou qui ont été visés par des tactiques similaires contraires à plusieurs décisions de justice polonaises et européennes;

3.  demande instamment au Conseil de n’approuver le plan national de la Pologne au titre de la FRR que lorsque celle-ci aura rempli totalement les exigences du règlement sur la FRR, et en particulier son article 22, notamment en vue de protéger les intérêts financiers de l’Union contre les conflits d’intérêts et la fraude, ainsi que l’ensemble des recommandations par pays du Semestre européen dans le domaine de l’état de droit, et qu’elle aura appliqué tous les arrêts pertinents de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour européenne des droits de l’homme; rappelle que la coopération fondée sur la reconnaissance mutuelle et la confiance mutuelle entre les États membres, l’Union européenne et leurs autorités ne peut fonctionner en cas de défaillance de l’état de droit;

4.  rappelle que le respect de l’état de droit et de l’article 2 du traité UE est une condition préalable à l’accès aux fonds, que le mécanisme de conditionnalité liée à l’état de droit est pleinement applicable à la FRR et qu’aucune mesure contraire aux valeurs de l’Union consacrées par l’article 2 du traité UE ne saurait faire l’objet d’un financement au titre de la FRR; rappelle que, conformément au règlement sur la conditionnalité liée à l’état de droit et au règlement FRR, la Commission doit surveiller constamment et très attentivement les risques qui pèsent sur les intérêts financiers de l’Union lors de la mise en œuvre de la FRR ainsi que toute violation ou violation potentielle des principes de l’état de droit et prendre des mesures immédiates en cas de risque pesant sur les intérêts financiers de l’Union;

5.  insiste sur le fait que les valeurs intermédiaires et les valeurs cibles liées à la protection des intérêts financiers de l’Union, à la mise en place d’un système de contrôle adéquat, à l’indépendance du pouvoir judiciaire, ainsi qu’à la prévention, à la détection et à la lutte contre la fraude, les conflits d’intérêts et la corruption constituent des conditions préalables et doivent être atteintes avant la présentation d’une première demande de versement, et rappelle qu’aucun versement au titre de la FRR ne peut être effectué tant qu’elles ne sont pas atteintes;

6.  estime que, tant que tous les arrêts pertinents de la CJUE et de la Cour européenne des droits de l’homme n’auront pas été pleinement exécutés, aucun paiement ne pourra être effectué en faveur de la Pologne au titre de la FRR; souligne que la Commission et le Conseil sont politiquement responsables de leurs actions devant le Parlement;

7.  se félicite de la décision de la Commission de fixer comme une des conditions essentielles pour le déblocage de fonds au titre de la FRR la fermeture de la chambre disciplinaire illégale de la Cour suprême et le transfert de fonctions disciplinaires à une autre chambre de la Cour suprême; invite instamment la Commission à appliquer un mécanisme de vérification solide ainsi qu’une période probatoire, afin de garantir que la nouvelle chambre satisfait aux critères d’un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, comme l’exige l’article 19 du traité UE, avant le déblocage de tout fonds; souligne la nécessité de respecter strictement le calendrier prévu dans le PRR;

8.  rappelle que la Pologne est liée par l’ordonnance de la CJUE et doit continuer à payer une astreinte journalière d’un million d’euros jusqu’à ce qu’elle se conforme aux arrêts de la CJUE relatifs à la chambre disciplinaire de la Cour suprême; invite dès lors la Commission à examiner attentivement la réforme du système disciplinaire afin de s’assurer qu’elle est strictement conforme aux arrêts de la CJUE;

9.  regrette que les valeurs intermédiaires ne portent pas sur les questions relatives au «Tribunal constitutionnel» illégitime et au « Conseil national de la magistrature » illégitime, qui compromettent l’impartialité et l’indépendance du Conseil national de la magistrature; demande à la Commission d’engager immédiatement une procédure d’infraction à ce sujet;

10.  déplore le manque d’informations, en particulier à l’égard du Parlement, concernant les négociations entre la Commission et les autorités polonaises; attend de la Commission qu’elle informe rapidement et régulièrement le Parlement de toute évolution pertinente;

11.  rappelle en outre que le respect de l’état de droit et la bonne gestion financière des fonds de l’Union doivent être évalués en permanence tout au long du cycle de vie de la FRR et que le fait d’avoir atteint les valeurs intermédiaires et les valeurs cibles de manière satisfaisante, et perçu les paiements qui en découlent, présuppose que l’État membre concerné n’a pas annulé les mesures liées aux valeurs intermédiaires et aux valeurs cibles précédemment atteintes de manière satisfaisante; souligne que la Commission doit s’abstenir de verser des fonds et, le cas échéant, doit recouvrer des fonds, dans l’hypothèse où ces conditions ne seraient plus remplies;

12.  rappelle qu’en sa qualité de gardienne des traités, la Commission devrait utiliser tous les instruments dont elle dispose pour veiller au respect des valeurs consacrées à l’article 2 du traité UE et à la primauté du droit de l’Union;

13.  rappelle que l’objectif de la FRR est de promouvoir la reprise et la résilience de l’Union et de ses États membres, y compris la Pologne; déplore qu’en raison des actions du gouvernement polonais, le financement de la FRR n’ait pas encore atteint les populations et les régions de Pologne;

14.  charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission ainsi qu’aux gouvernements et aux parlements des États membres.

(1) JO L 57 du 18.2.2021, p. 17.
(2) JO C 129 du 5.4.2019, p. 13.
(3) JO C 385 du 22.9.2021, p. 317.
(4) JO C 81 du 18.2.2022, p. 27.
(5) JO C 99 du 1.3.2022, p. 146.
(6) JO C 117 du 11.3.2022, p. 151.
(7) JO C 184 du 5.5.2022, p. 154.
(8) Textes adoptés de cette date, P9_TA(2022)0074.
(9) Textes adoptés de cette date, P9_TA(2022)0204.


Instrument relatif aux marchés publics internationaux ***I
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Résolution
Texte
Annexe
Résolution législative du Parlement européen du 9 juin 2022 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l’accès des produits et services des pays tiers au marché intérieur des marchés publics de l’Union et établissant des procédures visant à faciliter les négociations relatives à l’accès des produits et services originaires de l’Union aux marchés publics des pays tiers (COM(2016)0034 – C9-0018/2016 – 2012/0060(COD))
P9_TA(2022)0241A9-0337/2021

(Procédure législative ordinaire: première lecture)

Le Parlement européen,

–  vu la proposition de la Commission au Parlement et au Conseil (COM(2012)0124) et la proposition modifiée (COM(2016)0034),

–  vu l’article 294, paragraphe 2, et l’article 207 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, conformément auxquels la proposition lui a été présentée par la Commission (C9-0018/2016),

–  vu l’article 294, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

—  vu l’avis du Comité économique et social européen du 27 avril 2016(1),

—  après consultation du Comité des régions,

—  vu l’accord provisoire approuvé en vertu de l’article 74, paragraphe 4, de son règlement intérieur par la commission compétente et l’engagement pris par le représentant du Conseil, par lettre du 30 mars 2022, d’approuver la position du Parlement européen, conformément à l’article 294, paragraphe 4, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

–  vu les articles 59 et 60 de son règlement intérieur,

–  vu le rapport de la commission du commerce international (A7-0454/2013),

–  vu la décision de la Conférence des présidents du 16 octobre 2019 sur les questions en instance à la fin de la huitième législature,

–  vu l’avis de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs,

–  vu la lettre de la commission des affaires juridiques,

–  vu le deuxième rapport de la commission du commerce international (A9-0337/2021),

1.  arrête la position en première lecture figurant ci-après(2);

2.  approuve la déclaration commune du Parlement européen et du Conseil annexée à la présente résolution, qui sera publiée au Journal officiel de l’Union européenne, série L, conjointement à l’acte législatif final;

3.  prend note des déclarations de la Commission annexées à la présente résolution, l’une sur le réexamen du règlement sur l’instrument relatif aux marchés publics internationaux, qui sera publiée au Journal officiel de l’Union européenne, série L, conjointement à l’acte législatif final, et l’autre sur la compétence exclusive, qui sera publiée au Journal officiel de l’Union européenne, série C;

4.  demande à la Commission de le saisir à nouveau, si elle remplace, modifie de manière substantielle ou entend modifier de manière substantielle sa proposition;

5.  charge sa Présidente de transmettre la position du Parlement au Conseil et à la Commission ainsi qu’aux parlements nationaux.

Position du Parlement européen arrêtée en première lecture le 9 juin 2022 en vue de l’adoption du règlement (UE) 2022/... du Parlement européen et du Conseil concernant l’accès des opérateurs économiques, des biens et des services des pays tiers aux marchés publics et aux concessions de l’Union et établissant des procédures visant à faciliter les négociations relatives à l’accès des opérateurs économiques, des biens et des services originaires de l’Union aux marchés publics et aux concessions des pays tiers (Instrument relatif aux marchés publics internationaux - IMPI)

P9_TC1-COD(2012)0060


(Étant donné l'accord intervenu entre le Parlement et le Conseil, la position du Parlement correspond à l'acte législatif final, le règlement (UE) 2022/1031.)

ANNEXE à LA RéSOLUTION LéGISLATIVE

DÉCLARATION COMMUNE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL CONFORMÉMENT AU RèGLEMENT (UE) 2022/1031(3)

Le Parlement européen et le Conseil reconnaissent que les règles de comitologie adoptées dans le cadre du présent instrument ne préjugent pas de l’issue d’autres négociations législatives en cours ou à venir et ne doivent pas être considérées comme un précédent pour d’autres dossiers législatifs.

DÉCLARATION DE LA COMMISSION SUR LE RÉEXAMEN DU RÈGLEMENT SUR L’INSTRUMENT relatif aux marchés publics internationaux (règlement (UE) 2022/1031)

Lors du réexamen du champ d’application, du fonctionnement et de l’efficacité du règlement (UE) 2022/1031, conformément à l’article 14 dudit règlement, la Commission évaluera également la nécessité d’exempter de son application les pays en développement bénéficiaires du régime général mentionné à l’article 1er, paragraphe 2, point a), du règlement (UE) nº 978/2012, et en particulier les bénéficiaires du régime spécial d’encouragement en faveur du développement durable et de la bonne gouvernance, selon la définition qui en est donnée à l’article 9 du règlement (UE) nº 978/2012. Dans le cadre dudit réexamen, la Commission accordera une attention particulière aux secteurs considérés comme stratégiques du point de vue des marchés publics de l’Union.

DÉCLARATION DE LA COMMISSION SUR LA COMPÉTENCE EXCLUSIVE CONFORMÉMENT AU RèGLEMENT (UE) 2022/1031)

Comme l’a confirmé la Cour de justice dans son avis 2/15, la participation d’opérateurs économiques, de produits et de services de pays tiers aux procédures de passation de marchés de l’Union relève du champ d’application de la politique commerciale commune pour laquelle, comme l’indique explicitement l’article 3, paragraphe 1, point e), du TFUE, l’Union dispose d’une compétence exclusive. Par conséquent, les États membres ainsi que leurs pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices s’abstiennent d’adopter ou de maintenir des mesures législatives ou d’autres mesures d’application générale régissant l’accès des opérateurs économiques, des produits et des services de pays tiers au-delà de celles qui sont appliquées conformément à ce règlement et à d’autres actes législatifs de l’Union.

(1) JO C 264 du 20.7.2016, p. 110.
(2) La présente position remplace les amendements adoptés le 14.12.2021 (textes adoptés de cette date, P9_TA(2021)0497).
(3) Règlement (UE) 2022/1031 du Parlement européen et du Conseil du 23 juin 2022 concernant l’accès des opérateurs économiques, des biens et des services des pays tiers aux marchés publics et aux concessions de l’Union et établissant des procédures visant à faciliter les négociations relatives à l’accès des opérateurs économiques, des biens et des services originaires de l’Union aux marchés publics et aux concessions des pays tiers (Instrument relatif aux marchés publics internationaux — IMPI) (JO L 173 du 30.6.2022, p. 1).


Droit d’initiative du Parlement
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Résolution du Parlement européen du 9 juin 2022 sur le droit d’initiative du Parlement (2020/2132(INI))
P9_TA(2022)0242A9-0142/2022

Le Parlement européen,

–  vu le traité sur l’Union européenne (traité UE) et le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE),

–  vu l’accord-cadre du 20 octobre 2010 sur les relations entre le Parlement européen et la Commission européenne, tel que modifié(1) (ci-après, l’«accord-cadre de 2010»),

–  vu l’accord interinstitutionnel entre le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne du 13 avril 2016 «Mieux légiférer»(2) (ci-après, l’«accord interinstitutionnel “Mieux légiférer”»),

–  vu sa résolution du 16 février 2017 sur l’amélioration du fonctionnement de l’Union européenne en mettant à profit le potentiel du traité de Lisbonne(3),

–  vu sa résolution du 16 février 2017 sur les évolutions et adaptations possibles de la structure institutionnelle actuelle de l’Union européenne(4),

–  vu sa résolution du 13 février 2019 sur l’état du débat sur l’avenir de l’Europe(5),

–  vu sa résolution du 15 janvier 2020 sur la position du Parlement européen concernant la conférence sur l’avenir de l’Europe(6),

–  vu sa résolution du 18 juin 2020 sur la position du Parlement européen concernant la conférence sur l’avenir de l’Europe(7),

–  vu les orientations politiques pour la prochaine Commission européenne 2019-2024 présentées le 16 juillet 2019 par Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, et intitulées «Une Union plus ambitieuse – Mon programme pour l’Europe»,

–  vu l’étude de juillet 2020 intitulée «Le droit d’initiative du Parlement européen» qu’il a commandée,

–  vu l’article 54 de son règlement intérieur,

–  vu les avis de la commission des affaires juridiques et de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures,

–  vu le rapport de la commission des affaires constitutionnelles (A9-0142/2022),

A.  considérant que l’article 15 du traité sur l’Union européenne (traité UE) précise que le Conseil européen n’exerce pas de fonction législative;

B.  considérant que le Parlement européen est la seule institution démocratiquement et directement élue par les citoyens; que, contrairement à ce qui se passe dans la plupart des systèmes constitutionnels des États membres, le Parlement européen n’a pas de droit formel d’initiative législative directe, lequel, selon l’article 17, paragraphe 2, du traité UE, est conféré à la Commission, sauf dans les cas où les traités en disposent autrement;

C.  considérant que les traités prévoient un droit d’initiative législative indirect, l’article 225 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE) disposant que «le Parlement européen peut, à la majorité des membres qui le composent, demander à la Commission de soumettre toute proposition appropriée sur les questions qui lui paraissent nécessiter l’élaboration d’un acte de l’Union pour la mise en œuvre des traités»;

D.  considérant que l’article 225 du traité FUE précise également que «si la Commission ne soumet pas de proposition, elle en communique les raisons au Parlement européen»;

E.  considérant que les rapports d’initiative et les résolutions du Parlement européen constituent un outil important pour définir les priorités politiques de l’Union;

F.  considérant que la Commission s’est engagée, dans l’accord-cadre de 2010, à faire rapport sur le suivi concret qu’elle a donné à toute demande de présentation d’une proposition formulée par le Parlement au titre de l’article 225 du traité FUE, et ce dans les trois mois à compter de l’adoption de la résolution correspondante en plénière; considérant que tout non-respect, par la Commission, de cette obligation constituer une carence en vertu de l’article 265 du traité FUE;

G.  considérant que, jusqu’à 2019, seul un tiers des procédures d’initiative législative et non législative du Parlement pouvait être considéré comme un succès et que la plupart des rapports d’initiative législative adoptés depuis 2011 n’ont pas donné lieu à un suivi de la part de la Commission sous la forme d’une proposition appropriée jusqu’en 2019(8);

H.  considérant que l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer» prévoit que la Commission doit répondre à ces demandes en adoptant une communication spécifique et que si elle «décide de ne pas présenter de proposition en réponse à une telle demande, [...] elle fournira, le cas échéant, une analyse des autres solutions possibles et répondra à toutes questions soulevées par les colégislateurs au regard des analyses concernant la “valeur ajoutée européenne” et le “coût de la non-Europe”»;

I.  considérant que les traités lui garantissent un droit d’initiative direct en ce qui concerne sa composition, l’élection des députés et leur statut, son droit d’enquête et le statut du Médiateur européen, sujets soumis à une procédure spéciale, ainsi que lors de l’ouverture de procédures de sauvegarde de l’état de droit et de révision des traités;

J.  considérant que les droits d’initiative directs du Parlement sont loin d’être suffisants pour lui permettre de représenter la voix des citoyens, de la société civile et des partenaires sociaux au sein des institutions européennes, et qu’ils laissent dans les faits à la Commission un monopole sur l’exercice de l’initiative législative;

K.  considérant qu’accorder un rôle plus important au Parlement dans la définition des priorités de l’Union en renforçant son droit d’initiative nécessite également d’étendre la procédure législative ordinaire à d’autres domaines d’action et de renforcer la coopération interinstitutionnelle;

L.  considérant que le Parlement a présenté une initiative législative particulièrement ambitieuse en ce qui concerne le mécanisme de l’Union pour la démocratie, l’état de droit et les droits fondamentaux, adopté en octobre 2016(9) et en octobre 2020(10), en invitant la Commission et le Conseil à entamer des négociations avec le Parlement sur un accord interinstitutionnel conformément à l’article 295 du traité FUE; que la question de l’état de droit est à retenir comme l’un des domaines clés où le droit d’initiative du Parlement pourrait être développé;

M.  considérant que le fait de conférer au Parlement européen un pouvoir d’initiative direct rééquilibrerait le processus législatif de l’Union;

N.  considérant que les données factuelles montrent que le succès des initiatives menées par le Parlement dépend essentiellement de la manière dont le Conseil décide (majorité qualifiée ou unanimité)(11);

O.  considérant que dans sa résolution sur l’état du débat sur l’avenir de l’Europe, il a réitéré sa proposition, «dans la perspective d’une éventuelle révision des traités, d’attribuer également le droit d’initiative législative au Parlement européen, celui-ci étant le représentant direct des citoyens de l’Union»; que la conférence sur l’avenir de l’Europe a été, entre autres, une occasion historique de promouvoir la réforme de la démocratie européenne des traités, avec la participation des citoyens;

P.  considérant que le thème de la démocratie européenne sur la plateforme numérique de la conférence sur l’avenir de l’Europe était, de loin, un de ceux qui enregistraient le plus de contributions citoyennes;

Q.  considérant que dans sa résolution sur les évolutions et adaptations possibles de la structure institutionnelle actuelle de l’Union européenne, il a proposé, «comme cela est d’usage courant dans un certain nombre d’États membres, que les deux chambres de la branche législative de l’Union, à savoir le Conseil et en particulier le Parlement, en tant que seule institution directement élue par les citoyens, obtiennent le droit d’initiative législative, sans préjudice de la prérogative législative de base de la Commission»;

R.  considérant que son règlement intérieur détermine les règles de rédaction et d’adoption des résolutions en vertu de l’article 225 du traité FUE; que dans la pratique, il convient de distinguer les rapports INI et INL; que l’accord-cadre de 2010 et l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer» ne font pas une telle distinction;

Droits d’initiative directs du Parlement prévus par les traités

1.  souligne et regrette que le Parlement, bien qu’étant la seule institution de l’Union élue au suffrage direct, ne dispose pas d’un droit d’initiative direct général;

2.  remarque que le traité de Lisbonne lui confère déjà des droits d’initiative directs, la compétence de s’organiser, une fonction de contrôle et une légitimité démocratique en tant que seule institution de l’Union directement élue par les citoyens;

3.  souligne que dans le cadre institutionnel actuel, où le Parlement ne dispose pas encore d’un droit d’initiative direct général, les procédures législatives spéciales où ce droit s’exerce présentent un caractère constitutionnel particulier et priment les procédures législatives ordinaires;

4.  rappelle qu’il a fait un usage répété de ces droits, bien qu’insuffisants, au cours des vingt dernières années; regrette toutefois que trop souvent, ces procédures législatives spéciales n’aient pas été menées à terme à cause de l’absence d’accord entre la Commission et le Conseil(12);

5.  souligne que le Parlement a fait usage de son droit d’initiative en lançant une procédure de sauvegarde de l’état de droit au titre de l’article 7 du traité UE; condamne le manque de suivi, par le Conseil, de cette procédure et des appels à agir lancés à maintes reprises par le Parlement, et souligne que le fait que le Conseil n’ait pas utilisé efficacement l’article 7 du traité UE continue de porter atteinte à l’intégrité des valeurs européennes communes, à la confiance mutuelle et à la crédibilité de l’Union dans son ensemble; estime essentiel de veiller à l’application pleine et immédiate du règlement (UE, Euratom) 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union(13) («règlement sur la conditionnalité»), dans le respect du rôle du Parlement en tant que colégislateur; estime que l’Union reste structurellement mal préparée pour lutter contre les violations et le recul de la démocratie, de l’état de droit et des droits fondamentaux dans les États membres; juge que la détérioration de ces valeurs dans plusieurs États membres démontre la nécessité d’une véritable coopération interinstitutionnelle; déplore vivement l’absence de réponse appropriée à l’initiative du Parlement relative à la création d’un mécanisme de l’Union pour la démocratie, l’état de droit et les droits fondamentaux et demande une nouvelle fois à la Commission et au Conseil d’engager sans délai des négociations avec le Parlement sur un accord interinstitutionnel;

6.  renouvelle sa proposition motivée sur l’existence d’un risque manifeste que la Hongrie viole gravement les valeurs sur lesquelles l’Union est fondée; se déclare une nouvelle fois profondément inquiet de l’inégalité de traitement entre, d’une part, le Parlement et, d’autre part, la Commission et un tiers des États membres dans les procédures ordinaires d’audition en matière de présentation d’une proposition motivée et d’accès à l’information; juge regrettable que les auditions n’aient pas encore permis de progresser de manière significative dans la lutte contre les risques manifestes de violation grave des valeurs de l’Union;

7.  regrette que trois États membres n’aient toujours pas ratifié la loi électorale modifiée de l’Union européenne, adoptée en 2018;

8.  déplore également que le Conseil ait jusqu’à présent refusé toute négociation avec le Parlement concernant son droit d’enquête, bien que cela viole l’article 226 du traité FUE et le principe de coopération loyale, ce qui a pour effet qu’une disposition du traité n’a pas été mise en œuvre malgré l’obligation de le faire;

9.  se félicite que le nouveau statut du Médiateur européen ait été adopté sur initiative du Parlement, ce qui garantit la conformité de ce statut avec le traité de Lisbonne;

Droits d’initiative du Conseil et du Conseil européen prévus par les traités

10.  regrette que, dans le domaine de la politique économique et monétaire, l’article 121 du traité FUE ne prévoie que l’information du Parlement; observe également que le Conseil a exercé un droit d’initiative de fait en matière économique et monétaire sur la base de l’article 121 du traité FUE, et exige davantage de responsabilités pourle Parlement, seule institution de l’Union qui représente la voix des citoyens;

11.  constate en outre que l’article 68 du traité FUE sert de justification à un droit d’initiative de fait du Conseil européen dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice; souligne que le Conseil européen n’est pas un colégislateur et que l’adoption par le Conseil européen de programmes opérationnels pluriannuels dans ce domaine sans aucune obligation de consulter le Parlement ou la Commission devrait faire l’objet d’une révision eu égard aux conséquences particulièrement importantes de ces politiques sur les droits fondamentaux des citoyens; souhaite que cette compétence soit conférée à parts égales au Parlement et au Conseil lors d’une future révision des traités;

12.  relève que l’article 76 du traité FUE attribue au Conseil, sur proposition d’un quart des États membres, un droit d’initiative parallèle à celui de la Commission pour ce qui concerne les coopérations administrative, policière et judiciaire en matière pénale;

13.  note que ces évolutions s’inscrivent dans le cadre d’une tendance plus large à un déséquilibre croissant entre le Conseil, le Conseil européen et la Commission en ce qui concerne le pouvoir de décision dans tous les domaines d’action, à des degrés divers; souligne que cette pratique porte atteinte à l’équilibre institutionnel de l’Union tel qu’établi par les traités; estime que l’équilibre doit être rétabli en faveur de la légitimité démocratique au moyen de droits équivalents en faveur du Parlement;

14.  constate avec inquiétude le manque de transparence dans l’exercice du droit d’initiative indirect du Conseil établi à l’article 241 du traité FUE; invite le Conseil à publier, de manière conviviale et dans toutes les langues officielles de l’Union européenne, toutes les demandes fondées sur cette base juridique et insiste pour que le Conseil garantisse le plus haut niveau de transparence possible dans tous ses actes(14), dans le plein respect des règles de l’Union en matière d’accès aux documents;

Droit d’initiative indirect du Parlement prévu par les traités

15.  rappelle qu’il dispose depuis le traité de Maastricht, en vertu de sa légitimité démocratique unique, du droit de demander à la Commission de soumettre des propositions législatives;

16.  remarque que, conformément à l’article 225 du traité FUE, les demandes doivent relever des compétences de l’Union et que, actuellement, la seule obligation de la Commission est de communiquer au Parlement les raisons pour lesquelles elle n’a pas soumis de proposition;

17.  rappelle que le Parlement et la Commission sont convenus de renforcer encore ce droit dans leur accord-cadre de 2010; observe que la Commission s’est engagée à faire rapport sur le suivi qu’elle donnera aux demandes du Parlement dans les trois mois et, si le collège des commissaires en décide ainsi, à soumettre une proposition législative;

18.  estime que le moment est venu de faire preuve d’une volonté politique plus ambitieuse et appelle donc à examiner la possibilité d’une révision de l’accord interinstitutionnel de 2010 dans le but de garantir un renforcement des droits d’initiative du Parlement;

19.  déplore que jusqu’en 2019, dans le cadre du suivi des rapports d’initiative législative du Parlement adoptés au titre de l’article 225 du traité FUE, la Commission n’ait soumis des propositions législatives sur demande du Parlement que dans une minorité de cas(15); regrette en outre que la Commission n’ait généralement pas respecté les délais qui lui incombent pour répondre aux demandes du Parlement et soumettre des propositions législatives;

20.  estime que la seule obligation de la Commission d’informer le Parlement des raisons pour lesquelles elle ne donne pas suite à un INL adopté à la majorité des membres qui le composent est beaucoup trop faible, et se félicite dès lors avec la plus grande énergie du soutien apporté par la présidente de la Commission, Mme von der Leyen, au droit d’initiative du Parlement et de l’engagement pris de toujours répondre par un acte législatif aux demandes du Parlement au titre de l’article 225 du traité FUE, dans le plein respect des principes de proportionnalité, de subsidiarité et d’une amélioration de la réglementation; attend de la Commission qu’elle respecte son engagement de présenter une initiative législative à la suite de l’adoption de toute demande en ce sens du Parlement, adoptée par la majorité des députés qui le composent dans le cadre d’un rapport d’initiative législative; estime que cet engagement devrait être renforcé et que le pouvoir du Parlement d’influencer le programme de l’Union devrait être renforcé;

21.  félicite le collège des commissaires actuel, qui a répondu dans les délais impartis à toutes les demandes du Parlement(16), sauf à une occasion(17); souligne par ailleurs que toutes les demandes sauf une ont abouti à une proposition législative; estime que cela établit manifestement un précédent interinstitutionnel; espère que la Commission continuera d’honorer son engagement à répondre à toutes les demandes;

22.  estime que la réflexion sur son droit d’initiative doit aller de pair avec une réflexion plus large sur l’initiative politique dans le processus décisionnel de l’Union;

23.  observe que le suivi des initiatives citoyennes européennes (ICE) devrait être amélioré et souligne que dans le cas où la Commission n’a pas publié ses intentions dans les délais impartis, ou si elle a indiqué dans une communication qu’elle n’entendait pas donner suite à une ICE bien que celle-ci ait satisfait aux exigences procédurales et soit conforme aux traités, en particulier aux valeurs fondamentales de l’Union consacrées à l’article 2 du traité UE, le Parlement pourrait décider de donner suite à l’ICE au moyen d’un rapport d’initiative législative;

Avenir des droits d’initiative du Parlement

24.  est profondément convaincu qu’un droit d’initiative général et direct renforcerait encore la légitimité démocratique de l’Union, donnerait aux citoyens de l’Union les moyens d’agir et refléterait l’évolution au fil du temps des compétences de l’Union et de ses institutions vers une démocratie européenne plus forte;

25.  est convaincu que le Parlement, seule institution de l’Union directement élue par les citoyens, devrait se voir conférer le droit d’initiative législative;

26.  croit fermement que les traités devraient être révisés de sorte que le Parlement, seule institution de l’Union directement élue par les citoyens et qui représente la voix des citoyens dans le processus décisionnel européen, se voie conférer un droit général et direct d’initiative législative ; souligne que le Parlement devrait engager la procédure prévue à l’article 48 du traité UE pour établir ce droit d’initiative législative; ce droit d’initiative devrait au moins s’appliquer dans les domaines politiques dans lesquels le Parlement dispose du pouvoir de légiférer en tant que colégislateur;

27.  souligne que la conférence sur l’avenir de l’Europe a été une occasion sans précédent de remédier aux lacunes actuelles et de donner un nouvel élan à la démocratie européenne, et encourage vivement à suivre la recommandation des participants à la conférence en faveur d’un véritable droit d’initiative pour le Parlement;

28.  réaffirme le caractère constitutionnel particulier et renforcé des domaines dans lesquels le Parlement dispose d’un droit d’initiative à l’heure actuelle; pense donc que ce droit exclusif devrait être étendu aux questions qui requièrent une légitimité démocratique et une souveraineté de l’Union particulièrement forte;

29.  relève que les droits d’initiative actuels du Parlement englobent différentes procédures législatives spéciales, comme dans le cas des règlements relatifs à sa propre composition, à l’élection de ses députés et à leur statut, au statut du Médiateur européen ainsi qu’au droit d’enquête du Parlement;

30.  estime que ces procédures ne sont guère encadrées par les traités et réclame un nouvel accord interinstitutionnel entre les trois institutions, qui traite exclusivement de ce sujet, respecte pleinement son caractère constitutionnel particulier et renforce la légitimité démocratique de l’Union européenne; estime que ce nouvel accord interinstitutionnel pourrait envisager des mesures visant à éviter le blocage institutionnel des dossiers;

31.  estime que son règlement intérieur devrait mieux refléter la nature particulière de ces procédures législatives; recommande notamment qu’après avoir voté sur une proposition de texte dont l’adoption requiert l’approbation ou le consentement du Conseil, ou bien l’avis ou le consentement de la Commission, le Parlement consulte ces institutions; est aussi d’avis qu’il devrait simplifier les procédures permettant de modifier ces propositions de texte à l’issue desdites consultations;

32.  estime que le fait d’étendre la procédure législative ordinaire et la définition d’une procédure législative uniforme où le Parlement jouit du droit d’initiative doivent être considérés comme des processus complémentaires;

33.  croit que l’attribution d’un droit d’initiative direct au Parlement n’empêcherait pas la Commission de conserver un droit d’initiative parallèle, voire le monopole de l’initiative, par exemple en matière budgétaire; se déclare également prêt à envisager que le Conseil puisse disposer d’un droit d’initiative direct dans des domaines strictement définis; invite les trois institutions à réfléchir à la manière dont des droits d’initiative parallèles pourraient effectivement coexister et être appliqués dans la pratique;

34.  s’engage à utiliser pleinement, à développer et à renforcer plus avant le potentiel du droit d’initiative indirect que les traites lui confèrent et qui est amplifié par des accords interinstitutionnels ainsi que grâce à l’investissement d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission;

35.  estime que l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer» est essentiel pour garantir une collaboration loyale et transparente tout au long du cycle législatif et permettre une meilleure compréhension mutuelle des positions respectives des différentes institutions;

36.  demande une évaluation conjointe du fonctionnement de l’accord-cadre de 2010 et de la nécessité d’une révision ciblée afin de garantir que ses dispositions et échéances relatives au droit d’initiative indirect du Parlement puissent être effectivement respectées; demande également au Conseil et à la Commission d’évaluer, de concert avec le Parlement, dans quelle mesure l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer» devrait être révisé afin d’éliminer les éventuels obstacles au pouvoir du Parlement de proposer des initiatives législatives;

37.  juge pertinent de réviser son règlement intérieur, ses procédures et ses exigences, y compris en ce qui concerne la rédaction de rapports d’initiative législative au titre de l’article 225 du traité FUE, afin que les propositions restent ciblées et suffisamment étayées; suggère de rationaliser les procédures décrites dans le règlement intérieur du Parlement pour l’élaboration et l’adoption de résolutions au titre de l’article 225 du traité FUE afin de veiller à ce que toute demande d’initiative législative adressée à la Commission soit dûment prise en compte, dans le respect de l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer», indépendamment de la résolution parlementaire qui inclut la demande;

38.  s’engage à privilégier ces instruments comme principal moyen de demander à la Commission de présenter des propositions législatives; souligne à cet égard la nécessité d’adresser les demandes uniquement à la Commission, et de veiller à ce que le contenu des rapports d’initiative législative ne s’écarte pas du sujet du rapport tel que décidé; souligne que pour l’adoption par le Parlement de rapports ciblés et bien étayés au titre de l’article 225 du traité FUE, il faut garantir les capacités techniques et administratives nécessaires à cet effet;

39.  affirme qu’il convient de coopérer étroitement avec la Commission tout au long de la procédure relative aux rapports d’initiative législative, afin de rendre le processus aussi efficace, transparent et participatif que possible; souligne que la conférence des présidents des commissions et la conférence des présidents jouent un rôle important à cet égard;

40.  souligne que le Parlement respecte pleinement l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer», qui souligne la nécessité d’une analyse préalable de la valeur ajoutée européenne, ainsi qu’une évaluation du coût de la non-Europe, et qu’il dispose d’une structure pour mener des activités d’analyse d’impact, dans la mesure où cela est possible, avant de présenter un rapport INL afin de renforcer l’évaluation de la valeur ajoutée européenne prévue dans l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer»;

41.  croit que lorsque la Commission évalue le respect des principes de subsidiarité, de proportionnalité et d’amélioration de la réglementation dans le cadre du suivi d’une demande de proposition législative formulée par le Parlement au titre de l’article 225 du traité FUE, elle devrait tenir dûment compte des analyses sur la valeur ajoutée européenne et le coût de la non-Europe que le Parlement joint à sa demande; souligne que l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer» impose déjà à la Commission de répondre à toute question soulevée par les colégislateurs en ce qui concerne ces analyses;

42.  estime en outre que la Commission devrait explicitement relier les projets de proposition soumis au titre de l’article 225 du traité FUE aux rapports INL correspondants, afin de laisser une «empreinte de l’influence législative»;

43.  s’engage à promouvoir une meilleure coordination avec le Comité des régions et avec le Comité économique et social en tenant dûment compte de leurs avis dans le cadre de l’article 225 du traité FUE;

44.  affirme de nouveau que l’accessibilité, l’éthique et la transparence revêtent une importance capitale et doivent orienter l’action de toutes les institutions de l’Union; souhaite que toutes les informations utiles sur les rapports d’initiative législative, par exemple les étapes de la procédure interne ou le suivi effectué par la Commission, soient facilement accessibles en ligne et le soient dans toutes les langues officielles;

45.  souligne l’importance de la phase prélégislative; rappelle le rôle attribué au Parlement par l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer» et l’accord-cadre de 2010; appelle de ses vœux l’accélération des travaux visant à mettre en place une base de données législatives commune, comme le prévoit l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer»;

46.  rappelle que la participation des citoyens et de la société civile est importante pour la légitimité démocratique de l’Union; demande à toutes les institutions de l’Union de les associer de manière concrète à la prise de décision à tous les stades du cycle politique;

o
o   o

47.  charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil européen, au Conseil et à la Commission, ainsi qu’aux gouvernements et aux parlements des États membres.

(1) JO L 304 du 20.11.2010, p. 47.
(2) JO L 123 du 12.5.2016, p. 1.
(3) JO C 252 du 18.7.2018, p. 215.
(4) JO C 252 du 18.7.2018, p. 201.
(5) JO C 449 du 23.12.2020, p. 90.
(6) JO C 270 du 7.7.2021, p. 71.
(7) JO C 362 du 8.9.2021, p. 6.
(8) Direction générale des politiques internes du Parlement européen, département thématique des droits des citoyens et des affaires constitutionnelles, étude intitulée «The European Parliament’ right of initiative», Bruxelles, 2020, p. 55 et 57.
(9) Résolution du 25 octobre 2016 contenant des recommandations à la Commission sur la création d’un mécanisme de l’Union pour la démocratie, l’état de droit et les droits fondamentaux – JO C 215 du 19.6.2018, p. 162;
(10) Résolution du 7 octobre 2020 contenant des recommandations à la Commission sur la création d’un mécanisme de l’Union pour la démocratie, l’état de droit et les droits fondamentaux – JO C 395 du 29.9.2021, p. 2;
(11) Direction générale des politiques internes du Parlement européen, département thématique des droits des citoyens et des affaires constitutionnelles, étude intitulée «The European Parliament’s right of initiative» (Le droit d’initiative du Parlement européen), Bruxelles, 2020, p. 12.
(12) Ibid., pp. 34-35.
(13) JO L 433 I du 22.12.2020, p. 1.
(14) Résolution du 17 janvier 2019 sur l’enquête stratégique OI/2/2017 de la Médiatrice sur la transparence des débats législatifs dans les instances préparatoires du Conseil de l’Union européenne (JO C 411 du 27.11.2020, p. 149);
(15) Direction générale des politiques internes du Parlement européen, département thématique des droits des citoyens et des affaires constitutionnelles, étude intitulée «The European Parliament’s right of initiative» (Le droit d’initiative du Parlement européen), Bruxelles, 2020, p. 54.
(16)——————— Réponses de la Commission aux résolutions suivantes du Parlement européen:résolution du 8 octobre 2020 contenant des recommandations à la Commission concernant la finance numérique: risques émergents dans les crypto-actifs – défis liés à la réglementation et à la surveillance dans le domaine des services, institutions et marchés financiers (JO C 395 du 29.9.2021, p. 72);résolution du 22 octobre 2020 contenant des recommandations à la Commission sur un cadre juridique de l’Union pour enrayer et inverser la déforestation dont l’Union est responsable à l’échelle mondiale (JO C 404 du 6.10.2021, p. 175);résolution du 20 octobre 2020 contenant des recommandations à la Commission concernant une législation sur les services numériques: adaptation des règles de droit commercial et civil pour les entités commerciales exerçant des activités en ligne (JO C 404 du 6.10.2021, p. 31);résolution du 20 octobre 2020 contenant des recommandations à la Commission concernant une législation sur les services numériques: améliorer le fonctionnement du marché unique (JO C 404 du 6.10.2021, p. 2);résolution du 20 octobre 2020 contenant des recommandations à la Commission concernant un cadre pour les aspects éthiques de l’intelligence artificielle, de la robotique et des technologies connexes (JO C 404 du 6.10.2021, p. 63);résolution du 20 octobre 2020 contenant des recommandations à la Commission sur un régime de responsabilité civile pour l’intelligence artificielle (JO C 404 du 6.10.2021, p. 107);résolution du 21 janvier 2021 contenant des recommandations à la Commission sur le droit à la déconnexion (JO C 456 du 10.11.2021, p. 161).
(17) Réponse de la Commission à la résolution du Parlement européen du 13 mai 2020 contenant des recommandations à la Commission sur un filet de sécurité destiné à protéger les bénéficiaires des programmes de l’Union: mise en place d’un plan d’urgence concernant le CFP (JO C 323 du 11.8.2021, p. 2).


Menaces pour le droit à l'avortement dans le monde: démantèlement possible du droit à l'avortement par la Cour suprême des États-Unis
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Résolution du Parlement européen du 9 juin 2022 sur les menaces contre le droit à l’avortement dans le monde: l’éventuelle remise en cause du droit à l’avortement aux États-Unis par la Cour suprême (2022/2665(RSP))
P9_TA(2022)0243B9-0299/2022

Le Parlement européen,

–  vu le pacte international de 1966 relatif aux droits civils et politiques,

–  vu le pacte international de 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels,

–  vu la convention de 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,

–  vu la convention internationale de 1965 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale,

–  vu la convention des Nations unies de 1989 relative aux droits de l’enfant,

–  vu la convention des Nations unies de 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

–  vu la convention des Nations unies de 2006 relative aux droits des personnes handicapées,

–  vu les objectifs de développement durable des Nations unies (ODD) adoptés en 2015 et, en particulier, les objectifs nos 1, 3 et 5, qui portent respectivement sur la fin de la pauvreté, la bonne santé et le bien-être, et l’égalité entre les sexes,

–  vu le programme d’action de Pékin de 1995 et les conclusions de ses conférences de bilan,

–  vu la conférence internationale sur la population et le développement (CIPD), qui s’est tenue en 1994 au Caire, et son programme d’action, ainsi que les conclusions de ses conférences d’examen,

–  vu le sommet de Nairobi sur la CIPD+25 – Accélérer la promesse, qui s’est tenu en 2019, et les engagements des parties prenantes en ce qui concerne la santé et les droits sexuels et génésiques;

–  vu la série d’information sur la santé sexuelle et reproductive et les droits associés publiée par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) en 2020,

–  vu la convention européenne des droits de l’homme de 1950,

–  vu les lignes directrices publiées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2015, intitulées «Avortement sécurisé – Directives techniques et stratégiques à l’intention des systèmes de santé»,

–  vu les lignes directrices publiées par l’OMS le 8 mars 2022, intitulées «Abortion care guideline» [Lignes directrices sur les soins liés à l’avortement],

–  vu la déclaration du 14 septembre 2021 du HCDH, intitulée «UN experts denounce further attacks against right to safe abortion and Supreme Court complicity» [Les experts des Nations unies dénoncent de nouvelles attaques contre le droit à un avortement sans risque et la complicité de la Cour suprême en la matière],

–  vu le rapport du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) sur l’état de la population mondiale en mars 2022, intitulé «Comprendre l’imperceptible: agir pour résoudre la crise oubliée des grossesses non intentionnelles»,

–  vu le rapport de l’institut Pew Research Center du 6 mai 2022 intitulé «America’s Abortion Quandary» [Une opinion publique américaine tiraillée au sujet de l’avortement],

–  vu la Constitution des États-Unis d’Amérique,

–  vu l’arrêt Roe contre Wade (410 US 113 (1973)),

–  vu le projet préliminaire d’avis majoritaire nº 19-1392 de la Cour suprême des États-Unis, rédigé par le juge Samuel Alito dans l’affaire Thomas E. Dobbs, State Health Officer of the Mississippi Department of Health et al. contre Jackson Women’s Health Organization et al., daté de février 2022, qui a fuité dans la presse en mai 2022(1),

–  vu la loi SB 8 et la loi HB 1515, adoptées en septembre 2021 respectivement par le Sénat du Texas et la Chambre des représentants du Texas, relatives à l’avortement, y compris l’avortement après la détection d’un battement cardiaque d’un enfant à naître, et créant à cet égard un droit privé d’action civile,

–  vu la convention du Conseil de l’Europe de 2014 sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique,

–  vu l’article 2 du traité sur l’Union européenne,

–  vu la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne de 2009 (la ‘Charte’),

–  vu sa résolution du 7 octobre 2021 sur la loi relative à l’avortement au Texas (États-Unis)(2),

–  vu sa résolution du 24 juin 2021 sur la situation concernant la santé et les droits génésiques et sexuels dans l’Union, dans le cadre de la santé des femmes(3),

–  vu sa résolution du 11 novembre 2021 sur l’interdiction de fait du droit à l’avortement en Pologne(4),

–  vu sa résolution du 13 février 2019 sur le recul des droits des femmes et de l’égalité hommes-femmes dans l’Union(5),

–  vu le plan d’action de l’Union sur l’égalité entre les hommes et les femmes et l’autonomisation des femmes dans l’action extérieure de l’Union européenne 2021-2025 (GAP III),

–  vu sa résolution du 11 février 2021 sur les enjeux à venir pour les droits des femmes en Europe, plus de 25 ans après la déclaration et le programme d’action de Pékin(6),

–  vu sa résolution du 5 mai 2022 sur l’impact de la guerre contre l’Ukraine sur les femmes(7),

–  vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,

A.  considérant que, d’après l’OMS, l’avortement est un élément indispensable d’un système intégral de soins de santé et que près de 45 % des avortements sont pratiqués dans des conditions dangereuses, 97 % de des derniers ayant lieu dans des pays en développement(8); que, d’après le FNUAP(9), on estime à 121 millions le nombre de grossesses non désirées chaque année, dont plus de 60 % se concluent par un avortement; que ces dernières années, les opposants à la santé et aux droits sexuels et génésiques et à l’autonomie des femmes exercent une influence considérable sur le droit et la politique au niveau national, des initiatives régressives foisonnant partout dans le monde, y compris dans plusieurs États membres de l’Union; que la montée en puissance de l’extrême-droite contribue elle aussi à ce recul du droit des femmes à l’avortement, qui se manifeste dans le monde entier;

B.  considérant que le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a fait observer que la criminalisation des services d’avortement n’a aucune valeur dissuasive; que, comme l’a relevé le groupe de travail des Nations unies sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles, là où l’avortement est criminalisé et soumis à des restrictions juridiques, l’accès à une interruption sans risques de la grossesse perd son universalité et devient un privilège des femmes avantagées sur le plan socioéconomique, tandis que les femmes disposant de ressources limitées sont contraintes de recourir à des avortements clandestins et dangereux, ce qui met leur vie et leur santé en péril; que, d’après l’OMS, «la proportion d’avortements non sécurisés est nettement plus élevée dans les pays où les lois sur l’avortement sont très restrictives que dans les pays où elles le sont moins»(10);

C.  considérant que l’avortement pratiqué dans des conditions dangereuses est la principale cause, pourtant évitable, de mortalité et de morbidité maternelles; que l’absence d’accès à un avortement légal et sans risques est un problème brûlant qui concerne la santé publique et les droits de la personne humaine; qu’interdire l’avortement et, partant, contraindre les femmes à recourir à des avortements clandestins et dangereux fait croître la mortalité et la morbidité maternelles;

D.  considérant que l’arrêt historique dans l’affaire Roe contre Wade, rendu par la Cour suprême des États-Unis en 1973, fait jurisprudence, confirmée par la suite dans les arrêts Planned Parenthood contre Casey (1972) et Whole Woman’s Health contre Hellerstedt (2016), garantissant ainsi, aux États-Unis, le droit constitutionnel à un avortement légal avant le seuil de viabilité fœtale; que le projet préliminaire d’avis majoritaire de la Cour suprême des États-Unis, rédigé par le juge Samuel Alito dans l’affaire Thomas E. Dobbs, State Health Officer of the Mississippi Department of Health et al. contre Jackson Women’s Health Organization et al., tel qu’il a fuité dans la presse, indique que la Cour suprême s’apprête à annuler l’arrêt Roe contre Wade et rendre ainsi caducs certains droits constitutionnels aux États-Unis; que l’arrêt définitif de la Cour suprême est attendu avant la fin du mois de juin 2022; que le projet d’avis en question formule les conclusions les plus contraires au droit à l’avortement que pouvait rendre la Cour suprême, en ce qu’il permettrait aux États d’interdire l’avortement à tout moment de la grossesse et ouvre la possibilité à une interdiction totale, ce qui dépouillerait, aux États-Unis, les femmes et les filles des protections que leur confèrent leurs droits actuels;

E.  considérant qu’une décision de la Cour suprême annulant l’arrêt Roe contre Wade aurait des répercussions sur la vie des femmes et des filles dans l’ensemble des États-Unis, et que les conséquences néfastes toucheraient le plus fortement les personnes en situation vulnérable; que la santé et les droits sexuels et génésiques pâtiraient eux aussi d’une annulation de l’arrêt Roe contre Wade; que les restrictions ou l’abolition du droit à l’avortement toucheraient de manière disproportionnée les femmes en situation de pauvreté, en particulier les femmes racialisées, y compris les femmes noires, les femmes hispaniques et autochtones, ainsi que les femmes des zones rurales, les personnes LGBTIQ, les femmes handicapées, les adolescentes, les migrantes, y compris celles en situation irrégulière, et les familles monoparentales dirigées par des femmes; que les services d’avortement publics sont en mesure d’assurer un accès universel à l’avortement légal et sans risques, y compris pour les femmes en situation de vulnérabilité socioéconomique;

F.  considérant que le projet d’avis de la Cour suprême s’inscrit dans la lignée des efforts menés sans relâche ces derniers temps au niveau des États pour restreindre ou abolir le droit à l’avortement aux États-Unis; que, depuis 2011, près de 500 lois limitant l’accès à l’avortement ont été adoptées par des États des États-Unis; que les restrictions de l’accès à l’avortement contraindront les femmes, notamment celles qui disposent de peu de ressources et d’informations, à parcourir de longues distances, à mener une grossesse à terme contre leur volonté ou à recourir à un avortement pratiqué chez elles dans des conditions dangereuses et sans supervision médicale, sans compter le risque d’enquête et de poursuites pénales auquel elles s’exposent;

G.  considérant que le Sénat du Texas a adopté récemment la loi SB 8, qui interdit l’avortement après le début des impulsions cardiaques fœtales, soit environ à six semaines de grossesse, sans aucune exception en cas de viol, ni d’inceste, ni d’un état de santé fœtale incompatible avec la vie après la naissance; que la Cour suprême des États-Unis a permis l’entrée en vigueur de cette loi et que le Texas a réussi à la soustraire à tout examen constitutionnel en dispensant les fonctionnaires de la faire appliquer et en créant une voie juridique permettant aux citoyens, contre une récompense de 10 000 USD, de porter plainte contre toute personne physique ou morale qui fournit des soins liés à l’avortement ou qui aide autrui à obtenir un avortement au mépris de l’interdiction, la loi étant plus difficile à contester en l’absence d’entité unique chargée du contrôle de son application; que la disposition permettant aux citoyens de porter plainte contre tout prestataire de services d’avortement ouvre grand la porte au harcèlement;

H.  considérant qu’au moins douze États ont imité la loi texane SB 8, que ce soit en adoptant une telle loi, en présentant un projet de loi ou en annonçant leur intention de présenter un tel projet de loi; que les parlements de l’Idaho et de l’Oklahoma ont récemment adopté des lois interdisant l’avortement inspirées de la loi texane, la loi adoptée par l’Oklahoma allant jusqu’à interdire l’avortement à compter du moment de la fécondation;

I.  considérant que si la Cour suprême décide d’annuler son arrêt Roe contre Wade, la décision quant à la légalité de l’avortement redeviendra du ressort des États; que treize de ceux-ci ont déjà adopté des lois contre l’avortement, pour l’instant inapplicables, mais qui n’attendent que l’annulation de l’arrêt Roe contre Wade pour entrer en vigueur immédiatement et restreindre ou interdire l’accès à l’avortement; que, en comptant ces treize États, vingt-six États en tout ont la ferme intention, ou des velléités très fortes, de restreindre ou d’interdire l’avortement si la protection constitutionnelle est levée, soit en tentant de ressusciter des lois adoptées avant 1973 (c’est le cas du Michigan, du Wisconsin et de la Virginie-Occidentale), soit en tentant de faire appliquer des lois restreignant l’avortement récemment adoptées mais dont l’entrée en vigueur a été suspendue par les tribunaux (c’est le cas de l’Alabama, de la Géorgie, de l’Iowa, de l’Ohio et de la Caroline du Sud);

J.  considérant que presque toutes les morts causées par un avortement pratiqué dans des conditions dangereuses surviennent dans les pays où l’avortement est soumis à de nombreuses restrictions; que l’augmentation du nombre de morts liées à la maternité aux États-Unis dues à un avortement pratiqué dans des conditions dangereuses est estimée à 21 % dès la deuxième année après l’entrée en vigueur d’une interdiction(11); que ces morts sont totalement évitables;

K.  considérant que, parmi les adolescentes âgées de 15 à 19 ans, les complications liées à la grossesse et à l’accouchement sont la principale cause de mortalité à l’échelle mondiale; que le Comité des droits de l’enfant des Nations unies demande instamment aux pays du monde de dépénaliser l’avortement et de veiller à ce que les adolescentes aient accès à des services d’avortement légaux et sans risques(12); que les taux de grossesse des adolescentes aux États-Unis, actuellement en baisse, risquent de remonter si l’avortement est interdit dans un ou plusieurs États; que les mères adolescentes sont nettement plus susceptibles de cesser leurs études et de se retrouver au chômage, ce qui alimente le cercle vicieux de la pauvreté;

L.  concernant les inquiétudes de plus en plus vives liées à la protection des données dans le contexte d’une éventuelle annulation de l’arrêt Roe contre Wade; que les applications mobiles de suivi du cycle menstruel, les outils de géolocalisation et les moteurs de recherche permettent de collecter des données sur les personnes qui s’adressent à une clinique d’avortement, achètent une pilule abortive ou recherchent des informations à ce sujet; qu’il existe donc un risque d’utilisation malveillante, telle que la surveillance ou le harcèlement, des informations ainsi collectées(13);

M.  considérant que des organisations non gouvernementales (ONG) et des groupes de réflexion conservateurs appartenant à la mouvance de la droite chrétienne américaine continuent de financer, dans le monde entier, le mouvement contre la liberté des femmes de disposer de leur corps; que ce financement est loin d’être négligeable; qu’une annulation de l’arrêt Roe contre Wade risque de susciter un renforcement tant de ces flux de financement que de la pression exercée, aux quatre coins du globe, par les groupes qui s’opposent à la liberté des femmes de disposer de leur corps;

N.  considérant qu’une annulation de l’arrêt Roe contre Wade risque d’enhardir ou d’encourager les mouvements qui s’opposent à la liberté des femmes de disposer de leur corps à faire pression sur des gouvernements et des tribunaux en dehors des États-Unis pour qu’ils remettent en cause le droit à l’avortement et les importants progrès accomplis ces dernières décennies, qui ont vu plus de 60 pays(14) réformer leurs lois et politiques en matière d’avortement pour lever les restrictions et les obstacles;

O.  considérant qu’en dépit d’avancées globales en ce qui concerne la santé et les droits sexuels et génésiques dans le monde entier, y compris en Europe, le recul du droit d’accès à un avortement légal et sans risques demeure une grave préoccupation; qu’une annulation de l’arrêt Roe contre Wade est susceptible d’enhardir en Europe le mouvement contre la liberté des femmes de disposer de leur corps; que la Pologne est le seul État membre de l’Union européenne à avoir retiré un motif d’avortement de son droit interne, la Cour constitutionnelle illégitime ayant rendu, le 22 octobre 2020, un arrêt qui dépouille les femmes polonaises de droits qui étaient les leurs de longue date et équivaut, dans les faits, à une interdiction de l’avortement; que l’avortement est interdit à Malte; que l’avortement médical en début de grossesse n’est pas légal en Slovaquie et n’est pas accessible en Hongrie; que l’accès à l’avortement se dégrade également en Italie(15); que l’accès à des soins liés à l’avortement est refusé dans d’autres États membres, comme ce fut le cas récemment en Croatie(16); qu’il est impératif que l’Union et ses États membres défendent la santé et les droits sexuels et génésiques et proclament le caractère inaliénable des droits des femmes, qui ne sauraient être remis en cause ni vidés de leur moelle; qu’il est indispensable que l’Union et ses États membres continuent de faire des progrès dans la garantie de l’accès en temps utile à un avortement légal et sans risques, conformément aux recommandations et données scientifiques de l’OMS;

P.  considérant que les droits en matière de sexualité et de procréation, y compris le droit à un avortement légal et sans risques, font partie des droits fondamentaux; que criminaliser l’avortement ainsi que retarder ou refuser l’accès à un avortement légal et sans risques constituent des formes de violence à l’égard des femmes et des filles; que plusieurs organismes de défense des droits de l’homme affirment que le refus d’un avortement légal et sans risques peut être assimilé à de la torture ou à un traitement cruel, inhumain et dégradant; que les avortements pratiqués dans des conditions dangereuses qui entraînent la mort dans le contexte d’une interdiction de l’avortement devraient être considérés comme des «exécution[s] arbitraire[s] fondée[s] sur le sexe car visant uniquement des femmes sur une base discriminatoire consacrée par la loi»(17);

Q.  considérant que des organismes internationaux des droits de l’homme ont réaffirmé, à plusieurs reprises, que la criminalisation de l’avortement et les restrictions de l’accès à celui-ci enfreignent les obligations contractées par les États en matière de droits de l’homme, qui sont consacrées dans le droit international et européen en matière de droits de l’homme, notamment dans le pacte international relatif aux droits civils et politiques, le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la convention européenne des droits de l’homme; que contraindre les femmes à recourir à un avortement clandestin, à se rendre à l’étranger pour avorter ou à mener une grossesse à terme contre leur volonté constitue une violation des droits fondamentaux de la personne humaine à la vie, à l’intégrité physique et mentale, à l’égalité, à la non-discrimination et à la santé; que le principe de non-régression consacré en droit international interdit aux États de prendre des mesures qui remettent en cause, restreignent ou abolissent des droits ou acquis existants dans le domaine de la santé et des droits sexuels et génésiques;

R.  considérant qu’en septembre 2021, des experts des Nations unies ont publié une déclaration(18) pour souligner que les droits humains des femmes sont des droits fondamentaux qui ne peuvent être subordonnés à des considérations culturelles, religieuses ou politiques et que l’influence de l’ingérence idéologique et religieuse dans les questions de santé publique continue d’être particulièrement préjudiciable à la santé et au bien-être des femmes et des filles;

S.  considérant que garantir l’accès à une éducation et à des services complets en matière de santé et de droits sexuels et génésiques, adaptés à l’âge, ainsi qu’à une éducation sexuelle et relationnelle complète, y compris la planification familiale, les méthodes contraceptives et l’avortement sûr, légal et gratuit, ainsi que le respect de l’autonomie et de la capacité de chaque personne à prendre des décisions libres et éclairées concernant son corps et sa vie, sont des conditions préalables à l’égalité entre les hommes et les femmes, ainsi qu’à l’égalité sociale et économique; que l’accès équitable aux soins d’avortement permet aux femmes d’avoir une plus grande maîtrise de leur corps et renforce leur capacité à améliorer leur bien-être économique;

T.  considérant que l’égalité entre les hommes et les femmes, l’éradication, partout, de la pauvreté et de l’exploitation et la garantie d’une vie saine et du bien-être pour tous sont des objectifs fondamentaux énoncés respectivement dans les ODD 5, 1 et 3; que, plus précisément, la garantie d’un accès universel à la santé sexuelle et génésique et l’élimination de toutes les formes de violence et de pratiques préjudiciables à l’égard des femmes et des filles sont des cibles des ODD 3 et 5; que tous les États membres des Nations unies, y compris les États-Unis et les États membres de l’Union, ont accepté des devoirs, des engagements et des obligations quant au respect et à la promotion de ces ODD et de leurs cibles;

1.  condamne fermement le recul des droits des femmes ainsi que de la santé et des droits sexuels et génésiques qui a lieu dans le monde entier, y compris aux États-Unis et dans certains États membres de l’Union; rappelle que la santé et les droits sexuels et génésiques sont des droits fondamentaux qu’il convient de protéger et de renforcer et qu’ils ne peuvent en aucun cas être affaiblis ou retirés; est vivement préoccupé, en particulier, par la mesure dans laquelle ces interdictions contribueront au traumatisme subi par les victimes de viol et d’inceste;

2.  exprime sa vive solidarité et son ferme soutien aux femmes et aux filles des États-Unis, ainsi qu’aux personnes qui participent à l’application et à la défense du droit et de l’accès à des soins légaux et sûrs en cas d’avortement dans des circonstances si difficiles;

3.  rappelle à la Cour suprême des États-Unis qu’il importe de maintenir l’arrêt historique Roe /Wade (1973) et les protections constitutionnelles du droit à l’avortement qui en ont résulté aux États-Unis;

4.  condamne fermement toute régression des droits de l’homme et des droits constitutionnels; demande que des mesures soient prises pour préserver le droit à l’avortement légal et sûr aux États-Unis et que les États-Unis s’abstiennent de tout recul; invite les autorités compétentes des États-Unis à tous les niveaux, conformément aux lignes directrices de l’OMS pour les soins d’avortement, à dépénaliser totalement l’accès aux services d’avortement et la fourniture de ces services, à fournir des services sûrs, légaux, gratuits et de qualité en matière de santé sexuelle et génésique sur leur territoire et à les rendre aisément accessibles à toutes les femmes et filles;

5.  demande au gouvernement de l’État du Texas d’abroger rapidement son projet de loi 8; invite les gouvernements des États d’Idaho et d’Oklahoma à abroger leurs lois similaires, y compris le projet de loi HB 4327 (Oklahoma); invite les 26 États des États-Unis qui ont adopté des lois de déclenchement («trigger laws»), des lois sur les livres et d’autres mesures concernant des interdictions et restrictions à l’avortement à les abroger et à veiller à ce que leur législation soit conforme aux droits fondamentaux des femmes protégés au niveau international et aux normes internationales en matière de droits de l’homme;

6.  est profondément préoccupé par le fait que les interdictions et autres restrictions à l’avortement touchent de manière disproportionnée les femmes en situation de pauvreté, en particulier les femmes racialisées, y compris les femmes noires, les femmes hispaniques et autochtones, ainsi que les femmes des zones rurales, les personnes LGBTIQ, les femmes handicapées, les adolescentes, les femmes migrantes, y compris les migrantes en situation irrégulière, et les familles monoparentales dirigées par des femmes; souligne que les femmes qui, en raison d’obstacles financiers ou logistiques, ne peuvent se permettre de se rendre dans des cliniques de santé génésique dans des États ou des pays voisins, sont davantage exposées au risque de subir des procédures dangereuses et mettant leur vie en danger et d’être contraintes de mener leur grossesse à son terme contre leur volonté, ce qui constitue une violation des droits de l’homme et une forme de violence sexiste(19);

7.  se félicite du fait que la loi fédérale sur la santé et la protection des femmes (Women’s Health and Protection Act - WHPA), qui vise à protéger le droit aux soins d’avortement dans l’ensemble des États-Unis, ait été adoptée à la Chambre des représentants, mais regrette profondément qu’elle ne l’ait pas été au Sénat; invite le gouvernement des États-Unis et/ou les autres autorités américaines compétentes à respecter, satisfaire et protéger les droits fondamentaux des femmes et des filles, y compris leurs droits à la vie, au respect de la vie privée, à la santé et à l’égalité, ainsi qu’à la non-discrimination, de même que leur droit de ne pas subir de discrimination, de violence et de torture ou de traitements cruels, inhumains et dégradants, en mettant en place et en soutenant des protections juridiques fédérales pour l’accès à des services de santé sexuelle et génésique sûrs, légaux et de qualité, y compris l’avortement, pour toutes les femmes et filles;

8.  encourage le président Joe Biden et son administration à intensifier leurs efforts et à continuer de soutenir les droits à l’avortement, et l’invite instamment à garantir l’accès à l’avortement légal et sûr; encourage le gouvernement des États-Unis à redoubler d’efforts pour faire en sorte que l’avortement et la contraception soient intégrés dans les informations, l’éducation et les services adaptés à l’âge et complets dispensés en matière de santé et de droits sexuels et génésiques, et soient accessibles à tous; se félicite du fait que le financement américain ait été rétabli pour le FNUAP, agence de santé sexuelle et génésique des Nations unies, et invite le gouvernement américain et/ou les autres autorités américaines compétentes à continuer de soutenir la santé et les droits sexuels et génésiques et à le faire aux Nations unies et dans d’autres enceintes multilatérales;

9.  prie instamment le gouvernement des États-Unis et/ou les autres autorités américaines compétentes de garantir des protections fédérales, constitutionnelles et légales adéquates pour le droit de mettre fin à une grossesse et demande en outre instamment au gouvernement des États-Unis de dépénaliser pleinement l’avortement, ce qui implique non seulement de mettre un terme à la pénalisation des femmes et des filles et d’autres personnes enceintes, des prestataires de soins de santé et autres personnes contribuant aux services d’avortement, mais aussi de supprimer l’avortement des lois pénales de l’État et d’abolir toutes les autres lois, politiques et pratiques punitives;

10.  encourage vivement le gouvernement américain et/ou les autres autorités américaines compétentes à supprimer tous les obstacles aux services d’avortement, y compris le consentement de tiers ou la notification, les délais d’attente obligatoires et l’autorisation de juges ou de groupes médicaux, et à garantir un accès rapide aux soins d’avortement dans tout le pays; invite le gouvernement des États-Unis à veiller à ce que le service soit fourni sans discrimination, harcèlement, contrainte, crainte ou intimidation, dans le respect de la vie privée des femmes et de la confidentialité, ainsi qu’en protégeant et en respectant les prestataires de soins de santé;

11.  invite le gouvernement américain et/ou les autres autorités américaines compétentes à réglementer les refus de fournir des services d’avortement légal opposés par des prestataires de soins de santé, y compris sur la base d’une clause de «conscience», de manière à ne pas refuser aux femmes l’accès à l’avortement;

12.  s’inquiète de la collecte et de l’utilisation abusive de données sur les personnes qui sollicitent des services d’avortement; invite le gouvernement américain à veiller à ce que les lois et les politiques en matière de protection des données soient conformes aux normes internationales en matière de droits de l’homme et à garantir que le traitement d’informations à caractère personnel sensibles, telles que les données et informations relatives à la santé, respecte les droits des personnes et repose sur leur consentement libre, spécifique, éclairé et explicite à la collecte et au traitement des données à caractère personnel; demande aux services de diffusion numérique de veiller à ce que toutes les applications respectent la législation relative à l’utilisation et à la protection des données;

13.  constate le rôle joué par les ONG en tant que prestataires de services et également en tant que défenseurs de la santé et des droits sexuels et génésiques aux États-Unis, et les encourage à poursuivre leur travail; affirme que ces ONG ont besoin d’un financement adéquat pour pouvoir fonctionner; souligne que les services fournis par ces ONG répondent aux besoins et aux droits fondamentaux des femmes et des filles; souligne que leur travail ne saurait se substituer à la responsabilité de l’État de garantir l’accès à des services publics, légaux et sûrs d’avortement;

14.  invite le gouvernement des États-Unis à prendre les mesures nécessaires pour garantir un soutien social, en particulier dans le cas des mères isolées et des grossesses d’adolescentes, y compris au moyen de services universels de garde d’enfants et de soins de santé;

15.  invite le gouvernement des États-Unis à signer et à ratifier toutes les conventions et tous les protocoles des Nations unies et régionaux en matière de droits de l’homme qui ne l’ont pas encore été(20), y compris la convention de 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes;

16.  est profondément préoccupé par les conséquences que pourrait avoir un renversement de l’arrêt Roe / Wade par la Cour suprême américaine pour les droits des femmes dans le monde; est profondément préoccupé par la possibilité d’un effet dissuasif sur la priorisation et le financement des services de santé et de droits sexuels et génésiques, lesquels ont déjà été massivement dépriorisés et sous-financés tant aux États-Unis qu’au niveau mondial; souligne avec inquiétude que, dans les pays fortement dépendants de l’aide américaine pour les programmes de santé publique, le renversement de l’arrêt Roe v Wade pourrait avoir une incidence sur l’engagement de ces gouvernements en faveur des services d’avortement et d’autres droits génésiques;

17.  se félicite des récentes évolutions positives en matière de droits à l’avortement en Argentine, au Mexique, en Équateur, en Colombie et au Chili, qui sont le signe d’avancées importantes en Amérique du Sud en matière de droits des femmes, ainsi que dans d’autres pays du monde, tels que l’Angola, l’Inde, le Kenya, la Nouvelle-Zélande, l’Irlande du Nord, la Corée du Sud et la Thaïlande;

18.  souligne qu’il importe d’assurer la participation des femmes et des filles à la formulation des lois et politiques qui ont une incidence sur elles et ont trait à leurs droits fondamentaux, y compris la santé et les droits sexuels et génésiques, en particulier les soins d’avortement, et de leur accorder un recours judiciaire et légal en cas de violation de leurs droits;

19.  souligne le manque d’accès à la contraception et les besoins actuellement non satisfaits(21); souligne que les femmes assument une responsabilité disproportionnée en matière de contraception, qui devrait être partagée avec les hommes; souligne, à cet égard, la nécessité de développer et de promouvoir des contraceptifs pour les hommes en vue de réduire le nombre de grossesses involontaires; souligne qu’il convient d’accorder la priorité à la lutte contre la violence sexuelle et à une éducation sexuelle et relationnelle complète, adaptée à l’âge et fondée sur des données probantes pour tous, à une gamme de méthodes et de moyens contraceptifs de qualité, accessibles, sûrs, abordables et, le cas échéant, gratuits, ainsi qu’à des conseils en matière de planification familiale et à des services de santé;

20.  invite l’Union et les États membres à apporter tout le soutien possible, y compris financier, aux organisations de la société civile établies aux États-Unis qui protègent, promeuvent et assurent la santé et les droits sexuels et génésiques dans le pays, comme expression de leur engagement indéfectible en faveur de ces droits; invite en outre les États membres à offrir un refuge sûr à tous les professionnels de la santé qui pourraient être exposés à des poursuites légales ou à d’autres formes de harcèlement du fait de leur travail légitime de prestation de soins d’avortement;

21.  invite le Service européen pour l’action extérieure, la Commission et tous les États membres de l’Union à utiliser tous les instruments à leur disposition pour renforcer leurs actions de lutte contre le recul des droits des femmes ainsi que de la santé et des droits sexuels et génésiques, y compris en compensant toute éventuelle réduction du financement des États-Unis en faveur de la santé et des droits sexuels et génésiques à l’échelle mondiale, ainsi qu’en préconisant avec force et en priorisant l’accès universel à l’avortement sûr et légal et à d’autres aspects de la santé et des droits sexuels et génésiques dans leurs relations extérieures;

22.  invite l’Union européenne et ses États membres à exhorter le gouvernement américain à mettre en place des protections juridiques fédérales pour le droit à l’avortement et à aborder ces questions relatives aux droits de l’homme dans leurs relations avec les États-Unis à tous les niveaux et dans toutes les enceintes internationales pertinentes, en soulignant qu’elles constituent une forme de violence à l’égard des femmes et des filles; demande également à la délégation de l’Union européenne aux États-Unis de donner la priorité à la santé et aux droits sexuels et génésiques dans le cadre de son dialogue avec les autorités américaines compétentes et de sa mise en œuvre locale du troisième plan d’action de l’Union européenne sur l’égalité entre les hommes et les femmes;

23.  demande à l’Union et à ses États membres de soutenir fermement la santé et les droits sexuels et génésiques pour tous, notamment en encourageant le renforcement des protections juridiques à l’intérieur des frontières de l’Union et la suppression des obstacles à l’exercice de ces droits;

24.  invite l’UE et ses États membres à inscrire le droit à l’avortement dans la Charte;

25.  invite le Service européen pour l’action extérieure, les délégations de l’Union et les ambassades des États membres dans le monde entier à s’adresser de manière proactive aux défenseurs des droits de l’homme qui travaillent pour la santé et les droits sexuels et génésiques et à protéger ces personnes, en particulier dans les pays où le droit et l’accès à l’avortement sont limités;

26.  invite le vice-président de la Commission/haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, le représentant spécial de l’Union pour les droits de l’homme et la commissaire chargée de l’égalité entre les hommes et les femmes à envisager, en cas de renversement de l’arrêt Roe / Wade, de condamner et de dénoncer cette violation de la santé et des droits sexuels et génésiques des femmes et de leur droit aux soins de santé, ainsi que l’insécurité juridique qui en découlera dans leurs échanges avec les fonctionnaires américains;

27.  insiste sur la nécessité, conformément au programme d’action de Pékin et au programme d’action de la CIPD, de garantir le droit de toute personne à l’intégrité physique et à disposer de son propre corps et sur la nécessité de garantir l’accès aux services essentiels qui permettent de faire valoir réellement ce droit; souligne que l’accès à la santé est un droit de l’homme fondamental et qu’il incombe à l’État de fournir et de garantir des soins de santé accessibles à tous; appelle de ses vœux l’intégration dans les stratégies, politiques et programmes de couverture santé universelle d’une approche globale à l’échelle mondiale dans le cadre du train de mesures essentielles en matière de santé sexuelle et génésique, avec notamment des mesures visant à prévenir et à éviter les avortements dangereux et clandestins, ainsi que la fourniture de soins après avortement; déplore que les soins de santé ne soient pas accessibles à tous aux États-Unis; rappelle que la pauvreté est étroitement liée à la poursuite contrainte et forcée de la grossesse et à l’absence d’avortement sûr et légal;

28.  réaffirme que l’avortement doit toujours être une décision volontaire fondée sur la demande d’une personne et être libre, conformément aux normes médicales et aux principes de disponibilité, d’accessibilité, y compris financière, et de sécurité, sur la base des lignes directrices de l’OMS; invite les États membres à garantir l’accès universel à l’avortement légal et sûr, ainsi que le respect du droit à la liberté, au respect de la vie privée et aux soins de santé les plus accessibles;

29.  prie instamment les États membres de dépénaliser l’avortement et de supprimer et combattre les obstacles à l’avortement sûr et légal ainsi qu’à l’accès aux soins de santé et aux services en matière de sexualité et de procréation; invite les États membres à garantir l’accès à des services d’avortement sûrs, légaux et gratuits, à des services et dispositifs de santé prénataux et maternels, à la planification familiale volontaire, à la contraception, à des services adaptés aux jeunes, ainsi qu’à la prévention, aux traitements, aux soins et au soutien en matière de VIH, sans discrimination;

30.  condamne le fait que des femmes ne puissent accéder aux services d’avortement en raison de la pratique, courante dans certains États membres, qui voit des médecins, et, dans certains cas, des établissements médicaux entiers refuser de fournir des services de santé sur la base de la «clause de conscience», ce qui entraîne le refus de soins d’avortement pour des raisons religieuses ou de conscience et menace la vie et les droits des femmes; relève que cette clause est aussi souvent invoquée dans des situations où un retard de prise en charge pourrait mettre en danger la vie ou la santé de la patiente;

31.  demande instamment à la Commission de faire pleinement usage de ses compétences en matière de politique de santé ainsi que d’aider les États membres à garantir l’accès universel à la santé et aux droits sexuels et génésiques dans le cadre du programme «L’UE pour la santé» pour la période 2021-2027; à promouvoir l’information et l’éducation en matière de santé; à renforcer les systèmes de santé nationaux et à soutenir la convergence vers le haut des normes en matière de soins de santé, afin de réduire les inégalités dans ce domaine au sein des États membres et entre ceux-ci; et à faciliter l’échange de bonnes pratiques entre les États membres en ce qui concerne la santé et les droits sexuels et génésiques; invite les États membres à progresser vers une couverture santé universelle, pour laquelle la santé et les droits sexuels et génésiques sont essentiels;

32.  charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au vice-président de la Commission/haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au représentant spécial de l’UE pour les droits de l’homme, au président des États-Unis d’Amérique et à son administration, au Congrès des États-Unis, ainsi qu’à la Cour suprême des États-Unis.

(1) https://www.politico.com/news/2022/05/02/supreme-court-abortion-draft-opinion-00029473
(2) JO C 132 du 24.3.2022, p. 189.
(3) JO C 81 du 18.2.2022, p. 43.
(4) JO C 205 du 20.5.2022, p. 44.
(5) JO C 449 du 23.12.2020, p. 102.
(6) JO C 465 du 17.11.2021, p. 160.
(7) Textes adoptés de cette date, P9_TA(2022)0206.
(8) https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/abortion
(9) Rapport du FNUAP sur l’état de la population mondiale, «Comprendre l’imperceptible: agir pour résoudre la crise oubliée des grossesses non intentionnelles», mars 2022.
(10) https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/abortion
(11) https://ncpolicywatch.com/2022/05/05/study-shows-an-abortion-ban-may-lead-to-a-21-increase-in-pregnancy-related-deaths/
(12) Comité des droits de l’enfant des Nations unies, observation générale nº 20, du 6 décembre 2016, sur la mise en œuvre des droits de l’enfant pendant l’adolescence, paragraphe 60.
(13) https://www.vice.com/en/article/m7vzjb/location-data-abortion-clinics-safegraph-planned-parenthood
(14) https://reproductiverights.org/maps/worlds-abortion-laws/
(15) https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=0900001680687bdd; http://www.refreg.ep.parl.union.eu/RegData/etudes/BRIE/2018/608853/IPOL_BRI(2018)608853_EN.pdf
(16) https://www.roda.hr/en/news/support-for-accessible-safe-and-legal-termination-of-pregnancy-in-croatia.html
(17) https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G17/156/22/PDF/G1715622.pdf?OpenElement
(18) https://www.ohchr.org/en/statements/2021/09/united-states-un-experts-denounce-further-attacks-against-right-safe-abortion
(19) https://www.ohchr.org/sites/default/files/Documents/Issues/Women/WRGS/SexualHe alth/INFO_Abortion_FR_WEB.pdf
(20) Y compris, entre autres, le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (1999), la Convention américaine relative aux droits de l’homme (1969), le Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l’homme traitant des droits économiques, sociaux et culturels (1988), le Protocole à la convention américaine relative aux droits de l’homme traitant de l’abolition de la peine de mort (1990), les premier et second protocoles facultatifs se rapportant au pacte international relatif aux droits civils et politiques (respectivement 1966 et 1989), le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966), le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (2008), le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (2002), la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant (1989), le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications (2011), la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990), la Convention relative au statut des réfugiés (1951), la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (2006), la Convention relative aux droits des personnes handicapées (2006) et le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées (2006).
(21) Rapport du FNUAP sur l’état de la population mondiale, Comprendre l’imperceptible: Agir pour résoudre la crise oubliée des grossesses non intentionnelles», 30 mars 2022.


Convocation d'une convention pour la révision des traités
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Résolution du Parlement européen du 9 juin 2022 sur la convocation d’une convention pour la révision des traités (2022/2705(RSP))
P9_TA(2022)0244B9-0307/2022

Le Parlement européen,

–  vu l’article 48 du traité sur l’Union européenne (traité UE),

⎯  vu le rapport du 9 mai 2022 sur les résultats finaux de la conférence sur l’avenir de l’Europe (ci-après la «conférence»),

⎯  vu sa résolution du 4 mai 2022 sur le suivi des conclusions de la conférence sur l’avenir de l’Europe(1),

⎯  vu sa résolution du 16 février 2017 sur les évolutions et adaptations possibles de la structure institutionnelle actuelle de l’Union européenne(2) et sa résolution du 13 février 2019 sur l’état du débat sur l’avenir de l’Europe(3),

–  vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,

A.  considérant que la version actuelle des traités est entrée en vigueur le 1er décembre 2009 et que l’Union européenne a dû faire face depuis lors à plusieurs crises et défis sans précédent;

B.  considérant que, le 9 mai 2022, la conférence a terminé ses travaux et présenté ses conclusions, qui contiennent 49 propositions et 326 mesures;

C.  considérant qu’outre les propositions législatives, un processus de réformes institutionnelles doit être lancé pour mettre en œuvre les recommandations et répondre aux attentes formulées lors de ce processus de participation des citoyens;

D.  considérant que de nouvelles politiques et, dans certains cas, des modifications des traités sont nécessaires, non pas en tant que but en soi, mais dans l’intérêt de tous les citoyens de l’Union, étant donné qu’elles visent à remodeler l’Union de manière à accroître sa capacité à agir, ainsi que sa légitimité démocratique et son obligation de rendre compte;

1.  accueille favorablement les conclusions du 9 mai 2022 de la conférence;

2.  signale que, conformément au texte fondateur de la conférence, le Parlement européen, le Conseil et la Commission se sont engagés à donner une suite concrète aux conclusions de la conférence, chacun dans le cadre de ses compétences et conformément aux traités;

3.  constate que plusieurs propositions de la conférence supposent de modifier les traités et que, dès lors, la commission des affaires constitutionnelles du Parlement élabore des propositions;

4.  souligne, en particulier à la suite des crises les plus récentes, qu’il est nécessaire que les traités soient rapidement modifiés afin de permettre à l’Union d'agir plus efficacement à l’occasion de crises futures;

5.  soumet au Conseil, dans le cadre de la procédure de révision ordinaire visée à l’article 48 du traité UE, les propositions suivantes de modification des traités, notamment:

   accroître la capacité de l’Union à agir en réformant les procédures de vote, y compris en permettant au Conseil d’adopter des décisions à la majorité qualifiée plutôt qu’à l’unanimité dans les domaines concernés, telles que l’adoption de sanctions et de clauses «passerelles», et à agir en cas d’urgence;
   adapter les compétences que les traités confèrent à l’Union, particulièrement dans les domaines de la santé et des menaces transfrontières sur la santé, dans le cadre de l’achèvement d’une union de l’énergie fondée sur l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables et conçue conformément aux accords internationaux afin d’atténuer le changement climatique, en matière de défense et dans les politiques économiques et sociales; veiller à ce que le socle européen des droits sociaux soit pleinement mis en œuvre et intégrer le progrès social à l’article 9 du traité FUE lié à un protocole sur le progrès social dans les traités; soutenir le renforcement de la compétitivité et de la résilience de l’économie de l’Union, en accordant une attention particulière aux petites et moyennes entreprises et aux contrôles de compétitivité, et stimuler les des investissements tournés vers l’avenir axés sur les transitions juste, verte et numérique;
   doter le Parlement du plein exercice du droit de codécision sur le budget de l’Union et du droit d’initiative, de modification ou d’abrogation de la législation;
   renforcer la procédure de protection des valeurs sur lesquelles se fonde l’Union et préciser la délimitation et les conséquences des violations des valeurs fondamentales (article 7 du traité UE et charte des droits fondamentaux de l’Union européenne);

6.  propose plus spécifiquement que les articles suivants du traité soient modifiés comme suit:

   article 29 du traité UE
"«Le Conseil adopte des décisions qui définissent la position de l’Union sur une question particulière de nature géographique ou thématique. Il statue à la majorité qualifiée si la décision prévoit l’interruption ou la réduction partielle ou totale des relations économiques et financières avec un ou plusieurs pays tiers. Les États membres veillent à la conformité de leurs politiques nationales avec les positions de l’Union.»"
   article 48, paragraphe 7, quatrième alinéa, du traité UE
"«Pour l’adoption de ces décisions, le Conseil européen statue à la majorité qualifiée telle que définie à l’article 238, paragraphe 3, point b), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, après approbation du Parlement européen, qui se prononce à la majorité des membres qui le composent.»"

7.  invite le Conseil à soumettre ces propositions directement au Conseil européen pour examen, en vue de convoquer une convention composée de représentants des parlements nationaux, des chefs d’État ou de gouvernement des États membres, du Parlement et de la Commission;

8.  estime que des représentants des partenaires sociaux de l’Union, du Comité économique et social européen, du Comité européen des régions, de la société civile de l’Union et des pays candidats devraient être invités en qualité d’observateurs à la convention;

9.  charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des États membres.

(1) Textes adoptés de cette date, P9_TA(2022)0141.
(2) JO C 252 du 18.7.2018, p. 201.
(3) JO C 449 du 23.12.2020, p. 90.


Nouvel instrument commercial visant à interdire les produits issus du travail forcé
PDF 127kWORD 48k
Résolution du Parlement européen du 9 juin 2022 sur un nouvel instrument commercial visant à interdire les produits issus du travail forcé (2022/2611(RSP))
P9_TA(2022)0245B9-0291/2022

Le Parlement européen,

–  vu le discours sur l’état de l’Union prononcé le 15 septembre 2021 par Ursula von der Leyen, présidente de la Commission,

–  vu la proposition de la Commission du 23 février 2022 relative à une directive du Parlement européen et du Conseil sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et modifiant la directive (UE) 2019/1937 (COM(2022)0071),

–  vu la communication de la Communication du 23 février 2022 sur le travail décent dans le monde pour une transition juste à l’échelle mondiale et une reprise durable (COM(2022)0066),

–  vu les orientations de la Commission et du Service européen pour l’action extérieure du 12 juillet 2021 sur le devoir de diligence qui doit amener les entreprises de l’UE à contrer le risque de travail forcé dans leurs activités et leurs chaînes d’approvisionnement,

–  vu sa résolution du 17 décembre 2020 sur le travail forcé et la situation des Ouïgours dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang(1),

–  vu sa résolution du 16 décembre 2021 sur le travail forcé dans l’usine de Linglong et les manifestations environnementales en Serbie(2),

–  vu sa résolution du 10 mars 2021 contenant des recommandations à la Commission sur le devoir de vigilance et la responsabilité des entreprises(3),

–  vu la convention de l’Organisation internationale du travail (OIT) de 1930 sur le travail forcé et son protocole de 2014,

–  vu la convention de l’OIT de 1999 sur les pires formes de travail des enfants,

–  vu la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948,

–  vu les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme,

–  vu les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales,

–  vu la question à la Commission sur un nouvel instrument commercial visant à interdire les produits issus du travail forcé (O-000018/2022 – B9-0015/2022),

–  vu l’article 136, paragraphe 5, et l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,

–  vu la proposition de résolution de la commission du commerce international,

A.  considérant que la convention de l’OIT de 1930 sur le travail forcé (nº 29) définit le travail forcé comme «tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de plein gré»; que l’OIT utilise onze indicateurs pour conclure à l’existence de travail forcé; que ces indicateurs sont: l’abus de vulnérabilité, la tromperie, la restriction de la liberté de mouvement, l’isolement, les violences physiques et sexuelles, l’intimidation et les menaces, la confiscation des documents d’identité, la retenue des salaires, la servitude pour dette, des conditions de travail et de vie abusives et heures supplémentaires excessives; que l’occurrence de plus d’un de ces indicateurs est quelquefois nécessaire pour déterminer l’existence du travail forcé;

B.  considérant que l’OIT estime que 25 millions de personnes dans le monde subissent actuellement le travail forcé, dont 20,8 millions y sont contraints par des particuliers et 4,1 millions par la force publique; que les femmes et les filles représentent 61 % des travailleurs forcés; que les travailleurs migrants sont particulièrement vulnérables au travail forcé; que la pandémie de COVID-19 a aggravé la situation;

C.  considérant que, selon les dernières estimations de l’OIT, 160 millions d’enfants dans le monde étaient contraints au travail au début de 2020, soit un enfant sur dix; que 79 millions d’enfants (près de la moitié des enfants contraints au travail) sont victimes des pires formes de travail des enfants, où ils exécutent des travaux qui menacent directement leur santé, leur sécurité et leur développement moral;

D.  considérant que des recherches ont montré que le travail forcé entrave le développement durable et a une incidence négative sur la pauvreté intergénérationnelle, les inégalités et la gouvernance, et qu’il alimente la corruption et les flux financiers illicites;

E.  considérant que l’économie de l’Union est connectée à des millions de travailleurs dans le monde par l’intermédiaire des chaînes d’approvisionnement mondiales; que les consommateurs de l’Union veulent être certains que les biens qu’ils achètent sont produits d’une manière durable et équitable qui garantisse un travail décent à ceux qui les fabriquent;

F.  considérant que le travail forcé est un facteur externe non valorisé qui entrave l’innovation et la productivité et confère un avantage concurrentiel déloyal aux entreprises et aux gouvernements qui le soutiennent;

G.  considérant que la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, affirmait dans son discours sur l’état de l’Union de 2021 que la Commission proposerait d’interdire sur le marché de l’Union les produits issus du travail forcé;

H.  considérant que dans sa proposition de directive sur le devoir de diligence des entreprises en matière de durabilité, la Commission fixe des obligations liées au devoir de diligence pour les grandes entreprises au-delà d’un certain seuil et pour certaines entreprises de secteurs particulièrement sensibles, et leur impose de recenser, de prévenir, d’atténuer et de déclarer les conséquences néfastes, réelles et potentielles, de leurs activités sur les droits de l’homme, y compris les droits des travailleurs, et sur l’environnement, tout au long des chaînes d’approvisionnement mondiales;

I.  considérant que la communication de la Commission du 23 février 2022 sur le travail décent dans le monde pour une transition juste à l’échelle mondiale et une reprise durable (COM(2022)0066) expose les projets de la Commission en vue de l’interdiction de la mise sur le marché de l’Union de produits issus du travail forcé, y compris des enfants; que cette initiative couvrira à la fois les produits nationaux et importés et combinera une interdiction avec un solide cadre de mise en application, fondé sur les risques;

J.  considérant que le travail forcé est un phénomène complexe et qu’une interdiction des produits qui en sont issus ne suffira pas à l’éradiquer ni à éliminer les racines du problème; que pour lutter contre ce problème d’envergure mondiale, l’Union devrait également mettre l’accent sur le dialogue avec les pays tiers, l’assistance technique, le développement des capacités et la sensibilisation; que l’Union devrait s’engager activement au niveau multilatéral pour trouver des solutions collectives afin d’éradiquer le travail forcé;

K.  considérant qu’un certain nombre d’entreprises de l’Union se conforment volontairement à plusieurs dispositifs redondants de responsabilité sociale, mais que l’adoption de ces dispositifs doit encore progresser; que pour remédier à ce problème, l’Union a déjà instauré des règles obligatoires en matière de devoir de vigilance dans des secteurs spécifiques tels que le bois et l’approvisionnement en minerais provenant de zones de conflit;

L.  considérant que l’efficacité de l’exclusion des produits issus du travail forcé dépendra de plusieurs facteurs, tels que la proportion de la demande sectorielle mondiale participant au boycott, les coûts et la viabilité pour les entreprises exportatrices de la réorientation des flux commerciaux, de la réaffectation des échanges ou de la transformation des produits, le pouvoir de marché des fournisseurs, ou encore la réaction des pouvoirs publics du pays hôte aux pressions extérieures;

M.  considérant qu’il convient de combiner plusieurs instruments pour résoudre les divers problèmes liés au travail forcé;

N.  considérant que pour être compatible avec les règles de l’OMC, toute exclusion de produits doit être structurée de sorte à ne pas enfreindre d’engagements en matière de libre-échange et à ne pas engendrer de discrimination de biens en fonction de leur origine géographique; considérant que l’article XX de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce établit les motifs juridiques justifiant les décisions d’exclusion de produits; que toute exclusion doit être fondée sur des éléments probants et doit être précédée par la consultation des parties concernées;

O.  considérant que l’introduction d’une interdiction des produits issus du travail forcé est une priorité politique pour le Parlement comme pour l’Union dans son ensemble;

1.  plaide pour un nouvel instrument commercial compatible avec les règles de l’OMC et complémentaire des règles de diligence raisonnable en matière de durabilité en vue d’interdire l’importation et l’exportation de produits fabriqués ou acheminés en recourant au travail forcé, instrument qu’il convient de compléter par des mesures concernant le commerce intra-UE; souligne que tout cadre envisagé par l’Union doit être proportionné, non discriminatoire et efficace, dans le respect de l’engagement en faveur d’un système commercial ouvert et fondé sur des règles; précise qu’il convient que la nouvelle proposition repose sur les pratiques exemplaires de pays dotés de législations similaires, tels que les États-Unis et le Canada;

2.  souligne que la détermination du recours au travail forcé devrait s’appuyer sur les indicateurs de l’OIT en la matière, y compris ses lignes directrices publiées sous le titre «Hard to see, harder to count – Survey guidelines to estimate forced labour of adults and children»;

3.  estime que le nouvel instrument devrait permettre d’interdire les produits issus du travail forcé provenant d’un site de production particulier, d’un importateur ou d’une entreprise spécifique, d’une région particulière, lorsque le travail forcé est appuyé par un État, ou encore d’une flotte ou d’un navire de transport particulier;

4.  est d’avis que le nouvel instrument de l’Union devrait permettre aux pouvoirs publics de saisir des marchandises à la frontière de l’Union, de leur propre initiative ou sur la base d’informations reçues, lorsqu’ils estiment disposer de suffisamment d’éléments probants pour conclure que les biens concernés ont été produits ou transportés en recourant au travail forcé; relève que l’importateur dont les marchandises ont été saisies devrait alors avoir la possibilité de réfuter cette accusation en prouvant que celles-ci n’ont pas été produites ou transportées en recourant au travail forcé, à la suite de quoi il pourrait obtenir la mainlevée des marchandises; précise que les éléments destinés à prouver l’absence de travail forcé doivent reposer sur les normes de l’OIT;

5.  note qu’il convient de saisir des produits dès lors que des autorités publiques ont constaté, au regard de preuves suffisantes, qu’il a été recouru au travail forcé pour leur fabrication ou leur transport, ou que ces produits proviennent d’une région particulière où un État impose le travail forcé; souligne qu’il convient de libérer la cargaison saisie si l’entreprise peut prouver qu’il n’a pas été recouru au travail forcé ou que des mesures de réparation ont été prises et qu’aucun indicateur du travail forcé ne subsiste;

6.  reconnaît que plusieurs entreprises de l’Union s’efforcent déjà de garantir l’absence de pratiques contraires aux droits de l’homme et des travailleurs dans leurs chaînes d’approvisionnement; invite la Commission à apporter aux entreprises, notamment aux PME, le soutien nécessaire, qu’il soit technique ou autre, pour se conformer aux nouvelles règles et leur éviter ainsi des contraintes inutiles; demande en outre à la Commission d’évaluer la mise en œuvre de l’instrument et son incidence sur les entreprises de l’Union;

7.  estime que la Commission, en particulier le responsable européen du respect des règles du commerce, ainsi que les autorités nationales, doivent être habilitées à ouvrir des enquêtes; fait observer que les autorités publiques devraient être en mesure d’agir sur la base des informations fournies par des parties prenantes, des ONG ou des travailleurs concernés au moyen d’une procédure de plainte formalisée et sécurisée, par exemple par l’intermédiaire du point d’entrée unique;

8.  invite la Commission à veiller à ce que le nouvel instrument de l’Union impose aux entreprises responsables d’indemniser les travailleurs concernés avant la levée des restrictions à l’importation; préconise d’assurer un suivi des mesures de réparation et des mesures correctives en coopération avec les parties prenantes concernées, y compris les organisations de la société civile et les syndicats;

9.  estime qu’il convient de créer un système de coordination au niveau de l’Union pour soutenir les autorités douanières des États membres et garantir la transparence de toutes les procédures engagées;

10.  souligne que les pouvoirs publics peuvent exiger des entreprises qu’elles divulguent des informations pertinentes concernant des filiales, des fournisseurs, des sous-traitants, des contractants et des partenaires commerciaux de la chaîne d’approvisionnement, dans le respect de la confidentialité commerciale; invite la Commission, à cet effet, à formuler des lignes directrices pour aider les entreprises à élaborer un processus d’analyse de la chaîne d’approvisionnement afin de déterminer ce qui constitue une information pertinente; souligne qu’une base de données publique contenant des informations sur différents fournisseurs, le risque qu’ils posent ou, au contraire, les éléments témoignant de conditions de travail décentes, pourrait contribuer à réduire les contraintes administratives pour les entreprises;

11.  préconise d’établir et de tenir à jour une liste publique des entités, régions et produits faisant l’objet de sanctions;

12.  insiste sur l’importance de coopérer avec des partenaires partageant les mêmes valeurs afin de mettre un terme au travail forcé à l’échelle mondiale et de veiller à ce que les biens qui en sont issus ne fassent pas l’objet d’échanges commerciaux; relève que des efforts conjoints sont nécessaires pour éviter le contournement de l’interdiction et le réacheminement des biens soupçonnés d’avoir été produits par le travail forcé;

13.  est d’avis que pour produire un changement à l’échelle mondiale, l’Union devrait travailler en étroite collaboration avec ses partenaires dans le cadre d’actions et d’enquêtes communes; préconise que les délégations de l’Union jouent un rôle actif et nouent le dialogue avec les pays tiers et les parties prenantes sur les questions liées à la nouvelle législation;

14.  fait observer qu’il convient d’assurer la cohérence et la complémentarité du nouvel instrument commercial visant à interdire les produits issus du travail forcé avec les autres initiatives mises en œuvre en matière de devoir de vigilance, de droits de l’homme et de durabilité; note qu’il convient d’en tenir compte dans le contexte du réexamen du plan d’action en 15 points relatif aux chapitres sur le commerce et le développement durable ainsi que des chapitres sur le commerce et le développement durable des accords de libre-échange que l’Union sera amenée à conclure;

15.  préconise de mobiliser des investissements publics et privés pour développer des capacités de production supplémentaires exemptes de travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement touchées;

16.  charge sa Présidente de transmettre la présente résolution à la Commission, au Conseil et aux États membres.

(1) JO C 445 du 29.10.2021, p. 114.
(2) Textes adoptés de cette date, P9_TA(2021)0511.
(3) JO C 474 du 24.11.2021, p. 11.

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