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Procédure : 2023/2901(RSP)
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B9-0449/2023

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PV 19/10/2023 - 10.3
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P9_TA(2023)0374

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Jeudi 19 octobre 2023 - Strasbourg
L’état de droit à Malte 6 ans après l’assassinat de Daphne Caruana Galizia et la nécessité de protéger les journalistes
P9_TA(2023)0374B9-0449/2023

Résolution du Parlement européen du 19 octobre 2023 sur l’état de droit à Malte six ans après l’assassinat de Daphne Caruana Galizia et la nécessité de protéger les journalistes (2023/2901(RSP))

Le Parlement européen,

–  vu les articles 2, 4, 5, 6, 7, 9 et 10 du traité sur l’Union européenne (traité UE),

–  vu l’article 20 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

–  vu les articles 6, 7, 8, 10, 11, 12 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (la «charte»),

–  vu ses résolutions du 15 novembre 2017 sur l’état de droit à Malte(1), du 28 mars 2019 sur la situation en matière d’état de droit et de lutte contre la corruption dans l’Union, notamment à Malte et en Slovaquie(2), du 18 décembre 2019 sur l’état de droit à Malte, après les récentes révélations sur l’assassinat de Daphne Caruana Galizia(3), du 29 avril 2021 sur l’assassinat de Daphne Caruana Galizia et l’état de droit à Malte(4) et du 20 octobre 2022 sur l’état de droit à Malte, cinq ans après l’assassinat de Daphne Caruana Galizia(5),

–  vu les auditions, les échanges de vues et les visites de délégations auxquels a procédé le groupe de surveillance de la démocratie, de l’état de droit et des droits fondamentaux de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures depuis le 15 novembre 2017,

–  vu les échanges de lettres entre le président du groupe de surveillance de la démocratie, de l’état de droit et des droits fondamentaux et le Premier ministre maltais,

–  vu la résolution 2293(2019) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe du 26 juin 2019 intitulée «L’assassinat de Daphne Caruana Galizia et l’État de droit à Malte et ailleurs: veiller à ce que toute la lumière soit faite»,

–  vu le rapport de suivi de la résolution 2293(2019) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, approuvé par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire le 8 décembre 2020,

–  vu l’avis n° 993/2020 de la Commission de Venise du 8 octobre 2020 sur dix lois et projets de loi mettant en œuvre des propositions législatives objets de l’avis CDL-AD(2020)006,

–  vu le rapport du commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, faisant suite à sa visite en Pologne du 11 au 16 octobre 2021,

–  vu la lettre du 23 septembre 2022 du commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe au Premier ministre maltais, et la réponse du 4 octobre 2022 de ce dernier,

–  vu les lettres du 26 septembre 2023 adressées par la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe au Premier ministre et au président de la Chambre des représentants de Malte, et les réponses respectives de ces derniers,

–  vu la communication de la Commission du 5 juillet 2023 intitulée «Rapport 2023 sur l’état de droit» (COM(2023)0800),

–  vu le rapport de mission de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures faisant suite à la visite de sa délégation sur l’état de droit à La Valette (Malte), du 23 au 25 mai 2022,

–  vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,

A.  considérant que l’Union est fondée sur les valeurs communes, consacrées à l’article 2 du traité UE, que sont le respect de la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’état de droit, ainsi que le respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités, valeurs communes aux États membres de l’Union et que les pays candidats doivent respecter pour adhérer à l’Union dans le cadre des critères de Copenhague, lesquelles ne peuvent pas être ignorées ou réinterprétées après l’adhésion; que la démocratie, l’état de droit et les droits fondamentaux sont des valeurs complémentaires et qui, lorsqu’elles sont affaiblies, peuvent constituer une menace systémique pour l’Union, ainsi que pour les droits et libertés de ses citoyens;

B.  considérant que l’état de droit, le respect de la démocratie, des droits de l’homme, des libertés fondamentales et des valeurs et principes consacrés par les traités de l’Union européenne et les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme sont des obligations s’imposant à l’Union et à ses États membres qui doivent être honorées;

C.  considérant que la charte fait partie intégrante du droit primaire de l’Union; que la liberté d’expression ainsi que la liberté et le pluralisme des médias sont consacrés par l’article 11 de la charte et par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH);

D.  considérant que l’indépendance du pouvoir judiciaire est consacrée par l’article 19, paragraphe 1, du traité UE, l’article 47 de la charte et l’article 6 de la CEDH, et qu’elle est essentielle pour mettre fin à l’impunité des auteurs de crimes contre les journalistes et garantir la sécurité et la protection de ces derniers; que, pour éviter que des actes ne restent impunis, les États membres ont l’obligation de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour traduire en justice les auteurs de crimes contre des journalistes et d’autres acteurs des médias; qu’un système judiciaire indépendant et efficace, ainsi que l’adoption et la mise en œuvre intégrale de mesures visant à garantir la liberté des médias, la liberté d’expression, le droit d’accès à l’information et la protection des journalistes et des professionnels des médias, sont des éléments essentiels pour promouvoir et créer un environnement propice à un journalisme libre et indépendant;

E.  considérant que les journalistes, notamment les journalistes d’investigation, sont de plus en plus souvent la cible de «poursuites stratégiques altérant le débat public» (poursuites-bâillons), tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Union, qui ne visent pas à remporter une victoire juridique, mais plutôt à exercer des pressions financières, psychologiques et temporelles sur les journalistes dans le seul but de faire échec à leur travail, de saper le contrôle public et d’éviter que les autorités n’aient à rendre des comptes; que cette situation a des effets dévastateurs pour la liberté des médias; considérant que la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a averti que «l’accès à l’information à Malte continuait d’être entravé» et constaté que «règne au sein des institutions publiques une culture du secret qui n’a pas lieu d’être concernant des informations qui pourraient présenter un intérêt notable pour le public»;

F.  considérant que des journalistes ont été la cible de logiciels espions tels que Pegasus et Predator; que, selon Dunja Mijatovic, commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, «les logiciels espions hautement intrusifs menacent l’essence des droits de l’homme» et ne devraient pas être considérés comme nécessaires ou proportionnés dans une société démocratique; que le ciblage des journalistes au moyen de logiciels espions compromet la confidentialité de leurs sources et, partant, le fonctionnement et la crédibilité de l’un des piliers les plus essentiels de nos sociétés démocratiques, à savoir le libre accès à l’information pour tous et la promotion d’un environnement médiatique pluraliste; que les institutions de l’Union et les États membres devraient donner suite sans retard aux recommandations formulées dans le rapport de la commission d’enquête chargée d’enquêter sur l’utilisation de Pegasus et de logiciels espions de surveillance équivalents;

G.  considérant que, dans le rapport 2023 sur l’état de droit, la Commission a souligné que, eu égard aux normes européennes sur la protection des journalistes, aucun progrès supplémentaire n’a été accompli en ce qui concerne l’accès aux documents officiels, et que les journalistes maltais «continuent de rencontrer des difficultés dans l’exercice de leur profession»;

H.  considérant que les États membres devraient instaurer d’urgence des mécanismes d’alerte précoce et de réaction rapide afin de garantir aux journalistes et aux autres acteurs des médias de bénéficier immédiatement de mesures de protection lorsqu’ils sont menacés; que ces mécanismes devraient être soumis à un contrôle effectif de la société civile et garantir la protection des lanceurs d’alerte et des sources qui souhaitent rester anonymes; que la loi sur la protection des lanceurs d’alerte, chapitre 529 des lois de Malte, a été mise à jour en 2021 afin de transposer la directive (UE) 2019/1937 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union(6);

I.  considérant que Daphne Caruana Galizia, journaliste et blogueuse d’investigation maltaise spécialisée dans les questions de corruption, a été assassinée dans un attentat à la voiture piégée le 16 octobre 2017; qu’elle a été la cible de harcèlement et de nombreuses menaces;

J.  considérant que l’enquête menée par les autorités maltaises, avec l’aide d’Europol, sur cet assassinat a conduit à l’identification, à l’inculpation et au procès de plusieurs suspects et du commanditaire potentiel; que l’un des assassins condamnés de Daphne Caruana Galizia a été vu en public, dans l’assistance d’une fête de famille organisée à l’occasion d’un baptême, en février 2023; considérant que la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a noté, le 26 septembre 2023, qu’«aucun résultat significatif n’a été obtenu pour ce qui est de traduire en justice tous les responsables de l’assassinat de Daphne Caruana Galizia»;

K.  considérant que les Émirats arabes unis ont servi à dissimuler des transactions qui seraient liées à la corruption, que Daphne Caruana Galizia était en train de percer à jour au moment de son assassinat;

L.  considérant que département d’État des États-Unis a mis en cause le chef de cabinet de l’ancien Premier ministre maltais et de l’ancien ministre du tourisme, précédemment ministre de l’énergie, ainsi que leurs familles en raison de leur implication dans des faits de corruption graves, et les a donc frappés d’une interdiction d’entrée sur le territoire américain;

M.  considérant l’absence de progrès dans les procédures judiciaires engagées contre des responsables de la banque Pilatus et les anciens associés de la société Nexia BT, aujourd’hui démantelée, et concernant les soupçons de corruption liée au contrat ElectroGas sur lesquels Daphne Caruana Galizia enquêtait au moment de son assassinat, procédures que le Parlement avait abordées dans sa résolution du 20 octobre 2022;

N.  considérant que l’état de droit n’est pas uniquement menacé par des cadres juridiques inadaptés, mais également par la culture de l’impunité qui perdure à la faveur d’un équilibre des pouvoirs institutionnels vicié et volontairement entretenu qui favorise les ingérences politiques et entrave la mise en application effective des lois, sans laquelle il est impossible de mener à bien des poursuites pour corruption;

O.  considérant qu’une enquête publique indépendante sur l’assassinat de Daphne Caruana Galizia a été ouverte fin 2019 à la suite d’une demande de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et a finalement achevé ses travaux le 29 juillet 2021; que les responsables de l’enquête publique ont publié un rapport final contenant un ensemble de conclusions et de recommandations relatives au renforcement de l’état de droit, au respect de la liberté de la presse, à la liberté d’expression et à la protection des journalistes, à une réforme juridique au niveau constitutionnel et à des propositions législatives sur la liberté des médias; que les conclusions de l’enquête publique ont également établi que «même si rien ne prouve que l’État ait, en soi, joué un rôle dans l’assassinat de Daphne Caruana Galizia [...], l’État devrait assumer la responsabilité de l’assassinat pour avoir créé un climat d’impunité émanant du plus haut niveau au cœur de l’administration à Castille et étendu son emprise tentaculaire à d’autres entités telles que les institutions réglementaires et la police, provoquant ainsi l’effondrement de l’état de droit»; que les éléments de preuve présentés lors de l’enquête publique «ont révélé une vaste culture de l’impunité non seulement pour les hauts fonctionnaires de l’administration publique, y compris des personnes de confiance, mais aussi pour un cercle restreint de responsables politiques, d’hommes d’affaires et de criminels»;

P.  considérant que des journalistes d’investigation maltais ont révélé un scandale impliquant l’achat de votes de partisans mécontents du gouvernement, les incitant à utiliser des documents officiels falsifiés, y compris de faux certificats médicaux; que des auxiliaires et des intermédiaires ont ensuite cherché à obtenir des rétrocommissions et ont extorqué de l’argent aux bénéficiaires directs; que l’association maltaise des employeurs a déclaré qu’il était inacceptable d’étouffer ces scandales sous prétexte qu’il s’agirait du fonctionnement normal du système politique et que ces pratiques envoient un message dangereux à tous les secteurs de la société maltaise; que des intermédiaires et des affidés du parti au pouvoir continuent d’être protégés contre les poursuites; qu’il est manifeste, au regard de ces incidents, que de graves problèmes de gouvernance perdurent à Malte et que cela affecte la vie des citoyens maltais ainsi que la réputation internationale du pays;

Q.  considérant que des journalistes d’investigation maltais ont révélé un autre scandale impliquant des fonctionnaires se livrant à un trafic d’influence pour octroyer le permis de conduire en fonction de l’allégeance politique du bénéficiaire; qu’aucun des hauts fonctionnaires qui ont permis aux personnes concernées de bénéficier d’un traitement préférentiel n’a été poursuivi;

R.  considérant que des informations ont été divulguées qui indiquent que les données recueillies par le parti au pouvoir sur les préférences électorales de la population ont été utilisées contre des citoyens pour leur refuser des services publics et leur faire subir des discriminations systématiques; que le commissaire maltais à la protection des données a ouvert une enquête sur l’utilisation abusive systématique des données personnelles des citoyens;

S.  considérant que le Premier ministre maltais a minimisé des actes de corruption institutionnalisée, entérinant ainsi la culture de l’impunité des fonctionnaires soupçonnés d’être impliqués dans des scandales;

T.  considérant qu’en septembre 2023, des militants de la société civile ont été interrogés par la police après avoir organisé des manifestations contre le radiodiffuseur national, dont le président a été impliqué dans les scandales mais n’a pas été poursuivi; que des organisations non gouvernementales et des représentants de la société civile ont accusé le radiodiffuseur public national de censure; que Malte, désormais en 51e position, a perdu trois places par rapport à l’an dernier au classement de l’indice de perception de la corruption de Transparency International, qui estime que l’une des principales raisons de ce recul est l’ingérence politique dans les médias publics; qu’en février 2023, la Cour constitutionnelle a jugé que l’autorité de radiodiffusion avait un devoir constitutionnel de garantir d’office, de manière proactive et avec diligence, l’impartialité de la radiodiffusion;

U.  considérant que le gouvernement maltais a proposé plusieurs réformes afin de donner suite à certaines des recommandations formulées à l’issue de l’enquête publique, notamment un projet de loi visant à renforcer la liberté des médias et une proposition de loi contre les poursuites-bâillons; que la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a exhorté les membres du parlement maltais à rejeter les propositions du gouvernement au motif qu’elles «ignorent largement» les contributions d’acteurs nationaux et internationaux; que la commissaire a critiqué le gouvernement pour n’avoir tenu aucun compte de «la transparence et la consultation approfondie que la gravité de la situation exige»;

V.  considérant que la dernière analyse de l’instrument de surveillance du pluralisme des médias conclut que le risque pour l’autonomie éditoriale et l’indépendance politique est «élevé» et qu’il y a lieu de relever le risque global pour le pluralisme des médias à Malte de «moyen» à «élevé»;

W.  considérant que le classement mondial 2023 de la liberté de la presse de Reporters sans frontières fait état d’une détérioration du paysage médiatique national, Malte perdant six places par rapport à 2022 et se classant au 84e rang sur 180; que, selon ce même rapport, le cadre juridique et réglementaire national ne permet pas aux journalistes d’exercer leurs droits;

X.  considérant que la plateforme d’information maltaise The Shift News est la cible de 40 procédures judiciaires distinctes formées par des autorités publiques contre des demandes concernant la liberté d’information à propos du financement public des médias indépendants; que The Shift News a eu gain de cause, à grands frais, dans les procédures qui ont été clôturées;

Y.  considérant que, selon la coalition contre les poursuites-bâillons en Europe, le nombre de ces poursuites en Europe a augmenté en 2022 pour atteindre un record de 161 cas signalés; que, selon cette même source, Malte compte le plus grand nombre de poursuites-bâillons par habitant, avec 19,93 cas pour 100 000 habitants; que Daphne Caruana Galizia faisait l’objet de 43 procédures civiles et de 5 procédures pénales au moment de son assassinat;

Z.  considérant que les recommandations du groupe d’États contre la corruption continuent toutefois d’être ignorées, comme l’a fait observer la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe;

AA.  considérant que les efforts visant à protéger le journalisme ne peuvent aboutir si des efforts d’égale ampleur ne sont pas déployés pour lutter contre la corruption et le blanchiment de capitaux, de même que la lutte contre la corruption et le blanchiment de capitaux échouera sans une presse forte et pluraliste;

1.  rend hommage à Daphne Caruana Galizia, six ans après son assassinat, et au précieux travail qu’elle a fourni pour dénoncer la corruption, la criminalité organisée, la fraude fiscale et le blanchiment de capitaux, et demander des comptes aux personnes impliquées dans ces activités illégales; condamne fermement la criminalisation, les attaques et les assassinats dont sont victimes les journalistes pour avoir exercé leur métier, notamment les assassinats de Ján Kuciak et de sa fiancée Martina Kušnírová, le 21 février 2018, de Viktoria Marinova, le 6 octobre 2018, du journaliste grec Giorgos Karaivaz, le 9 avril 2021 et du journaliste néerlandais Peter R. de Vries, le 15 juillet 2021; insistent sur le rôle crucial qu’ils jouent pour découvrir la vérité, protéger la démocratie et mettre fin à la culture de l’impunité; exprime sa profonde consternation face à l’absence de toute enquête sérieuse sur le meurtre de Giorgos Karaivaz, l’arrestation de deux suspects semblant plutôt être liée à la campagne électorale; demande aux autorités grecques de veiller à ce que la justice soit rendue en bonne et due forme; rend également hommage à tous les journalistes tués en Europe ces dernières années; réaffirme l’importance capitale que revêtent des médias indépendants et une société civile dynamique en tant que piliers fondamentaux de la justice, de la démocratie et de l’état de droit; relève que l’assassinat de journalistes ne touche pas seulement un État membre mais toute l’Union européenne; est fermement convaincu que la protection de l’état de droit démocratique est une responsabilité commune qui transcende les frontières nationales et les clivages politiques;

2.  est profondément préoccupé par le peu de progrès accomplis dans les procédures judiciaires concernant l’assassinat de Daphne Caruana Galizia depuis la résolution adoptée par le Parlement, le 20 octobre 2022, à l’occasion du cinquième anniversaire de son assassinat, et par le fait qu’à ce jour, seulement trois condamnations mineures ont été prononcées tandis que le commanditaire de l’assassinat n’a toujours pas été condamné; exhorte les autorités maltaises à accélérer les procédures judiciaires afin de veiller à ce que la justice soit rendue; demande donc une nouvelle fois que l’enquête sur les véritables mobiles de l’assassinat et la procédure pénale soient menées à leur terme le plus rapidement possible afin que toutes les personnes impliquées dans cet assassinat, à tous les niveaux, répondent de leurs actes devant la justice; demande une nouvelle fois qu’Europol soit pleinement et durablement associé à tous les aspects de l’enquête sur cet assassinat ainsi qu’à toutes les enquêtes qui y sont liées;

3.  exhorte les institutions de l’Union et les États membres à garantir la sécurité et la protection des journalistes et des professionnels des médias; demande en outre aux institutions de l’Union et aux États membres de se conformer sans délai aux recommandations du Parlement sur la protection des journalistes;

4.  rappelle les préoccupations qu’il a exprimées et les recommandations qu’il a formulées dans ses précédentes résolutions sur Malte;

5.  est consterné par la déclaration du Premier ministre du 3 octobre 2023 par laquelle il minimise les actes de corruption institutionnalisée; estime que de telles déclarations contribuent à entériner la culture de l’impunité des fonctionnaires soupçonnés d’être impliqués dans des scandales;

6.  s’inquiète du fait que deux ans après la publication du rapport concernant l’enquête publique, le processus de mise en œuvre des recommandations qu’il contient laisse encore nettement à désirer; relève que le gouvernement maltais a présenté plusieurs réformes, notamment des propositions législatives visant à donner suite à certaines de ces recommandations; fait observer que la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a dit sa préoccupation quant au fait que ces propositions de réforme lacunaires ont été présentées sans tenir compte des contributions d’organisations nationales et internationales; demande donc au gouvernement maltais de mettre en œuvre sans plus tarder toutes les recommandations du rapport d’enquête publique, notamment celles sur l’état de droit et la criminalité organisée;

7.  demande qu’il soit mis fin à la culture de l’impunité; préconise donc d’ouvrir rapidement des enquêtes et des poursuites approfondies et indépendantes contre tous les agents publics soupçonnés d’être impliqués dans des actes de corruption, d’extorsion et de trafic d’influence exposés par des journalistes d’investigation à Malte, y compris au regard du système d’achat de voix et de l’escroquerie au permis de conduire; insiste sur le fait que les journalistes continueront d’être menacés tant que la corruption restera impunie;

8.  invite le Contrôleur européen de la protection des données à surveiller l’enquête en cours à Malte, qui a été annoncée publiquement le 9 octobre 2023 et qui examinera l’utilisation abusive des données personnelles de citoyens maltais, qui auraient pu être utilisées à des fins de discrimination fondée sur l’appartenance politique;

9.  souligne qu’il est essentiel que la grande criminalité financière et économique, en particulier la corruption et le blanchiment de capitaux, fasse l’objet de poursuites rigoureuses; est cependant consterné par le fait que les poursuites engagées pour les faits de corruption et de blanchiment de capitaux sur lesquels enquêtait Daphne Caruana Galizia au moment de son assassinat, et qui impliquent des suspects dans les plus hautes sphères politiques, soient encore dans l’impasse; s’alarme également des défaillances institutionnelles des services répressifs et de la justice à Malte et exhorte les autorités compétentes à traduire en justice toute personne impliquée dans une ou plusieurs des nombreuses affaires faisant actuellement l’objet d’enquêtes ou de signalements; invite les autorités maltaises à remédier aux problèmes liés aux atermoiements des enquêtes dans les affaires de corruption de haut niveau, en veillant notamment améliorer leur bilan en ce qui concerne les jugements définitifs; souligne que la durée excessive de ces enquêtes continue d’entraver les progrès en matière d’état de droit; souligne l’importance de l’indépendance institutionnelle pour un bon fonctionnement de l’état de droit; invite les autorités maltaises à avancer dans les enquêtes sur les éventuelles tentatives de dissimulation de preuves et d’obstruction commises par des agents publics en poste à l’époque dans le cadre des enquêtes et procédures judiciaires;

10.  exprime une nouvelle fois son inquiétude face à la lenteur de l’enquête et de la procédure judiciaire contre les responsables de la banque Pilatus, ainsi qu’aux efforts déployés par les autorités maltaises pour suspendre cette procédure après que le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements aurait apparemment adopté des mesures conservatoires; demande des éclaircissements sur les mesures conservatoires adoptées par le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements le 14 septembre 2022, étant donné qu’un juge a laissé entendre que le gouvernement avait induit le tribunal en erreur sur le blocage de la procédure; demande une nouvelle fois aux organes internationaux et européens compétents de continuer à suivre les progrès accomplis dans les cas présumés de blanchiment de capitaux et de corruption;

11.  préconise de débloquer des moyens supplémentaires pour les enquêtes et les poursuites en matière de criminalité; déplore que le gouvernement maltais ait mis en place un mécanisme antiblocage pour la nomination du commissaire aux normes à la majorité simple, contrairement à l’avis de la Commission de Venise; regrette que la polarisation fasse obstacle à la prise de décisions par consensus à Malte; note que l’augmentation du nombre de magistrats a peut-être facilité la réduction de la durée des procédures judiciaires de 550 à 529 jours, bien que cette réduction ne constitue qu’une des recommandations issues de l’enquête publique; déplore les défaillances du système judiciaire maltais et demande que des solutions soient trouvées pour écourter les procédures;

12.  invite la Commission de Venise à élaborer un avis sur le renforcement du cadre juridique national maltais afin de sanctionner efficacement et énergiquement la corruption, notamment la corruption à haut niveau et les abus de pouvoir;

13.  invite la Commission à prendre au sérieux la culture de l’impunité à Malte et à œuvrer en faveur d’un retour rapide au respect de la démocratie et de l’état de droit à Malte; demande à la Commission d’utiliser tous les outils pertinents à sa disposition pour veiller à ce que le droit soit appliqué de la même manière pour tous;

14.  est préoccupé par l’impunité dont bénéficient l’ancien Premier ministre, son chef de cabinet et l’ancien ministre du tourisme, également ancien ministre de l’énergie;

15.  souligne que l’action de la police contre les militants constitue une intimidation qui a un effet dissuasif sur la participation du public et contribue à réduire au silence la société civile, en particulier dans le contexte d’impunité persistante dont jouissent les auteurs de crimes; appelle de ses vœux des réformes juridiques, administratives et politiques conformes aux normes internationales afin de remédier pleinement aux problèmes systémiques recensés dans l’enquête publique;

16.  demande au gouvernement maltais, à l’instar de la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, de renoncer à la rhétorique négative qu’il déploie contre les journalistes et de cesser d’alimenter le climat d’hostilité envers les journalistes et les professionnels des médias; s’inquiète de la persistance d’entraves à la liberté et au pluralisme des médias, par exemple en ce qui concerne les demandes d’accès à des informations adressées au gouvernement, ainsi que du financement potentiellement discriminatoire des médias; condamne la culture du secret qui règne indûment au sein des institutions étatiques concernant des informations qui pourraient présenter un intérêt notable pour le public; demande une nouvelle fois au gouvernement maltais de retirer les recours qu’il a engagés contre une série de demandes déposées par The Shift News concernant la liberté d’information;

17.  regrette que les propositions présentées par le gouvernement maltais n’améliorent pas la situation en matière de liberté des médias; prie instamment les autorités maltaises de s’assurer que les réformes proposées respectent les normes européennes et internationales en matière de protection des journalistes, en particulier afin de prévenir et de sanctionner les menaces et le harcèlement dont des journalistes sont la cible, publiquement et en ligne, et de les mettre rapidement en œuvre; presse les autorités maltaises d’adopter également de nouvelles mesures et d’autres garanties pour instaurer un environnement propice à un journalisme critique et indépendant à Malte ainsi qu’à l’application de l’obligation des responsables politiques et des fonctionnaires de rendre des comptes sur leur action;

18.  s’inquiète du fait que, selon certaines sources, un comité d’experts des médias, au rang desquels quelques représentants des médias, a été chargé de prodiguer ses conseils sur les changements à apporter au secteur des médias, mais que le gouvernement maltais n’a pas procédé à une véritable consultation publique; juge préoccupant que les autorités maltaises n’aient pas tenu compte des appels à mener une vaste consultation publique concernant le secteur des médias et, en particulier, à endiguer les poursuites-bâillons; adhère à la demande faite par la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe au Parlement maltais de ne pas adopter la législation lacunaire proposée, y compris les modifications de la constitution, jusqu’à ce que les projets de loi aient fait l’objet d’une consultation rigoureuse et transparente, mesure qui devrait constituer une priorité; souligne que toute mesure visant à améliorer les projets de loi doit se fonder sur les recommandations formulées dans le rapport d’enquête publique et que ces modifications doivent, à tout le moins, respecter les normes internationales en matière de protection et de sécurité des journalistes et de liberté des médias afin de garantir la qualité de la législation sur les médias; rappelle au gouvernement maltais qu’il lui incombe d’organiser de vastes consultations publiques, inclusives et structurées, sur les réformes juridiques;

19.  déplore le fait que des journalistes, tout comme des membres de la famille de Daphne Caruana Galizia, soient encore la cible de poursuites-bâillons, et réitère son appel pressant et urgent aux personnes qui ont engagé ces procédures en tant qu’agents de l’État, notamment l’ancien premier ministre et les anciens fonctionnaires du gouvernement, à les abandonner;

20.  rappelle que les tribunaux maltais ont la possibilité de considérer les poursuites pour diffamation comme «manifestement infondées» et, partant, de les rejeter; demande une nouvelle fois aux autorités maltaises de mettre en œuvre la recommandation (UE) 2021/1534 de la Commission du 16 septembre 2021 visant à garantir la protection, la sécurité et le renforcement des moyens d’action des journalistes et autres professionnels des médias dans l’Union européenne (C(2021)6650) et d’adopter des mesures effectives pour protéger les journalistes; rappelle qu’une telle directive ne pourrait s’appliquer qu’aux poursuites-bâillons ayant une dimension transfrontière; demande aux autorités maltaises de traiter également les affaires à l’échelon national au moyen d’une législation efficace contre les poursuites-bâillons, conformément aux observations et recommandations du Conseil de l’Europe; invite les institutions de l’Union à s’entendre rapidement sur une directive ambitieuse contre les poursuites-bâillons et demande aux autorités maltaises de mettre pleinement en œuvre la recommandation accompagnant la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection des personnes qui participent au débat public contre les procédures judiciaires manifestement infondées ou abusives («poursuites stratégiques altérant le débat public») (COM(2022)0177); demande à la Commission d’envisager la possibilité d’adopter des actes supplémentaires pour couvrir tous les cas de poursuites-bâillons;

21.  demande au gouvernement maltais d’aller plus loin pour répondre aux préoccupations concernant la liberté et l’indépendance des médias publics à l’égard des ingérences politiques, y compris par un cadre garantissant la transparence de la publicité publique, ainsi que le développement des discours de haine sur les médias sociaux; rappelle que la législation européenne sur la liberté des médias devrait contribuer à garantir la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias dans l’ensemble de l’Union, y compris au regard de la transparence de la propriété des médias et des mesures visant à empêcher que la concentration des médias ne nuise au pluralisme; invite les institutions de l’Union à parvenir rapidement à un accord sur une législation européenne ambitieuse sur la liberté des médias;

22.  demande au gouvernement maltais de consacrer enfin le droit à l’avortement légal et sûr dans le droit national, mesure précédemment annoncée par le gouvernement, qui, au lieu d’engager une procédure législative en vue de son adoption, a au contraire fait adopter une loi restrictive sur l’avortement;

23.  rappelle au gouvernement maltais qu’il s’est engagé à créer une base de données pour recueillir des informations sur les dénonciations de dysfonctionnements d’ici la fin de 2024, et que, selon le rapport 2023 sur l’état de droit, les recommandations concernant des mesures visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte n’ont pas été mises en œuvre;

24.  prie instamment le gouvernement de faire une priorité de la création d’un poste de commissaire aux droits de l’homme et à l’égalité, conformément aux principes de Paris et à l’acquis de l’Union en matière d’égalité;

25.  demande une nouvelle fois aux autorités maltaises de mettre pleinement en œuvre l’ensemble des recommandations encore en souffrance de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, de la Commission de Venise, du Groupe d’États contre la corruption et du Comité d’experts sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (Moneyval);

26.  souligne que le programme de citoyenneté par investissement que propose Malte reste une source de préoccupation majeure; rappelle sa position selon laquelle la citoyenneté de l’Union n’est pas à vendre et demande l’interdiction immédiate de ce programme à Malte et dans toute l’Union; attend l’arrêt définitif de la Cour de justice de l’Union européenne sur cette question;

27.  charge sa Présidente de transmettre la présente résolution à la Commission, au Conseil, au Contrôleur européen de la protection des données, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au Conseil de l’Europe, au Groupe d’action financière, au gouvernement et au parlement des Émirats arabes unis ainsi qu’au Président de la République de Malte.

(1) JO C 356 du 4.10.2018, p. 29
(2) JO C 108 du 26.3.2021, p. 107.
(3) JO C 255 du 29.6.2021, p. 22.
(4) JO C 506 du 15.12.2021, p. 64.
(5) JO C 149 du 28.4.2023, p. 15.
(6) Directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union (JO L 305 du 26.11.2019, p. 17).

Dernière mise à jour: 8 février 2024Avis juridique - Politique de confidentialité