Index 
 Précédent 
 Suivant 
 Texte intégral 
Procédure : 2022/2143(INI)
Cycle de vie en séance
Cycle relatif au document : A9-0341/2023

Textes déposés :

A9-0341/2023

Débats :

Votes :

PV 21/11/2023 - 7.9
CRE 21/11/2023 - 7.9

Textes adoptés :

P9_TA(2023)0406

Textes adoptés
PDF 157kWORD 52k
Mardi 21 novembre 2023 - Strasbourg
Mise en œuvre du principe de la primauté du droit de l’Union européenne
P9_TA(2023)0406A9-0341/2023

Résolution du Parlement européen du 21 novembre 2023 sur la mise en œuvre du principe de la primauté du droit de l’Union (2022/2143(INI))

Le Parlement européen,

–  vu les articles 1, 2, 4 et 19 du traité sur l’Union européenne (ci-après le «traité UE»),

–  vu les articles 258, 267 et 344 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE),

–  vu la déclaration nº 17 relative à la primauté, annexée à l’acte final de la Conférence intergouvernementale qui a adopté le traité de Lisbonne signé le 13 décembre 2007(1),

–  vu la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE),

–  vu sa résolution du 21 octobre 2021 sur la crise de l’état de droit en Pologne et la primauté du droit de l’Union(2),

–  vu sa résolution du 19 mai 2022 sur le rapport 2021 de la Commission sur l’état de droit(3),

–  vu l’étude de juillet 2022 intitulée «La primauté du droit de l’Union européenne», commandée par sa commission des affaires juridiques et publiée par sa direction générale des politiques internes de l’Union(4),

–  vu l’étude du 27 avril 2021 intitulée «Prima’s Twilight? On the Legal Consequences of the Ruling of the Federal Constitutional Court of 5 May 2020 for the Primacy of EU Law», commandée par sa commission des affaires constitutionnelles et publiée par sa direction générale des politiques internes de l’Union(5),

–  vu l’article 54 de son règlement intérieur, ainsi que l’article 1er, paragraphe 1, point e), et l’annexe 3 de la décision de la Conférence des présidents du 12 décembre 2002 relative à la procédure d’autorisation pour l’élaboration de rapports d’initiative,

–  vu les délibérations conjointes de la commission des affaires juridiques et de la commission des affaires constitutionnelles en vertu de l’article 58 du règlement intérieur,

–  vu le rapport de la commission des affaires juridiques et de la commission des affaires constitutionnelles (A9-0341/2023),

A.  considérant que, conformément à l’article 2 du traité UE, l’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, d’état de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, notamment des droits des personnes appartenant à une minorité, qui sont communes aux États membres; que le respect de ces valeurs constitue une condition préalable à l’adhésion à l’Union et une obligation pour les États membres; que le respect du droit de l’Union suppose le respect du droit primaire et dérivé de l’Union, ainsi que du principe fondamental de la primauté du droit de l’Union par conséquent; considérant qu’en vertu de l’article 4, paragraphe 3, alinéa 2, du traité UE, les États membres doivent prendre toute mesure générale ou particulière propre à assurer l’exécution des obligations découlant des traités ou résultant des actes des institutions de l’Union;

B.  considérant que, en tant que communauté juridique fondée sur l’état de droit, l’Union européenne dépend de l’application et de la mise en œuvre effectives et uniformes de son droit par la CJUE et les juridictions des États membres; que cette efficacité et cette uniformité peuvent uniquement être garanties si le droit de l’Union prime sur le droit national s’en écartant dans les domaines dans lesquels le droit de l’Union s’applique; que le principe de primauté constitue dès lors une pierre angulaire de l’ordre juridique de l’Union, qui est essentielle au fonctionnement de l’Union;

C.  considérant que le principe de primauté du droit de l’Union n’est pas simplement une doctrine juridique, mais est aussi le reflet de l’intégration politique et économique de l’Union; que, dans le même esprit, ce principe contribue à la création d’une «union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe», comme prévu par les traités; que la primauté du droit de l’Union est également intrinsèquement liée au principe de l’égalité en droit, étant donné qu’elle garantit l’égalité de protection des droits conférés par le droit de l’Union à l’ensemble de ses citoyens;

D.  considérant que le principe de primauté n’est pas explicitement consacré dans les traités, mais qu’il s’est développé au fil des décennies grâce à la jurisprudence de la CJUE; que, dans la déclaration nº 17 relative à la primauté, annexée au traité de Lisbonne, la Conférence rappelle que, selon une jurisprudence constante de la CJUE, les traités et le droit adopté par l’Union sur la base des traités priment le droit des États membres, dans les conditions définies par ladite jurisprudence;

E.  considérant que, depuis son arrêt historique Costa/E.N.E.L. du 15 juillet 1964 rendu dans l’affaire 6/64(6), la CJUE a réaffirmé à plusieurs occasions que le droit de l’Union prime le droit des États membres, quel que soit le rang de la législation nationale ou le moment de son adoption; que le principe de primauté s’applique donc à toute disposition de droit interne, y compris aux dispositions de nature constitutionnelle, conformément à la jurisprudence constante de la CJUE; qu’en vertu de cette même jurisprudence, ce principe s’applique également aux accords internationaux conclus par les États membres lorsque ces accords relèvent des domaines de compétence de l’Union;

F.  considérant que l’ordre juridique de l’Union est ancré dans les traités de droit international public, qui sont ratifiés au moyen d’actes nationaux; que l’ordre juridique de l’Union et celui de chaque État membre sont tous deux applicables sur le territoire d’un État membre; qu’en cas d’incompatibilité des dispositions du droit de l’Union et du droit national, une règle de conflit de lois est nécessaire; que le principe de primauté constitue précisément une telle règle de conflit;

G.  considérant que le principe de primauté n’implique pas une hiérarchie entre les ordres juridiques de l’Union et des États membres, mais impose plutôt, dans l’hypothèse où les dispositions du droit de l’Union et du droit national s’opposeraient, que les autorités et les juridictions nationales n’appliquent pas ni ne mettent en œuvre les dispositions nationales en cause, et que ces juridictions interprètent leur droit national en conformité avec le droit de l’Union; qu’il découle en outre du principe que les dispositions nationales incompatibles doivent être écartées, abrogées ou modifiées afin de garantir la pleine conformité du droit national avec le droit de l’Union;

H.  considérant que le dialogue continu entre la CJUE et les cours constitutionnelles et suprêmes nationales, au sujet de l’interprétation du principe de primauté du droit de l’Union, résulte de compréhensions différentes du domaine de compétence des ordres juridiques nationaux et de l’Union, par exemple en ce qui concerne la répartition des compétences entre les deux ordres et la question de savoir qui détient l’autorité ultime pour déterminer si un cas relève des pouvoirs conférés par les États membres à l’Union;

I.  considérant que, conformément à l’article 4, paragraphe 2, du traité UE, l’Union doit respecter les identités nationales des États membres qui sont inhérentes à leurs structures politiques et constitutionnelles fondamentales, y compris en ce qui concerne l’autonomie régionale et locale; que la relation entre l’ordre juridique de l’Union et les ordres juridiques nationaux repose sur le principe d’attribution consacré à l’article 4, paragraphe 1, du traité UE; que le principe de primauté du droit de l’Union s’applique uniquement dans le cadre du droit de l’Union;

J.  considérant que la jurisprudence établissant le principe de primauté a été largement acceptée par les États membres; que certaines cours constitutionnelles et suprêmes nationales ont néanmoins invoqué l’existence de certaines limites au principe de primauté, qui portent principalement sur le respect des compétences de l’Union, l’identité constitutionnelle nationale et le niveau de protection des droits fondamentaux; que de telles interprétations par les cours constitutionnelles ou suprêmes nationales peuvent être considérées comme des réserves concernant le principe de primauté; qu’une cour constitutionnelle nationale a explicitement contesté le principe de primauté du droit de l’Union sur le droit constitutionnel national; que plusieurs autres cours constitutionnelles ou suprêmes ont implicitement contesté le principe;

K.  considérant que la CJUE et les cours constitutionnelles ou suprêmes nationales ont chacun un rôle légitime à jouer dans la détermination des limites des ordres juridiques respectifs; que les juridictions nationales et la CJUE peuvent, en vertu de la procédure de renvoi préjudiciel, engager un dialogue constructif sur les conflits entre l’ordre juridique national et l’ordre juridique de l’Union;

L.  considérant qu’en vertu de l’article 267, premier alinéa, du traité FUE, la CJUE est compétente pour statuer sur toutes les questions relatives à l’interprétation des traités ainsi qu’à la validité et à l’interprétation des actes des institutions, organes et organismes de l’Union dans le cadre de la procédure de renvoi préjudiciel; que la CJUE détient donc une compétence exclusive pour fournir l’interprétation définitive du droit de l’Union;

M.  considérant que l’article 267, troisième alinéa, du traité FUE oblige les juridictions nationales de dernière instance à engager une procédure de renvoi préjudiciel si une telle question est soulevée; que les juridictions nationales de dernière instance peuvent saisir la CJUE de questions préjudicielles supplémentaires dans le cas où la juridiction nationale ne serait pas en mesure de trancher le cas d’espèce sur la base de la réponse précédente; que, selon l’article 344 du traité FUE, les États membres s’engagent à ne pas soumettre un différend relatif à l’interprétation ou à l’application des traités à un mode de règlement autre que ceux prévus par ceux-ci;

N.  considérant que, conformément à l’article 258 du traité FUE, la Commission, en sa qualité de gardienne des traités, a le pouvoir de saisir la CJUE d’une procédure en manquement contre un État membre qui a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des traités; que cette procédure, conformément à la jurisprudence de la CJUE et à la déclaration nº 17 relative à la primauté annexée au traité de Lisbonne, est également applicable en cas de manquement aux obligations découlant du principe de primauté; qu’en vertu de l’article 40 du statut de la CJUE, et conformément à l’article 149, paragraphe 4, de son règlement intérieur, le Parlement européen peut intervenir au soutien de la Commission dans de telles procédures en manquement initiées au titre de l’article 258 du traité FUE;

O.  considérant que, conformément à l’article 7 du traité UE, le Conseil peut décider de suspendre certains des droits découlant de l’application des traités à un État membre, si le Conseil européen a constaté l’existence d’une violation grave des valeurs visées à l’article 2 du traité UE par l’État membre en cause;

Principales conclusions

1.  réaffirme qu’en adhérant à l’Union européenne, les États membres ont adhéré à l’intégralité du droit de l’Union, y compris à la jurisprudence de la CJUE, ainsi qu’à tous les principes et valeurs de l’Union visés à l’article du traité UE, qu’ils partagent et se sont engagés à respecter à tout moment; rappelle que cela inclut notamment le principe de primauté, qui joue un rôle crucial pour assurer l’application cohérente du droit de l’Union sur l’ensemble de son territoire et pour garantir l’égalité des citoyens européens devant la loi;

2.  reconnaît que la protection des valeurs fondamentales et des principes telle que la protection effective des droits de l’homme, de la démocratie et de l’état de droit est une tâche conjointe relevant de l’ordre juridique de l’Union et des ordres juridiques nationaux des États membres ainsi que des juridictions chargées de l’interprétation de ces ordres;

3.  souligne qu’il convient de veiller à ce que les politiques et les objectifs communs de l’Union soient mis en œuvre de manière effective dans tous les États membres, afin de garantir des conditions équitables et d’encourager une confiance mutuelle entre les États membres;

4.  rappelle que, bien qu’il ne soit pas explicitement consacré par les traités, le principe de primauté du droit de l’Union s’applique à tous les organes des États membres et que ses effets sont contraignants à tout moment; souligne l’effet de la déclaration nº 17 annexée au traité de Lisbonne, relative à la primauté;

5.  rappelle que les principes de primauté du droit de l’Union ou de la primauté du droit international sur le droit national figurent dans l’ordre constitutionnel de plusieurs États membres;

6.  rappelle que l’identité nationale des États membres est reconnue par l’article 4, paragraphe 2, du traité UE, ce qui inclut leur structures constitutionnelles; réaffirme que, sur le plan pratique, l’approche de la CJUE concernant l’article 4, paragraphe 2, du traité UE repose sur l’analyse des valeurs européennes communes, telles que visées à l’article 2 dudit traité; fait dès lors observer que les références à l’article 4, paragraphe 2, du traité UE par les cours constitutionnelles ou suprêmes nationales ne devraient jamais servir à transiger sur les valeurs européennes communes; souligne que l’application de l’article 4, paragraphe 2, et de l’article 5 du traité UE implique un dialogue actif entre les juridictions nationales et la CJUE; rappelle qu’il appartient à la CJUE, compte tenu de la compétence exclusive dont elle jouit pour fournir l’interprétation définitive du droit de l’Union, de préciser la portée du principe de primauté fondé sur l’application des traités de l’Union;

7.  attire l’attention sur le fait que la grande majorité des juridictions des États membres appliquent le principe de primauté du droit de l’Union; note que, depuis l’arrêt Costa/E.N.E.L. du 15 juillet 1964, les affaires dans lesquelles une juridiction nationale a refusé de tirer les conséquences d’une décision préjudicielle ne représentent qu’une infime partie du grand nombre total des renvois préjudiciels;

8.  pointe, toutefois, les conséquences négatives des décisions des cours constitutionnelles ou suprêmes nationales mettant en cause ou n’appliquant pas le principe de primauté du droit de l’Union; insiste sur le fait que si chaque cour constitutionnelle ou suprême nationale pouvait décider des limites de la primauté du droit de l’Union, l’efficacité et l’uniformité du droit de l’Union seraient gravement mises en péril, tout comme le serait la garantie d’un traitement égal des citoyens et des entreprises sur le territoire de l’Union; souligne que le fait de contester les arrêts de la CJUE sur la base de réserves constitutionnelles nationales en ce qui concerne le respect des compétences de l’Union ou de l’identité constitutionnelle nationale sans renvoyer à la CJUE les questions préjudicielles concernant l’interprétation de ces arrêts peut porter atteinte à l’autorité de cette dernière; estime que la jurisprudence de toute cour constitutionnelle ou suprême nationale contestant le principe de primauté peut également encourager les mêmes cours dans d’autres États membres à contester la primauté du droit de l’Union;

9.  rappelle la diversité des traditions juridiques spécifiques à chaque État membre; considère que ces différences sont l’une des principales raisons qui conduisent les cours constitutionnelles ou suprêmes nationales à contester les décisions de la CJUE; souligne que la CJUE érige des principes généraux en se fondant sur des traditions constitutionnelles communes aux ordres juridiques des États membres;

10.  souligne qu’un dialogue constructif entre les cours constitutionnelles ou suprêmes nationales et la CJUE est bénéfique pour le développement du droit de l’Union, étant donné qu’il peut permettre d’apaiser les tensions entre l’ordre juridique européen et les ordres juridiques nationaux en ce qui concerne la répartition des compétences; insiste sur le fait qu’un tel dialogue devrait être constructif et ne justifie en aucun cas de s’écarter des décisions de la CJUE;

11.  est d’avis que le renvoi préjudiciel joue un rôle crucial en favorisant un dialogue libre et constructif entre juridictions et constitue un instrument clé pour résoudre les conflits entre les juridictions nationales de dernière instance et la CJUE; invite les juridictions constitutionnelles et suprêmes nationales à recourir à la procédure de renvoi préjudiciel le cas échéant; met l’accent sur le fait que, dans la mesure où il garantit une interprétation uniforme du droit de l’Union, la procédure de renvoi préjudiciel constitue une condition préalable à la cohérence et à l’autonomie de l’ordre juridique de l’Union; rappelle que, dans certaines affaires, la CJUE s’est déjà montrée disposée à revoir sa motivation dans une seconde décision préjudicielle demandée par la Cour constitutionnelle nationale qui l’avait saisie d’un premier renvoi préjudiciel, ce qui démontre que cette procédure permet la tenue d’un dialogue efficace entre les juridictions; estime que les conflits entre certaines juridictions constitutionnelles ou suprêmes nationales et la CJUE sont susceptibles d’attester d’un dialogue insuffisant en cours de procédure;

12.  se félicite de l’ouverture de la procédure législative visant à modifier le protocole nº 3 sur le statut de la CJUE; estime qu’une répartition plus équilibrée du travail entre la Cour de justice et le Tribunal devrait ouvrir la voie à un dialogue judiciaire plus intense entre les cours et les tribunaux de l’Union et des États membres, ce qui leur permettrait de résoudre les tensions persistantes autour du principe de la primauté du droit de l’Union;

13.  salue tous les mécanismes informels existants qui permettent de renforcer le dialogue judiciaire entre les cours constitutionnelles et suprêmes nationales et la CJUE, tel que le Forum des magistrats réunissant le président de la CJUE et les présidents des cours constitutionnelles et suprêmes nationales, et le réseau judiciaire de l’Union européenne créé à leur initiative en 2017;

14.  souligne que la transparence des décisions en tant que principe démocratique s’applique également au pouvoir judiciaire et favorise la confiance du public à l’égard du processus judiciaire; estime que l’accès public aux documents, aux fichiers et aux dossiers des juridictions contribue à la transparence et à l’obligation de rendre compte du pouvoir judiciaire au niveau des États membres et de l’Union;

Recommandations

15.  insiste sur le fait qu’il incombe aux organes exécutifs et législatifs des États membres de veiller à ce que leur État membre respectif respecte le droit de l’Union; souligne à cet égard que les organes exécutifs et législatifs devraient prendre des mesures pour modifier ou retirer les actes juridiques qui ont été jugés contraires au droit de l’Union;

16.  constate que la bonne mise en œuvre du droit de l’Union et de la jurisprudence de la CJUE est une priorité essentielle pour le respect du principe de primauté du droit de l’Union; invite dès lors à la Commission, en sa qualité de gardienne des traités, à mettre à profit le rapport annuel sur le contrôle de l’application du droit de l’Union en introduisant une analyse de l’état d’avancement de la mise en œuvre de la jurisprudence de la CJUE, notamment un tableau de bord du respect par les États membres des arrêts rendus par cette juridiction; invite également la Commission à ouvrir les procédures appropriées contre les États membres qui ne mettent pas en œuvre le droit de l’Union, notamment des procédures en manquement;

17.  rappelle qu’il incombe à la Commission, en tant que gardienne des traités, de suivre de près les décisions rendues par les juridictions nationales en ce qui concerne la primauté du droit de l’Union et d’informer le Parlement de toute mesure pour y donner suite; demande à la Commission de le tenir complètement informé de tout conflit éventuel, compte tenu de la responsabilité qui lui incombe en vertu des traités;

18.  invite la Commission à engager des procédures en manquement au titre de l’article 258 du traité FUE en réponse aux arrêts des cours constitutionnelles et suprêmes nationales qui remettent en cause le principe de primauté et qui violent dès lors le droit de l’Union, lorsque les autres formes de dialogue échouent; suggère par ailleurs d’améliorer l’efficacité des procédures en manquement;

19.  recommande vivement à la CJUE et aux cours constitutionnelles ou suprêmes nationales d’engager un dialogue informel régulier, parallèlement à la voie juridictionnelle du renvoi préjudiciel; encourage la création d’un forum où ces juridictions pourraient se réunir, dans un esprit de coopération mutuelle, dans le but d’encourager l’harmonisation de l’interprétation du droit de l’Union dans tous les systèmes judiciaires; encourage les différents États membres et la Commission à soutenir ces efforts; encourage les établissements de l’enseignement supérieur et les organes juridiques de l’Union à intégrer dans leurs programmes des modules complets sur le principe de primauté, afin de favoriser une compréhension plus approfondie et une meilleure appréciation de ce principe fondateur chez les futurs praticiens du droit et décideurs politiques;

20.  souligne que la clé d’un dialogue fructueux et d’une mise en œuvre appropriée du principe de primauté du droit de l’Union réside dans un renforcement adéquat des capacités; demande dès lors que soit utilisé le programme de l’Union européenne offrant une formation approfondie à l’attention des systèmes judiciaires des États membres, notamment aux juges, aux magistrats, aux avocats, aux procureurs, aux personnes travaillant dans le secteur public ainsi qu’aux décideurs politiques, tant au niveau national que de l’Union, afin d’encourager une meilleure compréhension de la primauté du droit de l’Union, de l’ordre juridique de l’Union en général ainsi que des conséquences de la mise en œuvre incorrecte du droit de l’Union et de la jurisprudence de la CJUE;

21.  constate que, dans certains cas, le désaccord de cours constitutionnelles et suprêmes nationales avec des décisions de la CJUE concerne la protection des droits fondamentaux, en particulier dans les cas où les juridictions nationales estiment que les droits fondamentaux conférés par le droit de l’Union offrent une protection inférieure à celle qu’octroient ceux conférés par la constitution nationale; estime que l’adhésion de l’Union à la convention européenne des droits de l’homme est susceptible de réduire les risques de conflits dans ce domaine en introduisant de nouvelles garanties protégeant les droits fondamentaux des citoyens et résidents de l’Union et de fournir un mécanisme supplémentaire pour faire respecter les droits de l’homme. En effet, il leur sera possible de déposer une plainte auprès de la Cour européenne des droits de l’homme pour violation des droits de l’homme découlant d’un acte d’une institution de l’Union ou d’un État membre mettant en œuvre le droit de l’Union, car cela relèvera de la compétence de cette juridiction; invite la Commission et les États membres à veiller à la conclusion rapide de ce processus d’adhésion;

22.  constate que des États membres, dans le cadre d’une procédure prévue à l’article 7 initiée en raison de leurs atteintes systématiques à l’état de droit, ont contesté de manière stratégique le principe de primauté du droit de l’Union pour des raisons politiques; considère que ces cas d’atteintes systématiques constituent une menace pour l’ordre juridique dans l’État membre concerné et pour la coopération sincère entre les États membres, ainsi qu’un manquement de l’État membre concerné à ses obligations au titre des traités; demande une nouvelle fois à la Commission d’utiliser pleinement les pouvoirs dont elle dispose pour remédier aux violations existantes et potentielles des valeurs consacrées à l’article 2 du traité UE; souligne la détermination du Parlement à engager la procédure visée à l’article 7 du traité UE en cas de risque manifeste de violation grave par un État membre des valeurs de l’Union et demande une nouvelle fois au Conseil de faire des efforts concrets et crédibles pour faire avancer toutes les procédures en cours engagées au titre de l’article 7;

23.  constate qu’un certain nombre de pays candidats sont actuellement en voie d’adhérer à l’Union européenne; se félicite, dans ce contexte, du fait que le processus d’adhésion comporte un renforcement des capacités en ce qui concerne l’ordre juridique de l’Union et l’application du droit de l’Union; propose d’instaurer un dialogue structuré régulier entre la CJUE et les cours constitutionnelles et suprêmes nationales des pays candidats;

24.  recommande que le principe de primauté soit inséré en tant que disposition explicite de traité dans le cas où les traités seraient révisés; rappelle que le traité établissant une Constitution pour l’Europe faisait mention explicite de la primauté du droit de l’Union; regrette qu’une telle clause de primauté n’a pas été inscrite dans le traité de Lisbonne;

o
o   o

25.  charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission.

(1) JO C 202 du 7.6.2016, p. 344.
(2) JO C 184 du 5.5.2022, p. 154.
(3) JO C 479 du 16.12.2022, p. 18.
(4) Étude: «La primauté du droit de l’Union européenne», Parlement européen, direction générale des politiques internes de l’Union, département thématique C – Droits des citoyens et affaires constitutionnelles, juillet 2022.
(5) Étude: «Prima’s Twilight? On the Legal Consequences of the Ruling of the Federal Constitutional Court of 5 May 2020 for the Primacy of EU Law», Parlement européen, direction générale des politiques internes de l’Union, département thématique C – Droits des citoyens et affaires constitutionnelles, 27 avril 2021.
(6) Arrêt de la Cour de justice du 15 juillet 1964, Costa/E.N.E.L., 6/64, EU:C:1964:66.

Dernière mise à jour: 15 février 2024Avis juridique - Politique de confidentialité