Résolution du Parlement européen du 17 janvier 2024 contenant des recommandations à la Commission sur la promotion de la liberté de la recherche scientifique dans l’UE (2023/2184(INL))
Le Parlement européen,
– vu les articles 49, 56 et 179, paragraphe 1, et 225 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
– vu les articles 12 et 13 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,
– vu la déclaration de Bonn sur la liberté de la recherche scientifique adoptée lors de la conférence ministérielle consacrée à l’Espace européen de la recherche qui s’est tenue dans ladite ville le 20 octobre 2020 (la « déclaration de Bonn »),
– vu la communication de la Commission du 30 septembre 2020 intitulée « Un nouvel EER pour la recherche et l’innovation »,
– vu la communication de la Commission du 18 mai 2021 intitulée « L’approche mondiale de la recherche et de l’innovation – La stratégie de coopération internationale de l’Europe dans un monde en mutation »,
– vu la mesure nº 6 du programme stratégique de l’espace européen de la recherche,
– vu la communication de la Commission du 3 décembre 2020 relative au plan d’action pour la démocratie européenne,
– vu le considérant 72 du règlement (UE) 2021/695 du Parlement européen et du Conseil portant établissement du programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon Europe » et définissant ses règles de participation et de diffusion, et abrogeant les règlements (UE) nº 1290/2013 et (UE) nº 1291/2013(1),
– vu l’évaluation de la valeur ajoutée européenne de 2023 sur la promotion de la liberté de la recherche scientifique, présentée par l’unité « Valeur ajoutée européenne » à la commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie le 18 septembre 2023,
– vu le communiqué ministériel de Rome du 19 novembre 2020 des ministres européens responsables de l’enseignement supérieur dans le cadre de l’Espace européen de l’enseignement supérieur, en particulier son annexe I sur la liberté académique,
– vu l’avis du SFIC sur la mise en œuvre de la déclaration de Bonn dans le cadre de la coopération internationale en matière de recherche et d’innovation (ERAC-SFIC 1356/21) (2021),
– vu la recommandation de l’Unesco sur la science et les chercheurs scientifiques (2017),
– vu la recommandation concernant la condition du personnel enseignant de l’enseignement supérieur, adoptée par la Conférence générale de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) lors de sa 29e session, qui s’est tenue du 21 octobre au 12 novembre 1997,
– vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques,
– vu le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels,
– vu la déclaration universelle des droits de l’homme,
– vu les articles 47 et 54 de son règlement intérieur,
– vu les recommandations du Forum stratégique pour la coopération S&T internationale (SFIC),
– vu le rapport de la commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie (A9-0393/2023),
A. considérant que la liberté de la recherche scientifique, qui est un élément essentiel de la démocratie et l’un des éléments constitutifs de la liberté académique, subit une forte pression dans l’Union et s’érode progressivement(2), comme l’illustre le fait qu’en 2008, tous les États membres ont obtenu un score supérieur à 0,85 sur l’indice de liberté académique, alors qu’en 2022 certains États membres ont enregistré une baisse considérable de l’indice, le score le plus bas étant de 0,34;
B. considérant que les restrictions à la liberté de la recherche scientifique ont des répercussions néfastes sur l’économie de l’Union, dans la mesure où elles brident l’innovation, ralentissent le progrès scientifique et réduisent la compétitivité de l’Europe à l’échelle mondiale;
C. considérant que l’érosion de la liberté de la recherche scientifique contribue à une fuite des cerveaux parmi les chercheurs de haut niveau, à la pratique de l’autocensure parmi les universitaires, à des analyses moins critiques des questions sociales et politiques, à une collaboration interdisciplinaire moins importante et à un débat public plus rare;
D. considérant que la précarité de l’emploi affecte la capacité à jouir pleinement de la liberté de la recherche scientifique; que des milliers de chercheurs travaillent avec des financements de projets de durée limitée, soit sous forme de bourses de recherche individuelles ou de projets, soit sous forme de contrats de travail à durée déterminée ou de tâches spécifiques accomplies en tant que travailleurs indépendants, et dans le cadre de relations de travail et d’une protection précaires;
E. considérant que la déclaration de Bonn comprend une définition de la liberté de la recherche scientifique et qu’elle reconnaît le fait que les gouvernements et les organismes de recherche ont la responsabilité de promouvoir la liberté de la recherche scientifique;
F. considérant que la défense de la liberté de la recherche scientifique permet de garantir que la recherche scientifique contribue à l’intérêt général, au développement et à l’amélioration des conditions de vie des populations;
G. considérant que la déclaration de Bonn ne prévoit pas d’instruments de mise en œuvre au niveau européen;
H. considérant que, dans le domaine de la liberté académique, y compris la liberté de la recherche scientifique, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme définit clairement un certain nombre de normes et de principes juridiques pour la protection et la promotion de la liberté académique;
I. considérant que, dans son arrêt du 6 octobre 2020 dans l’affaire C-66/18(3), la Cour de justice a jugé que la loi hongroise sur l’enseignement supérieur national privait les organisations concernées de la structure organisationnelle dont elles avaient besoin pour mener leurs recherches universitaires, ce qui témoigne de l’érosion de la liberté académique en Hongrie;
J. considérant que des actes législatifs spécifiques de l’Union limitent la liberté de la recherche scientifique en imposant au secteur universitaire des règles conçues principalement pour réguler le marché intérieur;
K. considérant que la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, avant d’être confirmée dans ses fonctions par le Parlement, s’est engagée, dans ses orientations politiques pour la prochaine Commission européenne 2019-2024, à soutenir un droit d’initiative pour le Parlement et à répondre par un acte législatif lorsque le Parlement adopte des résolutions demandant que la Commission présente des propositions législatives;
1. réaffirme l’engagement de l’Union à défendre les droits fondamentaux, y compris le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, la liberté académique ainsi que la liberté de la recherche dans toutes les disciplines scientifiques et dans les arts, tels qu’ils sont consacrés dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne;
2. reconnaît que la liberté de la recherche scientifique est essentielle pour approfondir notre connaissance des phénomènes naturels et sociaux, ce qui permet de contribuer à la promotion de l’innovation, au développement de la société et à l’amélioration du bien-être général des citoyens de l’Union, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de celle-ci, et rappelle que la liberté de la recherche scientifique est un bien public et un droit universel applicable à toutes les disciplines scientifiques; souligne que, dans le cadre de la concurrence mondiale en matière de recherche, de développement et d’innovation, la liberté de la recherche scientifique constitue une condition préalable essentielle pour attirer les talents et, avec eux, des idées nouvelles et compétitives; regrette dans ce contexte l’absence de mise en œuvre concrète de la déclaration de Bonn au niveau européen;
3. reconnaît que la situation précaire qui prévaut actuellement dans le secteur a de graves répercussions sur la liberté de la recherche scientifique; défend les droits du travail des chercheurs scientifiques, l’amélioration de leur carrière, des contrats de travail stables et l’accès à des systèmes de protection sociale complets; estime que les chercheurs scientifiques devraient se voir offrir des emplois de qualité, bénéficier de conditions de travail décentes, de salaires convenables, travailler dans un environnement sûr et sain, ce qui présuppose un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée;
4. souligne que l’égalité des chances, en particulier celle favorisée par l’égalité des genres, est essentielle pour promouvoir la liberté de la recherche scientifique et pour faire en sorte que les divers défis posés à la promotion d’un développement durable et équitable soient résolus en tenant compte de différentes perspectives;
5. attire l’attention sur la situation particulièrement précaire des chercheurs en début de carrière et souligne la nécessité de créer des perspectives de carrière plus claires et plus structurées pour augmenter le nombre de jeunes chercheurs; souligne qu’il faut pour cela également promouvoir des procédures de recrutement transparentes et faire en sorte que tous les chercheurs, y compris les doctorants, exerçant une activité de recherche rémunérée bénéficient d’une couverture sociale appropriée;
6. rappelle que c’est au niveau des organes de direction des organismes de recherche scientifique que sont définies les priorités de la recherche scientifique de ces établissements; se rend compte que l’effritement de la démocratie dans les organismes de recherche scientifique affecte la liberté de la recherche scientifique; souligne donc l’importance de l’autonomie académique, qui devrait inclure le droit des chercheurs scientifiques de participer à la gouvernance de leur institution scientifique, notamment en ce qui concerne les conditions de travail au sein de l’institution; souligne que les chercheurs scientifiques jouissent de tous les droits consacrés par l’article 12 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne;
7. considère que les organismes de recherche scientifique devraient être encouragés, sans préjudice de leur autonomie institutionnelle, à entreprendre des actions de coopération internationale afin de renforcer les relations bilatérales et multilatérales ainsi qu’à poursuivre le développement d’une diplomatie scientifique de premier plan traitant de la question de la liberté de la recherche scientifique et des éventuelles conséquences en cas de violation de cette liberté.
8. insiste sur le fait que l’Union devrait être un refuge pour tous les chercheurs en danger et qu’elle devrait mettre en place un programme européen de bourses pour aider les chercheurs en danger, en apportant un soutien financier pour le placement temporaire des chercheurs en danger dans les organismes de recherche européens; estime que ce programme devrait également servir de mécanisme de solidarité pour soutenir les chercheurs européens dont la liberté de recherche scientifique est violée;
9. reconnaît, conformément à la déclaration de Bonn, que la liberté de la recherche scientifique est synonyme d’ouverture, d’échange, d’excellence, d’internationalisme, de diversité, d’égalité, d’intégrité, de curiosité, de responsabilité et de réflexivité et qu’elle est, par conséquent, un pilier de toute démocratie;
10. prend acte de la définition de la liberté de la recherche scientifique figurant à l’annexe II, pilier 1, point 2, de la proposition de recommandation du Conseil du 13 juillet 2023 sur un cadre européen(4) pour attirer et retenir les chercheurs, l’innovation et les entrepreneurs talentueux en Europe;
11. est d’avis que la liberté de la recherche scientifique doit aller de pair avec la responsabilité de respecter les normes éthiques les plus élevées et de faire preuve d’intégrité dans le cadre de la recherche scientifique, et qu’elle devrait favoriser la science ouverte; souligne que la transparence du financement est une condition préalable à l’intégrité de la recherche scientifique et que la liberté de la recherche scientifique présuppose la responsabilité de la société d’assurer cette transparence; soutient dès lors fermement la pratique courante de la communication transparente sur les sources de financement des activités de recherche et invite le secteur scientifique à maintenir cette pratique;
12. souligne l’importance décisive de disposer d’un cadre propice à la protection et à la promotion effectives de la liberté de la recherche scientifique dans l’ensemble de l’Union qui soit conçu et mis en œuvre de manière adéquate, en tenant le plus grand compte des aides publiques disponibles pour faciliter la production, le partage et la diffusion des connaissances, lesquelles constituent un bien public, et qui permette d’éviter tout risque d’ingérence ou d’atteinte à l’indépendance de la recherche scientifique;
13. insiste sur la pertinence des connaissances libres pour garantir la liberté de la recherche scientifique; appelle de ses vœux une création efficace et transparente des connaissances qui ne soit pas entravée par des obstacles artificiels à l’accès à l’information et à sa diffusion; estime que la législation de l’Union doit protéger le partage des résultats de la recherche scientifique à des fins non commerciales et promouvoir activement cette démarche; souligne que les résultats scientifiques issus de recherches financées par des fonds publics doivent être publiés dans des revues universitaires en libre accès et être facilement accessibles à tous;
14. est préoccupé par le récent déclin de ce droit fondamental indispensable à la liberté politique et à la participation sociale dans l’Union, qui menace de compromettre le développement d’un espace européen de la recherche (EER) opérationnel et compétitif;
15. note que la communication de la Commission du 30 septembre 2020 intitulée « nouvel espace européen de la recherche » confirme que l’EER devrait être achevé dans le plein respect de la liberté de la recherche scientifique, ce qui suppose, entre autres, la non-ingérence dans les programmes de recherche, l’autonomie institutionnelle et un financement suffisant, ainsi que les ressources nécessaires à la diffusion des résultats de la recherche;
16. est profondément préoccupé par le fait que, malgré l’emploi de mots forts dans sa communication, la Commission n’utilise pas son autorité juridique pour protéger cette liberté dans l’Union; réaffirme l’engagement de l’Union à défendre les droits fondamentaux, y compris le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, la liberté académique ainsi que la liberté de la recherche scientifique et des arts, tels qu’ils sont consacrés dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne; exprime sa profonde inquiétude quant aux restrictions morales et politiques imposées à la liberté de recherche;
17. prie instamment la Commission de prendre toutes les mesures en son pouvoir pour protéger et promouvoir la liberté de la recherche scientifique dans l’Union ainsi que pour garantir que l’éthique et l’intégrité de la recherche ne soient pas compromises, y compris en faisant usage de son autorité juridique pour éviter tout nouveau recul de ce droit fondamental; invite la Commission à promouvoir activement et à financer le pluralisme scientifique en soutenant des projets couvrant l’ensemble de la recherche scientifique;
18. invite les États membres à respecter et à défendre pleinement la liberté de la recherche scientifique et à veiller à ce que toute mesure prise dans l’intérêt public, par exemple pour des raisons de sécurité nationale, d’intégrité territoriale ou de sûreté publique, pour la défense de l’ordre et la prévention du crime, pour la protection de la santé ou de la morale, pour la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire, ne restreigne pas indûment la liberté de la recherche scientifique;
19. souligne que la réalisation de l’EER ne peut être menée à bien que si la liberté de la recherche scientifique est dûment respectée et activement promue dans l’ensemble de l’Union, et considère que toute tentative de porter atteinte à cette liberté ou tout manquement à la promouvoir activement a une incidence négative sur le développement d’un EER compétitif et innovant; invite les États membres et la Commission à donner à la communauté scientifique les moyens d’accéder aux informations pertinentes, de les utiliser et de les diffuser, notamment par l’utilisation d’outils numériques gratuits et libres;
20. se déclare préoccupé par le fait que la Commission ne fait pas usage de l’autorité juridique que lui confèrent les traités pour protéger la liberté de la recherche scientifique, qui constitue l’un des droits fondamentaux des citoyens de l’Union, se soustrayant ainsi gravement à sa responsabilité de faire respecter l’état de droit dans l’Union, et invite la Commission à prendre des mesures immédiates pour remédier à cette situation;
21. invite le Conseil européen à soutenir la protection et la promotion de la liberté de la recherche scientifique et à veiller à ce que ce droit fondamental soit dûment respecté dans tous les États membres;
22. demande instamment que soit reconnue la nécessité de mobiliser des fonds publics supplémentaires pour financer une recherche scientifique indépendante, en évitant toute ingérence indue susceptible d’en orienter les finalités ou d’en influencer la méthodologie ou les résultats;
23. invite la Commission et les États membres à sensibiliser le public à l’importance de la liberté de la recherche scientifique au moyen d’actions éducatives, de programmes d’information du public et d’un appui au journalisme scientifique;
24. demande à la Commission de soumettre, sur la base de l’article 182, paragraphe 5, en liaison avec l’article 179, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, une proposition relative à un acte sur la liberté de la recherche scientifique, suivant les recommandations figurant en annexe, afin de garantir, protéger et promouvoir cette liberté tant auprès des organismes de recherche que des chercheurs durant l’ensemble de leur carrière;
25. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution ainsi que les recommandations figurant en annexe à la Commission et au Conseil ainsi qu’aux parlements nationaux.
Règlement (UE) 2021/695 du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2021 portant établissement du programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon Europe » et définissant ses règles de participation et de diffusion, et abrogeant les règlements (UE) nº 1290/2013 et (UE) nº 1291/2013 (JO L 170 du 12.5.2021, p. 1).
RECOMMANDATIONS CONCERNANT LE CONTENU DES PROPOSITIONS DEMANDÉES
Définition de la liberté de la recherche scientifique
1. La liberté de la recherche scientifique est un élément constitutif de la liberté académique et de l’intégrité scientifique en Europe; elle a une valeur indépendante, comme en témoigne la référence spécifique à l’article 13 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
2. La liberté de la recherche scientifique implique des droits pour les chercheurs scientifiques à titre individuel, des droits et des obligations pour les organismes de recherche scientifique, mais aussi des obligations pour les autorités publiques.
3. Étant donné qu’il comporte des devoirs et des responsabilités, l’exercice de la liberté de recherche scientifique peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire.
La liberté de la recherche scientifique peut également être limitée en raison de circonstances de recherche particulières ou de contraintes opérationnelles. La liberté de la recherche scientifique doit être soigneusement mise en balance avec d’autres intérêts légitimes, tels que l’obtention d’avantages concurrentiels légitimes et la protection de la propriété intellectuelle. Ces limites ne doivent cependant pas s’opposer aux pratiques et principes éthiques reconnus, auxquels les chercheurs doivent adhérer.
4. La proposition devrait s’appuyer sur la définition de la liberté de la recherche scientifique figurant dans la déclaration de Bonn et à l’annexe II, pilier 1, point 2, de la proposition de recommandation du Conseil sur un cadre européen pour attirer et retenir les chercheurs, l’innovation et les entrepreneurs talentueux en Europe.
Liberté des chercheurs scientifiques
5. Le terme de «chercheur scientifique» devrait être défini de manière large, conformément à la proposition de recommandation du Conseil relative à un cadre européen visant à attirer et à retenir les chercheurs, les innovateurs et les entrepreneurs talentueux en Europe.
6. La liberté de la recherche scientifique implique le droit pour les chercheurs de définir librement les questions de recherche, de choisir et de développer des théories, de rassembler des données empiriques et d’utiliser des méthodes de recherche scientifique rigoureuses, de respecter l’intégrité scientifique, de combattre les idées reçues, de produire des publications et de communiquer en toute liberté ainsi que de proposer de nouvelles idées et théories, et de proposer de nouvelles idées et théories ainsi que de les diffuser librement.
7. Les droits des chercheurs comprennent au moins:
a) le droit de s’associer à des organisations professionnelles ou universitaires représentatives;
b) le droit d’accéder librement aux informations publiques et le droit d’accéder aux informations privées nécessaires à des fins scientifiques, qui doivent être mises en balance avec les droits des détenteurs d’informations et la nature/la sensibilité des informations;
c) le droit de préserver la confidentialité d’informations ou de données spécifiques, ainsi que la source de ces informations ou données, afin de respecter les normes éthiques et scientifiques et d’atteindre un objectif scientifique ou d’autres objectifs légitimes;
d) le droit de publier, de partager, de diffuser et de communiquer ouvertement et de manière critique, tant en interne qu’en externe, les résultats et les données de leurs recherches et le droit de parler librement des travaux et de la politique des instituts de recherche scientifique, sans crainte de représailles;
e) le droit de définir librement les questions de recherche, de choisir, développer et rassembler du matériel empirique ainsi que d’interagir avec d’autres chercheurs.
8. Les chercheurs devraient pouvoir jouir de ces droits individuels sans craindre de représailles.
Droits et obligations des organismes de recherche scientifique
9. Afin de garantir la liberté de la recherche scientifique aux chercheurs scientifiques, les organismes de recherche scientifique doivent disposer d’une autonomie institutionnelle effective. Si l’autonomie institutionnelle est une condition préalable à la liberté de la recherche scientifique pour les chercheurs scientifiques et à l’exercice autonome de la recherche, elle n’est pas nécessairement subordonnée aux droits des chercheurs. L’autonomie institutionnelle est nécessaire non seulement pour protéger la liberté de la recherche scientifique, mais aussi pour assurer le bon fonctionnement du secteur scientifique. Par conséquent, la proposition doit établir un juste équilibre, qui permette de concilier les droits individuels et l’autonomie institutionnelle.
10. Les organismes de recherche scientifique devraient avoir la liberté de s’engager dans une coopération internationale.
11. Dans le cadre de leur autonomie institutionnelle, les organismes de recherche doivent instaurer des procédures transparentes, équitables et fondées sur l’excellence pour les carrières dans la recherche.
12. Pour parvenir à l’autonomie institutionnelle, il faut tenir compte, entre autres, de l’autonomie organisationnelle, financière, personnelle et scientifique.
13. L’autonomie institutionnelle est très spécifique au contexte et peut être obtenue de nombreuses manières différentes en combinant différentes formes d’autonomie. Pour atteindre une véritable autonomie institutionnelle, il n’est pas nécessaire de respecter de manière uniforme tous ces différents aspects de l’autonomie institutionnelle. Par conséquent, la définition de l’autonomie institutionnelle dans la proposition ne devrait pas être statique, mais plutôt faciliter l’adaptation aux différents contextes nationaux, régionaux et institutionnels, notamment en prévoyant la possibilité de faire évoluer les priorités entre les différents aspects de l’autonomie institutionnelle sur la base d’une appréciation progressive plutôt que binaire de ces aspects.
14. L’autonomie institutionnelle devrait aller de pair avec l’obligation pour les organismes de recherche de prévoir une certaine forme de participation des chercheurs scientifiques à la prise de décision.
15. Cela inclut le droit de présenter publiquement des observations sur la gouvernance de l’organisation et du système sans craindre de représailles. Cela inclut également la responsabilité des organismes de recherche de créer une culture de débat ouvert. Il s’agit également de mettre en place des procédures efficaces pour signaler les fautes et, conformément aux normes visées dans la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil(1), pour protéger les personnes qui signalent des fautes, des manquements aux normes académiques ou éthiques, ainsi que des procédures distinctes fondées sur la protection de la vie privée et la présomption d’innocence, pour traiter les fautes signalées.
Obligations gouvernementales
16. Les autorités publiques des États membres, à tous les niveaux de pouvoir, y compris au niveau des institutions, organes et organismes de l’Union, devraient être tenues de respecter, de protéger, de promouvoir et d’assurer la liberté de la recherche scientifique, et en particulier l’autonomie institutionnelle.
17. Le respect de la liberté de la recherche scientifique signifie que les autorités publiques s’abstiennent d’interférer et d’imposer des restrictions inutiles à la liberté de la recherche scientifique ainsi que de participer activement à des violations de ce droit ou de s’en rendre complices.
18. La protection de la liberté de la recherche scientifique implique que les autorités publiques sont tenues de prendre des mesures énergiques pour assurer une protection contre les tiers qui interfèrent indûment, à quelque niveau que ce soit, dans la liberté de la recherche scientifique.
19. La sauvegarde de la liberté de la recherche scientifique implique que les autorités publiques doivent activement créer toutes les conditions nécessaires à l’exercice de tous les aspects de cette liberté, y compris l’autonomie institutionnelle. Il s’agit notamment de mettre en place des politiques en faveur de carrières durables et d’emplois de qualité dans le domaine de la recherche à toutes les étapes de la carrière, ainsi qu’un financement institutionnel fiable et stable à long terme.
20. La promotion de la liberté de la recherche scientifique implique que les autorités publiques devraient s’engager activement dans un dialogue avec des tiers pour défendre le respect, la protection et la sauvegarde de la liberté de la recherche scientifique, et qu’elles devraient éventuellement mettre fin à toute coopération avec des tiers qui ne souscriraient pas à un même ensemble de principes et de valeurs.
Considérations générales
21. La proposition législative devrait refléter le fait que la liberté de la recherche scientifique doit être considérée dans sa globalité, en tenant compte de la liberté d’ingérence et de la garantie de conditions-cadres. La recherche scientifique devrait être exempte de toute ingérence injustifiée des autorités publiques, de plus, une communauté scientifique forte et une société réceptive aux connaissances scientifiques viennent soutenir l’exercice de la liberté de la recherche scientifique.
La responsabilité incomberait aux autorités publiques d’enquêter sur les violations présumées de la liberté de la recherche scientifique et de faire en sorte que leurs auteurs répondent de leurs actes.
22. La proposition législative devrait prévoir la création d’un système de surveillance qui permettrait de signaler tout manquement aux normes de la recherche scientifique une fois ce manquement relevé.
23. La proposition législative devrait tenir compte du fait que, tout en ayant une valeur intrinsèque, la liberté de la recherche scientifique est indissociable de la liberté d’enseignement dans le paysage universitaire moderne. En d’autres termes, compte tenu de la base juridique de la proposition et des compétences clés de l’Union en matière de recherche, et dans le respect des compétences limitées de l’Union lorsqu’il s’agit de légiférer dans le domaine de l’éducation, la proposition doit viser à protéger le plus largement possible la diffusion en interne.
24. L’acte proposé devrait être juridiquement contraignant dans l’ensemble de l’Union. La proposition devrait viser à créer un cadre juridique qui offre suffisamment de souplesse pour équilibrer les droits et obligations au cas par cas et qui puisse être appliqué dans toute l’Union malgré la grande diversité des systèmes nationaux et régionaux de recherche scientifique. Elle devrait servir de point de départ à l’élaboration de normes juridiques minimales en matière de liberté de la recherche scientifique grâce à la jurisprudence des tribunaux européens, y compris la Cour de justice de l’Union européenne.
Directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union (JO L 305 du 26.11.2019, p. 17).