Résolution du Parlement européen du 7 février 2024 sur l’état de droit et la liberté des médias en Grèce (2024/2502(RSP))
Le Parlement européen,
– vu le traité sur l’Union européenne (traité UE), et notamment son article 2, son article 4, paragraphe 3, et son article 7, paragraphe 1,
– vu la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «charte»),
– vu la convention européenne des droits de l’homme et ses protocoles,
– vu la déclaration universelle des droits de l’homme,
– vu les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme des Nations unies et du Conseil de l’Europe,
– vu le règlement (UE, Euratom) 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union («règlement sur la conditionnalité liée à l’état de droit»)(1),
– vu le règlement (UE) 2021/1060 du Parlement européen et du Conseil du 24 juin 2021 portant dispositions communes relatives au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen plus, au Fonds de cohésion, au Fonds pour une transition juste et au Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture, et établissant les règles financières applicables à ces Fonds et au Fonds «Asile, migration et intégration», au Fonds pour la sécurité intérieure et à l’instrument relatif à la gestion des frontières et à la politique des visas («règlement portant dispositions communes»)(2),
– vu son rapport qui fait suite à la mission de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures à Athènes (Grèce), menée du 6 au 8 mars 2023, à l’initiative de son groupe de suivi de la démocratie, de l’état de droit et des droits fondamentaux,
– vu les chapitres portant sur la Grèce des rapports annuels de la Commission sur l’état de droit, et notamment ceux de 2021, 2022 et 2023,
– vu les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme concernant la Grèce,
– vu le rapport d’enquête sur les allégations d’infraction et de mauvaise administration dans l’application du droit de l’Union lors de l’utilisation de Pegasus et de logiciels espions de surveillance équivalents et sa recommandation du 15 juin 2023 à l’intention du Conseil et de la Commission à la suite de l’enquête sur les allégations d’infraction et de mauvaise administration dans l’application du droit de l’Union lors de l’utilisation de Pegasus et de logiciels espions de surveillance équivalents(3),
– vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre commun pour les services de médias dans le marché intérieur (législation européenne sur la liberté des médias) et modifiant la directive 2010/13/UE, présentée par la Commission le 16 septembre 2022 (COM(2022)0457),
– vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2022 sur la protection des personnes qui participent au débat public contre les procédures judiciaires manifestement infondées ou abusives («poursuites stratégiques altérant le débat public») (COM(2022)0177).
– vu la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 10 mars 2010 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive «Services de médias audiovisuels»)(4),
– vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,
A. considérant que l’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, d’état de droit et de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités, valeurs consacrées à l’article 2 du traité UE, dans la charte et dans les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme;
B. considérant que le respect par un État membre des valeurs consacrées à l’article 2 du traité UE est une condition de la jouissance de l’ensemble des droits découlant de l’application des traités à cet État membre, notamment le droit au financement de l’Union; que, conformément à l’article 7 du traité UE, l’Union peut apprécier l’existence d’un risque clair de violation grave des valeurs visées à l’article 2;
C. considérant que, ces dernières années, l’état de droit et la liberté des médias se sont détériorés en Grèce; que cette situation n’a pas été suffisamment prise en compte, que de nombreuses préoccupations subsistent et que de nombreux problèmes continuent de se poser;
D. considérant qu’en 2022, la Grèce a adopté une loi visant à accroître la transparence en matière de propriété des médias et a mis en place un registre pour la presse écrite ainsi qu’un registre pour la presse électronique, de manière à ce que seules les entreprises enregistrées puissent bénéficier de la publicité publique(5);
E. considérant que la directive «Services de médias audiovisuels» établit que les États membres doivent veiller à ce que les autorités ou organismes de régulation nationaux exercent leurs pouvoirs de manière impartiale et transparente, dans le respect des objectifs de ladite directive, notamment le pluralisme des médias, la diversité culturelle et linguistique, la protection des consommateurs, l’accessibilité, la non-discrimination, le bon fonctionnement du marché intérieur et la promotion de la concurrence loyale; qu’elle prévoit en outre que les États membres doivent veiller à ce que les autorités ou organismes nationaux de régulation disposent de ressources financières et humaines ainsi que de pouvoirs d’exécution suffisants pour exercer efficacement leurs fonctions;
F. considérant que l’accord conclu entre les colégislateurs dans le cadre de la législation européenne sur la liberté des médias devrait renforcer les exigences de transparence en matière de propriété directe et indirecte des médias, d’attribution de fonds publics aux médias sous la forme de publicité publique, ainsi que de nomination et de révocation des conseils d’administration des médias de service public; que la législation sur la liberté des médias devrait mettre en place des garanties solides contre la surveillance indue des journalistes et des équipes éditoriales des médias;
G. considérant que la plateforme du Conseil de l’Europe pour la sécurité des journalistes avait recensé deux cas d’impunité pour meurtre, neuf alertes actives et deux autres alertes restées sans réponse à la fin de 2023;
H. considérant que la Grèce occupe la dernière place du classement parmi tous les pays de l’Union (107e place) dans le classement mondial 2023 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières;
I. considérant que la liberté et le pluralisme des médias ainsi que l’indépendance et la sécurité des journalistes sont des composantes essentielles du droit à la liberté d’expression et d’information et sont indispensables au fonctionnement démocratique de l’Union européenne et de ses États membres, ainsi qu’à la sauvegarde de l’état de droit, notamment la lutte contre la corruption;
J. considérant que la Commission a conclu que la Grèce satisfait aux critères de financement de l’Union, puisqu’une stratégie de lutte contre la corruption a été adoptée par son autorité nationale de la transparence; que l’autorité nationale de transparence n’a pas d’antécédents en matière de contrôle efficace et indépendant; que la conclusion de la Commission semble reposer uniquement sur l’adoption théorique d’une stratégie, et non sur des mesures véritablement mises en pratique;
K. considérant que, selon l’indice de perception de la corruption 2023 établi par Transparency International, la Grèce a affiché un recul inquiétant concernant les questions relatives à l’état de droit par rapport aux 27 États membres de l’Union; qu’il s’agit là d’une régression qui se traduit également par l’augmentation de l’indice de perception de la corruption dans le pays;
L. considérant que, dans le scandale de la «liste Petsas», 20 millions d’euros de fonds publics ont été distribués aux médias pour des campagnes de communication sur la santé publique, y compris des sites Internet inexistants et des blogs personnels; que certains médias ont été totalement exclus sans aucune justification et sur la base de critères opaques;
M. considérant qu’une enquête préliminaire menée par la direction générale grecque de l’unité de lutte contre la criminalité financière et économique a révélé qu’au moins 270 médias financés n’étaient pas enregistrés correctement ni légalement et que la perte enregistrée par les fonds publics dépassait 3 millions d’euros;
N. considérant qu’en 2022, le neveu et ancien secrétaire général du cabinet du Premier ministre a engagé plusieurs poursuites contre le journal EFSYN, la plateforme d’enquête en ligne Reporters United et des journalistes indépendants, demandant la suppression d’un article le mêlant à un scandale national de logiciels espions impliquant la société Intellexa, et réclamant une indemnisation de 550 000 euros; que cet article a, entre autres, provoqué un tollé qui a finalement conduit à sa démission du poste de secrétaire général du cabinet du Premier ministre; que d’autres informations concernant son rôle dans le scandale des logiciels espions ont été communiquées depuis lors; que de nombreuses organisations internationales de défense de la liberté d’expression et de la liberté des médias ont condamné cette action en justice, qu’elles considèrent comme une poursuite stratégique altérant le débat public (poursuite-bâillon) visant à supprimer les reportages critiques;
O. considérant que le rapport annuel 2022 de l’autorité grecque chargée de la sécurité des communications et de la vie privée (ADAE), publié récemment, a révélé que des milliers de cas de demandes d’accès à des communications pour des raisons de sécurité nationale n’avaient pas été signalés à temps à l’ADAE par le service national de renseignement grec (EYP) et la division spéciale de la police chargée de la lutte contre la criminalité violente (antiterrorisme);
P. considérant qu’une amende d’un montant exorbitant de 435 000 euros a été infligée à l’hebdomadaire Documento News par les autorités fiscales en décembre 2023; que le centre européen pour la liberté de la presse et des médias a condamné cette mesure le 7 décembre 2023, après avoir exprimé sa consternation;
Q. considérant que Panayote Dimitras, militant des droits de l’homme et fondateur et chef du Greek Helsinki Monitor (GHM), fait l’objet de poursuites pour traite d’êtres humains, alors qu’il semble avoir agi légalement pour apporter une aide humanitaire à des demandeurs d’asile; qu’en décembre 2022, il a été condamné à une amende et à une interdiction d’exercer une activité au sein du GHM; que la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme ont fait part de leurs inquiétudes concernant cette affaire; que l’autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux a ordonné le gel de tous les actifs de Panayote Dimitras en mai 2023; que, le 31 mai 2023, Panayote Dimitras a déclaré qu’il n’avait reçu que des fonds de l’Union destinés à lutter contre les discours haineux et qu’il ne les avait utilisés qu’à cette fin; que le récent acquittement de seize travailleurs humanitaires et bénévoles montre que les poursuites pénales engagées contre les personnes qui apportent une aide humanitaire aux demandeurs d’asile ne reposent sur aucune base juridique;
R. considérant que le règlement sur la conditionnalité liée à l’état de droit est de la plus haute importance pour protéger le budget de l’Union;
S. considérant que, le 28 novembre 2022, le Parquet européen a ouvert une enquête sur l’utilisation abusive de 700 millions d’euros de subventions en faveur d’un système de sécurité ferroviaire; que 23 personnes ont depuis été arrêtées dans le cadre de ce scandale, à l’exception des (anciens) ministres du gouvernement qui sont protégés de toute poursuite par une décision du parlement grec, pour laquelle la Constitution grecque a été invoquée;
T. considérant que le gouvernement grec, de même que les représentants des forces de police grecques, a refusé de rencontrer la délégation du groupe de surveillance de la démocratie, de l’état de droit et des droits fondamentaux du Parlement au cours de sa mission officielle; que, le lendemain, le Premier ministre grec a rencontré une délégation locale allemande du Parti populaire européen; qu’un tel refus, de la part de ministres ou d’autres représentants de haut niveau d’un gouvernement, de rencontrer la délégation du groupe de surveillance de la démocratie, de l’état de droit et des droits fondamentaux au cours d’une mission d’enquête est inédit depuis la mise en place dudit groupe en 2018;
U. considérant que la Grèce a adopté plusieurs actes législatifs en matière d’égalité, dont certains comportent des lacunes majeures; que la loi grecque interdisant les «pratiques de conversion» pour les mineurs et les autres personnes vulnérables ne couvre pas les cas où ces pratiques sont exercées par des prêtres ou d’autres dirigeants religieux et/ou spirituels, ni par des spécialistes sans qualification officielle, et qu’elle ne s’applique pas non plus aux adultes ayant donné leur consentement; que les personnes recourant à de telles pratiques ne peuvent être jugées responsables que si elles ont accepté de l’argent pour les mettre en œuvre; que la communauté LGBTIQ+ a connu des bouleversements majeurs au cours de l’été 2023 à la suite de la mort d’Anna Hernández, une artiste queer cubaine, retrouvée poignardée chez elle et qui a été mégenrée dans les premiers rapports de police;
V. considérant que, dans l’indice d’égalité de genre 2023 de l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes, la Grèce a obtenu 58 points sur 100 et qu’elle n’occupe que la 24e place dans l’Union; que, selon l’évaluation réalisée en 2023 par le groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, qui surveille la mise en œuvre de la convention d’Istanbul, la Grèce ne dispose actuellement d’aucun centre d’aide aux victimes de viol, ni de centre d’aide d’urgence aux victimes de violence sexuelle;
1. exprime sa profonde inquiétude concernant les menaces très graves qui pèsent sur la démocratie, l’état de droit et les droits fondamentaux en Grèce; souligne que le système d’équilibre des pouvoirs est essentiel à la solidité de la démocratie et constate avec inquiétude que cet équilibre est soumis à de fortes pressions;
2. s’inquiète profondément du fait que les autorités répressives et judiciaires grecques n’ont pas progressé dans l’enquête sur l’assassinat du journaliste grec George Karaivaz le 9 avril 2021; constate qu’exception faite de l’arrestation de deux suspects en avril 2023, l’enquête policière ne semble guère progresser; prie instamment les autorités de prendre toutes les mesures nécessaires pour mener une enquête approfondie et efficace et de traduire en justice les personnes impliquées, à tous les niveaux, dans l’assassinat; invite les autorités à solliciter l’aide d’Europol;
3. s’inquiète vivement du fait que, outre ce meurtre, de nombreux journalistes subissent des menaces physiques, des attaques verbales, y compris de la part de personnalités politiques et de ministres de haut rang, des atteintes à leur vie privée au moyen de logiciels espions, ainsi que des poursuites-bâillons; souligne l’effet dissuasif que ce contexte a sur eux; demande l’abandon immédiat de ces poursuites-bâillons, en particulier; insiste sur le fait que le gouvernement a l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour traduire en justice les auteurs de crimes contre des particuliers, des journalistes et d’autres acteurs des médias, ainsi que pour créer un environnement sûr pour tous les journalistes;
4. se déclare profondément préoccupé par les nombreux cas de recours excessif à la force par les services de police à l’encontre de groupes minoritaires et de manifestants pacifiques en général; invite les autorités à mener des enquêtes complètes et indépendantes sur tous ces cas; s’inquiète profondément du fait que trois jeunes Roms ont été tués ces dernières années en Grèce à la suite de violences policières présumées, et qu’aucune enquête approfondie n’ait été menée sur ces violences; constate avec inquiétude que, dans certains cas, la police a nettoyé la scène de crime avant qu’un examen médico-légal n’ait eu lieu; rappelle que, malgré des images de la police ayant recours à la force sans nécessité, le tribunal compétent a acquitté quatre officiers de police de leur implication dans la mort de Zak Kostopoulos, militant LGBTIQ+, survenue en 2022;
5. invite le gouvernement à garantir la pleine indépendance de son autorité nationale de régulation du secteur audiovisuel, comme l’exige la directive «Services de médias audiovisuels»;
6. souligne que le pluralisme des médias est menacé, étant donné qu’un petit nombre d’oligarques se partagent la propriété de la majorité des médias dans le pays, ce qui entraîne des lacunes dramatiques pour ce qui est des reportages sur certains sujets, tels que les inquiétudes concernant le système de sécurité ferroviaire avant l’accident ferroviaire qui s’est produit dans la vallée de Tempé; constate avec inquiétude le manque de transparence dans la distribution des subventions publiques aux médias; prend acte de la conclusion de la Commission selon laquelle les régulateurs des médias manquent de ressources; s’interroge sur l’objectivité et l’indépendance du Conseil national grec de la radiotélévision et s’inquiète du remplacement soudain, en septembre 2023, de son comité de surveillance; invite la Commission à surveiller la mise en œuvre de la nouvelle loi n° 5005/2022 sur les médias du 21 décembre 2022, notamment en ce qui concerne la transparence de la propriété des médias;
7. demande, en ce qui concerne l’utilisation illégale de technologies de surveillance telles que le logiciel espion Predator:
a)
que des garanties institutionnelles et juridiques, notamment un contrôle ex ante et ex post efficace, et des mécanismes de contrôle indépendants soient rétablis et renforcés d’urgence;
b)
que toutes les licences d’exportation qui ne sont pas totalement conformes au règlement sur les biens à double usage(6) soient abrogées d’urgence et que les allégations d’exportations illégales, entre autres vers le Soudan, fassent l’objet d’une enquête;
c)
que la capacité des autorités d’enquêter librement et sans entrave sur toutes les allégations d’utilisation de logiciels espions soit garantie;
d)
que l’amendement législatif de 2019 qui plaçait l’EYP sous le contrôle direct du Premier ministre soit annulé;
e)
que l’indépendance de la direction de l’autorité nationale de la transparence soit garantie;
f)
qu’une enquête de police soit ouverte en urgence à la suite de l’utilisation abusive présumée de logiciels espions et que les preuves matérielles de l’existence d’intermédiaires, de sociétés de courtage et de fournisseurs de logiciels espions liés aux infections par des logiciels espions soient saisies;
g)
qu’Europol soit immédiatement invitée à participer aux enquêtes; condamne l’instrumentalisation illégitime de l’expression «menace pour la sécurité nationale» pour justifier les écoutes téléphoniques et la surveillance inacceptables des opposants politiques, notamment Georgios Tsos, député au Parlement européen, et Nikos Androulakis, ancien député au Parlement européen; se déclare vivement préoccupé par l’influence du Premier ministre sur l’EYP, qui relève directement de la compétence et de la supervision de son cabinet;
8. constate avec une vive inquiétude que les autorités indépendantes, telles que l’ADAE et l’autorité grecque de protection des données (APD), ont été soumises à une pression croissante en raison de leur travail concernant les écoutes téléphoniques illégitimes de l’EYP; relève par ailleurs qu’en 2023, le Parlement grec a soudainement remplacé les membres du conseil d’administration de l’ADAE, à la veille de la décision de l’ADAE d’infliger une amende à l’EYP, et juste avant que l’ADAE et l’APD demandent qu’une étape décisive soit franchie dans l’enquête sur le scandale des logiciels espions;
9. invite le gouvernement grec à retirer d’urgence l’amendement n° 826/145 de la loi n° 2472/1997, qui a supprimé la capacité de l’ADAE à informer les citoyens de la levée de la confidentialité des communications, et à rétablir la pleine indépendance du pouvoir judiciaire et de tous les organes de contrôle concernés, tels que le médiateur et l’APD, afin de garantir que tous les organes de contrôle bénéficient d’une coopération et d’un accès complets à l’information et soient en mesure de fournir des informations complètes à toutes les victimes;
10. exprime son inquiétude, en ce qui concerne l’APD et l’ADAE, quant au sous-financement, au manque de personnel, à la limitation des pouvoirs, à l’opacité des procédures de nomination, ainsi qu’au harcèlement et à l’intimidation des fonctionnaires d’organismes publics indépendants tels que le Médiateur, dont la durée du mandat doit respecter les principes de Paris et les normes européennes relatives aux organismes de promotion de l’égalité; constate, en outre, que l’agence nationale pour la transparence, qui devrait jouer un rôle essentiel dans le contrôle des autorités publiques, ne semble pas être efficace et que son indépendance suscite des inquiétudes; invite le gouvernement grec à garantir l’indépendance et l’autonomie opérationnelle des organes de contrôle indépendants, conformément à la Constitution grecque et aux prescriptions légales nationales et européennes applicables, ainsi qu’à améliorer le respect de leurs recommandations; souligne que les difficultés et retards systématiques dans la nomination de la direction des organes de contrôle indépendants nuisent à leur efficacité et à leur autorité; est très préoccupé par le remplacement soudain, en septembre 2023, des membres du conseil d’administration de l’ADAE et de l’organe de surveillance de l’organisme public de radiodiffusion, au moment où l’ADAE et l’APD ont demandé qu’une étape décisive soit franchie dans l’enquête sur les logiciels espions;
11. s’inquiète vivement du fait que l’enquête sur les logiciels espions ait été transférée à un autre procureur, après que les procureurs précédents ont demandé à l’ADAE de vérifier si les 92 personnes ciblées par le logiciel espion Predator (notamment des députés nationaux, des députés au Parlement européen, des journalistes et des fonctionnaires du gouvernement) avaient également été surveillées par l’EYP, et que ce transfert conduira de facto à la fin de l’enquête; demande une nouvelle fois qu’Europol soit associée à l’enquête;
12. condamne fermement les actes d’intimidation et de harcèlement dont font l’objet les fonctionnaires qui surveillent le gouvernement, tels qu’Eleni Touloupaki, ancienne procureure anticorruption, et Christos Rammos, directeur de l’ADAE; exprime sa consternation face à l’intervention du procureur de la Cour suprême et à la tentative présumée d’entraver la demande de l’ADAE qui consistait à ce qu’une entreprise de télécommunications vérifie les demandes de surveillance en 2022;
13. souligne avec une vive inquiétude que la corruption érode les services et les biens publics; explique que la longueur des procédures judiciaires, aggravée par les doutes quant à l’intégrité de certaines parties de la police, ainsi que les conflits d’intérêts au plus haut niveau, notamment les allégations d’infiltration policière par des groupes criminels organisés, conduiront à une culture de l’impunité propice à la corruption; souligne que les autorités n’ont pas encore obtenu de bons résultats en ce qui concerne les enquêtes et les poursuites dans les affaires de corruption à haut niveau, qui donnent lieu à des condamnations définitives produisant un effet dissuasif; invite le gouvernement et les pouvoirs publics à remédier en priorité à ces problèmes;
14. demande au gouvernement grec d’adopter immédiatement les mesures et les réformes nécessaires pour améliorer la transparence et la capacité des forces de police à enquêter sur des affaires de criminalité organisée, y compris à examiner les indications fortes de liens entre la criminalité organisée et les forces de police dans l’ensemble de leurs rangs;
15. invite le gouvernement à mettre pleinement en œuvre tous les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et à se conformer aux mesures provisoires imposées par la Cour;
16. relève qu’à ce jour, aucune mesure n’a été prise en ce qui concerne la participation du pouvoir judiciaire à la procédure de nomination des plus hautes fonctions juridictionnelles, à savoir les juges, aux postes de président et de vice-président du Conseil d’État, de la Cour suprême et de la Cour des comptes;
17. exprime son profond regret et sa tristesse face aux pertes tragiques de vies humaines survenues dans le naufrage du 14 juin 2023, lorsqu’un bateau de pêche a coulé dans la mer Ionienne au large des côtes grecques de Pylos, en Messénie, faisant plus de 600 victimes présumées; s’inquiète vivement de l’absence de progrès dans l’enquête judiciaire; salue les enquêtes menées par le Médiateur européen et le Médiateur grec sur cette catastrophe; se déclare vivement préoccupé par le traitement réservé aux migrants aux frontières extérieures et à l’intérieur du pays, à la suite de refoulements systématiques et de violences à l’encontre de ressortissants de pays tiers, de leur détention arbitraire et du vol de leurs effets personnels; s’inquiète par ailleurs vivement des conditions observées dans les centres d’accueil, notamment en ce qui concerne la protection des personnes contre les crimes et l’accès aux installations sanitaires de base; estime que l’officier aux droits fondamentaux au ministère de la migration et de l’asile a besoin d’un mandat plus large et indépendant, afin de pouvoir aussi enquêter efficacement sur les refoulements; invite la Commission à évaluer la conformité avec le droit de l’Union des systèmes de surveillance des frontières utilisant l’analyse comportementale et du financement de ces systèmes par l’Union; condamne l’incapacité dramatique de la Commission à faire respecter la législation de l’Union en ce qui concerne les conditions d’accueil, les refoulements et les droits de l’homme; estime qu’une procédure d’infraction serait plus appropriée que les félicitations de la commissaire;
18. est préoccupé par les attaques contre la société civile et, en particulier, les campagnes de dénigrement et le harcèlement judiciaire menés par les autorités grecques à l’encontre de militants des droits de l’homme; s’inquiète des récents procès contre des travailleurs humanitaires et des personnes qui apportent une aide humanitaire aux migrants et aux réfugiés; invite les autorités grecques à abandonner immédiatement toutes les poursuites et à veiller à ce que les travailleurs humanitaires et les bénévoles puissent apporter leur aide librement et en toute sécurité;
19. estime qu’il est essentiel que l’enquête judiciaire sur la catastrophe ferroviaire qui s’est produite dans la vallée de Tempé soit menée rapidement et de manière exhaustive, en couvrant tous les acteurs concernés, y compris les membres du gouvernement responsables; n’est pas satisfait du contrôle effectué par la commission compétente du Parlement grec, car elle semble manquer d’impartialité politique et être réticente à faire appel à des témoins experts clés pour témoigner; est profondément préoccupé par le refus du Parlement grec de mener une enquête, comme l’a demandé le Parquet européen, sur deux anciens ministres des transports(7);
20. s’inquiète du cadre réglementaire restrictif pour l’enregistrement des organisations de la société civile, en particulier en ce qui concerne les organisations actives dans les domaines de la migration et de l’inclusion sociale; prie instamment le gouvernement de lever, sans délai et avec effet immédiat, les restrictions imposées aux organisations non gouvernementales (ONG) et aux journalistes qui font des reportages sur la migration et de revoir en priorité le cadre législatif; invite la Commission à soutenir et à renforcer toutes les initiatives contribuant à une plus grande transparence dans ces domaines, telles que le mécanisme de signalement des refoulements de la commission des droits de l’homme;
21. note que la Grèce a mis en place un cadre juridique relatif à l’égalité de traitement et que des mesures positives ont été prises en ce sens, telles que la création de la nouvelle commission des droits de l’homme; s’inquiète toutefois de la faiblesse du cadre juridique et de la discrimination à l’encontre des personnes LGBTIQ+, des Roms et d’autres minorités; invite le gouvernement et toutes les autres forces politiques à jouer un rôle de premier plan et à promouvoir le changement sociétal à cet égard, en particulier en ce qui concerne la violence domestique, la violence policière et le mariage pour tous, qui fait l’objet de débats depuis plusieurs années;
22. constate l’existence de lignes d’assistance téléphonique et de services spécialisés de lutte contre la violence domestique, créés par les forces de police, mais prie instamment le gouvernement de mettre en place de véritables centres d’aide aux victimes de viol et de veiller à ce que les victimes de violences sexuelles puissent avoir immédiatement accès à des soins médicaux, à un soutien post-traumatique, à des examens médico-légaux et à un soutien psychologique; invite le gouvernement à faire du féminicide un crime à part entière;
23. se félicite de l’interdiction des interventions chirurgicales non consenties et demande que les professionnels de santé soient correctement formés pour accueillir et soigner correctement les personnes intersexuées;
24. salue le projet de loi sur le mariage pour tous présenté au Parlement grec et demande qu’il soit rapidement adopté;
25. invite le gouvernement à améliorer le processus législatif en introduisant une consultation réelle et constructive, et à abolir la pratique controversée de la législation omnibus;
26. déplore que le gouvernement grec et les autorités policières aient refusé de rencontrer des représentants du Parlement européen lors de sa mission officielle d’avril 2022 et demande au gouvernement grec actuel de nouer un dialogue constructif avec le Parlement européen;
27. invite la Commission à utiliser pleinement les outils dont elle dispose pour lutter contre les violations des valeurs consacrées à l’article 2 du traité UE en Grèce; réclame notamment une évaluation du respect de la charte dans la mise en œuvre des fonds de l’Union concernés, comme l’exige le règlement portant dispositions communes; demande à la Commission d’évaluer, au titre du règlement sur la conditionnalité liée à l’état de droit, les conséquences de la non-exécution des arrêts pertinents des juridictions européennes; rappelle que, conformément à l’article 5, paragraphes 4 et 5, du règlement sur la conditionnalité liée à l’état de droit, lorsque des mesures financières sont adoptées, la Commission doit veiller à ce que les destinataires finaux ou les bénéficiaires des fonds de l’Union ne soient pas privés de ces derniers; précise que la Commission doit tout mettre en œuvre pour s’assurer que les fonds de l’Union soient effectivement versés aux citoyens, aux entreprises, aux autorités régionales et locales, aux ONG et à toute autre partie prenante concernée lorsque le gouvernement ne coopère pas en ce qui concerne les lacunes de l’état de droit, en particulier compte tenu des conséquences de la crise économique, du coût élevé de la vie et de l’augmentation de la pauvreté dans le pays;
28. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au Conseil de l’Europe, à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et aux Nations unies.
Loi n° 5005/2022 du 21 décembre 2022 sur le renforcement de la publicité et de la transparence de la presse écrite et électronique – création de registres électroniques pour la presse écrite et électronique et autres dispositions relevant de la compétence du secrétariat général à la communication et aux médias.
Règlement (UE) 2021/821 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2021 instituant un régime de l’Union de contrôle des exportations, du courtage, de l’assistance technique, du transit et des transferts en ce qui concerne les biens à double usage (JO L 206 du 11.6.2021, p. 1).