Résolution du Parlement européen du 8 février 2024 sur la situation en Serbie à la suite des élections (2024/2521(RSP))
Le Parlement européen,
– vu ses résolutions antérieures sur la Serbie, en particulier celle du 10 mai 2023 sur le rapport 2022 de la Commission concernant la Serbie(1),
– vu les déclarations précédentes de l’Union sur la Serbie, en particulier la déclaration conjointe de Josep Borrell, haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, et d’Olivér Várhelyi, commissaire au voisinage et à l’élargissement, du 19 décembre 2023 sur les élections législatives,
– vu les premières constatations et les conclusions préliminaires de la mission internationale d’observation électorale (MIOE) pour les élections législatives anticipées du 17 décembre 2023 en Serbie,
– vu l’avis conjoint de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE)/du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH) et de la Commission de Venise du 19 décembre 2022 sur le cadre constitutionnel et juridique régissant le fonctionnement des institutions démocratiques en Serbie – droit électoral et administration électorale,
– vu le rapport d’observation électorale de la commission ad hoc du Bureau de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe du 17 janvier 2024 intitulé «Observation des élections législatives anticipées en Serbie (17 décembre 2023)»,
– vu le discours sur les élections en Serbie du 17 janvier 2024 prononcé en séance plénière par Didier Reynders, commissaire à la justice, au nom de Josep Borrell, vice-président de la Commission/haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (VP/HR),
– vu la lettre ouverte sur la situation en Serbie à la suite des élections, signée par les présidents de la commission des affaires étrangères de plusieurs pays de l’Union européenne,
– vu le processus de dialogue parlementaire qu’il a cofacilité en Serbie,
– vu la constitution de la Serbie de 2006 et sa loi de 2022 sur l’élection des députés au Parlement,
– vu le rapport spécial 01/2022 du 10 janvier 2022 de la Cour des comptes européenne, intitulé «Soutien de l’UE à l’état de droit dans les Balkans occidentaux: malgré des efforts, des problèmes fondamentaux persistent»,
– vu l’article 132, paragraphes 2 et 4, de son règlement intérieur,
A. considérant que, à la suite des fusillades de masse à Belgrade et près de Mladenovac en mai 2023, de grandes manifestations ont été organisées dans toute la Serbie sous le mot d’ordre «La Serbie contre la violence»; que, le 1er novembre 2023, le président serbe a invoqué les demandes d’élections anticipées formulées par l’opposition pour dissoudre le parlement; qu’il a fixé au 17 décembre 2023 la tenue d’élections législatives anticipées;
B. considérant que, depuis 2012, toutes les élections législatives en Serbie, sauf une, ont été des élections anticipées; qu’il s’agissait des troisièmes élections législatives en moins de quatre ans;
C. considérant que, à la suite de la démission soudaine et simultanée de 65 maires du parti au pouvoir, dont celui de Belgrade, et de la décision de l’Assemblée de la province autonome de Voïvodine de s’autodissoudre, malgré des majorités stables, il a été décidé de tenir des élections municipales anticipées dans un tiers des villes et des localités de Serbie et des élections provinciales en Voïvodine à la même date, le 17 décembre 2023; que l’organisation d’élections municipales partielles et d’élections législatives le même jour n’est pas une bonne pratique qui soit établie de longue date; que de nombreux observateurs considèrent les élections municipales partielles anticipées comme un outil de consolidation du pouvoir par le gouvernement en place et une utilisation abusive du droit de vote des communautés locales;
D. considérant que les élections se sont déroulées dans un climat de polarisation sociale accrue et de vive concurrence entre des programmes politiques opposés; qu’elles ont été marquées par un niveau sans précédent de campagne de dénigrement et d’incitation à la peur, ainsi que par des attaques contre les opposants politiques et les journalistes;
E. considérant que, avant le jour des élections, la Serbie n’avait pas mis en œuvre les principales recommandations du BIDDH de l’OSCE et de la Commission de Venise, notamment celles concernant la garantie de conditions équitables, les mesures visant à prévenir l’abus de fonctions publiques et de ressources de l’État, la séparation entre les fonctions officielles et les activités de campagne, ainsi que des mécanismes efficaces pour prévenir les intimidations et les pressions exercées sur les électeurs, y compris l’achat de voix;
F. considérant que l’ensemble de la campagne a été caractérisé par une polarisation plus extrême encore, une rhétorique agressive, la volonté de discréditer personnellement les opposants, des insultes verbales et des propos incendiaires; que les pressions exercées sur les employés du secteur public, l’abus de ressources publiques et les tentatives d’incitation au vote ont suscité des préoccupations quant à la capacité des électeurs à faire un choix exempt de toute pression indue; que, outre certaines difficultés d’accès aux lieux publics rencontrées par l’opposition, ces pratiques ont faussé les règles du jeu et entraîné une confusion des genres entre l’État et le parti au pouvoir, ce qui est contraire aux normes internationales; que les médias sous la coupe de la Russie Sputnik Serbie et Russia Today Balkan ont activement contribué à la diffusion de la désinformation, essentiellement au sujet des candidats de l’opposition;
G. considérant que la campagne a été largement dominée par le président sortant Aleksandar Vučić, qui, bien qu’il n’ait pas été candidat à ces élections, a joué un rôle central dans la campagne au jour le jour en participant activement aux manifestations organisées par le Parti progressiste serbe (SNS); que la liste conduite par le SNS portait le nom d’Aleksandar Vučić;
H. considérant que les organes de contrôle de la campagne et des médias électroniques ont largement échoué à décourager les infractions pendant la période électorale;
I. considérant qu’une MIOE a été menée par l’OSCE/BIDDH, l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et le Parlement européen, afin de déterminer si les élections étaient conformes aux engagements vis de l’OSCE, à d’autres obligations et normes internationales en matière d’élections démocratiques et à la législation nationale;
J. considérant que les listes électorales ont été mises à jour au moyen du registre électoral unifié et que le nombre final d’électeurs s’élevait à 6 500 666; que de nombreux électeurs décédés seraient encore inscrits sur ces listes;
K. considérant que le taux de participation électorale a été de 58,58 %, soit un peu plus élevé que lors des précédentes élections, qui se sont tenues en 2022;
L. considérant que, même si 43 % des 2 827 candidats au Parlement étaient des femmes et si des efforts ont été déployés pour promouvoir leur participation, les femmes restent généralement sous-représentées à des fonctions électives et moins souvent nommées en fonction;
M. considérant que, dans l’ensemble, les élections se sont déroulées sans heurts, mais que le jour du scrutin a été entaché de nombreux vices de procédure, notamment d’une application irrégulière des garanties procédurales lors du vote et du dépouillement, des cas fréquents de cohue dans les bureaux de vote, des violations du secret du vote, de nombreux cas de vote collectif et des cas isolés d’agressions physiques;
N. considérant que, selon la commission électorale nationale de la République de Serbie, le SNS a remporté 46,75 % des voix, tandis que la plus grande coalition d’opposition, "La Serbie contre la violence", a obtenu 23,66 % des voix, le Parti socialiste de Serbie, 6,55 %, l’Alternative nationale démocratique (en abrégé: NADA), 5,02 %, «Nous – La voix du peuple» (en serbe : Mi – Glas iz naroda, en abrégé: MI–GIN), 4,69 % et cinq listes minoritaires, ensemble, un total de 3,68 %;
O. considérant que la déclaration des constatations et conclusions préliminaires de la MIOE soulignait que, bien que correctement menées sur le plan technique et offrant aux électeurs un choix d’alternatives politiques, les élections législatives anticipées du 17 décembre ont été dominées par la participation décisive du président, situation qui, associée aux avantages systémiques du parti au pouvoir, a créé des conditions injustes; que le rapport final de l’OSCE/BIDDH devrait être publié dans les semaines à venir;
P. considérant que les principales allégations d’irrégularités le jour du scrutin concernent spécifiquement Belgrade, où des «électeurs fantômes» provenant d’autres villes et localités serbes qui n’organisaient pas d’élections à cette date, ainsi que de pays voisins, étaient enregistrés par les autorités dans des appartements dans lesquels ils ne résidaient pas; que de nombreuses allégations ont fait état d’électeurs résidant à l’étranger dont le déplacement a été organisé et qui ont été transportés en bus par le parti au pouvoir pour aller voter aux élections municipales à Belgrade;
Q. considérant que l’organisation serbe de la société civile CRTA a procédé à une analyse approfondie, sur la base de données et de ressources limitées, et qu’elle a estimé, de manière très prudente, que les inexactitudes dans le registre électoral concernaient au moins 30 000 électeurs; qu’elle dispose de preuves solides attestant que ces inexactitudes faisaient partie d’une stratégie d’ingénierie électorale illégale et illégitime visant à influencer les résultats des élections et à fausser la volonté des électeurs; que le transport de personnes a été organisé de toute la Serbie et de l’étranger (Bosnie-Herzégovine et Monténégro) pour voter aux élections municipales à Belgrade; que même des fonctionnaires de l’État et des responsables politiques de Bosnie-Herzégovine ont ouvertement voté aux élections municipales à Belgrade; que le gouvernement serbe a défendu cette pratique comme étant légitime;
R. considérant que d’autres allégations importantes d’irrégularités portent sur l’achat de votes, la partialité des médias, les pressions exercées sur les employés du secteur public et les groupes socialement vulnérables, l’abus de ressources publiques, les intimidations et le bourrage d’urnes;
S. considérant que les autorités serbes nient toute irrégularité; que tant le président serbe que les médias contrôlés par le Kremlin ont prétendu que d’autres pays se seraient grossièrement ingérés dans le processus électoral en Serbie, mais qu’ils n’ont pas apporté de preuves suffisantes à l’appui de ces allégations; que la Première ministre Ana Brnabić a publiquement remercié les services de renseignement russes d’avoir communiqué des informations sur les activités prévues de l’opposition; que la diffusion de la désinformation et de la propagande russes constitue un problème grave et persistant en Serbie, en particulier lors des campagnes électorales; que le Kremlin a condamné les manifestations citoyennes contre les élections frauduleuses en Serbie, manifestations qu’il considère comme des tentatives de l’Occident de renverser le gouvernement et d’orchestrer un «coup d’État à la Maïdan»;
T. considérant que des organisations serbes indépendantes dénonçant les irrégularités commises au cours des dernières élections ont fait l’objet d’attaques incessantes de la part de fonctionnaires du gouvernement; que, bien que ces organisations aient mis en lumière de nombreuses preuves concrètes de fraude électorale, les autorités serbes ont jusqu’à présent refusé d’enquêter sur ces allégations d’irrégularités et ont au contraire tenté de discréditer et d’intimider les observateurs électoraux qui ont publié des comptes rendus de ces irrégularités; que, depuis les élections, les principaux responsables politiques serbes, y compris le Président, ont injustement diffamé les députés au Parlement européen et d’autres membres de la MIOE;
U. considérant que les résultats des élections, en particulier les élections municipales à Belgrade, ont été contestés par l’opposition, ce qui a donné lieu à de grandes manifestations pacifiques lancées par la coalition d’opposition «La Serbie contre la violence» et par l’association non partisane ProGlas pour demander l’annulation des élections et l’organisation d’un nouveau scrutin; que la commission électorale nationale a rejeté les réclamations de l’opposition; que l’opposition a demandé l’annulation des résultats des élections devant la Cour constitutionnelle en raison d’allégations de fraude généralisée;
V. considérant qu’une manifestation organisée le 24 décembre 2023 a dégénéré lorsque certains manifestants ont tenté de prendre d’assaut l’Assemblée de la ville de Belgrade, après quoi les forces de l’ordre ont arrêté 38 personnes, dont des étudiants, qui ont été poursuivies pour avoir remis en cause l’ordre constitutionnel et dont certaines sont toujours assignées à résidence; que plusieurs manifestants pacifiques ont affirmé que des hooligans masqués avaient infiltré les manifestations; que ces manifestants pacifiques ont également dénoncé un usage disproportionné de la force par les forces de l’ordre;
W. considérant que, au cours des dix dernières années, depuis l’arrivée au pouvoir du président Vučić, on a assisté à une érosion continue de la liberté des médias en Serbie, caractérisée par des pressions politiques, des menaces, voire des agressions physiques à l’encontre des journalistes; que Reporters sans frontières a placé, dans son classement mondial de la liberté de la presse, la Serbie parmi les derniers pays d’Europe, le pays ayant chuté de douze places pour reculer à la 91e position du classement en 2023;
X. considérant que l’état de droit et le bon fonctionnement des institutions démocratiques du pays demeurent un défi de taille pour le processus d’adhésion de la Serbie à l’Union européenne;
1. déplore que les élections législatives et locales serbes tenues le 17 décembre 2023 n’aient pas été conformes aux normes internationales et aux engagements pris par la Serbie en faveur d’élections libres et régulières, en raison de l’abus persistant et systématique des institutions et des médias par les élus sortants afin d’obtenir un avantage injuste et indu; estime que ces élections ne peuvent être considérées comme s’étant déroulées dans des conditions équitables; s’inquiète des informations faisant état d’une fraude généralisée et systématique qui a compromis l’intégrité des élections en Serbie;
2. relève que la MIOE a affirmé que les élections se sont déroulées sans heurts, mais que le jour du scrutin a été marqué par de nombreux vices de procédure, notamment une application irrégulière des garanties prévues lors du vote et du dépouillement, des exemples fréquents d’encombrement des bureaux de vote, des violations du secret du vote et de nombreux cas de vote collectif; exprime sa vive inquiétude face à ces irrégularités et au climat général des élections, qui n’ont pas été à la hauteur des normes attendues d’un pays candidat à l’adhésion à l’Union; rappelle aux autorités serbes que le bon fonctionnement des institutions démocratiques du pays est au cœur du processus d’adhésion de la Serbie à l’Union et des modalités d’adhésion à l’Union;
3. est profondément préoccupé par les nombreuses preuves recueillies par les observateurs internationaux et nationaux, qui montrent que les activités menées avant et pendant le jour du scrutin ont pu modifier le résultat des élections et avoir de lourdes répercussions sur les résultats des élections municipales de Belgrade, en particulier, et qu’elles ont gravement porté atteinte à la légitimité des élections législatives;
4. demande qu’une enquête internationale indépendante soit menée par des institutions et des experts juridiques internationaux respectés sur les irrégularités des élections parlementaires, provinciales et municipales, et plus particulièrement sur les élections au conseil municipal de Belgrade, étant donné que certaines allégations, notamment celles concernant les déplacements organisés d’électeurs au niveau local, dépassent le cadre couvert par les rapports du BIDDH de l’OSCE; soutient le déploiement rapide d’une mission d’enquête ad hoc en Serbie, avec la participation du Parlement;
5. presse la Commission de prendre l’initiative d’envoyer une mission d’experts en Serbie afin d’évaluer la situation relative aux dernières élections et aux événements qui ont suivi, en vue de faciliter les conditions préalables à l’établissement d’un dialogue sociétal nécessaire et de tenter de rétablir ainsi la confiance du public dans les institutions, ainsi que d’évaluer et de traiter les problèmes systémiques en matière d’état de droit en Serbie, en se fondant sur l’exemple des «rapports Priebe»;
6. déplore l’absence de réaction institutionnelle aux allégations graves selon lesquelles les élus sortants se seraient livrés à des manipulations et à des fraudes électorales, ce qui contribue à créer un climat d’impunité et perpétue ces pratiques; constate avec inquiétude que certaines des irrégularités électorales qui ont conduit aux élections de décembre 2023 constituent de potentielles violations du droit serbe et de la constitution; souligne que si l’on laisse perdurer ces pratiques sans qu’il n’y ait aucune répercussion, elles continueront de miner la confiance envers le processus électoral et les institutions en Serbie, ce qui entravera irrévocablement la démocratie et la poursuite de l’intégration européenne; insiste sur l’importance d’enquêter de manière approfondie sur toutes les plaintes ayant trait aux élections, y compris sur la demande récente d’annuler les élections au conseil municipal de Belgrade du 17 décembre 2023, présentée devant la Cour constitutionnelle par un membre de la coalition «La Serbie contre la violence»;
7. déplore l’absence de poursuites et de sanctions liées aux infractions constatées au cours des élections, notamment en ce qui concerne les allégations graves de manipulation illégale du registre électoral et des droits de vote, de pressions et d’intimidations exercées sur les citoyens et les candidats aux élections, de cas de corruption, de falsification de signatures de citoyens, de clientélisme, d’utilisation abusive illégitime et illégale de données de citoyens ainsi que d’abus de pouvoir, et d’absence de mécanismes efficaces visant à empêcher les élus sortants d’obtenir un avantage institutionnel injuste dans le cadre des élections;
8. presse les autorités serbes de mener des enquêtes, ainsi que de poursuivre et de traduire en justice les personnes qui ont commis des infractions pénales au cours des élections et qui s’en sont pris à des étudiants;
9. condamne les attaques planifiées par des fonctionnaires serbes contre des observateurs électoraux, y compris des députés européens, et réclame la reprise d’un dialogue respectueux et constructif, en soulignant l’importance du respect mutuel dans le processus démocratique; est profondément préoccupé par les tentatives visant à discréditer les observateurs et à les intimider; demande instamment aux autorités serbes de prendre toutes les mesures qui s’imposent afin d’éviter d’autres campagnes de désinformation à l’encontre des observateurs électoraux et de mettre en place des conditions qui permettront aux observateurs électoraux nationaux et internationaux de faire efficacement leur travail, ainsi que de les protéger de toute violence, menace, mesure de représailles, discrimination, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime de leurs droits et libertés; salue le travail des observateurs nationaux du Centre pour la recherche, la transparence et la responsabilité (CRTA) et du Centre pour la démocratie et les élections libres (CeSID);
10. s’inquiète de la «passivisation» des adresses de domicile de certaines catégories de citoyens, y compris à Belgrade et dans le sud de la Serbie, qui les prive du droit de vote; invite les autorités compétentes à remédier sans plus tarder à ces graves violations des droits électoraux;
11. prie instamment la République de Serbie de répondre aux préoccupations concernant la participation des minorités nationales au processus électoral, en veillant à la bonne application des critères relatifs au statut de minorité et en remédiant aux vulnérabilités face aux pressions et à l’achat de voix;
12. invite les autorités serbes à trouver des solutions institutionnelles pour surmonter les problèmes actuels; demande que le Parlement et le gouvernement serbes mettent tout en œuvre pour fonctionner efficacement, libérés du cycle incessant des campagnes et des élections anticipées à répétition;
13. invite instamment les autorités serbes à rétablir la confiance des électeurs dans l’intégralité du processus, à définir des procédures électorales totalement transparentes et à veiller à ce que les autorités rendent des comptes, qu’elles organisent des élections ou qu’elles interviennent dans leur déroulement; demande aux autorités serbes de coopérer pleinement avec le BIDDH, l’Union européenne et le Conseil de l’Europe et de permettre la mise en place d’un processus inclusif afin de renforcer les droits et les libertés, ainsi que les institutions et les processus liés aux élections, auquel participeront des observateurs électoraux et des partis politiques nationaux; se félicite de toute démarche sincère allant dans ce sens;
14. constate avec inquiétude que la Serbie n’a pas mis en œuvre de nombreuses recommandations de longue date du BIDDH de l’OSCE sur des questions essentielles touchant au processus électoral, bien qu’elle ait été invitée à plusieurs reprises à le faire, y compris par la Commission; prend acte des récentes modifications qui ont porté de manière sélective sur certaines des recommandations précédentes du BIDDH de l’OSCE et de la Commission de Venise, notamment celles qui concernent le cadre juridique du financement des campagnes électorales;
15. attend avec intérêt le rapport final de de la mission internationale d’observation électorale du BIDDH de l’OSCE; invite instamment la Serbie à mettre en œuvre les recommandations formulées dans l’avis conjoint de la Commission de Venise et du BIDDH de l’OSCE du 19 décembre 2022 sur le cadre constitutionnel et juridique régissant le fonctionnement des institutions démocratiques en Serbie, en consultation avec des organisations expertes de la société civile et bien avant les prochaines élections, afin d’éviter de nouvelles irrégularités et fraudes tout en garantissant le fonctionnement démocratique du pays, en particulier en ce qui concerne l’accès des candidats en lice aux médias, le renforcement de la transparence et du respect de l’obligation de justifier le financement des campagnes électorales, les mesures visant à lutter contre les pressions exercées sur les électeurs et l’usage impropre des ressources administratives;
16. invite la Serbie à mettre en œuvre la recommandation du BIDDH de l’OSCE de procéder à un audit complet du registre électoral unifié afin de répondre aux préoccupations concernant son exactitude, y compris les allégations de déplacements d’électeurs et l’inscription de personnes décédées; est préoccupé par les allégations selon lesquelles le registre électoral unifié a déjà enregistré de fortes augmentations du nombre d’électeurs dans les villes où les élections locales auront lieu plus tard en 2024;
17. prie instamment la commission électorale de la République de prendre les mesures nécessaires pour répondre aux préoccupations concernant la transparence et l’efficacité de son fonctionnement, y compris la publication en temps utile des résultats du contrôle au cours de la campagne;
18. condamne l’absence de pluralisme médiatique au cours de la campagne électorale ainsi que la désinformation et la couverture médiatique largement contraire à l’éthique et partiale en faveur des élus sortants; constate avec inquiétude qu’un grand nombre de médias sont influencés ou contrôlés par le gouvernement, ce qui a entraîné des conditions de concurrence inégales pour les candidats de l’opposition au cours de la campagne; condamne les attaques menées par des médias proches du gouvernement contre des journalistes qui se montrent critiques; déplore la très forte exposition publique du président serbe avant et pendant la campagne électorale, qui a effacé les frontières entre l’institution que constitue le président, l’État et le parti politique au pouvoir;
19. s’inquiète du fait que, malgré les nouvelles lois sur les médias électroniques et sur l’information et les médias publics, la situation et le pluralisme des médias se sont détériorés; regrette vivement que l’autorité de régulation des médias électroniques ait négligé les obligations qui lui incombaient en vertu de la loi d’examiner la campagne dans les médias, de rendre compte de ses conclusions et de sanctionner les médias qui avaient enfreint la loi, diffusé des discours haineux ou violé les normes journalistiques; constate avec inquiétude que l’Autorité n’a publié les résultats du contrôle que pour le radiodiffuseur public et les chaînes câblées privées, mais pas pour les chaînes nationales privées proches du parti au pouvoir;
20. s’inquiète des cas d’attaques et de propos injurieux combinés à du harcèlement à l’encontre de journalistes, de militants des droits de l’homme et d’organisations de la société civile, dont la responsabilité incombe dans certains cas à des représentants du gouvernement, en particulier avant les élections; presse les autorités serbes de lutter contre les ingérences étrangères et les campagnes de désinformation, de renforcer la protection du journalisme indépendant de manière significative et de veiller à la transparence du paysage médiatique; souligne que les institutions de l’Union doivent en faire davantage pour garantir la protection des droits et des libertés des journalistes et des médias serbes; souligne que l’accès aux fonds de préadhésion devrait être mis à profit pour empêcher que la situation de la liberté des médias ne se détériore davantage;
21. demande que l’efficacité des mécanismes de contrôle de la campagne, notamment de l’Agence pour la prévention de la corruption et du comité ad hoc de contrôle de la campagne, soit réformée afin de garantir un traitement rapide et transparent des plaintes relatives à un usage impropre des ressources publiques;
22. souligne que la Serbie, en tant que pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne, n’a pas suffisamment respecté les normes démocratiques fondamentales de l’Union ni les normes démocratiques internationales; invite les autorités serbes à veiller à ce que les garanties démocratiques soient suffisantes pour organiser les prochaines élections locales régulières en 2024, ainsi que de futurs scrutins;
23. constate que ces douze dernières années, tous les parlements serbes, sauf un, ont été dissous de manière anticipée et que la répétition d’élections anticipées injustifiées porte préjudice à la stabilité politique; souligne que les élections anticipées à répétition, les campagnes électorales permanentes et les longs délais de formation des gouvernements ne contribuent pas à une gouvernance démocratique efficace du pays, mais affaiblissent le parlement et se traduisent par l’absence de contrôle législatif et de légitimité du parlement;
24. insiste sur l’importance de la liberté d’expression et rappelle que tout un chacun a le droit d’exprimer ses opinions et de participer à des manifestations pacifiques; condamne, dans ce contexte, le recours disproportionné à la violence policière contre des manifestants pacifiques qui protestaient contre la fraude électorale; s’inquiète des allégations selon lesquelles des agents provocateurs auraient infiltré les manifestations pour déclencher l’intervention de la police; est préoccupé par les informations selon lesquelles certains participants à la manifestation du 24 décembre 2023 ont fait l’objet d’un traitement excessivement sévère de la part de la police et de la justice, ce qui tranche radicalement avec les pratiques de la police serbe lors de précédentes manifestations dans le pays; prie instamment les missions diplomatiques de l’Union et des États membres de continuer à suivre les affaires judiciaires en cours liées aux manifestations;
25. condamne fermement les allégations non étayées des autorités serbes selon lesquelles des États membres de l’Union ont participé à l’organisation de manifestations postélectorales; regrette que les manifestations aient servi de prétexte à la diffusion de propos anti-européens dans les médias proches du parti au pouvoir;
26. regrette que la Commission, notamment le commissaire à l’élargissement, n’ait pas formulé de critiques virulentes au sujet des nombreuses allégations de fraude électorale lors des élections en Serbie et invite la Commission à remédier sans délai aux lacunes qui ont donné lieu à ces allégations;
27. répète une nouvelle fois que les négociations d’adhésion avec la Serbie ne devraient avancer que si le pays fait des progrès significatifs dans ses réformes liées à l’Union et notamment s’il met pleinement en œuvre les recommandations du BIDDH de l’OSCE et de la Commission de Venise; invite la Commission et le Conseil à imposer un régime de conditions strictes; invite la Commission à suivre de près les rapports de la Cour des comptes européenne et à entamer immédiatement l’audit des fonds accordés au gouvernement serbe au titre de l’instrument d’aide de préadhésion III (IAP III) et d’autres instruments financiers; rappelle que si les autorités serbes ne sont pas disposées à mettre en œuvre les principales recommandations relatives aux élections ou si les conclusions de cette enquête indiquent que les autorités serbes ont été directement impliquées dans les fraudes électorales, il convient de suspendre le financement de l’Union au motif que les élections en Serbie ont été entachées de graves violations de l’état de droit;
28. s’engage à suivre de près l’évolution de la situation en Serbie après les élections et à soutenir les réformes qui renforcent la démocratie et aident la Serbie à progresser sur la voie de l’adhésion à l’Union européenne; souligne qu’il s’est toujours efforcé, dans toutes ses activités, de soutenir le pluralisme politique et le renforcement d’un paysage électoral sans exclusive en Serbie, en particulier grâce au dialogue entre partis et au dialogue parlementaire; souligne l’importance de poursuivre le dialogue entre partis et le dialogue parlementaire; demande à l’Union de faciliter un dialogue interne et constructif en Serbie entre le gouvernement et l’opposition afin de surmonter le climat actuel de profonde polarisation politique; estime, dans ce contexte, que le Parlement est l’institution la mieux à même de jouer un rôle de facilitateur constructif;
29. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au président du Conseil européen, à la Commission, au vice-président de la Commission et haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au président, au gouvernement et à l’Assemblée nationale de Serbie, au Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE, à l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, ainsi qu’à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.