Résolution du Parlement européen du 8 février 2024 sur les nouvelles répressions à l’encontre des forces démocratiques au Venezuela: attaques contre la candidate à la présidentielle María Corina Machado (2024/2549(RSP))
Le Parlement européen,
– vu ses résolutions précédentes sur le Venezuela,
– vu la déclaration universelle des droits de l’homme ainsi que les autres traités et instruments des Nations unies en faveur des droits de l’homme,
– vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques,
– vu la déclaration du porte-parole du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité du 29 janvier 2024
– vu la déclaration du secrétariat général de l’Organisation des États américains du 28 janvier 2024 sur les événements survenus récemment au Venezuela,
– vu l’accord partiel sur la promotion des droits politiques et des garanties électorales pour tous, signé par le gouvernement Maduro et la coalition d’opposition vénézuélienne Plataforma unitaria, en octobre 2023 (accord de la Barbade),
– vu le premier rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits des Nations unies sur la République bolivarienne du Venezuela, publié le 16 septembre 2020,
– vu la Constitution du Venezuela,
– vu le rapport final de la mission d’observation électorale de l’Union européenne (MOE de l’UE) au Venezuela du 22 février 2022 intitulé «Élections régionales et municipales du 21 novembre 2021» et la déclaration du président de la délégation d’observation électorale du Parlement européen, Jordi Cañas, du 23 novembre 2021 sur les élections régionales et locales au Venezuela en 2021,
– vu l’article 132, paragraphes 2 et 4, de son règlement intérieur,
A. considérant que l’élection de 2024 au Venezuela pourrait constituer un tournant marquant le passage d’une autocratie corrompue à un retour à la démocratie, si tous les points de l’accord de la Barbade sont respectés; que les droits civils et politiques sont encore bafoués au Venezuela, ce qui est source d’instabilité et de violence depuis des années; que quelque huit millions de personnes ont été obligées de quitter le pays;
B. considérant que l’information du public, la liberté d’opinion et d’expression et le droit de réunion ont été systématiquement restreints, notamment pour les dissidents, les syndicalistes, les défenseurs des droits de l’homme et les membres les plus vulnérables de la société;
C. considérant que le 17 octobre 2023 au Venezuela, le régime de Maduro et la coalition d’opposition Plateforme unitaire ont signé deux accords, appelés «accords de la Barbade», qui abordaient notamment la question de la promotion des droits politiques et des garanties électorales pour tous, ainsi que la libération des prisonniers politiques; que cet accord couvrait des sujets importants tels que la participation d’observateurs internationaux au processus électoral; que la signature de cet accord constituait une première étape pour garantir la tenue d’élections libres et équitables au Venezuela;
D. considérant que, le 22 octobre 2023, María Corina Machado a été choisie comme candidate de l’opposition démocratique au régime pour l’élection présidentielle, remportant 92 % des voix lors des primaires;
E. considérant que pendant plusieurs mois, María Corina Machado, des membres de son équipe de campagne (notamment Juan Freites, Luis Camacaro et Guillermo López, qui ont été illégalement détenus et sont portés disparus depuis lors), des organisations de la société civile, des avocats, des organisations non gouvernementales (ONG) et d’autres acteurs politiques de l’opposition démocratique au régime ont été la cible de manœuvres arbitraires menées pour des motifs politiques et visant à leur interdire d’exercer des fonctions publiques; que parmi les personnes ciblées figure Henrique Capriles, qui s’est présenté deux fois à la présidence par le passé et dont la révocation a également été confirmée dans la déclaration du 26 janvier 2024;
F. considérant que des points essentiels ont fait défaut lors de la procédure concernant la réhabilitation de María Corina Machado, puisque celle-ci n’a pas reçu de copie des accusations portées à son encontre et n’a pas eu l’occasion de pouvoir y répondre; que la Cour suprême du régime a publié un résumé de son arrêt, qui n’a aucune base juridique, sur son site internet; que la Constitution du Venezuela énonce que les droits politiques des personnes ne peuvent être restreints par des décisions administratives, lesquelles ne peuvent pas non plus empêcher des personnes d’exercer des fonctions publiques; que la Cour suprême du régime ne pouvait donc pas rendre d’arrêt constitutionnellement valable en la matière;
G. considérant que le 6 décembre 2023, Roberto Abdul, membre de la commission qui a planifié les primaires de l’opposition au régime, a été arrêté pour trahison présumée; que, dans le même temps, des mandats d’arrêt ont été émis à l’encontre de Henry Alviarez, de Claudia Macero et de Pedro Urruchurtu, membres du parti Vente Venezuela, sur la base d’accusations comme la trahison, le complot et le blanchiment d’argent;
H. considérant que ces décisions arbitraires sont incompatibles avec l’engagement pris par les représentants de Nicolás Maduro d’organiser une élection présidentielle pluraliste au Venezuela en 2024 et vont à l’encontre des recommandations de la MOE de l’UE; considérant que la révocation arbitraire persistante par les autorités administratives des candidats de l’opposition aux élections restreint considérablement le droit des Vénézuéliens de choisir leurs représentants;
I. considérant que, dans sa résolution du 13 juillet 2023 sur les déchéances des droits politiques au Venezuela(1), le Parlement a déjà fermement condamné la déchéance politique de candidats par le régime vénézuélien; que cette résolution condamne expressément la déchéance arbitraire et inconstitutionnelle de María Corina Machado et d’autres personnalités politiques de premier plan pour une durée de 15 ans, et déplore que les recommandations de la dernière MOE de l’UE aient été totalement ignorées;
J. considérant que le régime Maduro a refusé l’entrée sur le territoire vénézuélien de la cheffe de la MOE de l’UE, dont le déplacement visait à présenter le rapport final sur les élections régionales et municipales de 2021, car ladite MOE de l’UE avait été expulsée du pays;
K. considérant que le 22 janvier, le régime, par l’intermédiaire du procureur général, a lancé quatorze mandats d’arrêt fondés sur des accusations forgées de toutes pièces dirigées contre plusieurs personnes dont la défenseuse des droits de l’homme Tamara Sujú, la journaliste Sebastiana Barráez, l’ancien maire de Caracas Antonio Ledezma, le dirigeant politique Leopoldo López, l’ancien président provisoire du Venezuela Juan Guaidó et l’ancien maire David Smolansky, pour trahison, pour magnicide et pour avoir simplement exercé leur liberté d’exprimer leur opposition au régime;
L. considérant que le Parlement vénézuélien, qui est contrôlé par le régime Maduro, prépare une nouvelle loi sur le financement et les performances des ONG afin de limiter la capacité de la société civile à s’organiser et à défendre ses droits;
M. considérant que, le 31 janvier, Nicolás Maduro a soutenu un appel lancé par l’Assemblée nationale contrôlée par le régime en vue d’élaborer, à partir du 5 février et en concertation avec différents secteurs, une proposition de calendrier électoral pour l’élection présidentielle, attendue pour le second semestre de 2024, mais toujours sans date précise;
N. considérant que la feuille de route électorale figurant dans l’accord de la Barbade reste l’occasion de résoudre les crises politiques, économiques et humanitaires de longue date au Venezuela et pour y organiser des élections pluralistes, libres et ouvertes à tous; que la persécution des candidats de l’opposition par le régime vénézuélien constitue une grave violation des droits politiques et des garanties électorales consacrés par l’accord de la Barbade;
O. considérant que le régime a également apporté des modifications au conseil électoral national (CNE) afin d’entraver le processus électoral et d’étouffer toute perspective de retour à la démocratie; qu’en juin 2023, trois recteurs principaux du CNE ont démissionné, ce qui a contraint les deux derniers à démissionner à leur tour; que l’Assemblée nationale du régime a nommé une commission spéciale composée de représentants du régime, dont l’épouse de Nicolás Maduro, pour élire de nouveaux recteurs parmi des membres du régime;
1. condamne fermement les tentatives visant à interdire à la candidate de l’opposition démocratique au régime pour l’élection présidentielle, María Corina Machado, et à d’autres personnes telles qu’Henrique Capriles, d’exercer des fonctions publiques; rappelle que des points essentiels ont fait défaut lors de la procédure en vue de sa réhabilitation, puisqu’elle n’a pas reçu de copie des accusations portées à son encontre et n’a pas eu l’occasion de pouvoir y répondre;
2. condamne fermement les attaques, les disparitions forcées présumées, les arrestations et les mandats d’arrêt émis à l’encontre de membres de l’équipe de Maria Corina Machado et d’autres représentants de l’opposition et de la société civile, ainsi que de défenseurs des droits de l’homme et de journalistes; condamne fermement l’ingérence du régime Maduro dans le processus électoral;
3. demande la libération immédiate et inconditionnelle de tous les leaders politiques et sociaux arrêtés arbitrairement, notamment les trois membres de l’équipe de campagne de la candidate à la présidence María Corina Machado, à savoir Juan Freites, Luis Camacaro et Guillermo Lopez;
4. réaffirme que les actions de Nicolás Maduro et de ses représentants, y compris la persécution de membres de l’opposition démocratique au régime et les tentatives d’empêcher des candidats de participer à l’élection présidentielle de cette année, constituent une violation manifeste des accords de la Barbade signés par des représentants du gouvernement de Nicolás Maduro et de la Plateforme unitaire, en vue d’organiser une élection présidentielle vénézuélienne pluraliste en 2024;
5. souligne que la déclaration de la Cour suprême du régime est inconstitutionnelle et illégale, puisqu’elle découle d’accusations arbitraires aux motifs politiques, et que la procédure suivie n’était pas conforme au droit; estime par conséquent que la décision de la Cour suprême, nommée par le régime, est sans fondement juridique, et que María Corina Machado reste apte à se présenter à l’élection;
6. estime que ces actions constituent une tentative manifeste de persécution politique dictatoriale qui viole les droits civils et politiques du peuple vénézuélien, et que ces actes prévisibles, notamment compte tenu des antécédents du régime, brisent une fois de plus toute perspective d’élections libres et équitables;
7. reconnaît les efforts déployés par l’opposition au régime pour organiser des élections primaires offrant une solution démocratique aux Vénézuéliens tant sur le territoire national qu’à l’étranger; demande instamment aux autorités vénézuéliennes de créer les conditions permettant d’obtenir des élections équitables, libres, transparentes et caractérisées par l’ouverture;
8. prie instamment le régime vénézuélien de mettre un coup d’arrêt immédiat à la persécution de María Corina Machado, la candidate ayant remporté les primaires et donc parfaitement légitime de l’opposition au régime, et d’autres responsables politiques de l’opposition, et de commencer à appliquer l’accord de la Barbade, notamment en respectant les principes de la feuille de route électorale et le paragraphe 1 de l’accord, en vertu duquel les partis sont tenus de «reconnaître et de respecter le droit de chaque acteur politique de choisir librement son candidat à l’élection présidentielle», ce qui impliquerait de veiller à ce que la cheffe de l’opposition au régime, María Corina Machado, puisse participer librement à une élection présidentielle pluraliste et véritablement démocratique en 2024;
9. rappelle l’effroyable situation sociale, économique et humanitaire dans laquelle le Venezuela se trouve depuis des années et que les Vénézuéliens subissent depuis trop longtemps; condamne avec la plus grande fermeté les assassinats, la répression constante, la torture systématique et les violations des droits humains, civils et politiques du peuple vénézuélien et des défenseurs des droits de l’homme; prie instamment le régime vénézuélien de cesser immédiatement de persécuter, de réprimer et de violer les droits civils et politiques de ses opposants politiques et du peuple vénézuélien, de révoquer les mandats d’arrêt des opposants politiques et de libérer les prisonniers politiques;
10. condamne l’utilisation abusive du cadre juridique pour restreindre la défense des droits de l’homme et la liberté d’association, et se dit particulièrement inquiet du projet de loi sur le contrôle, la régularisation, le fonctionnement et le financement des ONG et des organisations apparentées;
11. relève qu’il importe de permettre à tous les Vénézuéliens, tant au Venezuela qu’à l’étranger, de participer à l’élection en mettant à jour le registre électoral permanent et le registre électoral à l’étranger, comme le prévoit le paragraphe 3, point 2) e), de l’accord de la Barbade;
12. condamne fermement l’ingérence dans la désignation des membres du CNE et demande une procédure de nomination indépendante dans le cadre des nouvelles nominations au CNE;
13. soutient pleinement les enquêtes menées par la Cour pénale internationale et la mission internationale indépendante d’établissement des faits des Nations unies sur les nombreux crimes et actes de répression perpétrés par le régime vénézuélien et demande à l’Union européenne d’appuyer les enquêtes envisagées actuellement au titre du Statut de Rome et portant sur les crimes contre l’humanité qui auraient été commis afin que les auteurs de tels actes en rendent compte;
14. reste fermement résolu à soutenir le dialogue entre les parties et les aspirations du peuple vénézuélien à un avenir démocratique; demande à l’Union de collaborer avec la communauté internationale et tous les acteurs démocratiques pacifiques de l’ensemble du spectre politique au Venezuela et d’exploiter tous les mécanismes à sa disposition pour encourager le retour aux principes de l’accord de la Barbade;
15. prie instamment les États membres de maintenir les sanctions infligées au régime Maduro; insiste sur le fait que les sanctions devraient être renforcées jusqu’à ce que le régime s’engage clairement et de manière permanente, conformément à l’accord de la Barbade, à respecter les normes démocratiques fondamentales, l’état de droit et les droits de l’homme; demande que de nouvelles sanctions ciblées soient prises au moyen du régime mondial de sanctions de l’UE en matière de droits de l’homme (loi Magnitsky de l’Union) contre les juges de la Cour suprême du Venezuela intervenus dans les tentatives visant à interdire à Maria Corina Machado d’exercer des fonctions publiques et contre les membres des forces de sécurité vénézuéliennes impliqués dans les abus systématiques contre les opposants au gouvernement;
16. invite le Service européen pour l’action extérieure et la délégation de l’Union au Venezuela, les États membres et la communauté internationale à continuer de suivre la situation dans le pays et à jouer un rôle plus affirmé et plus visible;
17. insiste sur le fait que l’Union ne doit pas envisager d’envoyer une mission d’observation électorale au Venezuela tant qu’il n’existe pas de garanties claires et crédibles quant au respect intégral de l’accord de la Barbade et de la feuille de route électorale, et jusqu’à ce que les responsables politiques de l’opposition qui ont été interdits d’exercer des fonctions publiques soient réhabilités, que María Corina Machado soit autorisée à participer à l’élection et que les recommandations de la MOE de l’UE de 2021 soient correctement mises en œuvre;
18. souligne que l’élection et le résultat de l’élection ne seront pas reconnus si ces conditions ne sont pas respectées;
19. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au vice-président de la Commission/haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux participants au sommet UE-Communauté des États latino-américains et des Caraïbes, à l’Assemblée parlementaire euro-latino-américaine, à l’Organisation des États américains, au secrétaire général des Nations unies et aux autorités du régime vénézuélien.