Les instruments de la PAC et leurs réformes

La politique agricole commune (PAC) a connu, au fil du temps, cinq grandes réformes, dont les plus récentes en 2013 (pour la période financière 2014-2020) et en 2021 (pour la période financière 2023-2027). La dernière réforme et la nouvelle législation sont entrées en vigueur en janvier 2023.

Base juridique

Articles 38 à 44 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE).

Règlement (UE) 2021/2115 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 établissant des règles régissant l’aide aux plans stratégiques devant être établis par les États membres dans le cadre de la politique agricole commune (plans stratégiques relevant de la PAC) et financés par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), et abrogeant les règlements (UE) nº 1305/2013 et (UE) nº 1307/2013 (3.2.7).

Règlement (UE) 2021/2116 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (UE) nº 1306/2013 (3.2.5).

Règlement (UE) 2021/2117 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 modifiant les règlements (UE) nº 1308/2013 portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits agricoles, (UE) nº 1151/2012 relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires, (UE) nº 251/2014 concernant la définition, la description, la présentation, l’étiquetage et la protection des indications géographiques des produits vinicoles aromatisés et (UE) nº 228/2013 portant mesures spécifiques dans le domaine de l’agriculture en faveur des régions ultrapériphériques de l’Union (3.2.6).

Objectifs

Les réformes successives de la PAC ont adapté ses mécanismes pour lui permettre de mieux atteindre les objectifs fixés par le traité (voir fiche 3.2.1). La dernière réforme de 2021 est axée sur 10 objectifs liés aux objectifs communs de l’Union en matière de durabilité sociale, environnementale et économique dans l’agriculture et les zones rurales.

Réalisations

A. La réforme de 1992: la grande inflexion

Depuis ses débuts en 1962, la PAC a rempli ses objectifs, en garantissant la sécurité des approvisionnements alimentaires. Ensuite, avec sa politique de prix de soutien très élevés par rapport aux prix du marché mondial et la garantie d’achat illimitée, la PAC a commencé à produire de plus en plus d’excédents. Afin d’enrayer l’écart croissant entre l’offre et la demande et de maîtriser les dépenses agricoles, le Conseil a adopté un changement radical dans la PAC en substituant à un système de protection par les prix un système d’aides compensatoires aux revenus.

B. L’Agenda 2000: une nouvelle étape complétant la réforme de 1992

Le résultat de l’accord conclu à la fin du Conseil européen de Berlin (24-25 mars 1999) était que la réforme porterait principalement sur un nouvel alignement des prix de l’Union sur les prix mondiaux avec, en outre, l’introduction par les États membres du respect des conditions environnementales en tant que condition pour l’octroi des aides, le renforcement des mesures socio-structurelles et d’accompagnement, et la stabilisation budgétaire moyennant un cadre financier strict pour la période 2000-2006.

C. La réforme de juin 2003: vers une PAC s’appuyant sur des aides découplées

Le 26 juin 2003, à Luxembourg, les ministres de l’agriculture de l’Union sont parvenus à un accord qui a, en fait, profondément remanié la PAC et introduit une série de nouveaux principes ou mécanismes:

  • le découplage des aides par rapport aux volumes produits, ce afin de mieux orienter les exploitations en fonction du marché et de réduire les distorsions sur la production et le commerce agricoles. Ces aides découplées sont désormais devenues un «paiement unique à l’exploitation» axé sur la stabilité des revenus;
  • la compatibilité avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce dans la mesure où le découplage des aides avait pour objectif ultime de permettre l’inclusion du régime de paiement unique dans la «boîte verte» (voir fiche 3.2.11);
  • la redistribution publique des droits de paiement attribués aux exploitations selon des références historiques à l’aide de deux mécanismes: la modulation, permettant le transfert des crédits entre les deux piliers de la PAC pour renforcer le développement rural, et l’application éventuelle d’un modèle régional de découplage permettant l’harmonisation des paiements par hectare attribués selon des critères territoriaux;
  • la discipline financière, principe consacré par la suite dans les perspectives financières pour 2007-2013, en vertu duquel le budget du premier pilier de la PAC a été gelé et des plafonds annuels obligatoires ont été imposés;
  • enfin, une organisation commune unique des marchés (OCM unique) a été créée en 2007, codifiant les mécanismes de régulation des 21 organisations communes des marchés (OCM) existantes.

D. Le «bilan de santé» de 2009: la consolidation du cadre de la réforme de 2003

Le «bilan de santé», approuvé par le Conseil le 20 novembre 2008, a révisé un long éventail de mesures appliquées à la suite de la réforme de la PAC de 2003. Il visait:

  • à renforcer le découplage total des aides moyennant l’élimination progressive des derniers paiements couplés à la production en les intégrant dans le régime du paiement unique à l’exploitation;
  • à réorienter partiellement les fonds du premier pilier en faveur du développement rural moyennant l’augmentation du taux de modulation des aides directes;
  • à assouplir les règles d’intervention publique et de contrôle de l’offre en vue de ne pas freiner la capacité des agriculteurs à réagir aux signaux du marché.

E. La réforme de 2013: une approche plus globale et plus intégrée

Les grandes lignes de la PAC pour la période 2014-2020 concernent:

  • la conversion des aides découplées en un système de soutien multifonctionnel. La phase du découplage de la production des aides agricoles en faveur d'un soutien générique aux revenus, entamée en 2003, a laissé la place à une phase de recouplage des instruments autour d’objectifs ou de fonctions spécifiques. Les paiements uniques aux exploitations ont été remplacés par un système de paiements par étages ou strates. Les nouvelles aides à l’hectare étaient réservées aux seuls agriculteurs actifs (voir fiche 3.2.8). De plus, il était prévu que les enveloppes des paiements directs disponibles pour chaque État membre soient progressivement ajustées de sorte que tous parviennent à un paiement minimal en euros par hectare d’ici à 2019 (le processus de «convergence externe»).
  • la consolidation des deux piliers de la PAC: le premier pilier, qui finance les aides directes et les mesures de marché, intégralement à la charge du Fonds européen agricole de garantie; le deuxième pilier, en faveur du développement rural, avec un régime de cofinancement. La modulation des aides directes en faveur du deuxième pilier a été remplacée par une réduction obligatoire des paiements de base à partir de 150 000 euros («dégressivité»). La flexibilité entre piliers a également été accrue: depuis 2015, les États membres ont la faculté de transférer des fonds initialement alloués dans les deux sens (du premier pilier au deuxième pilier, jusqu’à 15 %, ainsi que du deuxième en faveur du premier, jusqu’à 25 % pour certains États) (voir fiche 3.2.8);
  • la consolidation des outils de l’OCM unique devenus des «filets de sécurité» qui n’interviennent qu’en cas de crise des prix et de perturbation des marchés. En outre, la suppression de toutes les mesures de contrôle de l’offre a été confirmée: le régime des quotas sucriers a expiré en septembre 2017 et les droits de plantation des vignobles ont été remplacés par un système d’autorisations à partir de 2016. Le nouveau régime laitier sans quotas, en vigueur à partir de 2015, a été précédé par l’adoption d’un mini-paquet «lait». La nouvelle OCM unique comprenait également une réserve de crise pour répondre à d’éventuelles perturbations des marchés.
  • une approche plus intégrée, ciblée et territoriale pour le développement rural. Une meilleure coordination des mesures rurales avec le reste des fonds structurels a été prévue (voir fiche 3.1.1). La large palette d’outils existant au sein du second pilier de la PAC a été simplifiée pour se concentrer sur le soutien à la compétitivité, à l’innovation, à l’agriculture fondée sur la «connaissance», à l’installation des jeunes agriculteurs, à la gestion durable des ressources naturelles et au développement territorial équilibré (voir fiche 3.2.9).

F. La réforme de l’après-2020: cap sur l’écologie et priorité donnée aux résultats et aux performances

La réforme de l’après-2020, qui définit la PAC pour la période 2023-2027, se caractérise par un long processus débuté en juin 2018 avec la publication des propositions législatives de la Commission et conclu en décembre 2021 par l’adoption finale des textes approuvés. En 2020, la présentation par la Commission du plan du pacte vert pour l’Europe et des stratégies «De la ferme à la table» et «Biodiversité» a rendu les négociations encore plus complexes. Le paquet de réformes comprend trois règlements: le règlement relatif aux plans stratégiques (3.2.7), le règlement horizontal (3.2.5) et le règlement OCM/modificatif (3.2.6).

La PAC 2023-2027 se concentre sur 10 objectifs spécifiques:

  • un revenu équitable pour les agriculteurs,
  • un accroissement de la compétitivité,
  • une amélioration de la place des agriculteurs dans la chaîne alimentaire,
  • des mesures de lutte contre le changement climatique,
  • la protection de l’environnement,
  • la préservation de la biodiversité et des paysages,
  • le soutien du renouvellement des générations,
  • des zones rurales dynamiques,
  • la qualité des denrées alimentaires et la protection de la santé,
  • la promotion des connaissances et de l’innovation.

La nouvelle PAC vise à mettre en place un système alimentaire durable et, ce faisant, à contribuer à la réalisation des objectifs du pacte vert, de la stratégie «De la ferme à la table» (3.2.10) et à la stratégie en faveur de la biodiversité, en protégeant et en renforçant la diversité des plantes et des animaux dans les écosystèmes ruraux. Afin d’atteindre les objectifs du pacte vert, la nouvelle PAC renforce la conditionnalité (en établissant un lien entre l’aide directe au revenu et des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement) et introduit des programmes écologiques et des plans stratégiques nationaux.

Chaque État membre est tenu d’élaborer un plan stratégique national en décrivant la manière dont il utilise les instruments de la PAC sur la base de ses conditions et besoins actuels. Les plans stratégiques nationaux constituent un nouveau modèle de mise en œuvre de la PAC, fondé sur une plus grande flexibilité pour les États membres, une charge administrative moindre et une protection accrue de l’environnement.

La PAC actuelle introduit un nouveau cadre annuel de suivi et de réexamen, fondé sur un ensemble commun d’indicateurs, qui impose aux États membres de contrôler leurs progrès par rapport à leurs objectifs et de présenter un rapport annuel de performance. Un examen semestriel des performances des plans stratégiques relevant de la PAC permettra d’évaluer les progrès accomplis par les États membres de l’Union en ce qui concerne la réalisation de leurs objectifs et de ceux de la PAC.

Les dépenses au titre de la PAC continuent d’être supportées par l’intermédiaire de deux fonds: le Fonds européen agricole de garantie (qui couvre les paiements directs et toutes les dépenses liées au marché) et le Fonds européen agricole pour le développement rural (qui couvre les mesures de développement rural). La nouvelle PAC aide les agriculteurs au moyen des mesures et programmes suivants:

  • l’aide de base au revenu pour un développement durable,
  • les paiements en faveur des petits agriculteurs,
  • l’aide complémentaire au revenu (en faveur de la durabilité et des jeunes agriculteurs),
  • les programmes écologiques (en faveur du climat, de l’environnement et du bien-être des animaux),
  • l’aide couplée au revenu,
  • les aides spécifiques,
  • les interventions sectorielles,
  • les projets de développement rural.

Rôle du Parlement européen

Le Parlement européen a globalement soutenu toutes les réformes de la PAC. Il a notamment repris, pour la plupart, les orientations de la Commission pour la réforme de 2003, tout en se déclarant favorable au découplage partiel et en rejetant la notion de dégressivité des aides. Par ailleurs, le Parlement a renouvelé sa demande d’une pleine codécision en matière de politique agricole, objectif qui a été atteint avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne (voir fiches 1.1.5 et 3.2.1).

En ce qui concerne les débats sur l’avenir de la PAC après 2013, ceux-ci ont débuté au niveau parlementaire avant même la présentation de la communication et des propositions législatives de la Commission. Sur la base d’un rapport d’initiative, le Parlement a adopté une résolution le 8 juillet 2010. Les députés ont fixé leurs axes prioritaires de la nouvelle PAC pour le XXIe siècle: la sécurité de l’approvisionnement alimentaire, le commerce équitable, le maintien de l’activité agricole dans l’ensemble des territoires de l’Union, la qualité des denrées alimentaires, la préservation de la biodiversité et la protection de l’environnement, la juste rémunération des biens publics fournis par les agriculteurs et, enfin, un développement rural fondé sur la création d’emplois «verts». Ces axes ont été confirmés par une résolution du 23 juin 2011 sur la communication de la Commission sur la PAC à l’horizon 2020.

Le Parlement européen a modifié les propositions législatives relatives à la PAC pour l’après 2013 et le texte ainsi modifié est devenu le mandat de négociation du Parlement avec le Conseil (décisions sur les paiements directs en faveur des agriculteurs, sur le règlement «OCM unique», sur le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural et sur le financement, la gestion et le suivi de la PAC). Sur cette base et après plus de quarante trilogues, un accord politique a été trouvé et le Parlement européen s'est exprimé sur les nouveaux règlements agricoles le 20 novembre 2013, immédiatement après l’adoption du paquet financier 2014/2020.

Les négociations avec le Conseil sur la PAC après 2020 ont débuté le 10 novembre 2020 et se sont poursuivies à travers une série de trilogues. À la fin du mois de juin 2021, les négociateurs sont parvenus à un accord sur les trois propositions du paquet de réformes de la PAC. Cet accord a été approuvé par les ministres de l’agriculture de l’Union le 28 juin 2021, puis par les membres de la commission de l’agriculture et du développement rural le 9 septembre 2021. Le Parlement a voté sur les trois projets du paquet de réforme de la PAC en 2021, lors de la séance plénière de novembre II.

 

Vera Milicevic