Transport aérien: sûreté de l’aviation civile
L’objectif de la sûreté aérienne est de prévenir les actes de malveillance contre les aéronefs, les passagers et les équipages. En réaction aux terribles attentats du 11 septembre 2001, l’Union européenne a adopté un ensemble de règles destinées à préserver la sûreté de l’aviation civile. Ces règles sont régulièrement mises à jour en fonction de l’évolution des risques. Les États membres conservent le droit d’appliquer des mesures plus strictes.
Base juridique
Article 100, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Objectifs
La sûreté aérienne (à ne pas confondre avec la sécurité aérienne[1]) vise à prévenir les actes d’intervention illicite, notamment en éliminant le risque d’introduction d’armes et d’explosifs dans les aéronefs, une préoccupation qui s’est considérablement intensifiée après les attentats terroristes qui ont frappé New York en septembre 2001. Depuis, le cadre réglementaire mondial a été considérablement étoffé, que ce soit à l’issue de coopérations nationales ou internationales, grâce aux normes de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI)[2] ou dans le cadre de l’annexe 17 de la convention de Chicago et du programme universel d’audits de sûreté qui s’y rattache[3].
Réalisations
À la suite des attentats terroristes de septembre 2001, le règlement (CE) nº 2320/2002 a été adopté pour protéger l’aviation civile et établir entre les États membres une compréhension commune de l’annexe 17 de la convention de Chicago. Ce règlement a été remplacé par le règlement (CE) nº 300/2008, qui a établi des règles et des normes de base communes dans le domaine de la sûreté aérienne, ainsi que des mécanismes de contrôle de la conformité. Elle est complétée par un ensemble de dispositions législatives, à savoir des mesures générales qui viennent compléter les normes de base communes ou des mesures détaillées visant à mettre en œuvre ces normes[4]. Elles sont adoptées par la Commission au moyen d’actes d’exécution (procédure de comitologie). Il est à noter que les mesures d’application contenant des informations sensibles sur la sûreté ne sont pas publiées. Le cadre réglementaire de l’Union s’appuie sur des normes communes contraignantes et sur quelques principes essentiels:
- chaque État membre est responsable de la sûreté des vols qui quittent son territoire («principe de la responsabilité de l’État hôte», tel que défini par l’OACI);
- l’ensemble des passagers, du personnel et des bagages doivent être soumis à une inspection/un filtrage avant l’embarquement. Le fret, le courrier et les approvisionnements de bord font également l’objet de mesures d’inspection/filtrage avant leur chargement à bord d’un aéronef, à moins qu’ils n’aient été soumis aux contrôles de sûreté nécessaires;
- les États membres conservent le droit d’appliquer des mesures de sûreté plus strictes s’ils le jugent nécessaire.
Le cadre réglementaire de l’Union couvre tous les aspects de la chaîne du transport aérien qui sont susceptibles d’affecter la sûreté des aéronefs et/ou des infrastructures. Cela comprend les aéroports, les aéronefs, les passagers, les bagages, le fret, les fournitures destinées aux aéroports et à l’approvisionnement de bord ainsi que le personnel et les équipements de sûreté. Les règles de l’Union s’appliquent à tous les aéroports de l’Union ouverts à l’aviation civile, à tous les exploitants, y compris les transporteurs aériens, fournissant des services dans ces aéroports et à toutes les autres entités appliquant des normes de sûreté de l’aviation qui fournissent des biens ou des services à ces aéroports ou à travers ceux-ci[5]. Toutefois, les normes de sûreté appliquées peuvent être mises en œuvre d’une manière proportionnée à la situation spécifique de l’aéronef/de l’exploitation/du trafic.
Dans ce contexte, chaque État membre désigne une autorité unique chargée de coordonner et de contrôler l’application de la législation en matière de sûreté aérienne. En outre, chaque État membre élabore et met en œuvre un programme national de sûreté de l’aviation civile. Par ailleurs, les États membres élaborent et appliquent un programme national de contrôle de la qualité, imposent des sanctions en cas de violation des dispositions en vigueur et coopèrent avec la Commission lorsqu’elle mène des inspections sur le respect des règles de l’Union en matière de sûreté de l’aviation. La Commission contrôle l’application du droit de l’Union en menant des inspections surprises dans les aéroports et auprès des exploitants en coopération avec les autorités nationales de sûreté aérienne, qui sont également inspectées.
Depuis juillet 2014, les transporteurs aériens qui acheminent du fret dans l’Union à partir d’aéroports situés en dehors de l’Union doivent respecter le programme ACC3pour s’assurer que les marchandises ont fait l’objet de mesures d’inspection/filtrage conformes aux normes européennes. Si nécessaire, les autorités compétentes des États membres concernés effectuent des contrôles sur place dans les aéroports situés en dehors de l’Union.
Afin de faciliter les opérations de transport aérien, la Commission européenne peut reconnaître l’équivalence des normes de sûreté appliquées dans les pays tiers.
En reconnaissant l’équivalence des mesures de sûreté appliquées dans un pays non membre, l’Union peut ouvrir la voie à la mise en place d’un accord sur le contrôle unique de sûreté entre l’Union et ce pays, comme pour les États-Unis, le Canada et le Monténégro. Le 6 février 2018, l’Union et Singapour ont signé un accord sur le contrôle de sûreté unique qui permet aux passagers qui voyagent avec des bagages à main et en soute en provenance de l’aéroport de Changi, à Singapour, d’embarquer sur des vols de correspondance dans l’Union et les aéroports de l’Espace économique européen sans contrôles de sécurité supplémentaires.
Le cadre législatif en place laisse aux États membres le soin de définir les modalités du recouvrement des coûts engendrés par les mesures de sûreté de l’aviation. En 2009, la Commission a proposé une directive visant à garantir l’application de principes essentiels, tels que la non-discrimination entre les transporteurs ou les passagers, et le lien entre coûts et redevances de sûreté. Toutefois, un désaccord entre le Parlement et le Conseil a entraîné le retrait de la proposition par la Commission en 2015.
En vertu de la directive (UE) 2016/681 relative à l’utilisation des données des dossiers passagers (données PNR), les compagnies aériennes doivent fournir aux autorités nationales des données PNR pour tous les vols en provenance de pays tiers à destination de l’Union et inversement. Ces données sont utilisées aux fins de la prévention et de la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité, ainsi que des enquêtes et des poursuites en la matière.
En 2022, la Commission a révisé le règlement (UE) 2015/1998 (règlement d’exécution (UE) 2022/421). Le règlement révisé actualise la liste des compagnies aériennes, des opérateurs et des entreprises proposant des contrôles de sûreté pour le fret et le courrier en provenance de pays non membres de l’Union européenne pendant la pandémie de COVID-19. Il met en œuvre le système d’informations sur les marchandises avant chargement, pour les opérations dans les pays non membres de l’Union. Il impose des équipements de détection d’explosifs dans les aéroports de l’Union et définit, simplifie et renforce des mesures de sûreté de l’aviation spécifiques.
Avec la numérisation rapide des infrastructures critiques, la cybersécurité est devenue un risque important et croissant pour la stabilité mondiale. La cybersécurité dans le transport aérien est un domaine critique et de plus en plus complexe, compte tenu de la forte dépendance de ce secteur vis-à-vis des systèmes numériques. La directive (UE) 2022/2555 concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de cybersécurité dans l’ensemble de l’UE (directive SRI 2) introduit des exigences communes pour faire face aux risques de cybersécurité pour un large éventail d’entités critiques dans l’Union, y compris les compagnies aériennes, les entités gestionnaires d’aéroports et les opérateurs de contrôle de la gestion du trafic.
Rôle du Parlement européen
Le Parlement n’a eu cesse de souligner l’importance capitale de la sûreté de l’aviation civile pour l’Union, en plaidant en faveur d’un système solide et efficace pour prévenir et éviter le terrorisme. En outre, le Parlement a également souligné la nécessité de protéger les droits fondamentaux des citoyens – vie privée, dignité personnelle et santé – parallèlement aux mesures visant à renforcer la sûreté aérienne.
D’une manière générale, le Parlement estime que les actes d’exécution (procédure de comitologie) ne conviennent pas à la sûreté aérienne, en particulier lorsque les mesures ont une incidence sur les droits des citoyens. C’est pourquoi, dans sa résolution de juillet 2011, il a demandé à être pleinement associé, dans le cadre de la procédure de codécision.
Le Parlement estime aussi que les redevances de sûreté devraient uniquement couvrir les coûts liés à la sûreté et que les États membres qui appliquent des mesures plus strictes devraient supporter les coûts supplémentaires qui en découlent.
Décisions du Parlement sur ce sujet:
- résolution du 23 octobre 2008 sur l’impact des mesures de sûreté de l’aviation et des scanners corporels sur les droits de l’homme, la vie privée, la dignité personnelle et la protection des données;
- position adoptée en première lecture le 5 mai 2010 sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les redevances de sûreté aérienne;
- résolution du 6 juillet 2011 sur la sûreté aérienne, en particulier sur les scanners de sûreté;
- position adoptée en première lecture le 14 avril 2016 sur l’utilisation des données des dossiers passagers, qui dispose que le traitement des données ne doit pas être fondé sur l’origine raciale ou ethnique d’une personne, ses opinions politiques, sa religion ou ses convictions philosophiques, son appartenance à un syndicat, son état de santé ou son orientation sexuelle. La protection des données sensibles, y compris les convictions religieuses, l’affiliation politique, la santé et l’origine raciale, était la priorité du Parlement, ce qui a donné lieu à des négociations qui ont duré plus de cinq ans.
Ariane Debyser