Le financement des réseaux transeuropéens

La réalisation des réseaux transeuropéens (RTE) est financée conjointement par l’Union européenne et par les États membres. L’aide financière de l’Union sert de catalyseur, les États membres apportant la majeure partie des financements. Le financement des RTE peut être complété par les Fonds structurels, par une aide de la Banque européenne d’investissement (BEI) ou par des contributions émanant du secteur privé. Une grande réforme a été instaurée dans les RTE avec le mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE), établi en 2013 et reconduit en 2021.

Base juridique

Titre XVI du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, dont l’article 171 dispose que l’Union européenne peut soutenir financièrement les projets d’intérêt commun répondant aux conditions définies dans les orientations.

Règlement (UE) 2021/1153 du 7 juillet 2021 établissant le mécanisme pour l’interconnexion en Europe.

Objectifs

Les objectifs généraux du MIE sont notamment de construire, de développer, de moderniser et d’achever les réseaux transeuropéens dans les secteurs des transports, de l’énergie et du numérique (3.5.1), et de faciliter la coopération transfrontière dans le domaine des énergies renouvelables, en tenant compte des engagements de décarbonation à long terme et des objectifs de renforcement de la compétitivité européenne. Conformément à l’objectif de l’Union consistant à intégrer les actions en faveur du climat, le MIE contribue, par ses actions, à la réalisation des objectifs en matière de climat à hauteur de 60 % de son budget.

Réalisations

A. Définition du cadre général de financement des projets

D’une manière générale, le financement de l’Union sert de catalyseur à projets. Les États membres doivent apporter la majeure partie de l’aide, sauf pour les aides au titre du Fonds de cohésion, où la contribution de l’Union est traditionnellement plus importante.

Les premiers principes du financement ont été définis par le règlement (CE) nº 2236/95 du Conseil du 18 septembre 1995 déterminant les règles générales pour l’octroi d’un concours financier communautaire dans le domaine des réseaux transeuropéens.

1. Le concours de l’Union a pris, jusqu’à présent, une ou plusieurs des formes suivantes:

  • cofinancement d’études concernant les projets et d’autres mesures d’appui technique (jusqu’à 50 %);
  • contribution aux primes de garanties d’emprunt du Fonds européen d’investissement ou d’autres établissements financiers;
  • bonifications d’intérêts sur les prêts accordés par la BEI ou d’autres organismes financiers publics ou privés;
  • divers autres types d’instruments financiers en dehors des subventions: les fonds propres et les capitaux d’emprunt; les garanties de prêts et le capital-risque, et les mécanismes de renforcement des capacités et de partage des risques;
  • subventions directes aux investissements dans des cas dûment justifiés;
  • mise en concurrence de soumissionnaires qualifiés, avec une sélection fondée sur des considérations de coût aussi bien que de qualité.

2. Les critères suivants ont été progressivement instaurés pour le choix des projets:

  • dans le cas des réseaux de télécommunications et d’énergie, les interventions de l’Union ne peuvent pas entraîner de distorsions de concurrence entre les entreprises du secteur;
  • les projets doivent contribuer à la réalisation des objectifs en matière de réseaux établis dans les orientations relatives respectivement au réseau transeuropéen de transport (RTE-T) (règlement (UE) nº 1315/2013) et aux réseaux transeuropéens de l’énergie (RTE-E) (règlement (UE) nº 2022/869);
  • les projets doivent avoir une viabilité économique;
  • le degré de maturité des projets et l’effet de stimulation de l’intervention de l’Union;
  • la prise en compte des effets directs ou indirects sur le climat, sur l’environnement et sur l’emploi, avec, progressivement, la réalisation d’analyses coûts-avantages et d’analyses des incidences sur l’environnement, la prise en compte des enjeux climatiques, etc.;
  • la coordination dans le temps des différentes parties des projets, si par exemple ils sont transfrontaliers;
  • les projets financés doivent être conformes au droit de l’Union et aux politiques de l’Union, notamment en matière de protection de l’environnement, de concurrence et de passation de marchés publics. Les règlements successifs fixant les règles générales d’octroi des concours financiers de l’Union ont introduit une série de nouveaux éléments. Le cadre financier pour la période 2014-2020 prévoyait 29,4 milliards d’euros pour les RTE, dont 24 milliards d’euros pour les transports (RTE-T) et environ 5,4 milliards d’euros pour l’énergie (RTE-E).

À la suite de la proposition de la Commission de 2020 visant à réviser le règlement (UE) nº 347/2013 concernant des orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes, le règlement (UE) 2022/869 révisé contribue à la réalisation des objectifs de l’Union pour 2030 en matière d’énergie et de climat et de son objectif de neutralité climatique d’ici à 2050. Il contribue également à garantir les interconnexions, la sécurité énergétique, l’intégration des marchés et des systèmes, une concurrence qui profite à tous les États membres et des prix de l’énergie abordables. Pour l’essentiel, les orientations mettent fin au soutien de l’Union en faveur de nouveaux projets liés au gaz naturel et au pétrole et introduisent des critères de durabilité obligatoires pour tous les projets d’intérêt commun (PIC).

Le 14 décembre 2021, la Commission a publié une proposition législative visant à réviser les orientations pour le développement du réseau transeuropéen de transport afin de les faire correspondre aux objectifs du pacte vert pour l’Europe et aux objectifs climatiques de la loi européenne sur le climat. La proposition de règlement a pour objectif de coordonner les corridors de transport européens et les priorités horizontales. Elle vise également à assurer l’avancement, de manière cohérente, de chaque corridor ou priorité horizontale. La Commission devra donc consulter les coordonnateurs européens des corridors de réseau central lors de l’examen des demandes de financement de l’Union au titre du mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE) pour chaque corridor de transport européen ou chaque priorité horizontale relevant du mandat des coordonnateurs européens. Les coordonnateurs européens devront vérifier si les projets proposés par les États membres en vue d’un cofinancement au titre du MIE sont compatibles avec les priorités du plan de travail des corridors.

Le 27 juillet 2022, la Commission a présenté une proposition modifiée pour prendre en considération le nouveau contexte géopolitique, avec notamment une extension de quatre corridors de transport européens vers l’Ukraine et la Moldavie. Le Parlement a adopté en avril 2023 son mandat de négociation avec le Conseil. À l’issue des négociations avec le Conseil, le Parlement a adopté le règlement RTE-T révisé le 22 avril 2024. Son entrée en vigueur est prévue pour l’été 2024.

En mai 2022, en réaction à l’instabilité et aux perturbations du marché mondial de l’énergie provoquées par l’invasion russe en Ukraine, la Commission a présenté le plan REPowerEU, avec le double objectif de lutter contre la crise énergétique et de mettre fin à la dépendance de l’Union aux combustibles fossiles russes, qui sont utilisés comme une arme économique et politique. Les mesures proposées sont axées sur les économies d’énergie, la diversification de l’approvisionnement énergétique (y compris l’importation de gaz naturel liquéfie) et l’accélération du déploiement des énergies renouvelables (y compris l’hydrogène vert). Le plan comprend quelques investissements supplémentaires dans les infrastructures gazières estimés à environ 10 milliards d’euros afin de compléter la liste des PIC existante. En outre, le plan insiste sur la nécessité d’un déploiement plus rapide des PIC en matière d’électricité, avec un financement par le MIE, afin d’aménager le réseau électrique pour répondre aux besoins futurs.

B. Autres possibilités de financement

1. Les fonds structurels et les fonds de cohésion de l’Union

Pour la période 2014-2020, plus de 6 milliards d’euros issus du Fonds européen de développement régional et 25,95 milliards d’euros issus du Fonds de cohésion ont été consacrés au septième objectif thématique intitulé «promouvoir le transport durable et améliorer les infrastructures de réseaux». Ces investissements dans le RTE-T, co-financés par l’Union, permettent de soutenir la mise en place d’un espace européen unique des transports. En outre, le Fonds européen pour les investissements stratégiques (rebaptisé InvestEU), le programme Horizon 2020 (devenu Horizon Europe) et la facilité pour la reprise et la résilience ont permis de mobiliser des ressources et des instruments supplémentaires afin de favoriser les possibilités d’investissement dans le RTE-T.

2. Les aides de la Banque européenne d’investissement

Les prêts de la BEI ne sont soumis à aucune restriction territoriale, mais sont octroyés en fonction de critères bancaires, notamment la faisabilité du projet d’un point de vue financier (capacité de remboursement), technique et environnemental.

C. Le cadre financier 2021-2027

La Commission a présenté sa proposition en vue du prochain budget de long terme de l’Union en 2018. Celle-ci a été suivie de propositions législatives concernant 37 programmes sectoriels. Au-delà des fonds structurels et des fonds de cohésion de l’Union, les fonds Horizon Europe et InvestEU assurent un financement complémentaire du RTE, notamment en matière de recherche et d’innovation dans les domaines des énergies propres, du transport et des technologies numériques. En réaction à la crise sans précédent provoquée par la COVID-19, la Commission a proposé, le 27 mai 2020, l’instrument temporaire de relance NextGenerationEU, doté d’un budget de 750 milliards d’euros, ainsi que des renforcements ciblés du budget de l’Union pour la période 2021-2027. Enfin, les chefs d’État et de gouvernement des pays de l’Union ont abouti à un accord politique en juillet 2020, que le Parlement et le Conseil ont approuvé en novembre 2020.

Mécanisme pour l’interconnexion en Europe

Depuis décembre 2013, l’Union européenne dispose d’une nouvelle politique des infrastructures RTE dotée d’un budget de plus de 30,4 milliards d’euros jusqu’à 2020 (UE-27) et de plus de 33,7 milliards d’euros pour la période 2021-2027: le mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE).

A. Objectifs généraux

Le MIE a pour objet:

  • de construire, de développer, de moderniser et d’achever les réseaux transeuropéens dans les secteurs des transports, de l’énergie et du numérique, et de faciliter la coopération transfrontière dans le domaine des énergies renouvelables, en tenant compte des engagements de décarbonation à long terme et des objectifs de renforcement de la compétitivité européenne;
  • de parvenir à une croissance intelligente, durable et inclusive;
  • de favoriser la cohésion territoriale, sociale et économique;
  • d’améliorer l’accès au marché intérieur et de renforcer l’intégration de ce dernier, en faisant surtout en sorte de faciliter les synergies entre les secteurs des transports, de l’énergie et du numérique.

1. Dans le secteur des transports, le soutien apporté sera réservé aux projets d’intérêt commun visant:

  • à développer des réseaux et infrastructures efficaces, interconnectés et multimodaux favorisant une mobilité intelligente, interopérable, durable, inclusive, accessible et répondant aux impératifs de sécurité et de sûreté, conformément aux orientations RTE-T (règlement (UE) nº 1315/2013);
  • à adapter des parties du RTE-T aux fins du double usage de l’infrastructure de transport afin d’améliorer la mobilité aussi bien civile que militaire.

2. Dans le secteur de l’énergie, les aides auront pour objet:

  • de contribuer au renforcement de l’intégration d’un marché intérieur de l’énergie efficace et compétitif ainsi qu’à l’interopérabilité transfrontière et intersectorielle des réseaux, en facilitant la décarbonation de l’économie, en promouvant l’efficacité énergétique et en garantissant la sécurité de l’approvisionnement;
  • de faciliter la coopération transfrontière dans le domaine de l’énergie, y compris les énergies renouvelables.

3. Dans le secteur du numérique, le MIE apportera un soutien:

  • au déploiement de réseaux numériques à très haute capacité et répondant aux impératifs de sécurité et de sûreté, y compris des systèmes 5G, et à l’accès à de tels réseaux; au renforcement de la résilience et des capacités des réseaux numériques dorsaux dans les territoires de l’Union en les reliant aux territoires voisins; à la numérisation des réseaux de transport et d’énergie.

B. Budget du MIE 2021-2027

Dans le cadre du budget de l’Union pour 2021-2027, la Commission a proposé en 2018 de prolonger le programme MIE au-delà de 2020, avec pour objectif global de soutenir les investissements dans les réseaux européens d’infrastructures des secteurs des transports, de l’énergie et des télécommunications. Le budget total proposé pour le MIE s’élevait à 42,3 milliards d’euros (en prix courants) et prévoyait notamment d’affecter 30,6 milliards d’euros aux transports, 8,65 milliards à l’énergie et 3 milliards aux réseaux numériques. Afin d’accélérer la numérisation et la décarbonation de l’économie de l’Union, le MIE doit tenir compte d’un certain nombre de domaines clés, notamment des synergies entre les trois secteurs mentionnés ci-dessus et du renforcement de la coopération transfrontalière dans le domaine des énergies renouvelables.

Dans le secteur des transports, le MIE vise à accélérer l’achèvement des deux niveaux du réseau RTE-T, le déploiement des systèmes européens de gestion du trafic, tels que le système européen de gestion du trafic ferroviaire et le projet de recherche sur la gestion du trafic aérien dans le ciel unique européen, et à soutenir la transition vers une mobilité intelligente, durable, inclusive et sûre en déployant un réseau européen d’infrastructures de recharge pour les carburants alternatifs. Selon la proposition, le nouveau MIE apportera également son soutien aux infrastructures de transport à double usage, civil et militaire, afin d’adapter les réseaux de transport européens aux besoins militaires et d’améliorer la mobilité militaire dans l’Union. La Commission a également adopté par la suite, en novembre 2022, un «plan d’action sur la mobilité militaire 2.0» afin d’améliorer les connexions et la sécurité dans le domaine de la mobilité militaire.

En réponse à la pandémie de COVID-19, la Commission a publié, le 27 mai 2020, son cadre financier pluriannuel (CFP) révisé. Néanmoins, suite à la réunion extraordinaire du Conseil européen en juillet 2020, le projet de budget du MIE pour les transports a été revu à la baisse (EUCO 22/20). Le Parlement européen a donné son approbation au règlement sur le CFP 2021-2027 le 16 décembre 2020. En mars 2021, les négociateurs du Conseil et du Parlement sont parvenus à un accord provisoire, conformément aux conclusions du Conseil européen de juillet 2020, visant à répartir le financement comme suit:

  • secteur des transports: 25,81 milliards d’euros, dont 11,29 milliards d’euros pour les pays qui bénéficient du Fonds de cohésion et 1,69 milliard d’euros pour des actions liées à la mobilité militaire;
  • secteur de l’énergie: 5,84 milliards d’euros;
  • secteur numérique: 2,06 milliards d’euros.

Le 16 juin 2021, le Conseil est parvenu à une position commune, et l’accord a été adopté par le Parlement en deuxième lecture le 7 juillet 2021. En juin 2023, un accord a été conclu avec l’Ukraine pour associer le pays au MIE et permettre de soumettre des projets ukrainiens à un financement de l’Union dans les secteurs des transports, de l’énergie et du numérique.

Rôle du Parlement européen

En ce qui concerne le soutien aux RTE, le Parlement a toujours demandé que le financement des modes de transport plus respectueux de l’environnement soit prioritaire, en consacrant plus de 50 % des ressources prévues pour l’infrastructure aux projets ferroviaires, y compris les transports combinés, et 25 % au maximum aux projets routiers. Par ailleurs, le Parlement a insisté sur la nécessité, pour la Commission, d’assurer la coordination et la cohérence des projets financés par des ressources issues du budget de l’Union, de la BEI, du Fonds de cohésion, du Fonds européen de développement régional ou d’autres instruments financiers de l’Union.

Le Parlement a accordé une attention particulière aux crédits alloués au MIE et au programme Horizon Europe dans ses décisions sur les budgets annuels de l’Union. En réponse à la proposition de la Commission de 2018 sur le MIE pour l’après-2020, la commission des transports et du tourisme et la commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie ont préparé un projet de rapport conjoint dans lequel elles relèvent le manque d’ambition de cette proposition en ce qui concerne l’allocation de fonds au titre du MIE dans le domaine des transports. Ces commissions soulignent en outre les besoins d’investissement du secteur et les avantages qu’une meilleure connectivité peut apporter à l’Union. Elles insistent sur la nécessité de simplifier davantage les règles du MIE et d’assurer la cohérence entre les différents fonds de l’Union soutenant des projets dans les secteurs des transports, de l’énergie et du numérique. Les rapporteurs soulignent la nécessité de renforcer le contrôle parlementaire sur les priorités du MIE et d’améliorer ses mécanismes de suivi. Le rapport joint prévoyait une augmentation d’environ 20 % du budget consacré aux projets de transport. Toutefois, l’augmentation envisagée du budget du MIE n’a pas pu être intégrée dans le budget pluriannuel pour la période 2021-2027. L’acte final (règlement (UE) 2021/1153) a été publié en juillet 2021.

En juillet 2020, le Parlement a adopté une résolution dans laquelle il se félicite de l’accord sur les mesures de lutte contre la pandémie de COVID-19, qui constitue une avancée positive, mais déplore, entre autres, les coupes opérées dans le volet «subventions» du fonds pour la relance.

Dans sa résolution du 10 juillet 2020 sur la révision des orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes, le Parlement a souligné la nécessité de veiller à ce que les dépenses et la sélection des PIC soient conformes aux engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris.

Dans sa position du 5 avril 2022 concernant le règlement RTE-E révisé, le Parlement a garanti le financement de projets visant à réaffecter des infrastructures utilisées actuellement pour le gaz naturel au transport et au stockage de l’hydrogène pendant une période transitoire (jusqu’à la fin du mois de décembre 2029).

Pour en savoir plus sur le sujet, consulter les sites web de la commission des transports et du tourisme et de la commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie.

 

Ariane Debyser / Kristi Polluveer / OLENA KUZHYM