La politique d’asile de l’Union européenne a pour but d’offrir un statut approprié à tout ressortissant d’un pays tiers nécessitant d’une protection internationale dans l’un des États membres et d’assurer le respect du principe de non-refoulement. À cette fin, l’Union travaille à l’élaboration d’un régime d’asile européen commun.
L’Union a pour objectif d’élaborer une politique commune en matière d’asile, de protection subsidiaire et de protection temporaire, qui vise à offrir un statut approprié à tout ressortissant d’un pays tiers nécessitant une protection internationale et à assurer le respect du principe de non-refoulement. Cette politique doit être cohérente avec la convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 et son protocole du 31 janvier 1967. Ni le traité FUE ni la charte ne donnent de définition des termes «asile» et «réfugié», mais tous deux font explicitement référence à la convention de Genève et à son protocole.
A. Les apports des traités d’Amsterdam et de Nice
Conformément au traité de Maastricht de 1993, la coopération intergouvernementale en matière d’asile a été intégrée dans le cadre institutionnel de l’Union européenne. En tant qu’acteur principal, le Conseil était tenu d’associer la Commission à ses travaux et d’informer le Parlement au sujet de ses initiatives en matière d’asile. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) n’était pas compétente en matière d’asile.
En 1999, le traité d’Amsterdam a octroyé de nouvelles compétences aux institutions de l’Union européenne, qui leur permettent d’élaborer des textes législatifs en matière d’asile selon un mécanisme institutionnel particulier: une période transitoire de cinq ans avec droit d’initiative partagé entre la Commission et les États membres et décision à l’unanimité par le Conseil après consultation du Parlement; la CJUE est également devenue compétente dans certains cas spécifiques. Le traité d’Amsterdam prévoyait également qu’à l’issue de cette première phase de cinq ans, le Conseil pourrait se prononcer en faveur de l’application de la procédure normale de codécision, auquel cas il prendrait ses décisions à la majorité qualifiée. Fin 2004, le Conseil a choisi la procédure de codécision (aujourd’hui dénommée «procédure législative ordinaire»), qui s’applique désormais depuis 2005.
Avec l’adoption du programme de Tampere en octobre 1999, le Conseil européen a décidé que le régime européen commun serait instauré en deux étapes: l’adoption de normes minimales communes à court terme était censée aboutir à une procédure commune et à un statut uniforme pour les personnes qui se voient accorder l’asile, valable à plus long terme dans toute l’Union.
Cette initiative a donné lieu à la première phase du régime d’asile européen commun (RAEC), de 1999 à 2004, pendant laquelle ont été définis les critères permettant de déterminer quel État membre est compétent pour l’examen des demandes d’asile (en remplacement de la convention internationale/intergouvernementale de Dublin de 1990), y compris la création du système européen de comparaison des signalements dactyloscopiques des demandeurs d’asile (Eurodac) destiné au stockage et à la comparaison des empreintes digitales. Ont également été définies des normes minimales communes auxquelles les États membres doivent adhérer dans le cadre de l’accueil des demandeurs d’asile, les conditions à réunir pour obtenir une protection internationale et la nature de la protection accordée, ainsi que des procédures établies pour l’octroi et le retrait du statut de réfugié. D’autres actes législatifs traitent de la protection temporaire en cas d’afflux massif.
En novembre 2004, le programme de La Haye appelait de ses vœux l’élaboration des instruments et des mesures pour la deuxième phase, à adopter d’ici la fin 2010, et soulignait la volonté de l’Union d’aller au-delà des normes minimales et de mettre en place une procédure d’asile unique prévoyant des garanties communes et un statut uniforme pour les personnes bénéficiant d’une protection. Le pacte européen sur l’immigration et l’asile de 2008 a reporté cette échéance à 2012.
B. Le traité de Lisbonne
Le traité de Lisbonne, entré en vigueur en décembre 2009, a changé la donne en modifiant les mesures en matière d’asile, qui sont passées de l’établissement de normes minimales à la création d’un système commun comportant un statut et des procédures uniformes.
Le système européen commun d’asile doit comporter les éléments suivants:
Depuis le traité de Lisbonne, l’article 80 du traité FUE prévoit également expressément le principe de solidarité et de partage équitable de responsabilités entre les États membres, y compris les coûts financiers. Les actions de l’Union en matière d’asile devraient donc, le cas échéant, contenir des mesures appropriées pour garantir le respect de ce principe. Le traité a également modifié de manière significative la procédure de prise de décision sur les questions liées à l’asile en faisant de la codécision la procédure type. En outre, les dispositions relatives au contrôle juridictionnel effectué par la CJUE ont été considérablement améliorées. Désormais, les questions préjudicielles peuvent être adressées par toute juridiction d’un État membre et non plus seulement, comme cela était le cas auparavant, par les juridictions nationales statuant en dernier ressort. La CJUE a ainsi pu enrichir la jurisprudence en matière d’asile.
Le programme de Stockholm, adopté par le Conseil européen le 10 décembre 2009 pour la période de 2010 à 2014, réaffirme «l’objectif consistant à établir un espace commun de protection et de solidarité fondé sur une procédure d’asile commune et un statut uniforme pour les personnes bénéficiant d’une protection internationale». Il souligne notamment la nécessité d’encourager une véritable solidarité avec les États membres soumis à des pressions particulières et le rôle important que devrait jouer le nouveau Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO).
Bien que la Commission ait présenté ses propositions pour la seconde phase du RAEC dès 2008-2009, les négociations ont progressé lentement. En conséquence, la seconde phase du RAEC a été adoptée à la suite de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, avec un changement d’orientation, à savoir le passage de normes minimales à une procédure d’asile commune sur la base d’un statut uniforme de protection.
C. Instruments juridiques principaux et efforts de réformes actuels
À l’exception de la refonte de la directive relative aux conditions que doivent remplir les demandeurs d’asile, entrée en vigueur en janvier 2012, la refonte des autres actes législatifs n’est entrée en vigueur qu’en juillet 2013 (le règlement «Eurodac»; le règlement Dublin III; la directive relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile; et la directive sur les procédures d’asile), ce qui signifie que leur transposition, reportée à la mi-2015, est survenue au moment du pic de la crise migratoire. En juin 2014, le Conseil européen a défini les orientations stratégiques de la programmation législative et opérationnelle dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice (voir l’article 68 du traité FUE) pour les prochaines années, en s’appuyant la communication de la Commission de mars 2014 et en s’inspirant des progrès réalisés grâce au programme de Stockholm. Ces orientations insistent sur le fait que la transposition intégrale et la mise en œuvre effective du régime d’asile européen commun constituent une priorité absolue.
Compte tenu de la pression migratoire qui s’exerce depuis 2014, la Commission a publié l’agenda européen en matière de migration (4.2.3) en mai 2015 , lequel proposait plusieurs mesures visant à faire face à cette pression, dont le système des «hotspots», mises en place par l’EASO, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (anciennement Frontex) et l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol), qui travaillent sur le terrain avec les États membres situés en première ligne afin de procéder rapidement à l’identification et à l’enregistrement des migrants, ainsi qu’au relevé de leurs empreintes digitales. L’approche dite des «hotspots» visait également à contribuer à la mise en œuvre des mécanismes de relocalisation d’urgence pour un total de 160 000 personnes nécessitant une protection internationale. Ces mécanismes ont été proposés par la Commission afin de venir en aide à l’Italie et à la Grèce et ont été adoptés par le Conseil le 14 septembre et le 22 septembre 2015, après consultation du Parlement européen. La décision du Conseil a ensuite été confirmée par l’arrêt de la CJUE du 6 septembre 2017. La relocalisation est conçue comme un mécanisme permettant de traduire dans la pratique le principe de solidarité et le partage équitable des responsabilités énoncés à l’article 80 du traité FUE. Cependant, les taux de relocalisation sont plus bas qu’on ne l’escomptait et la mise en œuvre des relocalisations est lente.
L’agenda européen en matière de migration prévoit également d’autres mesures de réforme du RAEC, qui ont été présentées dans deux séries de propositions législatives en mai et en juillet 2016 et qui ont été débattues par le Parlement et le Conseil jusqu’à la fin de la législature qui s’est achevée en mai 2019 sans qu’aucun acte législatif n’ait été adopté en raison du blocage de dossiers au Conseil ou de dossiers spécifiques en suspens du fait du blocage de dossiers liés. L’ensemble d’initiatives législatives vise, entre autres, à améliorer le RAEC en proposant des règlements directement applicables plutôt que des directives (sauf en ce qui concerne les dispositions relatives aux conditions d’accueil, qui continueraient de relever d’une directive et qui nécessiteraient donc toujours d’être transposées en droit national). Il porte sur les aspects suivants.
Le 23 septembre 2020, la Commission a publié le nouveau pacte sur la migration et l’asile pour débloquer la réforme du RAEC. Ce pacte vise à établir un nouvel équilibre entre la responsabilité et la solidarité. La Commission proposer d’intégrer la procédure d’asile dans la gestion globale des migrations en l’associant au contrôle préalable et au retour. Elle propose notamment ce qui suit.
En outre, la Commission propose de faire fond sur les progrès déjà accomplis sur les autres dossiers, sur lesquels le Parlement et le Conseil sont invités à aller de l’avant le plus vite possible, à savoir le règlement relatif aux conditions que doivent remplir les demandeurs d’asile, la directive relative aux conditions d’accueil, l’agence de l’Union européenne pour l’asile et le cadre de l’Union pour la réinstallation et l’admission humanitaire. Enfin, dans sa recommandation sur les voies légales d’accès à une protection dans l’Union européenne, la Commission recommande que les États membres honorent en 2021 les engagements en matière de réinstallation qu’ils ont pris en 2020 et auxquels ils n’ont pas encore donné suite, et les invite à introduire et à utiliser davantage d’autres voies d’accès à l’admission humanitaire, telles que le regroupement familial et les dispositifs de parrainage communautaire ou privé, ainsi que des voies complémentaires liées à l’éducation et au travail.
D. Dimension extérieure
Adoptée en 2011 par la Commission, l’approche globale de la question des migrations et de la mobilité (AGMM) constitue le cadre global dans lequel s’inscrit la politique de l’Union en matière de migration et d’asile. Elle indique comment l’Union doit mener ses dialogues politiques et sa coopération avec les pays tiers en s’appuyant sur des priorités clairement définies. Elle s’inscrit dans le cadre de la politique générale de l’Union en matière d’action extérieure et couvre notamment la coopération au développement. Ses principaux objectifs consistent à mieux organiser la migration légale, à prévenir et combattre la migration illégale, à maximiser les effets de la migration sur le développement et la mobilité et à promouvoir la protection internationale.
Le Conseil européen et la Turquie ont dégagé un accord en mars 2016 qui vise à réduire le flux des migrants en situation irrégulière transitant par la Turquie pour gagner l’Europe. La déclaration UE-Turquie indique que tous les nouveaux migrants et demandeurs d’asile arrivant de Turquie sur les îles grecques et dont les demandes d’asile auront été déclarées irrecevables devront être renvoyés en Turquie. De plus, pour tout Syrien renvoyé en Turquie, un autre Syrien devrait être réinstallé dans l’Union, avec pour contrepartie la libéralisation des visas pour les citoyens turcs et le versement de six milliards d’euros au titre de la facilité en faveur des réfugiés en Turquie jusqu’à la fin 2018. D’après le rapport d’avancement sur la mise en œuvre de l’agenda européen en matière de migration de la Commission du 16 octobre 2019, la déclaration reste essentielle pour garantir que le problème migratoire en Méditerranée orientale soit effectivement traité. Toutefois, le rapport souligne que la Turquie fait face aujourd’hui à une pression migratoire grandissante alors que l’ensemble de la région reste plongé dans l’instabilité et que l’aide de l’Union fournit un soutien vital aux personnes dans le besoin grâce aux 6 milliards d’euros de la facilité en faveur des réfugiés en Turquie.
Au niveau mondial, en septembre 2016, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté à l’unanimité la déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants, jalon politique visant à améliorer la façon dont la communauté internationale fait face aux mouvements massifs de réfugiés et de migrants et aux situations de réfugiés de longue durée. En conséquence, deux pactes mondiaux ont été adoptés en 2018, l’un pour les réfugiés et l’autre pour les autres migrants. La déclaration de New York établit un cadre d’action global pour les réfugiés (CAGR) définissant des actions spécifiques dont le but est d’alléger les pressions exercées sur les pays d’accueil, d’accroître l’autonomie des réfugiés, d’élargir l’accès à des solutions faisant appel à des pays tiers et d’aider à créer dans les pays d’origine les conditions nécessaires au retour des réfugiés dans la sécurité et la dignité. Sur la base de ces quatre objectifs clés, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté, le 17 décembre 2018, le pacte mondial sur les réfugiés.
E. Financement disponible pour les politiques d’asile
L’outil de financement principal du budget de l’Union dans le domaine de l’asile est le Fonds «Asile, migration et intégration» (FAMI). Les crédits alloués au FAMI pour la période 2014-2020 ont été revus à la hausse pour passer de 3,31 milliards d’euros à 6,6 milliards d’euros. En ce qui concerne le prochain budget à long terme de l’Union pour la période 2021-2027, les financements au titre du nouveau FAMI ont été portés à 9,9 milliards d’euros afin, notamment, d’assurer une gestion efficace et humaine de la migration, de l’asile et de l’intégration, et de soutenir financièrement les États membres au regard de la solidarité dont ils font montre en matière de réinstallation et de relocalisation. D’autres instruments de financement de l’Union, comme le Fonds européen (FSE) (2.3.2), le Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD) (2.3.9) et le Fonds européen de développement régional (FEDER) (3.1.2) octroient également des financements, essentiellement pour soutenir l’intégration de réfugiés et de migrants, bien que la part des crédits qui leur sont alloués ne fasse pas l’objet d’une ligne budgétaire distincte et reste donc peu claire.
De même, la dotation de l’EASO (la future agence de l’Union européenne pour l’asile [EUAA]) initialement prévue pour la période 2014-2020 est passée de 109 millions d’euros à 456 millions d’euros. Pour être en mesure d’assurer pleinement le soutien opérationnel des procédures d’asile à l’avenir, le cadre financier pluriannuel (CFP) prévoit un budget de 1,22 milliard d’euros pour la période 2021-2027.
Il existe, en dehors CFP, mais dans le budget de l’Union, des fonds fiduciaires pour les mesures extérieures, tels que:
Enfin, le Fonds européen de développement (FED), précédemment hors du budget de l’Union, a été intégré dans le CFP 2021-2027 sous la rubrique «Voisinage et le monde» (98,4 milliards pour l’ensemble de la rubrique). Il se concentre sur l’éradication de la pauvreté et la réalisation des objectifs du programme de développement durable à l’horizon 2030, mais ces dernières années, il a de plus en plus souvent été utilisé pour financer des mesures dans le domaine des migrations.
Le Parlement européen a toujours plaidé énergiquement en faveur d’un régime d’asile européen commun, conformément aux engagements juridiques de l’Union. Le Parlement a également appelé de ses vœux la réduction de l’immigration clandestine et la protection des groupes vulnérables.
La résolution du Parlement européen du 12 avril 2016 sur la situation en Méditerranée et sur la nécessité d’une approche globale des migrations de la part de l’Union européenne offre une vue d’ensemble des principales positions et préoccupations du Parlement en matière d’asile.
Le Parlement a réclamé des procédures fiables et équitables, appliquées de manière effective et fondées sur le principe de non-refoulement. Il a souligné la nécessité d’éviter une réduction de la protection et de la qualité de l’accueil et de mieux partager le fardeau supporté par les États membres situés aux frontières extérieures de l’Union. Le Parlement a invité les États membres à recourir aux possibilités existantes pour accorder des visas humanitaires; il estime que les personnes en quête d’une protection internationale devraient pouvoir introduire leur demande de visa humanitaire européen directement à n’importe quel consulat ou ambassade des États membres, et appelle donc de ses vœux la modification du code des visas de l’Union. Il estime qu’il convient de prendre de nouvelles mesures afin que le régime d’asile européen commun devienne un système véritablement uniforme: une évaluation complète de sa mise en œuvre est nécessaire. Le Parlement a pris acte de l’importance de la reconnaissance mutuelle par les États membres, non seulement pour les décisions de refus mais également pour les décisions d’octroyer l’asile.
Le Parlement a rappelé que le placement en détention ne devrait être pratiqué que dans des conditions exceptionnelles, clairement définies et assorties d’un droit de recours juridictionnel.
Au cours de la législature 2014-2019, le Parlement, en tant que colégislateur, a adopté sa position de négociation concernant toutes les propositions législatives de réforme du RAEC, présentées sous forme de deux paquets de propositions législatives en mai et juin 2016. Le Conseil n’a pas été en mesure d’établir une position pour les négociations avec le Parlement sur la refonte du règlement de Dublin et le règlement relatif à la procédure d’asile, entre autres, une situation qui a relégué au second plan les travaux menés sur les autres propositions de réforme du RAEC.
En ce qui concerne les relations avec les pays tiers, conformément à l’approche globale de la question des migrations et de la mobilité, le Parlement a demandé que soient intensifiés les efforts de renforcement des capacités et les activités de réinstallation, qui devraient s’effectuer avec le concours des pays tiers accueillant de vastes populations de réfugiés. Le Parlement estime que la coopération avec les pays tiers doit se concentrer sur les causes profondes des flux migratoires illégaux vers l’Europe.
Le Parlement a également la possibilité d’introduire un recours en annulation devant la Cour de justice, ce qu’il a fait avec succès (voir l’arrêt du 6 mai 2008 de la CJUE) pour obtenir l’annulation des dispositions relatives aux modalités d’adoption de la liste commune de pays tiers considérés comme pays d’origine sûrs et pays tiers européens sûrs prévue dans la directive 2005/85/CE.
Lectures complémentaires sur le sujet:
Marion Schmid-Drüner