Les droits des passagers
Des règles communes visent à garantir une assistance minimale aux passagers de tous les modes de transport en cas de retard important ou d’annulation, et à protéger particulièrement les voyageurs les plus vulnérables. Elles instituent également des mécanismes d’indemnisation. Toutefois, de nombreuses dérogations sont possibles pour les transports par chemin de fer ou par route, et les contestations devant les tribunaux restent fréquentes.
Base juridique
Article 91, paragraphe 1, et article 100, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Objectifs
La législation de l’Union européenne relative aux droits des passagers vise à assurer à ces derniers un niveau minimal et harmonisé de protection pour tous les modes de transport afin de faciliter la mobilité et d’encourager le recours aux transports collectifs.
Résultats
L’Union s’est progressivement dotée de règles pour protéger les passagers de tous les modes de transport. Cette législation s’ajoute à celle relative à la protection des consommateurs[1] et aux voyages à forfait[2], ainsi qu’aux conventions[3] internationales applicables, à la charte des droits fondamentaux et aux dispositions nationales pertinentes. L’application de cette réglementation s’avère cependant difficile et le recours aux tribunaux fréquent. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) joue d’ailleurs un rôle déterminant dans son interprétation.
Ces règles établissent un ensemble de droits «de base» communs à tous les modes de transport: non-discrimination, protection particulière des passagers à mobilité réduite[4], information des voyageurs, organismes nationaux de contrôle et systèmes de traitement des plaintes. Elles instituent aussi des mécanismes d’assistance et de compensation en cas d’annulation ou de retard important, qui sont propres à chaque mode de transport.
A. Transport par avion: règlement (CE) nº 261/2004 et règlement (CE) nº 1107/2006
Le règlement (CE) nº 261/2004 est source de nombreux litiges et sa portée a été précisée par une abondante jurisprudence[5].
Refus d’embarquement:
- le transporteur doit d’abord faire appel à des volontaires auxquels sont proposés: i) une compensation librement négociée et ii) le choix entre le remboursement sous sept jours (et, si nécessaire, le vol gratuit vers le point de départ initial) et le réacheminement ou la poursuite du voyage dans les meilleurs délais, ou à une date ultérieure mutuellement convenue;
- les passagers qui ne peuvent embarquer se voient offrir: i) une assistance (collation, appels téléphoniques et hébergement si nécessaire), ii) le choix entre le remboursement sous sept jours (et, si nécessaire, le vol gratuit vers le point de départ initial) et le réacheminement ou la poursuite du voyage dans les meilleurs délais, ou à une date ultérieure mutuellement convenue, et iii) une indemnisation immédiate fixée comme suit:
Vols ≤ 1 500 km | Vols 1 500-3 500 km Vols UE ≥ 1 500 km |
Vols ≥ 3 500 km |
---|---|---|
250 euros (125 euros si réacheminement avec moins de 2 h de retard à l’arrivée) | 400 euros (200 euros si réacheminement avec moins de 3 h de retard à l’arrivée) | 600 euros (300 euros si réacheminement avec moins de 4 h de retard à l’arrivée) |
- assistance (collation, appels téléphoniques et hébergement si nécessaire)[6];
- choix offert entre i) le remboursement sous sept jours (et, si nécessaire, le vol gratuit vers le point de départ initial) et ii) le réacheminement ou la poursuite du voyage dans les meilleurs délais, ou iii) à une date ultérieure mutuellement convenue;
- indemnisation immédiate comme dans les cas de refus d’embarquement, sauf si le passager a été informé au préalable de l’annulation du vol[7] et sauf circonstances extraordinaires[8].
Retard d’au moins 2 heures pour les vols jusqu’à 1 500 km, d’au moins 3 heures pour les vols de 1 500 à 3 500 km et les vols intra-UE de plus de 1 500 km, et d’au moins 4 heures pour les vols de plus de 3 500 km:
- assistance (collation, appels téléphoniques et hébergement si nécessaire);
- en cas de retard de 3 heures ou plus, le passager se voit proposer le remboursement sous sept jours (et, si nécessaire, le vol gratuit vers le point de départ initial) ainsi qu’une indemnisation comme en cas d’annulation[9].
Surclassement/déclassement:
- le transporteur ne peut réclamer aucun supplément lorsqu’il surclasse un passager;
- en cas de déclassement, le transporteur rembourse sous sept jours: i) 30 % du prix du billet pour les vols jusqu’à 1 500 km, ii) 50 % pour les vols de 1 500 à 3 500 km et les vols intra-européens de plus de 1 500 km, ou iii) 75 % pour les vols de plus de 3 500 km.
Passagers à mobilité réduite:
Les passagers à mobilité réduite et leurs accompagnants se voient toujours accorder la priorité d’embarquement. En cas de refus d’embarquement, d’annulation ou de retard du vol, quelle que soit la durée de ce retard, ils se voient toujours offrir une assistance (collation, appels téléphoniques et hébergement si nécessaire) dans les meilleurs délais.
En mars 2013, la Commission a présenté une nouvelle proposition modifiant le règlement (CE) nº 261/2004 en vue d’améliorer encore l’application des règles de l’Union en clarifiant les principes fondamentaux et les droits implicites des passagers qui ont donné lieu à de nombreux litiges entre les compagnies aériennes et les passagers par le passé. Le Parlement a adopté cette proposition en première lecture en février 2014 et les députés ont voté pour engager des négociations avec le Conseil en octobre 2019. Le processus de codécision est toujours en cours et des solutions définitives doivent encore être convenues entre le Parlement et le Conseil. À l’annexe III de son programme de travail pour 2021, la Commission inscrit la proposition ci-dessus comme une proposition prioritaire en attente dans le cadre du pacte vert pour l’Europe. Une proposition de révision du cadre réglementaire relatif aux droits des passagers est prévue pour 2023 dans le programme de travail 2023 de la Commission.
B. Transport ferroviaire: règlement (CE) nº 1371/2007
Les États membres peuvent déroger à la plupart de ces dispositions pour leurs services ferroviaires intérieurs (jusqu’en 2024) et pour leurs transports urbains, suburbains et régionaux, ou pour les services dont une partie importante s’effectue en dehors de l’Union[10].
Annulation ou retard de plus de 60 minutes:
- choix offert entre i) le réacheminement ou la poursuite du voyage dans les meilleurs délais, ou ii) à une date ultérieure mutuellement convenue, et iii) le remboursement sous un mois (et si nécessaire le retour gratuit au point de départ initial);
- en l’absence de remboursement, maintien du droit au transport et indemnisation sous un mois à la demande du passager (sauf si ce dernier était informé du retard avant l’achat de son billet): 25 % du prix du billet payé pour les retards de 60 à 119 minutes et 50 % au-delà;
- collation en gare ou à bord, si disponible, et hébergement si nécessaire et possible;
- le transporteur est déchargé de sa responsabilité si l’annulation ou le retard sont dus à des circonstances extraordinaires inévitables. Cependant, l’indemnisation est toujours due, même dans de telles circonstances[11].
La refonte du règlement (CE) nº 1371/2007, lancée par la Commission en septembre 2017, jette les bases d’un cadre encore plus clair pour les relations entre les transporteurs et les clients. Le présent règlement devrait établir des règles applicables au transport ferroviaire afin d’assurer aux voyageurs une protection efficace et d’encourager l’usage du train. Il traite notamment:
- de la non-discrimination entre les voyageurs pour ce qui est des conditions de transport et de délivrance de billets, y compris pour les personnes à mobilité réduite et les cyclistes;
- des droits et de l’indemnisation des voyageurs en cas de perturbations telles qu’une annulation ou un retard;
- de la communication d’informations minimales et exactes, en temps voulu, dans un format accessible aux voyageurs, y compris sur la billetterie.
Les droits des usagers, lorsqu’ils utilisent les services ferroviaires, comprennent aussi la communication d’informations sur ces services et sur les questions connexes avant, pendant et après le voyage. Le règlement a été adopté en deuxième lecture par le Parlement en avril 2021 [règlement (EU) 2021/782]. La Commission envisage d’adopter un règlement d’application conformément au règlement (UE) 2021/782, afin de simplifier la procédure permettant aux voyageurs ferroviaires de demander un remboursement ou une indemnisation en créant un formulaire type en cas de retard ou d’annulation de services ferroviaires. Les voyageurs auront le droit de soumettre leurs demandes à toute entreprise de services ferroviaires de l’Union au moyen de ce formulaire. En outre, les personnes handicapées ou à mobilité réduite auront facilement accès à ce formulaire.
C. Transport par navires de mer ou d’eaux intérieures: règlement (UE) nº 1177/2010
Les droits relatifs aux passagers voyageant (pour des trajets de plus de 500 m) par navires (motorisés, de plus de 12 passagers et 3 membres d’équipage) de mer ou d’eaux intérieures s’appliquent aux voyageurs qui i) embarquent dans un port de l’Union ou ii) à destination d’un port de l’Union si le service est exploité par un transporteur établi dans l’Union. Les passagers des navires de croisière doivent embarquer dans un port européen pour en bénéficier et ne sont pas couverts par certaines des dispositions sur les retards.
Annulation ou retard de plus de 90 minutes au départ:
- information des passagers au plus tard 30 minutes après l’heure de départ initialement prévue;
- choix offert entre i) le réacheminement ou la poursuite du voyage dans les meilleurs délais et ii) le remboursement sous sept jours (et si nécessaire le retour gratuit au point de départ initial);
- assistance (sauf si le passager était informé du retard avant l’achat de son billet): collation, si disponible, et si nécessaire hébergement à bord ou à terre. L’hébergement à terre est limité à trois nuits et à 80 euros par nuit. L’hébergement n’est pas dû si l’annulation ou le retard sont occasionnés par les conditions météorologiques.
Retard important à l’arrivée:
Indemnisation sous un mois à la demande du passager, sauf si ce dernier était informé du retard avant l’achat de son billet, ou si le retard est dû aux conditions météorologiques ou à des circonstances extraordinaires inévitables:
Indemnisation | 25 % du prix du billet payé | 50 % du prix du billet payé |
---|---|---|
Voyage ≤ 4 h | Retard ≥ 1 h | Retard ≥ 2 h |
Voyage 4 à 8 h | Retard ≥ 2 h | Retard ≥ 4 h |
Voyage 8 à 24 h | Retard ≥ 3 h | Retard ≥ 6 h |
Voyage ≥ 24 h | Retard ≥ 6 h | Retard ≥ 12 h |
Les droits relatifs aux passagers voyageant par autobus ou autocars ne s’appliquent dans leur totalité qu’aux services réguliers de plus de 250 km et lorsque la montée ou la descente du passager s’effectue sur le territoire d’un État membre[12]. En outre, jusqu’en mars 2021, les États membres peuvent déroger à la plupart des dispositions du règlement (des règles très différentes selon les États et, au final, peu protectrices, s’ensuivent).
Annulation ou retard de plus de 120 minutes au départ:
- information des passagers au plus tard 30 minutes après l’heure de départ initialement prévue;
- choix offert entre i) le réacheminement ou la poursuite du voyage dans les meilleurs délais et ii) le remboursement sous 14 jours (et, si nécessaire, le retour gratuit au point de départ initial). Si ce choix n’est pas proposé par le transporteur, ce dernier doit s’acquitter sous un mois du remboursement majoré d’une indemnité de 50 %;
- pour les trajets supérieurs à trois heures, une assistance (collation et hébergement si nécessaire dans la limite de deux nuits et 80 euros par nuit) doit être offerte dès la 90e minute de retard. L’hébergement n’est pas dû si le retard est occasionné par les conditions météorologiques ou une catastrophe naturelle.
E. Réaction à la crise de la COVID-19
La propagation de la COVID-19 a incité la Commission à adopter, le 18 mars 2020, des orientations interprétatives relatives aux règlements de l’UE sur les droits des passagers au regard de l’évolution de la situation en ce qui concerne la COVID-19, dans lesquelles elle rappelle que les passagers ont le droit de choisir entre le remboursement et le réacheminement. Le 13 mai 2020, la Commission a adopté une nouvelle recommandation concernant des bons à valoir destinés aux passagers et voyageurs à titre d’alternative au remboursement des voyages à forfait et des services de transport annulés dans le contexte de la pandémie de COVID-19.
Le 23 mai 2022, la Commission a adopté le «plan d’urgence pour les transports» afin de tirer les enseignements de la pandémie de COVID-19 et de tenir compte des défis auxquels le secteur des transports a été confronté des suites de la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine. Ces deux crises ont fortement affecté le transport de marchandises et de personnes. Dans ce plan, la Commission présente les initiatives législatives qu’elle étudie pour protéger les passagers contre les risques de crise de liquidité ou d’insolvabilité des entreprises de transport, qui sont souvent associés à des crises. Le plan prévoit également qu’à l’avenir, la Commission indiquera clairement comment protéger les droits des passagers lorsqu’une crise les met sous pression et comment les protéger des risques qui ne sont pas couverts par les règlements actuels de l’Union sur les droits des passagers.
Rôle du Parlement européen
Le Parlement s’est toujours fermement engagé en faveur des droits des passagers de tous les modes de transport. Son objectif principal est maintenant de veiller à l’application effective des textes qui ont été adoptés ces dernières années. Il s’est ainsi prononcé pour des règles plus faciles à comprendre, pour la fourniture d’informations claires et précises aux passagers avant et pendant leur voyage, pour des voies de recours simples et rapides et, enfin, pour un meilleur contrôle de l’application de la réglementation existante. Ses deux résolutions adoptées en 2012 proposent ainsi, à titre principal: que la législation définisse clairement les «circonstances exceptionnelles» qui permettent aux transporteurs de s’exonérer de certaines de leurs obligations; la mise en place par ces derniers d’une assistance téléphonique permanente à des tarifs non surtaxés; l’obligation de traiter les réclamations des passagers sous deux mois, ainsi que des mesures pour améliorer l’efficacité des organismes nationaux de contrôle.
Le Parlement s’est également prononcé en faveur d’une amélioration des droits existants (notamment en matière de clauses déloyales ou abusives dans les contrats de transport ou pour mieux garantir l’accessibilité des infrastructures de transport aux passagers à mobilité réduite) et de l’instauration de droits nouveaux, comme des normes minimales de qualité ou des règles propres à protéger efficacement le passager d’un voyage multimodal — ce dernier point impliquant notamment que les États membres s’abstiennent de recourir à des dérogations dans l’application des règlements sur les transports par chemin de fer ou par route.
Principales décisions du Parlement européen en la matière:
- résolution du 25 novembre 2009 sur l’indemnisation des passagers en cas de faillite d’une compagnie aérienne;
- résolution du 25 octobre 2011 sur la mobilité et l’intégration des personnes handicapées et la stratégie européenne 2010-2020 en faveur des personnes handicapées;
- résolution du 29 mars 2012 sur le fonctionnement et l’application des droits établis des personnes voyageant par avion;
- résolution du 23 octobre 2012 sur les droits des passagers dans tous les modes de transport;
- résolution législative du 5 février 2014 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) nº 261/2004 établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, ainsi que le règlement (CE) nº 2027/97 relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en ce qui concerne le transport aérien de passagers et de leurs bagages;
- résolution du 7 juillet 2015 sur la création d’un système de billetterie multimodale intégrée en Europe;
- résolution du 17 avril 2020 sur une action coordonnée de l’Union pour combattre la pandémie de COVID-19 et ses conséquences, dans laquelle le Parlement demande à la Commission de veiller à ce que les orientations interprétatives qu’elle a publiées le 18 mars 2020 relatives aux règlements de l’UE sur les droits des passagers au regard de l’évolution de la situation en ce qui concerne la COVID-19 soient correctement mises en œuvre.
- résolution du 13 décembre 2022 sur le plan d’action afin de stimuler le transport ferroviaire de voyageurs à longue distance et transfrontalier. Le Parlement demande d’assurer une protection uniforme des droits des passagers dans tous les modes de transport.
Davide Pernice