L’énergie nucléaire
L’énergie nucléaire est une solution de substitution à faible intensité de carbone aux combustibles fossiles. Elle représente près de 26 % de l’électricité produite dans l’Union. Cependant, en raison de l’accident de Tchernobyl survenu en 1986 et de la catastrophe de Fukushima survenue en 2011, l’énergie nucléaire suscite de vives controverses. Tandis que États membres décident de l’opportunité d’inclure l’énergie nucléaire dans leur bouquet énergétique, la législation de l’Union vise à améliorer les normes de sûreté applicables aux centrales nucléaires et à garantir que les déchets nucléaires sont traités et éliminés en toute sécurité.
Base juridique
Traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique (traité Euratom), articles 40-52 (investissements, entreprises communes et approvisionnement) et articles 92-99 (marché commun nucléaire).
Objectifs
Pour faire face à la pénurie généralisée d’énergie «conventionnelle» dans les années 1950, les six États membres fondateurs ont vu dans le nucléaire un moyen de parvenir à l’indépendance énergétique. Étant donné que les coûts des investissements dans l’énergie nucléaire dépassaient les possibilités de chaque pays pris isolément, les États membres fondateurs se sont unis pour constituer la Communauté européenne de l’énergie atomique.
Réalisations
A. Sûreté nucléaire
La sûreté nucléaire se rapporte à l’exploitation sûre des installations nucléaires, à la protection contre les radiations et à la mise en place de contrôles de sécurité des matières nucléaires dans les pays tiers. L’Union a pour objectif de promouvoir une véritable culture de la sûreté nucléaire, notamment par la mise en œuvre des normes les plus élevées en matière de sûreté nucléaire et de radiations. Les États membres sont tenus d’établir des cadres nationaux concernant les prescriptions en matière de sûreté nucléaire, d’octroi des autorisations d’exploitation des installations nucléaires, de supervision et d’application. La promotion d’une gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs, ainsi que le déclassement et l’assainissement d’anciens sites et installations nucléaires, constituent également une priorité de l’Union.
1. Travaux législatifs
a. Traité Euratom
La directive 2013/59/Euratom fixe des normes de base uniformes pour la protection sanitaire des travailleurs, des personnes du public et des patients. Établissant des paramètres précis, elle ne laisse que peu de latitude. Elle s’applique en situation normale, mais elle s’étend aussi aux situations d’exposition planifiées et d’urgence. Les exigences concernant la préparation aux situations d’urgence et les interventions destinées à y faire face ont été renforcées à la lumière des enseignements tirés de l’accident nucléaire de Fukushima survenu en 2011.
b. La directive sur la sûreté nucléaire
À la suite de l’accident nucléaire de Fukushima, la Commission a procédé à une évaluation globale des risques et de la sécurité de toutes les centrales nucléaires de l’Union, afin d’en évaluer la sûreté et la résistance en cas de phénomène naturel extrême. La Commission a porté un jugement globalement positif sur les normes de sûreté en vigueur dans l’Union, mais elle a insisté sur la nécessité de réaliser des améliorations supplémentaires afin de garantir une plus grande cohérence entre les États membres et de s’aligner sur les meilleures pratiques internationales. Avec le groupe des régulateurs européens dans le domaine de la sûreté nucléaire, la Commission a élaboré des plans d’action nationaux, validés par les pairs, pour la programmation de mises à niveau physiques des réacteurs de l’Union.
En 2014, les règles de sécurité à l’échelle de l’Union concernant les installations nucléaires ont été actualisées (directive 2014/87/Euratom). En février 2015, la Commission a proposé que les exigences en matière d’information au titre des articles 41 et 44 du traité Euratom soient réexaminées pour être mises à jour compte tenu des dernières évolutions stratégiques.
En 2018, la Commission a présenté une proposition de règlement instituant un instrument européen relatif à la coopération internationale en matière de sûreté nucléaire (règlement (Euratom) 2021/948 du Conseil), remplaçant l’ancien instrument relatif à la coopération en matière de sûreté nucléaire et complétant l’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale sur la base du traité Euratom.
En juin 2021, le nouvel instrument européen relatif à la coopération internationale en matière de sûreté nucléaire, doté d’un budget de 300 millions d’euros pour la période 2021-2027, est entré en vigueur.
2. Radioprotection
L’exposition aux rayonnements ionisants présente un danger important pour la santé humaine et pour l’environnement. La directive 2013/59/Euratom du Conseil de décembre 2013 fixe les normes de base relatives à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l’exposition aux rayonnements ionisants. Elle simplifie la législation de l’Union en remplaçant cinq directives et introduit des exigences contraignantes en matière de protection contre l’exposition au radon dans les habitations, d’utilisation de produits de construction et d’évaluation des incidences sur l’environnement des rejets d’effluents radioactifs provenant des installations nucléaires. En outre, la directive 2013/51/Euratom du Conseil porte sur le contrôle des substances radioactives dans les eaux destinées à la consommation humaine.
Plusieurs règlements (dont le règlement d’exécution (UE) 2020/1158 de la Commission) ont établi les conditions régissant les importations de produits agricoles originaires de pays extérieurs à l’Union à la suite de l’accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Quant au règlement (Euratom) 2016/52 du Conseil, il fixe les niveaux maximaux admissibles de contamination radioactive pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux après un accident nucléaire ou dans toute autre situation d’urgence radiologique.
Les relations avec le Royaume-Uni après le Brexit en matière d’énergie nucléaire sont régies par l’accord Euratom-Royaume-Uni, qui donne un cadre stable à la poursuite de la coopération et des échanges avec ce pays dans ce domaine.
3. Transport des matières et déchets radioactifs
Un régime d’autorisation préalable s’appliquant aux transferts de déchets radioactifs a été mis en place dans l’Union en 1992 et modifié sensiblement par la directive 2006/117/Euratom du Conseil de novembre 2006 relative à la surveillance et au contrôle des transferts de déchets radioactifs et de combustible nucléaire usé. En application de son article 20, les États membres doivent présenter à la Commission, tous les trois ans, des rapports sur la mise en œuvre de la directive. Des dispositions tendant à maintenir le contrôle des transferts de sources radioactives entre les États membres de l’Union européenne ont été instaurées par le règlement (Euratom) nº 1493/93 du Conseil.
4. Gestion des déchets
Des règles encadrant la gestion des déchets dans l’Union ont été instaurées en 2011 avec la directive 2011/70/Euratom du Conseil établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs. Ce texte prévoit une surveillance étroite des programmes nationaux de construction et de gestion des sites de stockage définitif, ainsi que des normes de sécurité juridiquement contraignantes. Les États membres ont publié leurs premiers programmes nationaux en 2015 et doivent présenter tous les trois ans des rapports nationaux sur la mise en œuvre de la directive.
5. Déclassement
Le déclassement d’une installation nucléaire passe par la fermeture du site, le retrait des matières nucléaires, la réhabilitation du site et l’élimination complète des risques radiologiques, le tout relevant de la responsabilité des États membres. En juin 2018, la Commission a adopté deux propositions de règlement du Conseil (COM(2018)0466 et COM(2018)0467) établissant des programmes financiers spéciaux pour le déclassement d’installations nucléaires et la gestion des déchets radioactifs en ce qui concerne les centrales nucléaires de Kozloduy en Bulgarie, de Bohunice en Slovaquie et d’Ignalina en Lituanie, mais aussi les installations de recherche nucléaire sur les quatre sites du Centre commun de la Commission. Les dotations budgétaires proposées pour 2021-2027 sont fixées comme suit:
- 466 millions d’euros pour les programmes Kozloduy et Bohunice au cours de la période 2021-2027, le taux maximal du cofinancement de l’Union ne devant pas dépasser 50 %;
- 552 millions d’euros pour le programme Ignalina au cours de la période 2021-2027, avec un taux maximal de cofinancement de l’Union de 86 %.
Les règlements (Euratom) 2021/100 et (UE) 2021/101 du Conseil ont été adoptés le 25 janvier 2021. Entrés en vigueur le 21 février 2021, ils s’appliquent à compter du 1er janvier 2021.
6. Contrôle de sécurité des matières nucléaires
Un certain nombre de règlements ont été adoptés et modifiés afin de mettre en place un système de contrôles de sécurité garantissant que les matières nucléaires sont uniquement utilisées aux fins déclarées par leurs utilisateurs et que les obligations internationales sont respectées, par exemple, le règlement (Euratom) nº 302/2005 de la Commission. Les contrôles de sécurité couvrent tout le cycle du combustible nucléaire, depuis l’extraction des matières nucléaires dans les États membres ou leur importation en provenance de pays tiers, jusqu’à l’exportation en dehors de l’Union. La Commission est chargée du contrôle des matières nucléaires civiles dans l’Union.
B. Recherche nucléaire, activités de formation et information
La recherche nucléaire dans l’Union est financée à l’aide de programmes-cadres pluriannuels. Le programme Euratom pour la recherche et les activités de formation en matière nucléaire complète, tout en restant distinct, le programme-cadre de l’Union pour la recherche et l’innovation Horizon 2020. Les crédits alloués au programme Euratom pour la période 2021-2025 s’élèvent à 1,38 milliard d’euros, répartis entre trois programmes spécifiques concernant: les actions indirectes dans le domaine de la recherche en matière de fusion nucléaire (583 millions d’euros), l’énergie de fission nucléaire et la radioprotection (266 millions d’euros) et les actions directes conduites par le Centre commun de recherche de la Commission (532 millions d’euros).
Rôle du Parlement européen
En vertu du traité Euratom, le Parlement joue un rôle limité dans le processus décisionnel étant donné qu'il ne dispose que de pouvoirs de consultation. Néanmoins, il a régulièrement mis l’accent sur la nécessité de clarifier le partage des responsabilités entre les institutions de l’Union et les États membres, de renforcer le cadre de l’Union sur différents aspects touchant aux installations nucléaires, et d’améliorer les normes en matière de sûreté et de protection de l’environnement.
Dans sa résolution du 5 juillet 2011 sur les priorités en matière d’infrastructures énergétiques pour 2020 et au-delà, le Parlement a soutenu la décision de la Commission d’introduire des tests de résistance pour les centrales nucléaires dans l’Union. Dans une autre résolution du 14 mars 2013, le Parlement soulignait les limites des tests de résistance réalisés par la Commission en 2012 et demandait l’introduction de critères supplémentaires, notamment en ce qui concerne la détérioration du matériel, l’erreur humaine et l’existence de défauts à l’intérieur des cuves de réacteurs. Il insistait sur l’urgence d’appliquer l’intégralité des améliorations en matière de sûreté.
Dans sa résolution du 23 juin 2011 sur la proposition de directive du Conseil relative à la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs, adoptée en première lecture, le Parlement a soutenu la proposition de la Commission visant à interdire totalement l'exportation de déchets radioactifs, tandis que le Conseil préconisait d'autoriser les exportations dans des conditions très strictes.
Le 14 mars 2013, dans le prolongement de la catastrophe de Fukushima, le Parlement, dans sa résolution sur les évaluations des risques et de la sûreté («tests de résistance») des centrales nucléaires dans l’Union européenne, a souscrit à la décision de la Commission de procéder à la révision des installations nucléaires européennes à l’aide de tests de résistance, dont il a toutefois déploré le champ d’action, et a préconisé l’ajout ultérieur de critères supplémentaires.
Dans sa résolution du 24 octobre 2013 sur le projet de directive du Conseil fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l’exposition aux rayonnements ionisants, adoptée en première lecture, le Parlement appelait encore une fois de ses vœux une modification de la base juridique. Il demandait que le champ d’application de la directive soit étendu à toute situation d’exposition planifiée, d’exposition existante ou d’exposition d’urgence, que des limites de dose plus strictes soient établies pour l’exposition autorisée du public, et que les sanctions et les réparations en cas de dommages soient renforcées. Il invitait également à améliorer le système d’information du public.
Le 21 avril 2021, la Commission a apporté une série de modifications au règlement sur la taxinomie de l’Union (règlement (UE) 2020/852), entré en vigueur en juillet 2020, annonçant notamment l’inclusion de l’énergie nucléaire dans la taxinomie. Les dispositions arrêtées dans l’acte délégué relatif au volet climatique de la taxinomie de l’Union (règlement délégué (UE) 2021/2139 de la Commission) ont fixé des critères précis en matière de finance verte, mais ont laissé de côté le gaz et l’énergie nucléaire, qui feront ultérieurement l’objet d’une décision distincte du Parlement.
Le 1er mars 2022, le Parlement, dans sa résolution sur l’agression russe contre l’Ukraine, a rejeté catégoriquement «la rhétorique russe fondée sur la menace voilée d’un recours aux armes de destruction massive», rappelant à la Russie ses obligations internationales et mettant en garde contre les dangers d’une escalade nucléaire du conflit.
Dans sa résolution du 7 avril 2022 sur les conclusions du Conseil européen des 24 et 25 mars 2022, y compris les dernières évolutions de la guerre en Ukraine et les sanctions de l’Union contre la Russie ainsi que leur mise en œuvre, le Parlement a appelé de ses vœux l’adoption de mesures punitives supplémentaires. Ces mesures comprenaient notamment «un embargo total et immédiat sur les importations russes de pétrole, de charbon, de combustible nucléaire et de gaz», ainsi qu’un plan visant à garantir la sécurité de l’approvisionnement énergétique de l’Union et une stratégie prévoyant de «revenir sur les sanctions au cas où la Russie prendrait des mesures visant à rétablir l’indépendance [...] de l’Ukraine [...]». Par ailleurs, le Parlement a condamné la prise de contrôle par les forces russes d’installations et de sites nucléaires actifs ou démantelés sur le territoire ukrainien.
Le 11 juillet 2022, après avoir adopté une objection contre l’acte délégué complémentaire relatif aux objectifs climatiques de la taxinomie, qui inscrivait, dans des conditions strictes, certaines activités concernant l’énergie nucléaire et le gaz sur la liste des activités économiques relevant la taxinomie de l’Union, le Parlement a décidé de ne pas mettre son veto à la proposition de la Commission.
Les négociations interinstitutionnelles sur la proposition de réforme de l’organisation du marché de l’électricité de l’UE ont abouti à un accord entre le Conseil et le Parlement sur les contrats d’écart compensatoire (CEC) afin d’encourager les investissements dans le domaine de l’énergie. Dans le cadre de ces CEC, les pouvoirs publics indemniseront les producteurs d’énergie si les prix du marché baissent trop brusquement, mais percevront des paiements de leur part si les prix sont trop élevés. Les CEC peuvent être utilisés pour tous les investissements dans de nouvelles installations de production d’électricité, que ce soit à partir d’énergies renouvelables ou d’énergie nucléaire. Le Parlement a adopté cet accord lors de la session du 11 avril 2024.
Pour en savoir plus sur le sujet, consultez le site web de la commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie.
Corinne Cordina