Discours du President du Parlement Européen à la cérémonie du Prix Carlos V 

 

Je remercie chaleureusement Sa Majesté, la Communauté autonome d’Estrémadure et la Fondation Académie européenne de Yuste de m’avoir si aimablement invité à participer à la remise de ce prix prestigieux. Le prix européen Charles Quint vient récompenser ceux qui contribuent de manière exceptionnelle à la défense de l’idée européenne.

Sire,
Madame la présidente du Congrès des députés,
Monsieur le président du Conseil d’Estrémadure,
Messieurs les ministres (cher Alfonso, cher Iñigo),
Monsieur Marcelino Oreja Aguirre,
Mesdames et Messieurs les représentants des autorités,
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,

Je remercie chaleureusement Sa Majesté, la Communauté autonome d’Estrémadure et la Fondation Académie européenne de Yuste de m’avoir si aimablement invité à participer à la remise de ce prix prestigieux. Le prix européen Charles Quint vient récompenser ceux qui contribuent de manière exceptionnelle à la défense de l’idée européenne. Cette année, il est décerné à un illustre européen espagnol qui incarne l’engagement en faveur de la liberté et de la démocratie; j’ai nommé: Monsieur Marcelino Oreja Aguirre. Ce prix est tout d’abord un hommage à son parcours politique. Mais c’est également, et j’espère que son lauréat est du même avis, un hommage à toute une génération d’Espagnols. Une génération qui, malgré tous les obstacles et contre toute attente, a réussi, en un temps record, ce miracle de la transition démocratique. Un exemple pour le monde entier: un exemple de réconciliation, de solidarité et de générosité, qui a fait de l’Espagne le pays ouvert, moderne, divers et dynamique qu’il est aujourd’hui. Une Espagne qui, mue par son fort esprit européen, faisant fi des difficultés, a su, et sait toujours, se surpasser chaque jour.

Cette Espagne donc, Cette Espagne que j’ai décrite n’aurait pu être bâtie sans Marcelino Oreja, qui, en politique européenne, a occupé presque toutes les fonctions: ministre des affaires étrangères; secrétaire général du Conseil de l’Europe; député européen et président de la commission institutionnelle du Parlement européen; président de la commission mixte Congrès-Sénat; membre de la Commission européenne. Grâce à ce long parcours, il a vécu l’intégration européenne, en a été l’un des acteurs. Tout d’abord, l’intégration de l’Espagne au sein du Conseil de l’Europe et l’adhésion aux Communautés européennes, ce qui fut sans aucun doute la meilleure décision qu’ait pu prendre la jeune démocratie espagnole. Pour l’Espagne, la démocratie et l’ouverture au monde ont été deux processus indissociables. C’est le retour du pays dans le giron de l’Europe qui les a rendus possibles. Marcelino Oreja y a contribué en jetant les premiers ponts entre l’Espagne démocratique et la communauté internationale. Il a mis au service de cette noble entreprise l’esprit d’ouverture de tout bon Espagnol, mais aussi la ténacité dont tout Basque qui se respecte fait preuve, pour peu que la tâche en soit digne.

Être membre de l’Union européenne est la plus belle aventure qu’il ait été donné à l’Espagne de vivre au cours du siècle écoulé. C’est aussi sans conteste, dans l’histoire récente du pays, l’aventure la plus fructueuse et la plus salutaire. Comme elle l’est également pour tous les États membres, après des siècles de divisions causées par les guerres, les totalitarismes et les murs. Marcelino Oreja lui-même a fort justement décrit l’adhésion à l’Union européenne comme «le grand bond de l’Espagne vers la liberté». Et n’oublions pas que, comme le rappelait fort à propos Don Quichotte à son fidèle écuyer, «la liberté [...] est l’un des dons les plus précieux qu’aient aux hommes fait les cieux». C’est bien ce désir de liberté qui a permis à l’Europe de ne plus tomber dans le piège des nationalismes, après deux guerres mondiales qui ont complètement dévasté notre continent sur les plans social, économique et psychologique.

L’Union européenne est, en ce sens, la grande aventure de l’Europe – d’une Europe décidée à reconquérir les valeurs universelles que sont la liberté, la dignité humaine, la démocratie, l’état de droit et les droits de l’homme. Toutes ces valeurs ont fait de l’Union européenne la région la plus prospère et la plus stable au monde. C’est parce que l’Europe a su se reconstruire qu’elle a connu soixante années – quarante pour l’Espagne – de paix, de stabilité et de prospérité. Le chemin, bien que semé d’embûches, d’incertitudes et d’obstacles, n’en a pas moins débouché sur une grande réussite collective, qui prouve que l’isolationnisme, les murs, bref, le nationalisme et le populisme, ne sont, et ne seront jamais, la réponse aux difficultés auxquelles nous sommes confrontés, à l’intérieur comme à l’extérieur de nos frontières.

L’intégration européenne, c’est l’histoire de la reconstruction d’un continent. Un continent qui a su se surpasser. Une véritable révolution citoyenne dont nous devons être fiers. Il s’agit d’une réussite qui montre que ce qui nous définit réellement, ce ne sont pas les crises, mais notre volonté de les surmonter.

Mesdames et Messieurs,
Nous venons de célébrer le soixantième anniversaire de la signature des traités de Rome, qui nous a donné l’occasion de commémorer notre passé et, surtout, de rappeler que l’Union européenne est un projet d’avenir. Un avenir qui suppose de travailler pour rendre l’Europe plus sûre, plus prospère, plus sociale et plus forte sur la scène mondiale. Cette Europe de l’avenir, c’est une Europe qui lutte de manière coordonnée contre le terrorisme; une Europe où les frontières extérieures sont l’affaire de tous et où les frontières intérieures appartiennent au passé; une Europe accueillante, mais également ferme dans l’application de la loi. C’est une Europe qui crée de la croissance et des emplois; où l’innovation et les technologies sont un pilier de l’économie, où l’énergie et la lutte contre le changement climatique orientent un développement plus durable, où le tissu industriel garantit la prospérité. C’est une Europe qui favorise la cohésion et l’égalité, et qui offre de nombreuses perspectives à nos jeunes. C’est aussi une Europe forte dans le monde. Un exemple de liberté, de démocratie et de solidarité. Une Europe capable d’assumer ses responsabilités internationales et de contribuer à l’équilibre mondial. Cette Europe ne se construit pas sur la nostalgie d’un passé meilleur, qui ne peut déboucher que sur la frustration, la division et l’échec. Bien au contraire. L’Europe à laquelle les citoyens aspirent est une Europe à l’esprit ouvert. Une Europe qui, en tant que conception intellectuelle et politique, remplace l’Europe qui ne parlait que le langage de la guerre. Une Europe où des milliers et des milliers d’Européens ont travaillé avec ardeur, comme l’a fait Marcelino Oreja, pour garantir la prospérité de leurs enfants. Une Europe, en définitive, qui replace les citoyens au cœur du projet européen. C’est le citoyen qui donne son sens à l’Union européenne et à l’idéal qu’elle représente.

Il y a deux mille ans environ, un jeune originaire d’Hispanie, né tout près d’ici et nommé Trajan, demanda à son père: «Un Espagnol peut-il être empereur romain? Cela a-t-il un sens qu’un Espagnol aille à Rome?» Le père répondit: «Fils, Rome n’est pas une ville. Rome n’est pas l’Empire. Rome est une identité, ce sont nos lois, nos infrastructures, notre histoire, nos différents peuples, les religions qui cohabitent à l’intérieur des frontières de cet État.»
Quand on nous demande ce qu’est l’Europe, à quoi cela sert d’être européen ou s’il faut croire en l’Europe, nous devrions répondre comme le père de Trajan: L’Europe est un grand idéal, c’est notre civilisation, notre histoire, nos différences et notre liberté. Cela vaut la peine de croire en elle, de consacrer notre avenir à la réalisation de ce rêve qu’il faut offrir à nos enfants.

Mesdames et Messieurs,
Je ne voudrais pas clore mon intervention sans évoquer une dernière fois ce prix, qui porte le nom d’un autre empereur espagnol, et ce lieu, situé dans l’une des plus belles régions d’Europe et qui a légué à l’histoire universelle tant de noms illustres. Le prix européen Charles Quint symbolise le caractère profondément européiste et l’esprit ouvert des Espagnols. Des qualités qui transparaissent clairement dans le règne de Sa Majesté le roi Felipe, qui, comme l’ensemble des Espagnols actuellement, œuvre pour l’Europe et notre avenir commun. C’est pourquoi je me réjouis sincèrement d’être ici et précisément aujourd’hui, en cette Journée de l’Europe. Cette journée nous permet de rappeler les valeurs qui nous unissent et de renouveler notre engagement envers l’Europe unie et solidaire dont rêvaient les Européens après la Seconde Guerre mondiale et qui, grâce au travail de personnes telles que Marcelino Oreja, est maintenant une réalité. Depuis leur entrée dans l’Union européenne, les Espagnols sont restés pleinement pro-européens. Tel est l’esprit que l’on ressent aujourd’hui à Yuste. Cet endroit, qui invite au recueillement et à la réflexion, fut choisi par Charles Quint pour se retirer. Il est le symbole, aujourd’hui, de l’idéal d’une Europe unie. Une Europe qui transcende les frontières et qui représente notre liberté. Monsieur Marcelino Oreja, ce prix vous est remis à Yuste, cinq cents ans après le débarquement à Tazones, en Asturies, de l’enfant né à Gand qui donne son nom à cette récompense. Ce débarquement fut suivi d’un règne de quatre décennies qui marquèrent le destin de l’Espagne, de l’Europe et du monde.

Cette année correspond également au quarantième anniversaire de votre venue à Bruxelles pour remettre une lettre qui allait donner corps à la grande aventure de l’Espagne contemporaine: son adhésion aux Communautés européennes. Ses retrouvailles avec l’histoire. La conquête définitive de la liberté, de la démocratie et d’un avenir meilleur pour tous les Espagnols. Monsieur Marcelino Oreja, vous avez écrit en lettres d’or une page de l’histoire de ce grand pays et de l’Union européenne. Je vous prie d’accepter, au nom de l’Union européenne, l’expression de mon admiration et de ma reconnaissance. Je vous remercie.»

 

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