Proposition de résolution - B7-0180/2010Proposition de résolution
B7-0180/2010

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la transparence et l'état d'avancement des négociations ACTA (accord commercial anti-contrefaçon)

8.3.2010

déposée à la suite de la question avec demande de réponse orale B7‑0020/2010
conformément à l'article 115, paragraphe 5, du règlement

Lothar Bisky, Helmut Scholz, Jim Higgins, Rui Tavares, Cornelis de Jong, Eva-Britt Svensson, Patrick Le Hyaric, Jacky Hénin, Marie-Christine Vergiat au nom du groupe GUE/NGL

Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B7-0154/2010

Procédure : 2010/2572(RSP)
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B7-0180/2010
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B7-0180/2010
Textes adoptés :

B7‑0180/2010

Résolution du Parlement européen sur la transparence et l'état d'avancement des négociations ACTA (accord commercial anti-contrefaçon)

Le Parlement européen,

–   vu sa résolution du 9 février 2010 sur un accord-cadre révisé entre le Parlement européen et la Commission pour la prochaine législature (B7‑0091/2010)[1],

–   vu sa résolution du 11 mars 2009 sur l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (refonte), à considérer comme la position du Parlement en première lecture[2],

–    vu sa résolution du 18 décembre 2008 sur l'impact de la contrefaçon sur le commerce international[3],

–    vu l'avis du Contrôleur européen de la protection des données en date du 22 février 2010 sur les négociations en cours, par l'Union européenne, d'un accord commercial anti-contrefaçon (ACTA),

–    vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et en particulier son article 8,

–    vu la directive 95/46/CE et la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques, modifiée en dernier lieu par la directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009,

–    vu la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur ("directive sur le commerce électronique"),

–    vu l'article 218, du traité FUE,

–   vu la question du 24 février 2010 à la Commission sur la transparence et l'état d'avancement des négociations ACTA (accord commercial anti-contrefaçon) (O-0026/2010 – B7‑0020/2010),

–   vu l'article 115, paragraphe 5, et l'article 110, paragraphe 2, de son règlement,

 

A.  considérant que les États-Unis, le Japon, l'Union européenne et quelques autres pays ont ouvert en 2008 des négociations sur un nouvel accord multilatéral visant à renforcer la protection des droits de propriété intellectuelle (DPI) et à lutter contre la contrefaçon et le piratage (accord commercial anti-contrefaçon - ACTA),

 

B.   considérant la nécessité de lutter contre la contrefaçon et de protéger certains droits qui, toutefois, ne sauraient primer les droits humains et les libertés fondamentales, clé de voûte de nos sociétés et de la démocratie; considérant les divers domaines que les négociateurs entendent couvrir dans leurs accords et le fait qu'ils négocient secrètement,

 

C.  considérant que, dans son rapport du 11 mars 2009, le Parlement a invité la Commission à "rendre accessibles au public tous les documents relatifs aux négociations internationales en cours sur l'accord commercial anti-contrefaçon",

 

D.  considérant que, le 27 janvier 2010, la Commission s'est engagée en faveur d'une association renforcée avec le Parlement sur la base de sa résolution du 9 février 2010 sur un accord-cadre avec la Commission, demandant que la Commission lui fournisse immédiatement des informations complètes, à chaque étape des négociations d'accords internationaux, notamment dans le domaine commercial et pour les autres négociations impliquant la procédure d'avis conforme, de manière à donner plein effet à l'article 218 du traité FUE,

 

E.   considérant que la Commission, en tant que gardienne des traités, est tenue de veiller au respect de l'acquis communautaire lorsqu'elle négocie des accords internationaux ayant une incidence sur la législation de l'Union européenne,

 

F.   considérant que, selon certains documents obtenus en sous-main, les négociations ACTA portent, entre autres, sur la législation européenne en instance concernant l'application des DPI (2005/0127(COD), mesures pénales visant à assurer le respect des droits de propriété intellectuelle (IPRED-II) et le "paquet télécommunications", et ne respecteraient pas la législation européenne en vigueur en matière de commerce électronique et de protection des données,

 

G. considérant que les efforts actuels déployés par l'Union européenne pour harmoniser les mesures d'application des DPI ne devraient pas être réduits à néant par des négociations commerciales qui sortent du cadre décisionnel normal de l'Union européenne,

 

H. considérant qu'il importe de veiller à ce que les mesures d'application des DPI soient mises en place sans faire obstacle à l'innovation ou au transfert de technologies, sans porter atteinte aux limitations applicables aux DPI ou à la protection des données à caractère personnel, sans limiter la libre circulation des informations et sans pénaliser de manière indue les échanges commerciaux légitimes,

 

I.   considérant que tout accord conclu par l'Union européenne en ce qui concerne l'ACTA doit respecter les obligations juridiques imposées à l'UE en matière de respect de la vie privée, de la liberté d'expression et de législation relative à la protection des données, telles que définies, en particulier, dans la directive 95/46/CE, la directive 2002/58/CE et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et la Cour européenne de justice,

 

J.   considérant que l'action de l'Union européenne sur la scène internationale doit reposer sur les principes d'universalité et d'indivisibilité des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

 

1.  dénonce, tout en approuvant le renforcement de la lutte contre la contrefaçon réelle, le manque de transparence et de légitimité démocratique des négociations sur l'ACTA et refuse que ces négociations soient menées en secret sous la direction des États‑Unis, du Japon, de l'Union européenne et de quelques autres pays industrialisés et en l'absence, pour ce qui est de l'UE, d'une base juridique et rejette des négociations qui expriment de nouveau l'intention d'accroître le champ et les coûts des DPI afin de dégager encore plus de profits dans l'intérêt des entreprises;

 

2.  condamne la procédure appliquée, qui n'est pas démocratique, et le comportement du Conseil et de la Commission envers le Parlement européen et les citoyens de l'Union européenne;

 

3.   rejette le choix délibéré des parties de ne pas négocier au travers de l'OMPI, qui a défini des cadres pour l'information et la consultation du public;

 

4.   demande à la Commission de ne pas participer à des négociations commerciales qui ne soient pas ouvertes à tous, multilatérales, soumises à un contrôle parlementaire et citoyen et n'associent pas les pays en développement à des délibérations ayant des incidences sur leur développement;

 

5.   estime qu'il n'existe pas d'argument légitime justifiant la non-divulgation d'informations relatives à des négociations internationales sur l'application des droits de propriété intellectuelle ou des questions analogues, qui ont un caractère législatif et une incidence sur les droits fondamentaux;

 

6.   demande à la Commission de lui donner accès à tous les textes primaires relatifs à l'ACTA, en particulier le mandat de négociation établi par le Conseil, les procès-verbaux des réunions de négociation, les projets de chapitres de l'ACTA et les observations des participants sur lesdits projets;

 

7.   observe que, outre l'obligation juridique claire d'informer le Parlement, les documents relatifs à l'ACTA devraient également être mis à la disposition du grand public dans l'Union européenne et dans les autres pays participant aux négociations; interprète les critiques publiques de grande envergure soulevées par le secret qui entoure les négociations ACTA comme un signe clair de la précarité politique de la procédure de négociation retenue;

 

8.   invite la Commission à dénoncer immédiatement les accords internes formels et illégaux sur la nature confidentielle de la conduite des négociations et à informer le Parlement en temps utile des initiatives qu'elle aura prises en ce sens; compte sur la Commission pour agir de cette manière avant le prochain cycle de négociations qui se tiendra en avril 2010 en Nouvelle-Zélande et pour exiger que la question de la transparence figure à l'ordre du jour de cette réunion;

 

9.   rappelle à la Commission l'obligation de respecter les droits fondamentaux et la nécessité de réaliser une étude d'impact sur la mise en œuvre de l'ACTA en ce qui concerne ces droits et la protection des données, les efforts menés actuellement par l'Union européenne pour harmoniser les mesures d'application des DPI, le commerce électronique et l'incidence éventuelle de l'ACTA sur les droits fondamentaux et l'état de droit dans les pays tiers – en particulier ceux en développement – et ce avant tout accord de l'UE sur un traité ACTA consolidé, et de consulter le Parlement en temps utile sur les résultats de cette étude;

 

10. rejette toute négociation qui limiterait la procédure judiciaire régulière ou restreindrait en quelque manière les garanties attachées aux droits fondamentaux énoncés dans la Convention européenne des droits de l'homme;

 

11. estime qu'un accord doit comporter le droit d'obtenir un contrôle juridictionnel avant qu'une personne soit privée de l'accès à l'internet;

 

12. estime que la poursuite des éventuelles infractions au droit d'auteur ou au droit des brevets devrait ressortir exclusivement aux autorités judiciaires publiques et qu'aucune compétence à cet égard ne devrait être reconnue aux organes administratifs ou aux parties représentant des intérêts privés;

13. estime que l'application ou la proposition de sanctions pénales dans les cas où des mesures civiles sont aujourd'hui mises en œuvre ne devrait pas entraver les transferts de technologies et d'innovations économiques en augmentant les coûts et les risques pour les producteurs et les importateurs;

 

14. souligne que le droit à la vie privée et à la protection des données afférentes aux communications numériques devrait être respecté et ne pas être subordonné à des droits moins fondamentaux;

 

15. estime qu'un accord visant à renforcer les saisies et les contrôles transfrontaliers de marchandises ne doit pas porter atteinte à l'accès, sur le plan mondial, à des médicaments légaux et sûrs, en particulier aux génériques;

 

16. estime qu'un accord interdisant les techniques anticontournement ne devrait pas restreindre la liberté d'expression ainsi que le droit à une presse libre sur le plan mondial et le droit à l'information;

 

17. prend acte des déclarations de la Commission selon lesquelles tout accord ACTA se bornera à l'application des DPI existants, sans préjudice du développement d'une législation de fond en matière de propriété intellectuelle au sein de l'Union européenne; subordonne toute approbation éventuelle de l'accord ACTA au respect plein et entier de cette affirmation;

 

18. s'oppose à toute disposition qui impliquerait la surveillance sur une vaste échelle des utilisateurs de l'internet et des communications par l'internet, ainsi que l'obligation pour les fournisseurs d'accès à l'internet d'adopter la politique de coupure après trois avertissements; invite la Commission à suggérer des mesures de lutte contre la contrefaçon qui respectent le droit à la vie privée, à la confidentialité de la correspondance et à la protection des données à caractère personnel; rappelle la nécessité de respecter et de garantir la neutralité de l'internet;

 

19. prie instamment la Commission de s'assurer que la mise en œuvre des dispositions de l'ACTA – en particulier celles concernant les procédures d'application des droits d'auteur dans l'environnement numérique – soit pleinement conforme à la lettre et à l'esprit de l'acquis communautaire et qu'elle n'implique pas de mesures "d'autorégulation" imposées par des entreprises privées en dehors du champ d'application des processus de prise de décision;

 

20. estime que le respect de la vie privée et la protection des données sont des valeurs essentielles de l'Union européenne, reconnues par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui doivent être respectées dans toutes les politiques et dispositions adoptées par l'Union européenne conformément à l'article 16 du traité FUE;

 

21. est profondément préoccupé par le fait que l'Union européenne négocie depuis des années avec d'importants partenaires des accords commerciaux internationaux comportant des dispositions contraires aux principes de la démocratie; fait part de sa décision d'utiliser tous voies et moyens pour imposer leur respect intégral;

 

22. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, ainsi qu'aux gouvernements et parlements des partenaires dans les négociations sur l'ACTA.