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Procédure : 2013/2026(INI)
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A7-0118/2014

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PV 13/03/2014 - 11
CRE 13/03/2014 - 11

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P7_TA(2014)0250

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Jeudi 13 mars 2014 - Strasbourg
Le rôle joué par la propriété et la création de richesses pour éradiquer la pauvreté et favoriser le développement durable
P7_TA(2014)0250A7-0118/2014

Résolution du Parlement européen du 13 mars 2014 sur le rôle joué par les droits de propriété, le régime de la propriété et la création de richesses pour éradiquer la pauvreté et favoriser le développement durable dans les pays en développement (2013/2026(INI))

Le Parlement européen,

–  vu l'article 17 de la déclaration universelle des droits de l'homme des Nations unies concernant le droit à la propriété,

–  vu la déclaration du Millénaire du 8 septembre 2000, qui énonce les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), et en particulier les objectifs 1, 3 et 7,

–  vu la déclaration conjointe du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres réunis au sein du Conseil, du Parlement européen et de la Commission sur la politique de développement de l'Union européenne, intitulée "Le consensus européen" et signée le 20 décembre 2005, et en particulier ses paragraphes 11 et 92,

–  vu la communication de la Commission du 19 octobre 2004 intitulée "Orientations de l'UE visant à soutenir l'élaboration de la politique foncière et les processus de réforme de cette politique dans les pays en développement" (COM(2004)0686),

–  vu la communication de la Commission du 31 mars 2010 intitulée "Un cadre stratégique de l'UE pour aider les pays en développement à relever les défis liés à la sécurité alimentaire" (COM(2010)0127),

–  vu la communication de la Commission du 13 octobre 2011 intitulée "Accroître l'impact de la politique de développement de l'UE: un programme pour le changement" (COM(2011)0637),

–  vu la communication de la Commission du 27 février 2013 intitulée "Une vie décente pour tous: éradiquer la pauvreté et offrir au monde un avenir durable" (COM(2013)0092),

–  vu le document intitulé "Orientations de l'Union européenne en matière de politique foncière: orientations visant à soutenir l'élaboration de la politique foncière et les processus de réforme de cette politique dans les pays en développement" adopté par la Commission en novembre 2004,

–  vu l'étude du Programme des Nations unies pour les établissements humains (ONU-Habitat) de 2008 intitulée "Garantir des droits fonciers pour tous" et le guide de l'ONU-Habitat intitulé "Comment élaborer une politique foncière pro-pauvres: processus, guide et leçons",

–  vu le rapport d'Olivier De Schutter, rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l'alimentation, du 11 juin 2009 intitulé "Acquisitions et locations de terres à grande échelle: un ensemble de principes et de mesures clés pour répondre à l'impératif des droits de l'homme",

–  vu la déclaration sur "Les défis de l'urbanisation et la réduction de la pauvreté dans les États de l'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique", adoptée à Nairobi au Kenya en 2009,

–  vu la déclaration du Sommet mondial sur la sécurité alimentaire, adoptée à Rome en 2010,

–  vu la déclaration intitulée "Sortir des bidonvilles: un défi mondial pour 2020", adoptée lors de la conférence internationale de Rabat, au Maroc, qui s'est tenue du 26 au 28 novembre 2012,

–  vu la déclaration sur "L'urbanisation durable pour éradiquer la pauvreté", adoptée lors de la deuxième conférence tripartite ACP/Commission européenne/ONU-Habitat qui s'est tenue à Kigali, au Rwanda, du 3 au 6 septembre 2013,

–  vu la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et la convention n° 169 de l'Organisation internationale du travail (OIT) relative aux peuples indigènes et tribaux, adoptée en 1989,

–  vu les principes pour des investissements agricoles responsables qui respectent les droits, les moyens de subsistance et les ressources, les directives volontaires de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, ainsi que le cadre et les lignes directrices sur les politiques foncières en Afrique de l'Union africaine,

–  vu les recommandations du groupe de haut niveau pour le programme de développement pour l'après‑2015 en vue d'inclure un objectif de gouvernance foncière à l'intention des femmes et des hommes et de reconnaître que les femmes et les jeunes filles doivent notamment bénéficier des mêmes droits en matière de possession de terres et d'autres biens,

–  vu sa résolution du 27 septembre 2011 sur un cadre stratégique de l'UE pour aider les pays en développement à relever les défis liés à la sécurité alimentaire(1),

–  vu l'article 48 de son règlement,

–  vu le rapport de la commission du développement et l'avis de la commission des droits de la femme et de l'égalité des genres (A7‑0118/2014),

A.  considérant que le terme "droits de propriété" peut se définir comme l'ensemble des règles du droit conventionnel ou coutumier qui régissent les conditions dans lesquelles des individus, des communautés et des acteurs publics ou privés peuvent acquérir et conserver l'accès à des biens corporels ou incorporels; considérant que d'après l'ONU-Habitat, les régimes fonciers peuvent trouver leur source dans le droit conventionnel (pleine propriété, location à bail, location publique ou privée), le droit coutumier ou des prescriptions religieuses, considérant que les orientations européennes en matière de politique foncière indiquent que les droits fonciers ne se limitent pas à la propriété privée stricto sensu, mais peuvent relever d'équilibres entre les droits et les devoirs des individus et les réglementations collectives à différents niveaux,

B.  considérant qu'aujourd'hui encore, 1,2 milliard de personnes dans le monde habitent des propriétés sur lesquelles elles ne possèdent aucun droit formel et vivent sans domicile permanent ou accès à la terre; considérant notamment que plus de 90 % de la population des zones rurales d'Afrique subsaharienne (où 370 millions de personnes sont considérées comme pauvres) accède aux terres et aux ressources naturelles par l'intermédiaire de systèmes fonciers juridiquement incertains, coutumiers et informels;

C.  considérant que la valeur totale des biens extralégaux ou non enregistrés est estimée à plus de 9 300 milliards de dollars, ce qui équivaut à 93 fois le montant total de l'aide extérieure accordée aux pays en développement au cours des trente dernières années;

D.  considérant que si l'objectif du Millénaire pour le développement n° 7 (cible 11) – qui vise à améliorer les conditions de vie de 100 millions d'habitants de bidonvilles d'ici 2020 – a été atteint, le nombre de ces habitants (environ 863 millions de personnes en 2012) continue d'augmenter en valeur absolue; considérant également que, d'après les estimations de l'ONU-Habitat, la population totale des bidonvilles s'élève actuellement à un milliard de personnes et l'on estime qu'elle pourrait atteindre trois milliards d'ici 2050; considérant que l'article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels reconnaît le droit de toute personne à un logement, ainsi qu'à une amélioration constante de ses conditions d'existence;

E.  considérant que, dans les zones rurales, environ 200 millions de personnes (soit près de 20 % des pauvres de la planète) ne disposent pas d'un accès suffisant aux terres pour assurer leur subsistance; considérant que les terres rurales sont soumises à de multiples pressions, notamment la croissance démographique, le changement d'affectation des sols, l'investissement commercial et la dégradation environnementale due à la sécheresse, à l'érosion et à l'appauvrissement des sols en éléments nutritifs, mais aussi les catastrophes naturelles et les conflits; considérant qu'il est nécessaire de garantir les droits fonciers pour favoriser la stabilité sociale, en limitant les incertitudes et les conflits liés aux terres;

F.  considérant que les investisseurs privés et les pouvoirs publics manifestent un intérêt croissant pour l'acquisition ou la location à long terme de vastes surfaces de terres arables, principalement dans les pays en développement d'Afrique et d'Amérique latine;

G.  considérant que l'attribution arbitraire des terres par les autorités politiques alimente la corruption, l'insécurité, la pauvreté et la violence;

H.  considérant que les questions de gouvernance foncière sont intimement corrélées aux principaux défis du XXIe siècle, à savoir la sécurité alimentaire, la raréfaction des ressources énergétiques, la croissance urbaine et démographique, la dégradation de l'environnement, le changement climatique, les catastrophes naturelles ou encore la résolution des conflits, ce qui conforte la nécessité de faire d'une réforme globale de la politique foncière une priorité;

I.  considérant que les normes coutumières régiraient 1,4 milliard d'hectares dans le monde; considérant que les structures de propriété foncière existant en Afrique, en Asie et en Amérique latine diffèrent considérablement les unes des autres et que, lorsqu'elle est entreprise, l'officialisation foncière ne peut passer outre les systèmes coutumiers locaux qui se sont mis en place, qu'il s'agisse de pleine propriété ou de propriété collective;

J.  considérant que la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes accorde les mêmes droits aux femmes et à chacun des époux en matière de propriété et d'acquisition des biens, mais que de nombreux régimes de propriété foncière et de droits de propriété établissent officiellement ou tacitement une discrimination à l'égard des femmes;

K.  considérant que, dans bon nombre de pays en développement, les droits de propriété, la garantie d'accès à la terre et l'accès à l'épargne et au crédit ne sont pas reconnus aux femmes par la société; considérant que, dans un contexte aussi discriminatoire, il est particulièrement difficile pour les femmes de faire valoir juridiquement leurs droits de propriété, et en particulier leurs droits en matière d'héritage,

L.  considérant en particulier que les droits fonciers des femmes dans les pays en développement sont bafoués en raison de l'augmentation du nombre d'opérations d'acquisition foncière à grande échelle par les pays développés pour des besoins commerciaux ou stratégiques tels que la production agricole, la sécurité alimentaire et les productions d'énergie et de biocarburants; considérant que, bien souvent, les femmes n'ont pas la possibilité de recourir à une aide et à une défense juridiques afin de s'opposer avec succès aux violations des droits fonciers dans les pays en développement;

M.  considérant qu'il est important de garantir les droits fonciers des femmes pour réduire la pauvreté, au regard du rôle de producteur alimentaire de ces dernières dans les zones rurales et périurbaines et des responsabilités qu'elles assument pour ce qui est de nourrir leur famille; considérant que, bien qu'elles représentent 70 % des travailleurs agricoles africains, les femmes ne possèdent pas plus de 2 % des terres cultivables; considérant également que, d'après des programmes menés récemment en Inde, au Kenya, au Honduras, au Ghana, au Nicaragua et au Népal, les ménages où la femme est chef de famille bénéficient d'une plus grande sécurité alimentaire et de meilleurs soins de santé et attachent davantage d'importance à l'éducation que les ménages dirigés par des hommes;

N.  considérant que plus de 60 % des personnes souffrant de la faim de façon chronique sont des femmes et des enfants et que, dans les pays en développement, entre 60 et 80 % des denrées alimentaires sont produites par des femmes(2);

O.  considérant que l'on estime à 370 millions le nombre de personnes autochtones à travers le monde qui entretiennent des liens spirituels, culturels, sociaux et économiques forts avec leurs terres traditionnelles, dont la gestion repose généralement sur les communautés locales;

P.  considérant que l'article 17 de la déclaration universelle des droits de l'homme établit que "toute personne, aussi bien seule qu'en collectivité, a droit à la propriété" et que "nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété";

Q.  considérant que la convention n° 169 de l'OIT et la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones prévoient des formes particulières de protection pour l'accès aux terres des populations autochtones;

R.  considérant que l'article 10 de la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones établit que ces peuples ne peuvent être enlevés de force à leurs terres ou territoires et déplacés, et qu'aucune réinstallation ne peut avoir lieu sans leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, et sans un accord sur une indemnisation juste et équitable ainsi que, lorsque cela est possible, sur la possibilité d'un retour;

Droits fonciers, y compris les droits de propriété, et création de richesses

1.  estime que l'existence de droits de propriété enregistrés et reconnus constitue un moteur de croissance économique et représente également un facteur de cohésion sociale et de promotion de la paix;

2.  souligne que le fait de garantir les droits fonciers et de renforcer l'égalité d'accès aux terres offre une base solide pour la subsistance, les perspectives économiques et, dans les zones rurales, la production alimentaire des ménages;

3.  souligne qu'il convient de reconnaître, outre l'établissement de titres fonciers individuels, tout un éventail d'options de substitution en matière de régime foncier, et notamment la possibilité de s'appuyer sur les systèmes fonciers coutumiers pour garantir juridiquement les droits relatifs aux parcelles résidentielles, aux terres agricoles et aux ressources naturelles, comme le préconise l'ONU-Habitat;

4.  souligne que la sécurité foncière des petits exploitants, qui représentent 95 % des propriétaires terriens potentiels dans les pays en développement, est essentielle pour stimuler l'économie locale, améliorer la sécurité alimentaire, réduire les flux migratoires et ralentir le phénomène de l'expansion urbaine sous forme de bidonvilles; signale qu'en Éthiopie, par exemple, la productivité des terres a enregistré une augmentation de 40 % par acre depuis la mise en place d'un système de propriété foncière il y a trois ans(3);

5.  observe avec inquiétude que les traditions culturelles laissent souvent les femmes dans une situation de dépendance vis-à-vis des hommes pour ce qui concerne la sécurité foncière, sans leur accorder de protection juridique; met l'accent sur les obligations internationales des États pour ce qui est de garantir des droits économiques, sociaux et culturels minimaux, ce qui comprend l'obligation des pouvoirs publics de veiller à ce que la gestion des terres ne soit pas discriminatoire, en particulier à l'égard des femmes et des pauvres, et qu'elle n'enfreigne pas d'autres droits de l'homme;

6.  souligne que le fait de responsabiliser les individus en leur permettant de prendre des décisions concernant leurs propres ressources, associé à des dispositions formelles en matière de succession, encourage fortement les petits exploitants à investir durablement dans leurs terres, à mettre en place des systèmes d'irrigation et de culture en terrasses, ainsi qu'à atténuer les effets du changement climatique; relève, à cet égard, que certaines études montrent que les ménages qui possèdent des droits de propriété garantis et transférables sur leurs terres investiront davantage (la probabilité est de 59,8 % supplémentaires) dans des techniques de culture en terrasse que les ménages qui s'attendent à une redistribution au sein du village au cours des cinq prochaines années;

7.  observe qu'un titre de propriété foncière permet d'emprunter des fonds à des taux d'intérêt raisonnables et de les utiliser, par exemple, pour créer et développer une activité; souligne que la protection des droits de propriété peut favoriser un environnement des affaires concurrentiel, au sein duquel peut s'épanouir l'esprit d'entreprise et d'innovation;

8.  reconnaît que la difficulté consiste à surmonter la fracture entre la légalité, la légitimité et la pratique, en créant des mécanismes de propriété foncière fondés sur des normes partagées, à partir de la reconnaissance des droits existants, tout en veillant à ce que les hommes et les femmes, ainsi que les populations vulnérables dans les pays en développement, disposent de droits garantis sur les terres et les biens et soient pleinement protégés contre leur saisie par des groupes d'intérêts;

9.  condamne fermement la pratique d'accaparement des terres, qui consiste notamment à exproprier illégalement les pauvres des zones rurales et les populations traditionnellement nomades, sans leur offrir une indemnisation adéquate; souligne qu'au moins 32 millions d'hectares dans le monde ont fait l'objet d'au moins 886 transactions foncières transnationales à grande échelle de ce type entre 2000 et 2013(4); souligne que ce chiffre sous-estime probablement en grande mesure le nombre de transactions foncières effectivement réalisées;

10.  demande à la Commission et aux États membres de tenir compte, dans leurs politiques d'aide au développement, des opérations d'acquisition foncière à grande échelle par les investisseurs des pays développés dans les pays en développement, plus particulièrement sur le continent africain, qui touchent les agriculteurs locaux et ont des répercussions catastrophiques sur les femmes et les enfants, afin de protéger ceux-ci de l'appauvrissement, de la famine et de l'éloignement forcé de leurs villages et de leurs terres;

11.  souligne que la suppression des incitations publiques et des subventions à la production de biocarburants d'origine agricole représente un moyen de lutter contre l'accaparement des terres;

12.  rappelle que des droits fonciers non garantis et une faible gouvernance exposent les communautés locales à des risques élevés en matière de sécurité alimentaire, de déplacement et d'expropriation des agriculteurs et des éleveurs; prie instamment l'Union, par conséquent, de renforcer les capacités au niveau national des pays en développement en vue d'améliorer leur système de gouvernance;

13.  souligne que tant le pacte international relatif aux droits civils et politiques que le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels reconnaissent le droit à l'autodétermination, défini comme le droit de tous les peuples de disposer librement de leurs richesses et ressources naturelles, et que les deux textes disposent qu'un peuple ne pourra être privé de ses moyens de subsistance; souligne, à cet égard, que les négociations sur la location ou l'acquisition de terres à grande échelle doivent aboutir à une plus grande transparence, à une participation adéquate et en connaissance de cause des populations locales concernées par les locations ou les achats de terres, ainsi qu'à une utilisation responsable des recettes, qui devraient bénéficier à la population locale;

14.  demande à la Commission et aux États membres de vérifier, au sein de l'ONU, les conséquences de ces acquisitions sur la désertification des terres agricoles, sur la perte du droit de résidence et de l'accès à la propriété des femmes, notamment des femmes seules ou chefs de famille, ainsi que sur la sécurité alimentaire et sur la subsistance de leurs enfants, des personnes à leur charge et d'elles-mêmes;

15.  souligne que les accords d'investissement relatifs aux acquisitions ou locations de terres à grande échelle devraient dûment prendre en considération le droit des usagers actuels des terres, ainsi que les droits des travailleurs employés dans des exploitations; est d'avis que les obligations des investisseurs devraient être clairement définies et devraient être opposables, en prévoyant par exemple des mécanismes de sanctions en cas de violation des droits de l'homme; estime que toutes les transactions foncières devraient également inclure une obligation légale selon laquelle un certain pourcentage des récoltes produites devrait être vendu sur le marché local;

Feuille de route pour la garantie des droits fonciers, y compris les droits de propriété, et la mise en place d'une gouvernance foncière durable dans les pays en développement

16.  insiste sur le fait que les réformes foncières doivent être souples et ajustées aux conditions sociales et culturelles locales, par exemple à certaines formes traditionnelles de propriété tribale, et doivent avoir pour objectif de donner une plus grande autonomie aux personnes les plus vulnérables;

17.  souligne que la coexistence de régimes fonciers coutumiers et de modèles coloniaux imposés représente une des principales sources de l'insécurité foncière endémique dans les pays en développement; souligne dès lors qu'il est impératif de reconnaître la légitimité des dispositifs fonciers coutumiers qui accordent des droits légaux aux individus et aux populations et permettent de prévenir les expropriations et les abus de droits fonciers, particulièrement fréquents parmi certaines communautés d'Afrique et dans les grands foyers de population indigène d'Amérique latine;

18.  souligne que la régularisation de la situation des squatteurs urbains a un effet important sur l'investissement résidentiel, certaines études mettant en lumière une hausse du taux de rénovation du logement dépassant les deux tiers;

19.  félicite le Rwanda pour les progrès réalisés en matière foncière qui ont permis de cadastrer l'ensemble du pays dans des délais remarquables;

20.  met en garde contre l'application d'une démarche uniforme pour garantir la sécurité foncière; souligne que c'est lorsqu'ils sont fournis au niveau local que les services officiels d'administration foncière sont les plus efficaces; estime dès lors qu'il peut être nécessaire, pour garantir effectivement les droits fonciers, de réformer les organismes fonciers centralisés, en vue de transférer leurs compétences à des institutions locales et coutumières; estime que l'informatisation des registres fonciers et des systèmes cadastraux peut permettre d'améliorer l'enregistrement des terres;

21.  rappelle que l'agriculture demeure une source fondamentale de revenus, de subsistance et de sécurité alimentaire pour les communautés rurales; note néanmoins que les terres rurales sont soumises à de multiples pressions en raison de la croissance démographique, du changement d'affectation des sols, des investissements commerciaux et des dégradations environnementales dues à la sécheresse, à l'érosion et à l'appauvrissement des sols en éléments nutritifs, ainsi qu'à cause des catastrophes naturelles et des conflits; estime, à cet égard, qu'il est essentiel de garantir la propriété foncière des communautés rurales pour atteindre les OMD; estime que tout un éventail d'instruments politiques peut contribuer à répondre à ces enjeux, pour autant qu'ils soient adaptés en fonction des spécificités locales;

22.  considère que les pouvoirs publics devraient commencer par recenser les systèmes de gestion et de propriété foncières déjà en place, pour s'appuyer sur ces derniers, dans un deuxième temps, au profit des pauvres et des groupes vulnérables;

23.  reste persuadé que la décentralisation de la gestion foncière constitue le meilleur moyen de responsabiliser les individus et les communautés locales et attire l'attention sur la nécessité d'éliminer les pratiques de corruption imposées par les dirigeants locaux par le biais d'accords passés avec des investisseurs étrangers et l'appropriation des terres non enregistrées;

24.  souligne que tout changement dans l'affectation des sols devrait être effectué uniquement avec le consentement préalable, libre et en connaissance de cause des populations locales concernées; rappelle que le droit international prévoit certaines formes spécifiques de protection des droits fonciers des populations autochtones; insiste, conformément à la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, pour que les États mettent en place des mécanismes efficaces de prévention et de recours contre toute mesure ayant pour objectif ou pour effet de déposséder des peuples autochtones de leurs terres, de leurs territoires ou de leurs ressources;

25.  signale qu'en Afrique, la faible proportion de terres enregistrées (10 %) le sont dans le cadre de systèmes de registres vétustes et erronés; souligne que, d'après les estimations de la Banque mondiale(5), les vingt-sept économies ayant modernisé leurs registres au cours des sept dernières années sont parvenues à réduire de moitié le temps nécessaire au transfert de propriété, contribuant ainsi à accroître la transparence, à réduire la corruption et à simplifier l'encaissement des recettes; souligne qu'une des principales priorités de la politique de développement devrait être d'établir des registres fonciers et de les améliorer dans les pays en développement;

26.  rappelle que la sécurité foncière peut être garantie sous diverses formes, pour autant que les droits des usagers et des propriétaires des terres soient clairement établis; rappelle que la sécurité peut être obtenue, outre par les titres officiels, par le recours à des contrats de location clairs et à long terme ou grâce à une reconnaissance officielle des droits coutumiers et des établissements informels, s'accompagnant de mécanismes accessibles et efficaces de règlement des différends; demande à l'Union de concentrer son aide en faveur du renforcement des capacités et des programmes de formation dans les domaines de la gestion des terres, avec pour objectif de garantir les droits fonciers des pauvres et des groupes vulnérables, y compris par l'intermédiaire du cadastre et de l'enregistrement, ainsi que de soutenir les efforts en vue d'équiper les établissements éducatifs dans les pays en développement;

27.  demande également à l'Union de renforcer la capacité des tribunaux des pays en développement à appliquer le droit foncier de manière effective, à résoudre les litiges fonciers et à gérer les expropriations dans le cadre d'une approche globale visant à consolider les systèmes judiciaires et l'état de droit;

28.  invite l'Union à soutenir les pays en développement dans la mise en œuvre de leur réforme foncière afin de promouvoir, notamment, la participation de toutes les parties prenantes, en conjonction avec des programmes de sensibilisation, de façon à ce que les droits de tous les acteurs concernés, en particulier les pauvres et les personnes vulnérables, soient pleinement respectés; cite l'exemple de Madagascar et des guichets fonciers où des initiatives simples et locales ont grandement facilité l'enregistrement des titres;

29.  souligne que la mise en place de politiques fiscales saines, favorisée par le développement de l'enregistrement foncier et par la définition de méthodes de valorisation des terres, entraîne une forte augmentation des recettes annuelles provenant de transactions foncières; signale qu'en Thaïlande, par exemple, le montant de ces recettes a été multiplié par six en dix ans;

30.  note que la reconnaissance officielle des droits fonciers des femmes ne s'accompagne pas automatiquement de la mise en œuvre effective desdits droits; demande à l'Union de prêter une attention particulière, dans le cadre de ses programmes de réforme foncière, à la vulnérabilité des femmes aux changements dans les structures familiales et à la mesure dans laquelle elles peuvent faire respecter leurs droits, ainsi que de veiller à ce que, dans la pratique, le nom des deux époux figure sur les titres de propriété des ménages;

31.  demande à la Commission et aux États membres de veiller, dans leurs politiques humanitaires et de développement, à ce que les pays en développement mettent en place des mesures législatives visant à promouvoir l'égalité des sexes et l'élimination de la discrimination fondée sur l'appartenance à une ethnie, la race et l'état civil en matière de droits de propriété, et se penchent sur des solutions permettant de lever les lourdes contraintes sociales, politiques et culturelles qui pèsent sur l'acquisition de droits fonciers;

32.  demande aux délégations de l'Union européenne dans les pays en développement de veiller à ce que les droits de propriété des femmes ne soient pas violés, pour éloigner le risque de pauvreté et d'exclusion sociale auquel celles-ci sont exposées;

33.  invite l'Union à soutenir les efforts déployés par les pays en développement pour réformer les marchés de la location foncière, afin de fournir aux pauvres un accès aux terres et de favoriser la croissance, tout en évitant d'imposer des restrictions excessives sur les marchés locatifs;

Placer les droits fonciers au cœur de la politique de développement de l'Union

34.  souligne que les acquisitions de terres à grande échelle sont, entre autres, une conséquence directe de la mauvaise gouvernance foncière dans les pays en développement; ; insiste sur le fait que l'aide fournie par l'Union devrait contribuer à mettre en place les capacités institutionnelles requises pour garantir les droits fonciers afin de lutter contre les situations de rente, l'inertie bureaucratique, la corruption et l'impunité;

35.  se félicite que l'Union ait décidé de participer à des initiatives mondiales visant à surveiller les transactions foncières à grande échelle; souligne qu'en tant qu'acteur mondial de premier plan dans le domaine du développement, l'Union a la capacité d'élargir son action actuellement limitée, tant en matière de champ d'application que de visibilité, de façon à traiter également les questions de propriété foncière;

36.  fait observer que l'Union doit s'efforcer, outre d'améliorer les systèmes de droits de propriété dans les pays en développement, de veiller à ce que les individus aient accès à des systèmes de protection sociale et d'assurance pour préserver leurs moyens de subsistance et protéger leurs biens en cas de catastrophe ou de choc;

37.  appelle à la mise en œuvre des directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts;

38.  exhorte la Commission à établir une ligne budgétaire spécifique et à passer d'une perspective à petite échelle à une réforme globale de la gouvernance foncière à long terme en vue de rationaliser les régimes fonciers;

39.  souligne que le défi consistant à garantir les droits fonciers des personnes déplacées et des réfugiés est vraisemblablement amené à se complexifier en raison des pressions exercées par le changement climatique; prie dès lors instamment l'Union d'intensifier l'aide qu'elle fournit en matière d'inclusion des droits fonciers dans la réponse humanitaire ou de développement aux catastrophes naturelles et aux conflits civils, les politiques foncières devant garantir les droits fonciers des différents groupes ethniques, sociaux ou générationnels de manière équitable;

40.  invite la Commission et les États membres à faire en sorte que les femmes puissent bénéficier de leurs droits en matière d'accès à la terre, de succession, d'accès au crédit et à l'épargne dans les situations d'après-conflit, en particulier dans les pays où les droits des femmes ne sont pas juridiquement opposables, ni reconnus par la société et où les lois qui consacrent des inégalités entre les hommes et les femmes, les attitudes traditionnelles envers les femmes et les hiérarchies sociales dominées par les hommes font obstacle à l'obtention par les femmes de droits égaux et justes; demande à l'Union de promouvoir la participation de l'entité ONU Femmes, récemment créée, à cette démarche.

41.  se félicite de l'initiative sur la transparence foncière lancée par le G8 en juin 2013, sur la base de l'initiative pour la transparence du secteur des industries extractives et de la prise de conscience du fait que la transparence relative à la propriété des entreprises et des terres, associée à une garantie ferme des droits fonciers et à l'existence d'institutions solides, est essentielle à la réduction de la pauvreté; souligne néanmoins que ces efforts doivent être intensifiés afin de faciliter la mise en œuvre de réformes foncières efficaces;

42.  réitère l'engagement de l'Union en faveur de l'éradication de la pauvreté à travers le monde dans le contexte du développement durable et réaffirme qu'elle doit intégrer une dimension forte d'égalité hommes-femmes dans l'ensemble des politiques et pratiques ayant trait à ses relations avec les pays en développement(6);

43.  souligne la nécessité de renforcer les politiques destinées à placer les femmes et les hommes sur un pied d'égalité en matière d'accès à la propriété dans les pays en développement; estime que cet élément doit être pris en considération dans les programmes par pays et s'accompagner des mécanismes d'appui financier nécessaires (épargne, crédit, subventions, microcrédit, assurances, etc.); est d'avis que cette intensification des politiques débouchera sur une plus grande autonomie des femmes ainsi que des ONG et sera de nature à promouvoir l'entrepreneuriat féminin; considère que cette action améliorera la culture juridique et financière des femmes, renforcera l'éducation des filles, accroîtra la diffusion et l'accessibilité de l'information, mettra en place des services d'aide juridique et assurera une formation de sensibilisation à la dimension hommes-femmes pour les prestataires de services financiers;

44.  demande à la Commission et aux États membres d'œuvrer activement, dans le cadre de leurs politiques d'aide au développement, en faveur de l'entrepreneuriat féminin et des droits de propriété des femmes, dans le but d'accroître l'indépendance financière des femmes par rapport à leur mari et de renforcer l'économie des pays;

45.  rappelle que le 15 octobre a lieu la journée mondiale de la femme rurale et invite l'Union européenne et les États membres à promouvoir des campagnes de sensibilisation dans les pays en développement;

o
o   o

46.  charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission, ainsi qu'aux gouvernements et aux parlements des États membres, au secrétaire général des Nations unies, au président de la Banque mondiale, à l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est, à l'Assemblée parlementaire euro-latino-américaine et à l'Assemblée parlementaire paritaire ACP‑UE.

(1)JO C 56 E du 26.2.2013, p. 75.
(2)Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), Synthèse n° 5 – Perspectives économiques et sociales, août 2009.
(3)USAID/Éthiopie, http://ethiopia.usaid.gov/programs/feed-future-initiative/projects/land-administration-nurture-development-land
(4)http://www.landmatrix.org/get-the-idea/global-map-investments/
(5)2012b. , Washington: Banque mondiale.
(6)JO C 46 du 24.2.2006.

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